Arbitrabilité et contentieux des droits de propriété intellectuelle en droits OAPI et OHADA
La rareté de l’arbitrage, dans les systèmes OAPI et OHADA, du contentieux des droits de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI crée une suspicion quant à son arbitrabilité. Pourtant, il existe dans l’espace géographique couvert par l’OHADA et l’OAPI, un marché fonctionnel de l’arbitrage OHADA et un nombre considérable de litiges en matière de propriété intellectuelle administrée par l’OAPI. La prospérité souhaitée des arbitrages OHADA et OAPI, dans cette catégorie de contentieux, dépend de la levée des incertitudes sur son arbitrabilité, ce qui pose en droit le problème de la qualité des critères légaux d’arbitrabilité. L’impératif de sécurité juridique impose la détermination de critères légaux intelligibles. Malheureusement, l’intelligibilité voulue des critères des droits OHADA et OAPI n’est qu’apparente, ce qui rend l’identification des litiges non arbitrables relativement difficile. Une solution consisterait à consacrer un critère d’arbitrabilité réellement intelligible. À cette fin, le critère unique des droits allemand et suisse fondé sur la nature patrimoniale du litige peut être exploré.
1. L’éloignement de l’arbitrage du contentieux des droits de propriété intellectuelle n’est désormais qu’un lointain souvenir. Il a été très vite démontré que les deux avaient « tout pour être heureux »1. Le règlement par voie d’arbitrage des conflits de propriété intellectuelle fait de plus en plus l’objet d’une littérature juridique importante2. Sur le plan international, l’engouement pour la soumission de ces conflits à l’arbitrage est perceptible3. Mais cette réalité encourageante est en net déphasage avec la pénurie du contentieux arbitral de résolution des litiges de propriété intellectuelle conférée par l’OAPI4 dans l’espace éponyme. Certes, le dispositif du règlement des conflits concernant les droits de propriété intellectuelle mis en place par l’accord de Bangui révisé (ABR), acte de 1999, actuellement en vigueur, n’a pas prévu le recours à l’arbitrage, mais il n’est pas nécessaire qu’un tel recours soit préalablement consacré et organisé par l’OAPI pour que triomphe dans l’espace éponyme la résolution des litiges de propriété intellectuelle administrée par cette organisation. Il est loisible aux litigants de recourir à n’importe quelle autre juridiction arbitrale instituée dans l’espace OAPI5, et ce, d’autant plus qu’une autre organisation, l’OHADA6, qui partage avec l’OAPI le même espace géographique avec quasiment les mêmes États membres7 a mis en place un système d’arbitrage qui fonctionne.
2. L’arbitrage dans l’espace géographique couvert par l’OHADA/OAPI a connu un essor considérable grâce aux effets combinés du traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires8, de l’acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage (AUA)9 et de la mise en place d’un système d’arbitrage institutionnel sous l’égide de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) institué par le traité. Un marché sous-régional africain de l’arbitrage existe et est articulé autour d’un arbitrage traditionnel10 et d’un arbitrage institutionnel11. Potentiellement, les activités de ce marché sont appelées à accroître en volume par l’effet de l’acte de révision de l’ABR adopté à Cotonou en 2015, connu sous le nom de l’ABR, acte de 2015, qui dispose à travers son article 4, alinéa 2, que « tous les litiges portant sur l’application du présent accord (accord de Bangui) et de ses annexes peuvent être réglés par voie d’arbitrage ». L’article 34, alinéa 1, du même acte précise qu’« il est créé au sein de l’organisation, un centre d’arbitrage et de médiation (CAM/OAPI) rattaché à la direction générale, chargé de promouvoir le règlement extrajudiciaire des litiges de propriété intellectuelle ». L’alinéa 2 du même article souligne que « l’organisation et le fonctionnement du centre, ainsi que les dispositions relatives à l’arbitrage (…) sont déterminés par des règlements adoptés par le conseil d’administration ». En application de cet alinéa 2, le conseil d’administration a adopté le règlement portant création et organisation du centre d’arbitrage et de médiation ainsi que le règlement d’arbitrage du centre d’arbitrage et de médiation de l’OAPI (RACAM/OAPI). Mais ce système d’arbitrage OAPI, juridiquement déjà entré en vigueur, ne fonctionne pas encore, probablement en attente de l’aboutissement de la ratification en cours de l’ABR, acte de 2015.
3. Le recours au système d’arbitrage OHADA pour régler le contentieux des droits de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI est encore anecdotique. Cette faible sollicitation de l’arbitrage OHADA pour régler ce contentieux crée une suspicion sur son arbitrabilité entendue comme l’aptitude d’un litige à être tranché par voie d’arbitrage12. Cette suspicion est d’autant plus justifiée que ce contentieux est important en volume13 et devrait connaître une augmentation considérable avec l’émergence des secteurs de propriété intellectuelle conflictogènes14 comme ceux des noms de domaine, des films et des médias. En outre, certains actes uniformes OHADA contiennent des dispositions relatives aux propriétés intellectuelles15 en même temps que certaines annexes de l’ABR, actes de 1999 et de 2015, visent les matières relevant des actes uniformes16. Ce point de contact aurait dû en pratique faciliter la saisine des juridictions arbitrales de l’OHADA à l’effet de connaître des litiges de propriétés intellectuelles conférés par l’OAPI.
Inévitablement, la soumission possible et attendue des litiges de propriété intellectuelle aux juridictions arbitrales de l’OHADA ou de l’OAPI s’intensifiera, car les deux organisations poursuivent l’objectif principal de sécurité juridique et judiciaire en mettant un accent particulier sur la promotion de l’arbitrage comme moyen de règlement des litiges. Dans ce sens, pour faciliter l’arbitrage des litiges, elles ont consacré un droit de l’arbitrage unique en uniformisant le régime juridique de l’arbitrage à travers l’uniformisation de la notion d’arbitrage qui supprime la distinction entre arbitrage interne et arbitrage international17. Toutefois, pour que ces facteurs agissent de manière décisive sur la prospérité du règlement par voie d’arbitrage du contentieux de la propriété intellectuelle dans l’espace OAPI/OHADA, il faudra, non seulement, vaincre le poids des habitudes, mais aussi et surtout, surmonter les craintes et faire disparaître les incertitudes concernant l’arbitrabilité18. La question de l’arbitrabilité charrie beaucoup d’incertitudes. Un auteur avisé affirme dans ce sens que « l’arbitrabilité est une question abstraite, délicate, mal cernée, fuyante, et qui suscite un certain nombre de malentendus, voire de contresens »19.
4. Toutefois, Il est courant, parce que ce sont deux aspects de l’arbitrabilité, de distinguer arbitrabilité subjective et arbitrabilité objective. La première renvoie à la capacité des personnes à recourir à l’arbitrage. Sur ce point, la capacité des personnes privées n’a jamais posé de problème. Celle des personnes morales de droit public était discutée20. Cette controverse a été tranchée explicitement par les législateurs OHADA et implicitement par le législateur OAPI. Désormais, les personnes morales de droit public peuvent être partie à un arbitrage, ce qui enlève à la distinction son intérêt et ne donne pertinence qu’au concept d’arbitrabilité objective. Cette dernière est centrée sur l’objet du litige et non sur la personne du litigant. Elle pose en droit la problématique centrale des critères légaux qui permettent d’identifier un litige comme étant arbitrable. Cette question est devenue complexe depuis que les législateurs OHADA et OAPI ont abandonné la technique d’identification des matières arbitrables par définition de celles qui sont inarbitrables pour embrasser la méthode de la détermination des matières arbitrables par indication des critères positifs d’arbitrabilité. La définition de ces critères n’a pas évacué la difficulté à cerner l’arbitrabilité des litiges, notamment de propriété intellectuelle. Elle semble même l’avoir plutôt complexifiée. La doctrine21 contribue à la complication de cette question en ne permettant pas toujours de saisir la distance entre opinion doctrinale et droit positif, et parfois, entre droit positif étranger et droit en vigueur dans l’espace OHADA/OAPI. La pénurie, dans cet espace, du contentieux arbitral des droits de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI accentue la complexification. Il devient pressant de résoudre cette complexité par la dissipation de la confusion et de l’incertitude. Ces deux derniers facteurs entretiennent l’imprévisibilité qui est source d’insécurité juridique. L’identification, en pratique, des différends de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI arbitrables et non arbitrables doit être limpide. L’impératif de sécurité juridique exige alors une détermination des critères d’arbitrabilité des litiges de propriété intellectuelle intelligibles dans leur contenu et leur portée. Ce souci a été celui des législateurs OHADA et OAPI ; malheureusement une lecture attentive des critères légaux consacrés montre que l’intelligibilité voulue n’est finalement qu’apparente (I) et qu’il est désormais relativement malaisé d’identifier les litiges de propriété intellectuelle inarbitrables (II). Cette difficulté suscite de temps en temps la nostalgie de l’ancienne méthode de liste qui énumérait les litiges non arbitrables.
I – L’apparente intelligibilité des critères légaux d’arbitrabilité du contentieux de la propriété intellectuelle en droits OHADA et OAPI
Les critères légaux d’arbitrabilité consacrés sont à première lecture clairs et aisément compréhensibles. Un essai de classification de ceux-ci dégage, d’une part, un critère commun aux droits OHADA et OAPI, et, d’autre part, des critères propres à chaque ordre juridique. Mais, une analyse plus approfondie de ceux-ci montre que la clarté du critère commun est brouillée (A) alors que celle des critères spécifiques est obscurcie (B).
A – La clarté brouillée du critère légal commun
5. En droit OHADA et OAPI, un litige de propriété intellectuelle ne peut être arbitrable que s’il s’agit d’un différend d’ordre contractuel. C’est un critère d’arbitrabilité que l’on retrouve dans les deux ordres juridiques. Commun et simple dans son énoncé, ce critère devrait a priori permettre l’identification aisée des différends de propriété intellectuelle arbitrables dans les systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI. Mais tel n’est pas toujours le cas, le critère du différend d’ordre contractuel (1) est perturbé dans sa clarté (2).
1 – Un différend d’ordre contractuel, critère légal commun
Un rappel des prévisions des textes OHADA et OAPI (a) qui consacrent le critère commun permet de saisir la portée de ce celui-ci (b).
a – Les prévisions des textes OHADA et OAPI
6. En droit OHADA, le critère du litige d’ordre contractuel tire son fondement de l’article 21 du traité OHADA qui dispose qu’« en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat (…) peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage (…) ». Ce critère est également consacré par l’article 2 de la version 2017 du règlement d’arbitrage CCJA (RACCJA). Les règlements d’arbitrage de certains centres d’arbitrage qui se sont multipliés dans l’espace OHADA reprennent aussi ce critère.
En droit OAPI, ce critère est fondé sur l’article 2 du règlement portant création et organisation du centre d’arbitrage et de médiation de l’OAPI. Cet article affirme que « le centre a pour mission de procurer une solution arbitrale lorsqu’un différend d’ordre contractuel (…), en matière de propriété intellectuelle, de caractère national ou international, en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, lui est soumis par toute partie (…) ».
Il se dégage clairement des dispositions ci-dessus exposées que l’ordre contractuel d’un litige de propriété intellectuelle est la pierre de touche de son arbitrabilité dans les systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI. On est là à la lisière de la portée de ce critère.
b – La portée du critère du différend d’ordre contractuel
7. La mesure de la portée du critère du différend d’ordre contractuel permet d’identifier concrètement les litiges de droit de propriété intellectuelle arbitrables sur le fondement de ce critère. D’après ce critère, en matière de droit de propriété intellectuelle qui se subdivise en propriété industrielle et en propriété littéraire et artistique, tous les litiges portant sur un contrat d’exploitation peuvent être arbitrés dans les systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI. Mais, s’agissant de l’OAPI, l’article 2, alinéa 2, c), du RACAM/OAPI précise qu’il doit s’agir des droits de propriété intellectuelle pouvant faire l’objet d’un arbitrage. Cette affirmation véhicule un sous-entendu qui est celui de l’existence en droit OAPI de l’arbitrage des droits de propriété intellectuelle qui ne seraient pas arbitrables. Il est certain que, lorsqu’un contrat de propriété intellectuelle n’entretient aucun lien avec des sujétions qui soustraient l’objet du litige à la volonté des parties, le litige qui y tire sa source peut être arbitré. Les textes pertinents du droit de l’arbitrage OHADA et OAPI ci-dessus rappelés ayant visé « un différend d’ordre contractuel », il faut conclure que le périmètre des litiges contractuels arbitrables par le centre d’arbitrage et de médiation de l’OAPI (CAM/OAPI) et par la CCJA n’intègre que les différends nés de l’exécution ou de l’interprétation du contrat. Les litiges qui prennent leur source en dehors de ce périmètre, à l’instar de ceux qui se situent dans la phase précontractuelle ou dans la phase post-contractuelle ne devraient pas relever de la compétence de la CCJA ou du CAM/OAPI au titre de litiges d’ordre contractuel.
