Pacte d’actionnaires – clause de non-concurrence
T. com. Paris, 23 déc. 2016, no 2016048133
M. Pierre M. a été embauché comme actuaire en 2001 par la société Actuaris, son contrat de travail comportant une clause de non-concurrence. Devenu associé, il a conclu le 22 juin 2009 avec le groupe majoritaire un pacte d’actionnaires prévoyant également une clause de non-concurrence valable deux ans après la vente de ses actions. En octobre 2015, M. M. démissionne, est libéré de sa clause de non-concurrence en tant que salarié et cède ses actions Actuaris. Il demande aux actionnaires d’être libéré de la clause de non-concurrence contenue dans le pacte d’actionnaires mais essuie un refus.
M. M. assigne les actionnaires le 5 août 2016 pour que la clause de non-concurrence du pacte soit déclarée nulle et inopposable pour défaut de contrepartie financière. Les défendeurs soulèvent une fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale et, au fond, soutiennent la validité de la clause.
Le tribunal dit la demande de M. M. recevable et y fait droit aux motifs suivants :
« Sur la prescription :
Attendu que M. M. a conclu le 22 juin 2009 avec le groupe majoritaire un pacte d’actionnaires contenant une clause de non-concurrence à laquelle il s’engageait,
Que les défendeurs font valoir que plus de cinq ans s’étaient écoulés depuis cette date lorsque la présente instance a été introduite et que l’action est en conséquence prescrite,
Mais attendu que la validité d’une clause de non-concurrence insérée dans un pacte d’actionnaires est aussi subordonnée, si l’actionnaire est également salarié, à l’existence d’une contrepartie financière,
Que, lors de la conclusion du pacte du 22 juin 2009, M. M., qui était à la fois actionnaire et salarié, était déjà tenu par une obligation de non-concurrence en tant que salarié et bénéficiait, en application de celle-ci, d’une contrepartie financière,
Que, cependant, M. M., qui avait démissionné le 14 octobre 2015, et dont les actions avaient été subséquemment rachetées en application du pacte, avait été libéré le 26 octobre 2015 de l’engagement de non-concurrence auquel il avait souscrit en tant que salarié, ce qui supprimait en conséquence la contrepartie financière prévue,
Que cette suppression créait nécessairement une situation nouvelle s’agissant de la validité de la clause de non-concurrence du pacte d’actionnaires, car, s’il en était autrement, tout employeur pourrait librement contourner le droit social en insérant une clause de non-concurrence non rémunérée dans un pacte d’actionnaires, clause valide au motif que l’actionnaire salarié est déjà créancier d’une obligation de rémunération au titre d’une clause contenue dans son contrat de travail, puis en supprimant cette dernière cinq ans après,
Qu’en conséquence le tribunal dira que la libération de M. M. de sa clause de non-concurrence en tant que salarié le 26 octobre 2015 a ouvert à M. M. une nouvelle action relative à la validité de la clause concernée du pacte d’actionnaires et que cette action n’était évidemment pas prescrite lors de l’introduction de l’instance en 2016,
Sur la validité de la clause :
Attendu, comme il a été dit ci-dessus, que la validité d’une clause de non-concurrence insérée dans un pacte d’actionnaires est subordonnée, si l’actionnaire est également salarié, à l’existence d’une contrepartie financière,
Que, lors de la conclusion du pacte d’actionnaires et jusqu’au 26 octobre 2015, une telle contrepartie existait du fait de la clause de non-concurrence qui liait également M. M. en tant que salarié,
Mais attendu qu’à partir du 26 octobre 2015 cette contrepartie, attachée à sa qualité de salarié, n’existait plus alors que la clause de non-concurrence du pacte d’actionnaires devait, selon les dispositions de celui-ci, s’appliquer pendant deux ans encore,
Que cette clause n’était alors plus valide et que le tribunal déclarera en conséquence la clause caduque à compter du 26 octobre 2015 ».