8. Sous réserve des interdictions fixées par la loi, le titulaire du droit de propriété intellectuelle peut conclure toutes sortes de contrats portant sur l’exploitation de son droit.
Pour les contrats de propriété industrielle, l’ABR, acte de 2015, vise expressément les actes de transmission de propriété ; les concessions du droit d’exploitation ou les cessions de celui-ci, partiellement ou en totalité, le gage ou mainlevée de gage22. Mais en réalité tout type de contrat peut être conclu et faire l’objet d’un arbitrage, on pense par exemple à l’apport en société d’un titre de propriété industrielle, au prêt du brevet ou d’une marque, etc. En pratique, le contentieux contractuel des créations techniques se concentre généralement sur le non-paiement des royalties, le renouvellement de la concession de licence, l’étendue des droits concédés, la garantie due par le titulaire du titre de propriété industrielle, etc. Tandis que les litiges liés au contrat d’exploitation des signes distinctifs, comme les marques, portent généralement sur les contrats de cession et les contrats de licence. Toutefois, le contentieux des actes d’exploitation de la marque collective de certification ne peut faire l’objet d’un arbitrage sur le fondement du critère du différend d’ordre contractuel parce que cette catégorie de marque n’est pas cessible23. On comprend mieux le sous-entendu contenu dans les dispositions de l’article 2, alinéa 2, c), du RACAM/OAPI précité qui indiquent que ne sont arbitrables que les droits de propriété intellectuelle pouvant faire l’objet d’un arbitrage.
Pour les contrats de propriété littéraire et artistique, y compris ceux portant sur les expressions culturelles traditionnelles, l’ABR, acte de 2015, vise des contrats de cession des droits patrimoniaux d’auteur ou de titulaire de droits voisins, les licences d’exploitation, les contrats d’édition, les contrats à compte d’auteur, les contrats dit de compte à demi, les contrats de représentation, les contrats de production audiovisuelle et d’autres contrats que la loi nationale sur le droit d’auteur et droits voisins pourra consacrer24.
L’énumération ci-dessus des litiges de propriété intellectuelle arbitrables sur le fondement du critère d’ordre contractuel ne porte que sur le contentieux évident. Elle ne doit pas faire illusion en faisant croire que la formule de l’article 21 du traité OHADA est de compréhension aisée qui facilite la détermination des litiges de propriété intellectuelle arbitrables. En réalité sa portée est perturbée par des facteurs qui sèment le doute sur l’arbitrabilité des autres litiges de propriété intellectuelle.
2 – Un critère légal commun perturbé dans sa clarté
La clarté du critère légal commun est perturbée dans sa signification (a) et sa portée (b).
a – Les perturbations de la signification du critère légal commun
9. La première perturbation de la signification du critère légal commun vient de l’usage de l’expression « toute partie » à un contrat dans le libellé de l’article 21 du traité OHADA et celui de l’article 2 du règlement portant création et organisation du centre d’arbitrage et de médiation de l’OAPI. Cette expression signifie qu’il n’y a pas lieu de circonscrire le critère du différend d’ordre contractuel à un contrat spécifique. Ce critère recouvre toutes les variétés de contrats de propriété intellectuelle qui peuvent être des contrats commerciaux, des contrats civils, des contrats d’État ou même des contrats mixtes.
Toutefois, il y a une catégorie de contrat qui ne rentre pas dans ce critère parce qu’elle est inadaptée à l’arbitrage. Il s’agit des contrats déséquilibrés que l’on retrouve en droit de la propriété intellectuelle. Ces contrats mettent en place des relations contractuelles dans lesquelles une partie est sous la domination de l’autre. Ce déséquilibre est incompatible avec l’arbitrage qui d’après Henri Motulsky « (…) suppose un équilibre des forces : partout où cet équilibre est rompu, l’arbitrage s’asphyxie (…). L’arbitrage est à déconseiller dès lors que les parties ne se trouvent pas au même niveau »25. En effet, il n’est pas admis, sur le fondement de l’ordre public de protection, qu’une partie considérée comme en situation de faiblesse dans le rapport contractuel renonce par avance à un droit non encore acquis. L’arbitrage étant perçu comme pouvant affecter l’exercice effectif de ses droits par la personne protégée, il est impossible d’y recourir tant que la situation de dépendance ou de faiblesse perdure. En revanche, dès la disparition de la situation de faiblesse, la personne jadis protégée recouvre la libre disponibilité de son droit et peut, si elle le souhaite, recourir à l’arbitrage. On comprend dès lors que l’inarbitrabilité n’affecte que la clause compromissoire qui intervient au cours de la période de dépendance26.
10. Cette première perturbation dans la signification du critère commun est aggravée par la difficulté de déterminer la date à laquelle un droit protégé par l’ordre public de protection devient disponible27. Certains droits sont acquis dès la conclusion du contrat. En ce cas, la conclusion d’une convention d’arbitrage pourrait intervenir après la conclusion du contrat et avant la naissance du litige. D’autres droits ne sont au contraire acquis qu’au fur et à mesure de l’exécution du contrat. La renonciation à ceux-ci ne sera donc possible qu’au fur et à mesure de l’exécution du contrat et de leur acquisition. Dans cette hypothèse, la conclusion d’une convention d’arbitrage ne sera possible que dès l’acquisition du droit. Pour d’autres encore, leur acquisition ne suffit pas pour que leur titulaire puisse y renoncer, notamment parce qu’ils sont encore sous dépendance de l’autre partie qui se prolonge après l’acquisition du droit en question. Ils ne pourront y renoncer qu’après la cessation de l’état de dépendance. En d’autres termes, l’état de dépendance ferme la voie à la clause compromissoire28, mais non à tous les compromis.
À travers la formule utilisée par les législateurs OHADA et OAPI on perçoit une volonté d’élargir le champ du contentieux des droits de propriété intellectuelle arbitrables, mais cette volonté est contrariée par le contenu du critère commun. Au moins temporairement, les contrats déséquilibrés ne pourront pas faire l’objet d’un arbitrage. Ainsi par exemple, le doute subsiste sur l’arbitrabilité du contentieux relatif à l’invention réalisée dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail.
11. La seconde perturbation de la signification du critère commun vient de sa formule : « différend d’ordre contractuel ». Cette formule couvre logiquement tout différend relatif à l’exécution et à l’interprétation du contrat parce que c’est à ce moment que le contrat existe et que les parties sont des contractants29. Les différends relatifs à la formation du contrat ou à l’extinction de celui-ci ne rentrent normalement pas dans son champ d’application parce que, dans le premier cas, le contrat n’existe pas encore30 et, dans le second cas, il n’existe plus. Dans l’un ou l’autre cas, les parties ne sont pas des contractants. Cette compréhension sème le doute, par exemple, sur l’arbitrabilité des litiges nés de la négociation des contrats de propriété intellectuelle dans l’arbitrage institutionnel CCJA. Pour plus de clarté, le législateur OHADA aurait dû viser l’expression « différends d’origine contractuelle »31 ou adopter une formule exempte d’équivoque comme celle contenue dans le règlement d’arbitrage de la chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar qui vise « tout différend découlant de ce contrat ou en relation avec lui, y compris toute question concernant son existence, sa validité ou son expiration ». Le législateur OAPI procède à une clarification de manière radicale. En effet, l’article 2 du RACAM/OAPI ne mentionne plus expressément que le litige en matière de propriété intellectuelle doit être « d’ordre contractuel ». Cet article parle strictement de « différend » sans indiquer sa source ou sa nature. Certainement pour marquer l’indifférence de celle-ci sur l’arbitrabilité d’un litige de propriété intellectuelle qui désormais pourrait être de toute nature.
Les doutes suscités par la signification de la formule du critère commun ne sont pas les seules perturbations de l’intelligibilité du critère du litige d’ordre contractuel. Les perturbations concernent aussi la portée de ce critère.
b – La perturbation de la portée du critère commun
12. L’arbitrage institutionnel est une composante du système d’arbitrage. Il forme avec l’arbitrage traditionnel un tout constitutif de ce système. La portée ou le rayonnement du critère commun pose le problème de l’applicabilité de ce critère dans tout le système d’arbitrage. Autrement dit, le critère du différend d’ordre contractuel peut-il fonder l’arbitrabilité d’un litige dans l’arbitrage traditionnel ? Cette question ne se pose que pour le système d’arbitrage OHADA qui connaît les deux types d’arbitrage. Le doute persistant sur l’insertion de la formule de l’article 21 du traité OHADA dans le système d’arbitrage OHADA perturbe l’intelligibilité du critère du différend d’ordre contractuel.
13. Le trouble annonciateur de la perturbation vient du traité OHADA qui utilise deux expressions distinctes. Le préambule du traité vise les différends contractuels quand il dispose que les « hautes parties contractantes au traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (…) désireuses de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels », pendant que l’article 21 du même traité parle de « différend d’ordre contractuel ». Les deux expressions ne renvoient pas nécessairement à la même réalité. Différend contractuel peut renvoyer strictement au différend prévu dans le contrat alors que différend d’ordre contractuel peut signifier différend qui prend sa source dans le contrat même s’il n’y a pas été expressément mentionné. La signification stricte de la formule employée par le préambule pourrait aboutir à ne donner effet qu’à une clause compromissoire au détriment du compromis, alors que manifestement cette limitation n’est pas conforme à l’esprit du législateur qui en consacrant l’arbitrage envisage les deux sources que sont la clause compromissoire et le compromis ainsi que les deux types d’arbitrage.
14. La perturbation proprement dite est provoquée par l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA) qui est muet sur le critère du « différend d’ordre contractuel ». Doit-on comprendre de ce mutisme que pour l’arbitrage traditionnel qui s’appuie sur l’AUA le critère du différend d’ordre contractuel n’est pas un critère d’arbitrabilité des litiges ? Dans l’affirmative, on enregistrerait dans le même système d’arbitrage des critères différents selon qu’on emprunte la voie de l’arbitrage traditionnel ou celle de l’arbitrage institutionnel. L’admission difficile d’une telle divergence avait conduit certains auteurs à interpréter ce silence comme un oubli du législateur32. Le nouvel AUA adopté en 2017 a reconduit ce mutisme. Il n’est donc plus possible d’y voir un oubli, mais plutôt un choix délibéré qui exprime une position du législateur OHADA. Mais cette position fait désordre à l’intérieur d’un même système d’arbitrage sur le même espace géographique. Non seulement elle fragilise la prévisibilité qui est gage de sécurité juridique, mais aussi, elle contrarie l’attractivité du système d’arbitrage OHADA recherchée par le législateur.
L’AUA dans son visa cite le traité, ce qui traduit l’affiliation entre le traité et l’AUA et souligne, en même temps, la nécessité de la conformité du second au premier pour garder l’unité de conception de l’arbitrage dans tout le système OHADA de l’arbitrage. Le silence de l’AUA installe un doute sur l’arbitrabilité des litiges contractuels de propriété intellectuelle dans l’arbitrage traditionnel OHADA. Ce doute est heureusement relativisé par les critères d’arbitrabilité propres au droit OHADA, d’une part, et au droit OAPI, d’autre part. Ces critères induiraient l’arbitrabilité des litiges extracontractuels33 bien que la clarté de chaque critère soit aussi obscurcie.
B – La clarté obscurcie des critères légaux spécifiques
À côté du critère commun, chaque ordre juridique a consacré un critère qui lui est propre. Le différend portant sur un droit dont on a la libre disposition est le critère spécifique au droit OHADA (1) alors que le différend d’ordre non contractuel est le critère particulier au droit OAPI (2). Les formules consacrées dans chacun des ordres juridiques sont simples dans leur énoncé et semblent être de compréhension facile : ce n’est là que de l’affichage. En réalité, elles sont floutées dans leur portée.
1 – Un différend portant sur un droit dont on a la libre disposition, critère spécifique au droit OHADA
Une présentation de la notion du droit dont on a la libre disposition (a) facilite la mise en exergue des traits qui obscurcissent ce critère (b).
a – La notion de droit dont on a la libre disposition
15. Ce critère est prévu par l’article 2 de l’AUA qui dispose que « toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ». D’emblée, il convient de signaler que la formule de l’article 2 de l’AUA vise les droits subjectifs. Le critère du droit dont on a la libre disposition est clairement énoncé et peut même être compris sous une formulation voisine au moyen de l’expression de « droits sur lesquels on peut transiger » ou de droit qui est « sous la totale maîtrise de son titulaire à telle enseigne qu’il peut tout faire à son propos et notamment l’aliéner, voire y renoncer »34. Ce critère légal n’est pas une catégorie juridique, sa compréhension peut être explorée à partir de deux pistes.
16. La première piste appréhende le critère à partir des visages du droit dont on a la libre disposition. Certains droits, y compris de propriété intellectuelle, peuvent exister à l’état de droits indisponibles, mais devenir disponibles dans certains de leurs effets, c’est le cas du droit de suite en matière de propriété littéraire et artistique. Ce droit est le droit inaliénable de participation des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques et de manuscrits au produit de vente de ces œuvres ou de ces manuscrits aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant35. Le litige portant sur le droit de suite d’un auteur n’est pas arbitrable parce que ce droit n’est pas de libre disposition, son titulaire ne peut l’aliéner. En revanche, les litiges relatifs aux produits de vente des œuvres graphiques et plastiques sont arbitrables parce que ces produits de vente sont disponibles et l’auteur peut y renoncer.
D’autres peuvent ne pas être de libre disposition à l’état de droits éventuels et devenir de libre disposition dès qu’ils sont nés et actuels. C’est par exemple, le cas des droits de la partie faible dans un contrat déséquilibré, ses droits deviennent disponibles et arbitrables dès la cessation de l’état de faiblesse. D’autres encore dont on a la libre disposition par nature peuvent devenir indisponibles par la volonté des parties qui choisissent de sélectionner par une clause compromissoire le litige arbitrable par nature qu’elles excluent de l’arbitrage et celui à y soumettre. Toute cette gradation montre bien que seuls les droits dont la libre disposition est certaine sont arbitrables.
17. Cette certitude apparaît dans la seconde piste de compréhension de la notion. Cette seconde piste saisit la notion de droit dont on a la libre disposition d’un double point de vue contractuel et extracontractuel.
À partir du point de vue contractuel, le droit dont on a la libre disposition est un droit qui est dans le commerce juridique, et, donc, susceptible de faire l’objet d’une convention. C’est la règle fixée par l’article 1128 du Code civil accueilli par la plupart des pays de l’espace OAPI/OHADA : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet d’un contrat ». Il s’ensuit que toutes les contestations concernant les droits de propriété intellectuelle qui ont une origine contractuelle sont arbitrables sur le fondement du critère fixé par l’article 2 de l’AUA. Mais à la différence du critère du litige d’ordre contractuel de l’article 21 du traité OHADA, les litiges fondés sur les droits dont on a la libre disposition s’étendent aux contestations précontractuelles et post-contractuelles. Il faut et il suffit que ces litiges aient un lien quelconque avec un contrat pour être en principe arbitrables dans le cadre de l’arbitrage traditionnel OHADA. Ainsi, toute contestation relative à la négociation, à la validité, à l’interprétation, à l’exécution ou à l’extinction d’un contrat d’exploitation d’un droit de propriété intellectuelle est potentiellement arbitrable dans l’arbitrage traditionnel OHADA.
Du point de vue extracontractuel, le droit dont on a la libre disposition est un droit patrimonial exempt de toute contrainte juridique limitant sa négociabilité. Sur le fondement de cette définition, un auteur affirme que tous les droits de propriété industrielle sont des droits dont les titulaires ont la libre disposition parce qu’« ils sont dans le commerce juridique au sens de l’article 1128 [du Code civil] »36. Cette affirmation est imprudente, car définir le droit dont on a la libre disposition à partir de son caractère patrimonial signifie, à l’inverse, que tout droit extrapatrimonial n’est pas de libre disposition et n’est donc pas arbitrable37. Or il existe des droits de propriété industrielle, à l’instar des droits sur les marques collectives traditionnelles ou de certification, qui sont des droits extrapatrimoniaux. Toutefois, le principe d’indisponibilité des droits extrapatrimoniaux n’interdit pas de soumettre à l’arbitrage un litige né de l’atteinte à l’un de ces droits38. En effet, le litige ne porte plus sur le droit extrapatrimonial lui-même, mais sur le droit de la victime à des dommages et intérêts pour atteinte à son droit extrapatrimonial. Le droit à des dommages et intérêts est un droit patrimonial, donc, disponible39, et par conséquent, il est arbitrable. Dans ce sens, l’action en indemnisation de la victime d’une atteinte à un droit moral portant sur une œuvre littéraire et artistique peut être introduite devant un arbitre40.
18. In fine, la formule de l’article 2 de l’AUA attire dans le giron de l’arbitrage traditionnel OHADA tous les litiges contractuels et extracontractuels de droit de propriété intellectuelle qui mettent en jeu des intérêts d’ordre pécuniaires, y compris des litiges ayant un objet mixte dans lequel s’entremêlent intérêts pécuniaires et considérations extrapatrimoniales, tel le cas du contentieux de l’indemnisation de l’atteinte à un attribut du droit moral d’un auteur ci-dessus signalé. Ainsi présentée, la formule de l’article 2 de l’AUA ne souffrirait d’aucun doute dans sa portée, mais ce n’est là qu’une apparence parce qu’en réalité la formule est obscurcie.
b – L’obscurcissement du critère du droit dont on a la libre disposition
Ce critère est obscurci par des ambiguïtés de la formule de l’article 2 de l’AUA (i) et par un doute qui persiste sur la réception de celle-ci dans l’arbitrage CCJA (ii).
i) Les ambiguïtés de la formule de l’article 2 de l’AUA
La signification de cette formule est dominée par deux principales ambiguïtés qui troublent la clarté de la formule de l’article 2 de l’AUA.
19. La première soutient qu’affirmer qu’on ne peut recourir à l’arbitrage que sur les droits dont on a la libre disposition revient à faire de la conclusion d’une convention d’arbitrage un acte de disposition41. Or recourir à l’arbitrage n’est pas au sens propre disposer de ses droits subjectifs, comme on le ferait en l’aliénant. C’est choisir un mode de justice, à caractère privé, destiné à faire trancher un litige portant sur ses droits. La seule renonciation à laquelle se livre le titulaire du droit litigieux est l’abandon du choix de la justice étatique. Le droit de choisir l’une ou l’autre forme de justice est le droit dont le titulaire du droit litigieux a la libre disposition. Cette ambiguïté est de nature à ôter à la notion d’arbitrabilité toute sa pertinence et faire croire que dès qu’on a renoncé à la justice étatique au profit de la justice arbitrale, tout litige, notamment de propriété intellectuelle, devient arbitrable.
La faculté de choisir la juridiction arbitrale n’est pas ce que le législateur OHADA a voulu consacrer à travers la formule de l’article 2 de l’AUA. Sa volonté a été et demeure celle de préciser l’objet d’un litige arbitrable, ce sur quoi peut porter un arbitrage. Ce dernier, en l’espèce, doit porter sur un droit de propriété intellectuelle dont on a la libre disposition. Dans le cas inverse, l’arbitrage n’est pas possible.
20. La deuxième ambiguïté résulte de la certitude dans la titularité du droit dont on a la libre disposition. Ce droit doit être sous la maîtrise totale de son titulaire. À l’inverse, le droit dont on n’a pas la totale maîtrise n’est pas un droit dont on a la libre disposition, il ne peut en conséquence être arbitrable. C’est le cas des droits hypothétiques, c’est-à-dire des droits qui ne sont pas encore effectifs, qui sont simplement supposés. C’est aussi et surtout le cas des droits incertains, c’est-à-dire des droits susceptibles d’être mis en doute. Dans la catégorie des droits incertains, on peut, sur le fondement du libellé de l’article 25, alinéa 1, de l’annexe I de l’ABR, acte de 2015, ranger les droits attachés au titre de propriété intellectuelle qu’est le brevet d’invention. En effet, cet article dispose : « Lorsque l’organisation constate que toutes les conditions requises pour la délivrance du brevet sont remplies et que le rapport de recherche visé à l’article 23, alinéa 2, a été établi, elle notifie la décision et délivre le brevet demandé.
Toutefois, dans tous les cas, la délivrance des brevets est effectuée aux risques et périls des demandeurs et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description »42. La seconde branche de l’alinéa 1 de l’article 25 précité fait souffler un vent d’incertitude sur le droit du titulaire d’un brevet d’invention, car le brevet qui est constitution et certification officielle de son droit lui est délivré sans aucune garantie. Il est donc susceptible d’être mis en doute à tout moment. La mise en doute du titre met également en doute les droits qui y sont attachés. L’incertitude du titre engendre l’incertitude des droits. L’aléa qui enveloppe la titularité du brevet d’invention est de nature à faire du droit titulaire d’un brevet, un droit dont il n’a pas la libre disposition. Si cette interprétation prospère, il faudra conclure à l’impossible arbitrabilité des litiges relatifs aux droits conférés par le brevet, notamment des litiges liés à l’exploitation de celui-ci43.
Cette ambiguïté est de nature à soustraire de l’arbitrage traditionnel OHADA tout un pan important du contentieux des droits de propriété industrielle au regard de la place prépondérante qu’occupe le brevet d’invention dans le droit de la propriété industrielle.
L’ambiguïté de la formule de l’article 2 de l’AUA se prolonge avec la persistance du doute sur la réception de la formule de l’article 2 de l’AUA dans l’arbitrage institutionnel CCJA.
ii) La persistance du doute sur la réception de la formule de l’article 2 de l’AUA dans l’arbitrage CCJA
21. Le doute sur la réception ou sur l’applicabilité au système d’arbitrage CCJA du critère d’arbitrabilité des litiges des droits de propriété intellectuelle dont on a la libre disposition vient de l’affirmation de l’arrêt n° 44 du 17 juillet 200844 rendu en assemblée plénière qui soutient que l’AUA n’est pas applicable dans l’arbitrage CCJA ; la Cour affirme que « l’acte uniforme sur l’arbitrage ne figure pas au nombre des actes juridiques précités qui sont applicables en l’espèce à l’arbitrage CCJA ». Les textes applicables sont, relève la Cour, « le titre VI du traité de l’OHADA, le règlement intérieur de la Cour, leurs annexes et barèmes des frais d’arbitrage ». Les termes de cet arrêt induisent l’exclusivité du critère du litige d’ordre contractuel pour l’arbitrage CCJA. Bien qu’elle soit limpide, la position de la jurisprudence ne résiste pas à l’analyse. En effet, l’article 1 de l’AUA précise que cet acte uniforme « a vocation à s’appliquer à tout arbitrage, lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des États-partis (au traité OHADA) ». On en déduit logiquement que lorsqu’un arbitrage CCJA a pour siège un État de l’espace OHADA, l’AUA a vocation à s’y appliquer. Le siège de la CCJA étant à Abidjan en Côte d’Ivoire, État partie au traité OHADA, la vocation de l’AUA à s’appliquer à l’arbitrage CCJA ne devrait souffrir d’aucun doute. La conséquence de cette vocation est que la formule de l’article 2 de l’AUA devrait aussi déterminer l’arbitrabilité du litige soumis à la CCJA et devrait attraire devant ce tribunal arbitral des litiges extracontractuels.
Il découle de la position en vigueur de la CCJA que les critères légaux d’arbitrabilité des litiges dans le système d’arbitrage OHADA sont distributifs. Cette répartition fait désordre et perturbe la prévisibilité gage de la sécurité juridique. L’AUA devrait demeurer applicable pour préserver l’unité de conception du système d’arbitrage OHADA et constituer un trait de rapprochement avec le système d’arbitrage OAPI.
2 – Un différend d’ordre non contractuel, critère propre au droit OAPI
Le critère du litige d’ordre extracontractuel aurait pu être très clair et stable (a) dans sa portée, mais certaines dispositions de l’ABR, acte de 2015, qui consacre l’arbitrage viennent déstabiliser cette portée (b).
a – La portée du critère du différend d’ordre non contractuel
22. Ce critère est fondé sur l’article 2 du règlement portant création et organisation du centre d’arbitrage et de médiation de l’OAPI. Cet article affirme que « le centre a pour mission de procurer une solution arbitrale lorsqu’un différend d’ordre contractuel ou non, en matière de propriété intellectuelle, de caractère national ou international, en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, lui est soumis par toute partie (…) ». L’article 2 du RACAM/OAPI réaffirme le critère du différend non contractuel en ne mentionnant plus expressément que le litige en matière de propriété intellectuelle doit être « d’ordre contractuel ». Cet article 2 vise strictement et indifféremment tout « différend » sans indiquer sa source ou sa nature, ce qui signifie clairement que le CAM /OAPI connaît aussi des différends d’ordre non contractuel.
Le différend d’ordre non contractuel est un différend qui ne prend pas sa source dans l’interprétation ou l’exécution du contrat. La portée de ce critère est plus vaste que celui du litige d’ordre contractuel en ce qu’il intègre tout le contentieux des droits de propriété intellectuelle exclu du périmètre du contentieux contractuel. Tout de suite on voit les contentieux précontractuels, post-contractuels et ceux qui relèvent de l’exploitation non contractuelle de la propriété intellectuelle. Relève aussi de ce critère le contentieux détaché de tout contrat, tel que le contentieux de la titularité et celui de la validité du titre de propriété intellectuelle. Ainsi présenté, le critère du litige non contractuel peut faire illusion quant à la densité du contentieux qu’il génère en droit positif. En réalité, cette densité est très relative.
23. En premier lieu, s’agissant du contentieux de la titularité en matière de propriété intellectuelle, on peut soutenir que seul le contentieux de la propriété littéraire et artistique est arbitrable en droit OAPI. En effet, en cette matière le droit de propriété n’est pas attribué, il naît ipso facto de la création de l’œuvre45. L’acquisition de la titularité n’est soumise à aucune formalité, à aucun examen administratif, ni même à un quelconque système de publicité. En pratique, le litige naît quand plusieurs personnes ont participé au processus de création d’une œuvre et chacune ou quelques-unes revendiquent la qualité d’auteur ou de coauteur de l’œuvre. La revendication de la qualité d’auteur ne met en jeu que des intérêts privés. Ces intérêts peuvent être soumis à la connaissance d’un juge privé. En revanche, en droit positif, la soumission du contentieux de l’attribution du titre de propriété industrielle à la compétence d’un arbitre n’est pas possible parce qu’émanant d’un acte administratif, sa revendication met en jeu des intérêts publics46.
24. En second lieu, s’agissant du contentieux de l’exploitation non contractuelle des droits de la propriété intellectuelle, il convient de rappeler qu’il pose le problème de l’arbitrabilité des quasi-délits et délits. En droit positif, ce contentieux est très étroit. Cette étroitesse peut être illustrée par le contentieux de la concurrence déloyale et celui de la contrefaçon. Dans le premier cas, il s’agit d’un acte déloyal fautif portant sur un droit de propriété intellectuelle à l’instar d’une confusion de marque ou de nom commercial. Dans le second cas, il s’agit d’une atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle. Dans les deux cas, la personne lésée peut obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Le droit à des dommages et intérêts est un droit patrimonial, donc arbitrable. Mais la sanction de ces deux délits se complète par des mesures qui ont pour but de stopper les actes déloyaux ou contrefaisants en cours de perpétration telles que la confiscation des machines et autres appareils, la fermeture d’établissement, la saisie des exemplaires illicites. Pour l’exécution de ces mesures complémentaires, il faut disposer du pouvoir de contrainte que l’arbitre n’a pas47. Le contentieux arbitrable des délits et quasi-délits est cantonné au contentieux de l’indemnisation.
Au regard des litiges de droit de propriété intellectuelle arbitrables ci-dessus identifiés, on peut croire que le critère de l’arbitrabilité en droit OAPI des litiges extracontractuels est clair, stable et saisissable. Malheureusement, il a été déstabilisé.
b – La déstabilisation du critère du litige d’ordre non contractuel
25. Le fondement de la déstabilisation du critère du différend extracontractuel est l’article 4, alinéa 2, de l’ABR, acte de 2015, qui souligne que « tous les litiges portant sur l’application du présent accord et de ses annexes peuvent être réglés par voie d’arbitrage (…) ». Ainsi libellé, cet article 4, alinéa 2, ne fixe aucune limite relative à la nature du litige arbitrable en droit OAPI. Il y a là une imprudence législative. Cependant, s’agissant des litiges pouvant être soumis aux juridictions étatiques, ils sont déterminés de manière limitative. Dans ce sens, l’article 4, alinéa 1, de l’acte de 2015 précise que « les litiges relatifs à la reconnaissance, à l’étendue ou à l’exploitation des droits prévus par le présent accord et ses annexes sont de la compétence des juridictions des États membres ». Une lecture combinée des deux alinéas de l’article 4 ci-dessus exposés montre bien qu’en matière de contentieux de la propriété intellectuelle en droit OAPI, la compétence des juridictions étatiques est limitée aux litiges relatifs à la reconnaissance, à l’étendue ou à l’exploitation des droits de propriété intellectuelle alors que celle du centre d’arbitrage intègre les mêmes matières qui ressortissent à la compétence des juridictions étatiques et va au-delà pour embrasser aussi les matières qui ne sont pas des droits consacrés par l’ABR et ses annexes. Il y a là du point de vue du droit judiciaire privé un renversement dans l’ordre d’importance des ordres juridictionnels. La juridiction arbitrale, juridiction à caractère privé, apparaît comme étant la juridiction de droit commun alors que la juridiction étatique présente le caractère d’une juridiction d’exception. Il y a dans ce renversement l’annonce d’une déstabilisation projetée de la clarté du critère du litige extracontractuel.
26. La déstabilisation se confirme avec l’extension possible de la compétence des arbitres sur des matières qui certes peuvent avoir un lien avec les droits de propriété intellectuelle, mais qui n’entrent pas dans le champ de compétence des arbitres en droit OAPI tel que délimité par le RACAM/OAPI qui parle de différend qui doit survenir en matière de propriété intellectuelle, en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis et qui porte sur les droits de propriété intellectuelle. On peut citer dans cette catégorie de litige, les contestations relatives aux mesures aux frontières48, à celles concernant la portée de l’ABR ou l’interprétation de ses dispositions, voire les conflits d’attribution entre les organes de l’OAPI. On est là à la lisière du contentieux inarbitrable qui lui-même ne s’appréhende pas aisément gênant ainsi la prévisibilité, gage de sécurité juridique.
II – L’appréhension relativement malaisée du contentieux inarbitrable
Le contentieux inarbitrable en droits positifs de l’OHADA et de l’OAPI aurait été facile à identifier si un flottement n’avait pas été créé autour de la référence à l’ordre public comme cause d’inarbitrabilité des litiges de propriété intellectuelle. Ce flottement perturbateur de la ligne de démarcation entre litige arbitrable et litige inarbitrable (A) influence encore la détermination certaine du contentieux inarbitrable (B).
A – Le flottement perturbateur de la démarcation entre litige arbitrable et litige inarbitrable
27. Quand jadis le législateur indiquait expressément les matières arbitrables tout en soulignant aussi expressément et en même temps l’interdiction de compromettre dans les matières qui intéressent l’ordre public, il était moins difficile en pratique d’identifier les matières ou droits non arbitrables. Le flottement en vigueur vient de la disparition supposée de la référence à l’ordre public comme motif d’inarbitrabilité des litiges dans les systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI (1) alors qu’en réalité cette notion y assure encore cette fonction. La réserve d’ordre public y est résiliente (2).
1 – La disparition supposée de la réserve d’ordre public
28. L’abandon de l’interdiction de compromettre sur les matières qui intéressent l’ordre public était déjà vivement souhaité par la doctrine49. Ce souhait aurait reçu un écho favorable dans l’espace OHADA/OAPI.
29. La première manifestation de cet écho vient de ce que l’AUA, le traité OHADA, le règlement d’arbitrage de la CCJA, l’ABR de 2015, le règlement portant création et organisation du CAM/OAPI et le règlement d’arbitrage du CAM/OAPI ont abandonné la méthode jadis en vigueur dans les États membres de l’OAPI et de l’OHADA qui consistait à dresser une liste des matières non arbitrables50. Cet abandon aurait emporté avec lui la référence à l’ordre public comme motif d’inarbitrabilité des litiges51. Dans ce sens, Jean Marie Tchakoua souligne « qu’on remarquera en particulier que l’ordre public n’est plus cité comme obstacle à l’arbitrage52 ». Il convient de rappeler que conformément à l’article 10 du traité OHADA53 et à l’article 5 de l’ABR, acte de 201554. Les instruments ci-dessus rappelés sont d’application immédiate dans les États membres, ils y abrogent toutes les dispositions pertinentes antérieures contraires et empêchent l’entrée en vigueur de toute disposition pertinente postérieure. De cette abrogation automatique, on déduit que la non-reprise de la méthode de liste par ces instruments juridiques supranationaux emporte disparition de celle-ci y compris la référence à l’ordre public55.
30. La deuxième manifestation est tirée de certaines dispositions du RACCJA, RACAM/OAPI et de l’AUA qui donnent pouvoir au tribunal arbitral de connaître des questions concernant l’ordre public pour décider de sa propre compétence à statuer sur le contentieux déféré devant lui. À cet effet, la RACCJA dispose que : « Lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la validité, ou à la portée de la convention d’arbitrage, la Cour, ayant constaté prima facie l’existence de cette convention, peut décider, sans préjuger de la recevabilité ou du bien-fondé de ces moyens, que l’arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toutes décisions sur sa propre compétence »56. Les dispositions similaires existent dans l’AUA57 et dans le RACAM/OAPI58. Il y a indéniablement dans ces dispositions des traits d’une consécration de la compétence de l’arbitre pour se prononcer sur les questions intéressant l’ordre public. La reconnaissance de cette compétence permet de lever le verrou de l’ordre public qu’une partie à la convention d’arbitrage pouvait toujours instrumentaliser pour mener des manœuvres dilatoires et perdre du temps en arguant de l’incompétence du tribunal arbitral fondée sur le motif de l’ordre public59, ce qui obligeait le tribunal à surseoir à statuer pour attendre la décision du tribunal étatique compétent saisi. Au cas où le motif était fondé, le tribunal arbitral devenait définitivement incompétent. Si le motif était infondé, les parties pouvaient toujours revenir devant le tribunal arbitral.
Cette position des législateurs OHADA et OAPI probablement inspirée par la jurisprudence française qui affirme que « (…) l’arbitre a compétence pour apprécier sa propre compétence quant à l’arbitrabilité du litige au regard de l’ordre public (…) et dispose du pouvoir d’appliquer les principes et les règles relevant de cet ordre public, ainsi que de sanctionner leur méconnaissance éventuelle sous le contrôle du juge de l’annulation »60. Cette affirmation des juridictions de fond est confirmée par la haute juridiction qui déclare qu’« il appartient à l’arbitre, hors les cas où la non arbitrabilité relève de la matière, de mettre en œuvre les règles impératives du droit, sous le contrôle du juge de l’annulation »61.
Toutefois, manifestement, les législateurs OHADA et OAPI ne s’inspirent qu’en partie de la jurisprudence française. Ils semblent limiter la compétence du tribunal arbitral à connaître de l’exception d’inarbitrabilité fondée sur la réserve d’ordre public au strict champ de détermination de sa compétence. Il serait hasardeux de soutenir qu’ils reconnaissent au tribunal arbitral le pouvoir d’appliquer les règles relevant de l’ordre public et de sanctionner éventuellement leur méconnaissance.
31. La dernière manifestation de la tendance à l’effacement de la référence à l’ordre public est effective sur le plan de la forme. En effet, on note la suppression par le législateur OAPI de la qualification légale expresse de certaines dispositions comme étant d’ordre public. Par exemple, les règles qui encadrent la rémunération du salarié inventeur ou le juste prix à lui payer à cet effet ne sont plus qualifiées d’ordre public par l’ABR, acte de 2015. Pourtant dans l’ABR, acte de 1999, ces règles étaient expressément désignées comme étant d’ordre public62.
L’appel à l’abandon de l’interdiction de compromettre sur les matières qui intéressent l’ordre public a bien été entendu par les législateurs OHADA et OAPI. Mais sa réception a été très limitée et n’arrive pas à éliminer la référence à l’ordre public comme motif d’inarbitrabilité du contentieux des droits de propriété intellectuelle. Ce motif est résilient.
2 – La résilience de la réserve de l’ordre public
L’aptitude de la réserve de l’ordre public à résister à son élimination ou à sa fragilisation extrême est tangible en droits OAPI et OHADA. Elle y a encore un enracinement juridique (a) et continue d’être un motif d’inarbitrabilité des litiges de droit de propriété intellectuelle (b), contrairement à la doctrine qui soutient qu’elle a cessé d’être un motif de soustraction des matières à l’arbitrage63.
a – L’enracinement juridique persistant de la réserve d’ordre public
32. Avec l’abandon de la méthode énumérative qui a emporté l’interdiction légale de compromettre dans les matières qui intéressent l’ordre public, l’inarbitrabilité d’un litige justifiée par le motif de l’ordre public est, en droit positif des pays de l’espace OHADA/OAPI, issue de diverses sources.
33. La source jurisprudentielle est la solution portée par l’arrêt Tissot64 d’après lequel la convention d’arbitrage n’est pas nulle du seul fait que le contrat auquel elle a trait est soumis à certains égards à une réglementation d’ordre public ; elle ne l’est, et le litige n’est en conséquence inarbitrable, que si l’opération ou la convention litigieuse est frappée d’illicéité comme ayant effectivement contrevenu à une règle d’ordre public. Dans ce cas, le tribunal arbitral ne pourra connaître de ce litige que ce soit à titre principal ou à titre incident. Il s’ensuit que sont donc inarbitrables en droit africain les droits ou matières qui violent l’ordre public.
Cette position implique que saisi à titre incident d’une exception en nullité du contrat fondée sur la violation de l’ordre public, le tribunal arbitral doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’ordre public et ce, afin de vérifier son investiture. Si la violation n’est pas constituée, l’ordre public n’est donc pas en cause, le tribunal peut statuer sur la demande principale. Au contraire, si le tribunal estime que l’ordre public a été violé par le contrat, il doit se déclarer incompétent. La solution en vigueur implique aussi que le tribunal arbitral ne peut être saisi à titre principal d’une question de nullité fondée sur une règle d’ordre public puis qu’il ne peut prononcer la nullité du contrat pour violation de l’ordre public65. Toutefois, parce qu’il y a nécessité de préserver l’ordre public, toute violation de l’ordre public non soulevée par les parties doit être invoquée d’office par le tribunal arbitral pour constater l’inarbitrabilité du litige, sous réserve du principe du contradictoire66. Si le tribunal omet de le faire et retient sa compétence, la violation de l’ordre public qu’il n’a pas vu sera sanctionnée par le juge étatique, juge de contrôle de la sentence. Cette dernière sera sanctionnée par la nullité ou par un refus d’exequatur67.
La solution de l’arrêt Tissot a été critiquée par la doctrine qui observe qu’« il est franchement curieux qu’ayant fait le plus difficile, constater l’illicéité, l’arbitre ne puisse aller jusqu’au bout et prononcer la nullité »68. Cette critique a facilité l’évolution en droit comparé à travers les arrêts Ganz, Labinal, Toulousy et autres précités qui donnent pouvoir à l’arbitre de sanctionner la violation de l’ordre public. Mais cette jurisprudence ne fait pas partie du droit positif dans l’espace OAPI/OHADA.
34. À côté de l’inarbitrabilité pour violation d’une règle à caractère d’ordre public, il faut signaler la survivance de l’inarbitrabilité d‘un litige impliquant l’ordre public. Cette inarbitrabilité est en vigueur dans les matières impliquant les sanctions pénales ou administratives et de manière générale dans toutes les matières qui touchent aux prérogatives souveraines de l’État.
35. Par ailleurs, il faut insister sur l’usage, toujours en vigueur dans l’espace OHADA/OAPI, de l’ordre public comme outil de contrôle de la validité d’un contrat. L’ordre public en matière contractuelle est contrôlé à travers l’exigence de la licéité de l’objet de l’obligation ou celle de la conformité de la cause du contrat à l’ordre public.
L’exigence de licéité de l’objet de l’obligation est rattachée à l’article 1128 du Code civil qui dispose qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Tout d’abord, il peut être observé que les choses « hors du commerce », au sens de l’article 1128, ne peuvent pas faire l’objet de conventions pour des raisons tenant à l’ordre public, et ensuite, que malgré la formulation ambiguë du texte le mot « chose » est entendu au sens large qui intègre les droits. Les droits hors commerce sont des droits indisponibles et ne peuvent être arbitrés tant dans l’arbitrage institutionnel OHADA et OAPI que dans l’arbitrage traditionnel.
L’exigence de licéité de la cause du contrat permet de contrôler la moralité du contrat, la conformité du but poursuivi par les parties à l’ordre public. Cette exigence a pour siège l’article 1133 du Code civil qui dispose que « la cause est illicite, (…) quand elle est contraire (…) à l’ordre public ». La cause contractuelle contraire à l’ordre public rend le litige relatif à ce contrat ou au droit qui en résulte inarbitrable en application de la jurisprudence Tissot précitée. De l’exigence de la conformité à l’ordre public fixée par l’article 1133 du Code civil, on peut rapprocher celle contenue dans certaines dispositions de l’ABR, acte de 2105, qui fait de la conformité à l’ordre public des créations techniques ou des signes distinctifs dont la protection est sollicitée une condition fondamentale de protection. Toute attribution d’un titre de propriété intellectuelle en violation de cette condition rend le titre nul et le droit qui en découle devient indisponible.
36. La réserve de l’ordre public comme justificatif de l’inarbitrabilité d’une matière trouve également un fondement dans l’article 6 du Code civil qui précise qu’« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public (…) ». Ce fondement peut être accolé à celui de l’article 2, alinéa 1, du RACAM/OAPI qui dispose que : « Le présent règlement régit l’arbitrage. Toutefois, lorsque la loi applicable à l’arbitrage comporte une ou plusieurs dispositions auxquelles les parties ne peuvent déroger, ces dispositions prévalent ». Cet article vise en réalité des dispositions d’ordre public. On peut déduire des dispositions précitées du Code civil et du RACAM/OAPI qu’il n’est pas admis de conclure de convention d’arbitrage sur les différends portant sur une réglementation qui intéresse l’ordre public.
La violation de l’ordre public, l’implication directe de l’ordre public ou l’indisponibilité du droit litigieux pour motif d’ordre public sont les différents visages à travers lesquels la réserve d’ordre public est maintenue en vigueur en droits OAPI et OHADA de l’arbitrage et fonde encore l’inarbitrabilité des litiges.
b – La survivance de la réserve d’ordre public comme motif d’inarbitrabilité des litiges dans l’espace OAPI/OHADA
37. L’ordre public fait partie de ces notions qui échappent à l’emprise de toute définition stable. Toutefois, le Code civil qui est commun à la plupart des pays membres de l’OAPI et de l’OHADA signale à travers son article 6 que l’ordre public vise l’ensemble des règles auxquelles on ne saurait déroger « par conventions particulières ». Ainsi, l’ordre public consisterait soit en un corpus de normes impératives, soit en un cadre juridique en dehors duquel la volonté des parties serait inopérante quant à la création d’obligations. En réalité, explique Jean Carbonnier « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats »69. L’ordre public, poursuit cet auteur, n’est autre qu’un rappel à l’ordre adressé par l’État « aux contractants s’ils veulent toucher à des règles qu’il regarde comme essentielles »70. La protection de la supériorité de la collectivité sur les volontés individuelles à travers la notion de l’ordre public est aussi rappelée par Philippe Malaurie qui affirme que l’ordre public « c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la collectivité »71. La règle 2 du règlement d’application de l’ABR, acte de 1999, dans son alinéa 1 reprend la même idée en indiquant que « l’ordre public dont il est fait mention aux annexes s’entend des conceptions fondamentales de la vie commune au sein d’une société ». La société dont parle la règle 2 précitée vise la société que forme la communauté des États membres de l’OAPI. Il s’agit donc d’un ordre public communautaire ou ordre public interne à l’OAPI ou encore ordre public intracommunautaire. La situation est la même s’agissant de l’OHADA72.
38. La constante est que l’ordre public protège les intérêts fondamentaux de la société qui de ce fait sont au-dessus de la volonté des parties. Dans la collectivité que constitue l’espace OHADA/OAPI, deux intérêts fondamentaux sont protégés sous le sceau de l’ordre public : l’intérêt politique qui est couvert par l’ordre public politique et l’intérêt économique qui est protégé par l’ordre public économique. Le premier recouvre, notamment, la protection des intérêts relatifs à l’État, à la famille, à la personne et à la morale. Le second qui se subdivise en ordre public économique de direction et en ordre public économique de protection, est constitué, à travers sa première branche, des règles édictées en vue de servir le développement des échanges de biens et de services, et, à travers sa seconde branche, des règles qui visent à préserver les droits de la partie jugée faible au contrat. Ainsi entendu, font partie de l’environnement de l’ordre public en matière d’arbitrage, les notions de souveraineté de l’État, d’intérêt général, d’intérêt public, d’intérêt supérieur aux parties duquel on rapproche l’intérêt des tiers ou l’opposabilité erga omnes, la protection de la partie faible, etc.
39. Au travers de ces notions, l’ordre public entretient un lien indéfectible avec les critères d’arbitrabilité du contentieux des droits de la propriété intellectuelle en ce qu’elles constituent des limites à l’arbitrabilité. L’ordre public est en réalité un vecteur de l’indisponibilité des droits. Dans ce sens, Patrice Level affirme que « la notion d’ordre public est complémentaire de la notion de disponibilité des droits. Les droits échappent à la volonté de leur titulaire lorsque l’ordre public s’y oppose »73. Charles Jarrosson démontre davantage ce greffage des critères d’arbitrabilité d’un litige sur l’ordre public74 quand il souligne que « la notion de libre disponibilité des droits, et son antonyme, la notion d’indisponibilité, sont les traits d’union qui relient l’arbitrabilité à l’ordre public »75. L’indisponibilité d’un droit est déterminée soit de manière expresse, soit par une règle d’ordre public.
La réserve de l’ordre public continue d’être une limite à l’arbitrabilité des litiges en droits OAPI et OHADA de l’arbitrage.
B – Le contentieux inarbitrable
Le contentieux des droits de propriété intellectuelle inarbitrable oscille entre un contentieux inarbitrable, mais dont l’inarbitrabilité est discutée du fait de l’hostilité à la réserve de l’ordre public (1), et un contentieux indiscutablement inarbitrable (2).
1 – Le contentieux discutablement inarbitrable
La résilience de la réserve de l’ordre public a pour effet de mettre hors d’atteinte de l’arbitrage deux catégories de litiges relatifs aux droits de propriété intellectuelle. D’abord, les litiges qui mettent en jeu des droits concernant l’ordre public politique (a) et, ensuite, ceux qui intéressent l’ordre public économique (b).
a – Les litiges rendus inarbitrables par l’ordre public politique
40. S’agissant de l’ordre public politique, au nom de l’intérêt général, le litige est inarbitrable et ne peut être abordé que par un juge étatique76 parce que les droits litigieux sont rendus indisponibles par des liens très étroits qu’ils entretiennent avec l’État, ses institutions ou les intérêts fondamentaux de la société.
41. Dans ce sens, les litiges concernant l’attribution des licences autoritaires, c’est-à-dire les licences concédées sans l’accord du titulaire du droit de propriété intellectuelle, ne sont pas arbitrables. Il s’agit des licences non volontaires attribuées d’autorité par la juridiction nationale compétente soit pour défaut d’exploitation77, soit pour certificat d’enregistrement de dépendance78. Il s’agit aussi des licences non volontaires pour situations d’urgence nationale79, elles sont attribuées d’autorité par un acte administratif du ministre compétent de l’État membre en cause. Il s’agit enfin des licences80 ou autorisations81 d’office attribuées par le gouvernement lorsque l’intérêt public l’exige, notamment la sécurité nationale, l’alimentation, la santé ou d’autres secteurs vitaux de l’économie nationale.
Rentre également dans cette catégorie de contentieux inarbitrable, le contentieux de l’attribution de la propriété industrielle82. L’expression attribution peut avoir un contenu extensif et recouvrer à la fois l’acte d’attribution proprement dit du titre de propriété, mais aussi la validité de ce titre. La propriété industrielle est attribuée à la suite de l’accomplissement des formalités prévues à cet effet. Au terme de ces formalités, l’État délivre un titre de propriété attributif de droit. Dans l’espace OAPI, l’intervention de l’État s’effectue par l’intermédiaire de l’OAPI à qui l’État a souverainement transféré ses compétences en la matière. C’est le directeur général de l’OAPI ou son mandataire qui délivre le titre de propriété industrielle83. L’acte de délivrance du titre est un acte administratif unilatéral, plus précisément un acte administratif unilatéral non réglementaire. Il est la manifestation de l’exercice des prérogatives de puissance publique par les États membres à travers l’OAPI. Il ne peut, en droit positif des États membres de l’OAPI et de l’OHADA, être déféré devant un juge privé, malgré l’opinion contraire d’une partie de la doctrine qui soutient que la délivrance du titre par une autorité administrative n’est pas susceptible d’affecter la nature du droit conféré par le titre. Ce droit demeure un droit de propriété sur un bien incorporel84 qui fait de la contestation de la titularité de la propriété industrielle un contentieux arbitrable85.
Dans le sillage du contentieux de l’attribution naissent aussi celui du rejet de la demande d’attribution et celui de l’opposition86 à la demande d’attribution. Lorsqu’une demande d’obtention d’un titre de propriété industrielle ne remplit pas les conditions de fond et de forme exigées par le texte pertinent, elle est rejetée87. Pour ce qui est de l’opposition, toute personne intéressée peut faire opposition à la délivrance d’un titre de propriété industrielle88. Lorsque l’opposition est fondée, elle peut conduire à la cessation de l’examen de la demande qui sera rejetée. Dans les deux cas, les décisions sont prises par le directeur général de l’OAPI ou son mandataire. Ce sont des actes administratifs unilatéraux non réglementaires faisant grief. Bien qu’ils soient susceptibles de recours devant la commission supérieure de recours qui est aussi un organe de l’OAPI89, ils ne peuvent être déférés devant un juge privé pour le même motif que celui concernant la décision d’attribution. En droit de l’arbitrage OAPI le fait que la CAM soit rattachée au cabinet du directeur général de l’organisation n’enlève pas à l’arbitrage OAPI son caractère privé.
42. Le contentieux de la validité du titre de propriété industrielle est lui aussi non arbitrable pour des motifs tenant à la préservation de l’intérêt général. Ce contentieux consiste à demander soit la nullité du titre de propriété industrielle, soit sa déchéance et dans certains cas ces deux sanctions débouchent sur la radiation du titre. Si le titre ne subit pas l’une ou l’autre sanction, c’est qu’il est valide. La nullité et la déchéance des titres de propriété industrielle sont prononcées par la juridiction nationale compétente dans des cas expressément prévus par les annexes de l’acte de 2015 qui consacrent ces sanctions. Deux éléments traduisent la prégnance de l’ordre public sur le contentieux de la nullité et de la déchéance.
D’abord, ces actions sont ouvertes à toute personne y ayant intérêt, ce qui signifie que la sanction n’est pas instituée pour protéger une personne précise, mais la société entière. Il s’agit d’une nullité absolue qui produit des effets erga omnes et non inter partes. Seuls les effets inter partes sont arbitrables.
Et ensuite, à l’effet de protéger l’intérêt général, le législateur OAPI fait intervenir dans ce contentieux le ministère public dont c’est la mission. Le ministère public peut soit se pourvoir directement par voie principale pour faire prononcer la nullité dans des cas de nullité bien ciblés, soit se rendre partie intervenante et prendre des réquisitions pour faire prononcer la nullité ou la déchéance du titre de propriété industrielle90. Dans l’un ou l’autre cas, le ministère public ne peut se déployer devant un juge privé. Il est de droit positif que le ministère public ne peut être partie à une instance arbitrale.
Tous ces arguments qui traduisent l’emprise évidente de l’ordre public sur le contentieux de la nullité et de la déchéance soustraient ce contentieux à la compétence d’un juge privé. Il en est de même du contentieux de la radiation. Une partie de la doctrine soutient la position inverse au motif que l’abrogation, par les instruments juridiques pertinents des droits OHADA et OAPI, de la disposition du Code de procédure civile qui excluait la compétence arbitrale sur les matières communicables au ministère public a eu pour effet de remettre en selle cette compétence arbitrale91. Cette position ne peut pas prospérer face aux éléments de droit positif fondés sur l’effet erga omnes et sur l’impossible saisine d’une instance arbitrale par le ministère public ou prise de réquisition devant elle.
43. S’agissant de l’ordre public politique, au nom de la défense de la famille et du statut de la personne humaine, les litiges sont inarbitrables et ne peuvent être soumis qu’à un juge étatique parce que les droits litigieux sont rendus indisponibles par des liens très étroits qui les rattachent à la personne humaine. Ces liens confèrent à ces droits un caractère extrapatrimonial qui les soustrait à tout arbitrage92. Ces droits sont surtout actifs en matière de propriété littéraire et artistique qui attribue au titulaire de cette propriété des droits moraux93 lesquels sont attachés à la personne de l’auteur94 et sont de ce fait inaliénables, imprescriptibles et insaisissables95 ; quelques droits moraux sont aussi, en matière de propriété industrielle, reconnus à l’inventeur96.
Les droits indisponibles du fait de leur caractère extrapatrimonial existent aussi en matière de propriété industrielle, mais leur extrapatrimonialité n’est pas directement liée à la personne humaine, elle est fondée sur l’intérêt général. C’est le cas des marques collectives qui sont créées dans le but de faciliter le développement du commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture. Elles sont de ce fait incessibles et intransmissibles97.
L’inarbitrabilité du droit moral est contestée par certains auteurs qui soutiennent qu’en faisant évoluer la question de l’arbitrabilité du droit moral conformément à l’évolution du régime juridique du droit moral, on ne peut plus soutenir la non arbitrabilité de ce droit. Dans ce sens, les partisans de cette doctrine affirment que « l’auteur (…) peut consentir à des renonciations anticipées à son droit moral, à la condition que celles-ci soient partielles (…) »98. Dans ce cas, disent-ils, on ne peut plus parler d’indisponibilité du moral99. Cet argumentaire est étendu à tous les droits extrapatrimoniaux. La doctrine contestatrice de leur inarbitrabilité s’appuie sur l’évolution, qu’elle affirme, de la catégorie juridique des droits extrapatrimoniaux, pour conclure à l’éventualité d’un arbitrage de ces droits100. Il convient de leur opposer l’inexistence, en droit positif OAPI de la propriété intellectuelle, de l’évolution du régime juridique du droit moral, en particulier, et de celui des droits extrapatrimoniaux, en général, en conséquence le contentieux y relatif demeure inarbitrable.
b – Les litiges rendus inarbitrables par l’ordre public économique
44. L’illustration peut être faite à partir de l’ordre public économique de protection qui vise à protéger la partie faible dans une relation contractuelle. L’un des terrains d’élection de cet ordre public en matière de propriété intellectuelle est le contrat de travail du salarié inventeur ou auteur de création technique ou de signe distinctif. Ce contrat met en place des relations juridiques dans lesquelles une partie au contrat, le salarié, est subordonnée à l’autre partie, l’employeur. Cette dépendance fait du salarié la partie faible du contrat de travail, ce qui explique pourquoi l’une des finalités de la réglementation du travail est sa protection unilatérale au nom de la préservation de l’ordre public. L’ordre public économique de protection prend sous ses ailes le salarié en rendant ses droits indisponibles pendant toute la durée de la subordination à l’employeur. Sous dépendance, il n’a pas la totale maîtrise de ses droits de travailleur. En conséquence, les contestations relatives à l’invention ou à la création salariée, notamment à celles portant sur la rémunération supplémentaire du salarié justifiée par l’invention ou le juste prix à lui payer à cet effet sont inarbitrables. L’arbitrage est incompatible avec les règles du droit du travail d’ordre public101.
Cette inarbitrabilité du contentieux relatif au droit du salarié inventeur est contestée par une partie de la doctrine et par certains juges de fond qui soutiennent que les litiges relatifs à l’exécution et à la résiliation d’un contrat de travail sont arbitrables102. Cette position qui ôte à l’ordre public, encore en vigueur, sa fonction protectrice de la partie faible ne peut prospérer en droit positif de l’arbitrage103 où l’égalité entre les parties au contrat est une condition d’efficacité de cette institution. Il est toutefois possible de concéder que l’inarbitrabilité n’affecte que la clause compromissoire qui intervient au cours de la période de dépendance. Le compromis restant possible dès lors que le salarié n’est plus sous la domination de son employeur. Dans cet ordre d’idées, l’arbitrabilité des indemnités liées à son départ de l’entreprise est envisageable.
Toutes ces contestations montrent bien que l’inarbitrabilité de certains litiges de propriété intellectuelle n’est pas acquise, notamment en doctrine et, parfois, en jurisprudence. Toutefois, l’inarbitrabilité d’autres litiges est indiscutable.
2 – Le contentieux indiscutablement inarbitrable
Certains litiges relatifs au droit de propriété intellectuelle sont indubitablement inarbitrables en droit positif de l’OAPI et de l’OHADA. Par ordre croissant de certitude, il s’agit du contentieux portant sur les droits exclus de l’arbitrage (a), du contentieux portant sur les mesures de contrainte et du contentieux pénal (b).
a – L’inarbitrabilité du contentieux des droits volontairement exclus de l’arbitrage
45. Le recours à l’arbitrage est dominé par le principe de l’autonomie de la volonté des parties. Ces dernières peuvent choisir de faire un tri dans leur litige arbitrable en distinguant les points à soumettre à l’arbitrage et ceux à réserver au juge étatique ou à un autre mode alternatif de règlement des litiges. Ce procédé est possible à travers la conclusion des clauses compromissoires sélectives104. Ces clauses peuvent parfaitement exclure du champ de l’arbitrabilité les litiges portant sur les droits de propriété intellectuelle qui sont arbitrables conformément aux critères fixés par les droits OHADA et OAPI105. Dans cette hypothèse, tout contentieux portant sur les droits de propriété intellectuelle exclus devient inarbitrable dans les systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI. Cette inarbitrabilité fait l’unanimité en doctrine.
C’est la première certitude concernant le contentieux inarbitrable. La seconde est relative au contentieux des mesures d’urgence ou de contrainte et au contentieux pénal.
b – L’inarbitrabilité du contentieux des mesures d’urgence ou de contrainte et du contentieux pénal
Les mesures d’urgence ou de contrainte précèdent ou terminent l’instance pénale. Ces deux contentieux ont en commun la contrainte. Mais toute contrainte n’est pas nécessairement une peine pénale.
46. Le contentieux des mesures d’urgence ou de contrainte vise essentiellement les contestations relatives à la saisie-contrefaçon, aux astreintes, aux confiscations, aux destructions et aux fermetures d’établissement. Toutes ne seront pas examinées, les raisons qui justifient l’inarbitrabilité de l’une peuvent être invoquées pour les autres.
En matière de propriété industrielle, la saisie-contrefaçon est faite par tous huissiers ou officiers publics ou ministériels, y compris les autorités douanières, assistés s’il y a lieu d’experts proposés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête et sur présentation du titre de propriété industrielle, par la juridiction nationale compétente. Le cas échéant, les autorités douanières informent le requérant et l’importateur sans délai de l’exécution des mesures ordonnées106.
En matière de propriété littéraire et artistique, la saisie-contrefaçon est articulée autrement. En effet, lorsque leurs droits sont violés ou menacés de l’être, les personnes physiques ou morales, leurs ayants-droit ou ayants-cause, titulaires des droits visés par la présente annexe (ABR, ann. VII, acte de Cotonou) peuvent requérir un officier de police judiciaire, un huissier de justice ou tout autre officier public désigné par la loi nationale, pour constater les infractions et, au besoin, saisir, sur autorisation du procureur de la République ou du juge compétent, les exemplaires contrefaisants, les exemplaires et les objets importés illicitement et le matériel ayant servi ou devant servir à une représentation ou à une reproduction, installés pour de tels agissements prohibés. En plus, le président de la juridiction nationale compétente peut par ordonnance rendue sur simple requête, décider de certaines mesures comme les suspensions des droits d’auteur en cours de contrefaçon et les saisies des exemplaires contrefaits ou des recettes107.
47. La saisie-contrefaçon et les autres mesures d’urgence ou de contrainte ne sont pas contradictoires ; elles supposent de la part de l’autorité qui les ordonne la détention d’un pouvoir de requérir les officiers de police, les officiers publics ou ministériels, les autorités douanières et exigent pour leur exécution et leur efficacité la détention de l’imperium que l’arbitre, juge privé, n’a pas108. Ces arguments permettent également d’écarter de l’arbitrage les contestations relatives aux autres mesures d’urgence ou de contrainte qui exigent l’exercice d’un pouvoir de contrainte. On pense à la liquidation de l’astreinte, à la suspension, à la confiscation, aux saisies diverses, etc. L’arbitre peut prononcer l’astreinte, la suspension, la confiscation ou même la saisie des recettes d’exploitation à l’égard d’une partie. Cependant, si celle-ci ne s’exécute pas ou refuse de s’exécuter même sous astreinte, l’arbitre est sans pouvoir à son égard. En outre la liquidation de l’astreinte est hors de portée de l’arbitre dans la mesure où elle intervient quand le tribunal arbitral est déjà dessaisi du litige.
48. Le contentieux pénal de la propriété intellectuelle vise essentiellement le contentieux de la contrefaçon et celui de l’usurpation. Ce contentieux est soustrait expressément par la loi à la compétence de la juridiction arbitrale. À cet effet, l’article 4, alinéa 1, de l’ABR, acte de 2015 dispose que « les litiges relatifs à la reconnaissance, à l’étendue ou à l’exploitation des droits prévus par le présent accord et ses annexes sont de la compétence des juridictions des États membres. Celles-ci sont seules compétentes pour le contentieux pénal y afférent ». Ces dispositions consacrent explicitement l’exclusivité de la compétence des juridictions étatiques en matière de contentieux pénal portant sur les droits de propriété intellectuelle. Cette exclusivité renseigne suffisamment sur la volonté du législateur OAPI de souligner que la juridiction arbitrale n’est pas une juridiction répressive. Elle traduit davantage le triomphe de l’argument selon lequel l’action publique et la sanction pénale visent la réparation d’un trouble causé à la société, elles n’ont pas pour but de sanctionner un droit subjectif. Seules les juridictions étatiques peuvent prononcer des sanctions pénales. L’espace pénal étant le champ privilégié d’exercice par l’État de la plénitude de sa souveraineté.
Conclusion
49. L’arbitrabilité des différends relatifs aux droits de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI apparaît bien complexe. L’effort de clarification effectué a pour but de faire reculer les limites de l’incertitude et de réduire la marge de l’imprévisibilité afin, non seulement, de renforcer l’attractivité des systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI et de faciliter le recours à ces systèmes pour le règlement des litiges des droits de propriété intellectuelle conférés par l’OAPI, mais aussi et surtout, de permettre à l’OHADA et à l’OAPI d’assurer la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace géographique qu’elles recouvrent.
50. Il faut reconnaître, d’une part, que les critères d’arbitrabilité en vigueur en droits OHADA et OAPI sont hétéroclites et, de ce fait, sont de maniement hasardeux, et, d’autre part, que des incertitudes persistent encore sur l’arbitrabilité de certains litiges de propriété intellectuelle. Il y a là la survivance des facteurs d’insécurité juridique qui sont de nature, non seulement, à ralentir le recours aux systèmes d’arbitrage OHADA et OAPI pour résoudre les litiges de propriété intellectuelle administrée par l’OAPI, mais aussi, à contrarier la volonté des États membres de l’OHADA et de l’OAPI de promouvoir l’arbitrage comme mode de règlement de ces litiges. Une solution raisonnable serait de remettre l’ensemble de l’œuvre sur la table et de s’atteler à identifier et consacrer un seul critère réellement intelligible d’arbitrabilité des litiges de propriété intellectuelle. La tâche est ô combien ardue ! Mais pas impossible. D’ores et déjà, une piste offerte par les droits suisse et allemand de l’arbitrage109 peut être explorée. C’est celle qui va dans le sens de la consécration d’un critère unique d’arbitrabilité fondé sur la nature patrimoniale de la cause. Ainsi sera arbitrable, toute prétention qui a une valeur pécuniaire pour les parties à titre d’actif ou de passif. Autrement dit, est arbitrable le droit de propriété intellectuelle qui présente pour l’une des parties au moins, un intérêt pouvant être apprécié en argent.
Notes de bas de pages
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1.
Caron C., « Le contentieux arbitral du droit d’auteur », Rev. arb. 2014, p. 331 et 332.
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2.
V. la thèse de Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, et les auteurs cités dans la bibliographie, p. 403 à 420.
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3.
À s’en tenir seulement à l’activité du centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI en 2017, près de 52 demandes d’arbitrage ont été enregistrées. Les litiges liés aux brevets ont été les plus fréquents, ils sont suivis par les litiges liés aux TIC, aux marques de commerce et aux droits d’auteur. Les litiges proviennent majoritairement de l’Europe, puis de l’Amérique du Nord, de l’Asie et de l’Amérique latine : v. www.wipo.int, communiqué de presse « Conflits de propriété intellectuelle », 2018 (consulté le 2 avr. 2018). Sur la période 2009-2019, le centre de l’OMPI a administré près de 650 cas d'arbitrage, de médiation et de procédure d’expertise, v. https://www.wipo.int/amc/fr/center/caseload.html (consulté le 3 mars 2020).
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4.
C’est l’acronyme de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle. L’accord de Bangui révisé en 1999 encore en vigueur, qui est son traité fondateur, consacre 10 annexes qui portent chacune un droit de propriété intellectuelle. Il s’agit des annexe I (brevet d’invention), annexe II (modèles d’utilité), annexe III (marques de produits ou de services), annexe IV (dessins et modèles industriels), annexe V (noms commerciaux), annexe VI (indications géographiques), annexe VII (propriété littéraire et artistique), annexe VIII (protection contre la concurrence déloyale), annexe IX (schéma de configuration de circuits intégrés), annexe X (protection des obtentions végétales). Il faut signaler que la concurrence déloyale qui fait l’objet de l’annexe VIII n’est pas un droit, mais une action en responsabilité civile. L’article 6 de l’accord de Bangui révisé en 2015 (acte de 2015 en cours de ratification) reprend les mêmes annexes.
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5.
Ils peuvent même recourir à n’importe quel tribunal arbitral institué dans le monde et désigner le droit OAPI comme applicable au fond du litige. Mais nous limiterons notre réflexion à l’espace OAPI/OHADA et à la propriété intellectuelle conférée par l’OAPI.
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6.
C’est l’acronyme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires.
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7.
Les États membres de l’OHADA sont : Benin, Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Soit 17 États. Les États membres de l’OAPI, au nombre de 17, sont les mêmes, à l’exception de la République démocratique du Congo. Inversement, la Mauritanie qui est membre de l’OAPI n’est pas membre de l’OHADA.
-
8.
Adopté à Port Louis (Île Maurice) le 17 octobre 1993, révisé à Québec au Canada le 17 octobre 2008. L’article 21 de ce traité dispose qu’« en application d'une clause compromissoire ou d'un compromis d'arbitrage, toute partie à un contrat, soit que l'une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un des États parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou partie sur le territoire d'un ou plusieurs États parties, peut soumettre un différend d'ordre contractuel à la procédure d'arbitrage prévue par le présent titre ».
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9.
La version de l’AUA actuellement en vigueur est celle qui a été adoptée le 23 novembre 2017 à Conakry en Guinée ; elle abroge celle du 11 mars 1999.
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10.
Adossé sur l’AUA. Sur cet arbitrage, v. Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 236 à 291.
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11.
Adossé sur le règlement d’arbitrage de la CCJA. Sur cet arbitrage, v. Meyer P., « Arbitrage CCJA », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 293-319.
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12.
Fouchard P., « Les conflits de lois en matière d’arbitrabilité des litiges de propriété industrielle », Rev. arb. 1977, p. 63 ; Ancel P., « Arbitrage : convention d’arbitrage, conditions de fond, litiges arbitrables ». JCl. Procédure civile, fasc. 1024 ; Level P., « Arbitrabilité », in « Les perspectives d’évolution du droit français de l’arbitrage », Rev. arb. 1992, p. 213 ; Jarrosson C., « L’arbitrabilité : présentation méthodologique », RJ com. 1996, p. 4 et 5.
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13.
Pour en avoir une idée partielle parce que d’autres litiges se règlent dans les tribunaux des États membres, l’on peut consulter les recueils des décisions rendues par la commission supérieure des recours de l’OAPI. Pour la période 2003-2005, v. http://www.oapi.int/Ressources/Actes_OAPI/Recueil_decision_CSR2003_2005.pdf ; pour la période 2006-2011, http://www.oapi.int/Ressources/Actes_OAPI/Recueil_decision_CSR2006_2011.pdf.
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14.
Les matières à litiges : accords de production et de coproduction, accords de partenariat, accords de transfert de technologies, accords relatifs au droit d'auteur, conventions de financement, accords de distribution, accords de radiodiffusion, accords de garantie de bonne fin, accords d'accès aux laboratoires, accords de recherche et développement, licences, accords de merchandising, conventions d'assurance, contrats d’artiste-interprète, accords des nouveaux médias, accords de parrainage, accords de cotitularité, accords de confidentialité et de non-divulgation, formats de télévision et d'autres médias, contrefaçons, usurpations. Les litiges portent sur la titularité ou l’exploitation des droits de propriété intellectuelle.
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15.
À titre d’exemple, peuvent être mentionnés les articles 156 à 160 de l’acte uniforme portant organisation des sûretés qui sont consacrés au nantissement des droits de propriété intellectuelle ; les articles 135 à 136 de l’acte uniforme sur le droit commercial général qui énumèrent parmi les éléments constitutifs du fonds de commerce les enseignes, le nom commercial, les brevets d’invention, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles et tous les autres droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exploitation.
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16.
À titre d’exemple, peuvent être cités l’annexe V concernant les noms commerciaux et les dispositions des différentes annexes consacrées aux sûretés sur les titres de propriété industrielle comme l’article 33, alinéa 2, de l’annexe I sur le gage du brevet d’invention, article 28, alinéa 2, de l’annexe II sur le gage du certificat d’enregistrement d’un modèle d’utilité.
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17.
Sur cette question, v. Pougoué P. G., L’arbitrage dans l’espace OHADA, 2016, Leiden/Boston, Cours de l’Académie de droit international de La Haye, p. 139 à 146.
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18.
Ces facteurs ont été identifiés comme constituant des entraves principales au recours à l’arbitrage des droits de propriété intellectuelle, v. Caron C., « Le contentieux arbitral du droit d’auteur », Rev. arb. 2014, p. 334 ; Rivoire M., « L’arbitrabilité du droit d’auteur : le cas du droit français », RRDM 2017-2018, vol. 4, p. 44.
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19.
Jarrosson C., « L’arbitrabilité : présentation méthodologique », RJ com. 1996, p. 1.
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20.
Sur cette question v. Pougoué P.G., L’arbitrage dans l’espace OHADA, 2016, Leiden/Boston, Cours de l’Académie de droit international de La Haye, p. 156-163.
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21.
V. Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, et les auteurs cités dans la thèse.
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22.
V. par exemple dans l’ABR, acte de 2015 : pour le brevet d’invention l’article 36, annexe I, pour le modèle d’utilité, l’article 30, annexe II, pour la marque de produit ou de service l’article 30, annexe III.
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23.
Acte de 2015, art. 44, ann. III.
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24.
Les contrats prévus par l’annexe VII de l’ABR ne constituent que le minimum conformément à l’article 5, alinéa 2, de l’acte de 2015 : « Dans les États membres, le présent accord et ses annexes tiennent lieu de lois relatives aux matières qu’ils visent. Ils y abrogent ou empêchent l’entrée en vigueur de toutes les dispositions contraires. L’annexe VII est un cadre normatif minimal ».
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25.
Motulsky H., Écrits, études et notes sur l’arbitrage, 2010, Dalloz, spéc. p. 113.
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26.
Pour une discussion sur les contours de l’inarbitrabilité des contrats déséquilibrés, v. Loquin É., « L’arbitrage des litiges du droit de la consommation », in Osman F. (dir.), Vers un code européen de la consommation, 1998, Bruxelles, Bruylant, p. 359-366 ; Delebecque P., « Arbitrage et droit de la consommation », Dr. & patr. mai 2002, p. 46.
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27.
V. Loquin É., « L’arbitrage des litiges du droit de la consommation », in Osman F. (dir.), Vers un code européen de la consommation, 1998, Bruxelles, Bruylant, p. 359-366 ; Delebecque P., « Arbitrage et droit de la consommation », Dr. & patr. mensuel/hebdo 2002, p. 46.
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28.
Certains soutiennent que la clause compromissoire conclut sous dépendance peut être valable si la personne protégée renonce à invoquer la nullité. Dans ce sens, v. CA Paris, 10 janv. 2017 : Rev. arb. 2017, p. 331 et 1059 ; D. 2017, p. 2561, obs. Clay T. ; CAPJIA 2018, p. 302, obs. de Fontmichel M.
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29.
Contra, Pougoué P.G., L’arbitrage dans l’espace OHADA, 2016, Leiden/Boston, Cours de l’Académie de droit international de La Haye, p. 146.
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30.
Cette analyse est bien établie par la Cour de cassation française qui a censuré une cour d’appel pour avoir placé sous le régime de la responsabilité contractuelle la sanction des griefs concernant les tractations antérieures à la signature du contrat, v. Cass. com., 11 janv. 1984, n° 82-13269 : Bull. civ. IV, n° 16, p. 16 ; JCP G 1984, IV, p. 86.
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31.
Dans le même sens, Imhoos C. et Kenfack Douajni G., « Le règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage », RDAI 1999, n° 7, p. 827.
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32.
Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 11.
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33.
Meyer P., « Arbitrage CCJA », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, n° 9, p. 296.
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34.
Level P., « L’arbitrabilité », in « Les perspectives d’évolution du droit français de l’arbitrage », Rev. arb. 1992, p. 195 et s.
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35.
Acte de 2015, art. 9, ann. VII.
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36.
Josselin-Gall M., « Arbitrage et propriété intellectuelle », Dr. & patr. mai 2002, n° 105, p. 63 et s., spéc. p. 66.
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37.
V. Seraglini C. et Ortscheidt J., Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, Paris, LGDJ/Lextenso, n° 105, p. 132.
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38.
V. Ancel P., « Arbitrage-Convention d’arbitrage-Conditions de fond-Litige arbitrable », JCl. Procédure civile, fasc. 1024.
-
39.
Seraglini C. et Ortscheidt J., Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, Paris, LGDJ/Lextenso.
-
40.
Vivant M. et Bruguiere J.-M., Droit d’auteur et droits voisins, 2e éd., 2013, Paris, Dalloz, p. 781.
-
41.
Racine J.-B., Droit de l’arbitrage, 2016, Paris, PUF, Thémis droit, n° 223, p. 165.
-
42.
Les mêmes dispositions sont contenues dans l’article 22 de l’annexe II de l’ABR sur les modèles d’utilité (acte de 2015).
-
43.
Le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d’exploiter l’invention brevetée (ABR, acte de 2015, art. 6 ann. I). On entend par « exploitation » d’une invention brevetée l’un quelconque des actes suivants : a) lorsque le brevet a été délivré pour un produit : fabriquer, importer, offrir en vente, vendre et utiliser le produit ; détenir ce produit aux fins de l’offrir en vente, de le vendre ou de l’utiliser ; b) lorsque le brevet a été délivré pour un procédé : employer le procédé ; accomplir les actes mentionnés au sous alinéa a) à l’égard d’un produit résultant directement de l’emploi du procédé. Le titulaire du brevet a aussi le droit de céder ou de transmettre par voie successorale son brevet ainsi que le droit de conclure d’autres contrats (ABR, acte de 2015, art. 6, al. 3 et 4, ann. I).
-
44.
Rev. arb. 2010, n° 3, p. 481.
-
45.
Dans le même sens, Chavanne A. et Busrt J.-J., Droit de la propriété industrielle, 5 éd., 1998, Précis Dalloz, n° 254.
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46.
V. infra § 40 et s.
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47.
Sur cette question, v. infra § 46 et s.
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48.
L'administration des douanes peut, sur demande écrite de toute personne intéressée, assortie de justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celle-ci soupçonne contrefaisantes. Le procureur de la République, le demandeur, ainsi que l’importateur des marchandises sont informés sans délai, par les services douaniers, de la retenue à laquelle ces derniers ont procédé (ABR, acte de 2015, art. 77, ann. I). Les autorités douanières peuvent, d’office, retenir des marchandises soupçonnées lorsqu’elles ont des présomptions de preuve qu’elles sont contrefaisantes. Ces autorités peuvent, à tout moment, demander au titulaire du droit tout renseignement qui pourrait les aider dans l’exercice de leurs pouvoirs. Le titulaire du droit, l’importateur ou l’exportateur sont, sans délai, informés de la retenue. La responsabilité des autorités douanières pourrait être engagée en cas de retenue injustifiée à moins qu’elles n’aient agi de bonne foi (ABR, acte de 2015, art. 78, ann. I).
-
49.
Mayer P., « Le contrat illicite », Rev. arb 1984, p. 205, spéc. p. 212 ; Oppetit B., « L’arbitrage en matière de brevet d’invention après la loi du 13 juillet 1978 », Rev. arb., p. 88 ; de Boisséron M., Le droit français de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 1990, Paris, GLN, Joly, n° 587 ; Jarrosson C., « L’arbitrabilité : présentation méthodologique », RJ com. 1996, p. 5 ; Fauvarque-Cosson B., Libres disponibilité des droits et conflit des lois, 1996, Paris, LGDJ, nos 155 et s.
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50.
Par exemple, l’article 577 du Code de procédure civile du Cameroun dispose que : « On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logements et vêtements ; sur les séparations d'entre mari et femme, divorces, questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public ».
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51.
Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 9 et p. 19 et les auteurs cités.
-
52.
Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 9 et p. 19 et les auteurs cités.
-
53.
Traité OHADA, art. 10 : « Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
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54.
ABR, acte de 2015, art. 5, al. 2 : « Dans les États membres, le présent accord et ses annexes tiennent lieu de lois relatives aux matières qu’ils visent. Ils y abrogent ou empêchent l’entrée en vigueur de toutes les dispositions contraires. L’annexe VII est un cadre normatif minimal ».
-
55.
Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy.
-
56.
Règlement d’arbitrage CCJA, art. 10.3.
-
57.
Art. 11, al. 1 : « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage ».
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58.
V. art. 6, al. 4 : « (…) il appartient au tribunal arbitral de prendre toute décision sur sa propre compétence, sauf en ce qui concerne les parties ou les demandes à l’égard desquelles le centre décide que l’arbitrage ne peut avoir lieu » ; v. aussi RACAM/OAPI, art. 6, al. 7 : « Lorsqu’une partie, contre laquelle une demande a été formée, ne répond pas à cette demande ou soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, la validité ou la portée de la convention d’arbitrage (…), l’arbitrage aura lieu et tous les moyens seront examinés par le tribunal arbitral ».
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59.
Sur le risque de manœuvres dilatoires et de perte du temps orchestrés, partir du motif de l’ordre public, v. Seraglini C. et Ortscheidt J., Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, Paris, LGDJ/Lextenso, nos 106 et s., p. 133 et s.
-
60.
CA Paris, 29 mars 1991, Ganz : Rev. arb 1991, p. 478, note Idot L. – CA Paris, 1re ch., 19 mai 1993, Sté Labinal c/ Sté Mors et Westland Aerospace : Rev. arb. 1993, p. 645, note Jarrosson C. ; RTD com. 1993, p. 494, obs. Dubarry J.-C. – v. aussi, CA Paris, 16 juin 1998, Faton : Rev. arb.1999, p. 333, note Idot L. – CA Paris, 12 sept. 2002 : Rev. arb. 2003, p. 173 et s., note Boursier M.-E.
-
61.
Cass. com., 9 avr. 2002, n° 98-16829, Toulouse c/ Philam : Rev. arb. 2003, p. 103 (2e espèce), note Didier P. ; D. 2003, p. 1117, note Degos L. ; RTD com. 2003, p. 62, obs. Loquin E. – v. aussi Cass. 2e civ., 20 mars 2003, n° 01-11542 : D. 2003, Somm., p. 2470, obs. Clay T.
-
62.
V. art. 11, al. 6, ann. I (Brevet d’invention) ; art. 8, al. 5, ann. II (modèle d’utilité) ; art. 6, al. 6, ann. IV (dessins et modèles industriels) ; art. 10, al. 6, ann. X (obtention végétale).
-
63.
Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 20.
-
64.
Cass. com., 29 nov. 1950, Tissot : JCP G 1951, IV, p. 5 ; RTD civ. 1951, p. 106, note Hébraud P. ; RTD com. 1951, p. 275, obs. Boitard M. ; S.1951, I, p. 120, obs. Robert J.
-
65.
V. Seraglini C. et Ortscheidt J., Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, Paris, LGDJ/Lextenso, n° 106.
-
66.
Comp. CA Paris, 16 mars 1995 : Rev. arb. 1996, p. 146, obs.Derains Y.
-
67.
Seraglini C. et Ortscheidt J., Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, Paris, LGDJ/Lextenso, n° 170, p. 215.
-
68.
Mayer P., « Le contrat illicite », Rev. arb 1984, p. 205, spéc. p. 212.
-
69.
Carbonnier J., Droit civil. Les biens, les obligations, 2004, PUF, n° 984, p. 2037.
-
70.
Carbonnier J., Droit civil. Les biens, les obligations, 2004, PUF, n° 984, p. 2037.
-
71.
Malaurie P., L’ordre public et le contrat, thèse, 1953, n° 99, p. 69.
-
72.
Sur cette question, v. Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, nos 78-83, p. 67-72.
-
73.
Level P., « L’arbitrabilité », in « Les perspectives d’évolution du droit français de l’arbitrage », Rev. arb. 1992, p. 213., spéc. 219.
-
74.
Sur la greffe du critère des droits dont on a la libre disposition sur l’ordre public, v. Fauvarque-Cosson B., Libres disponibilité des droits et conflit des lois, 1996, Paris, LGDJ, n° 163.
-
75.
Jarrosson C., « L’arbitrabilité : présentation méthodologique », RJ com. 1996, p. 1 et s., spéc. p. 3.
-
76.
Ancel P., « Arbitrage-Convention d’arbitrage-Conditions de fond-Litige arbitrable », JCl. Procédure civile, fasc. 1024, nos 23 et 83.
-
77.
ABR, acte de 2015 : pour les brevets d’invention, art. 49, al. 1, ann. I ; pour les schémas de configuration des circuits intégrés, art. 27, ann. IX et pour les modèles d’utilité art. 37, ann. II ; la durée du défaut d’exploitation est de 4 ans à compter de la date du dépôt de la demande du titre ou de 3 ans à compter de la date de la délivrance du titre.
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78.
ABR, acte de 2015 : pour les brevets d’invention, art. 50, ann. I, et pour les modèles d’utilité, art. 38, ann. II.
-
79.
ABR, acte de 2015 : pour les brevets d’invention, art. 58, ann. I, et pour les modèles d’utilité, art. 47.
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80.
ABR, acte de Cotonou, art. 36, ann. IX (schéma de configuration des circuits intégrés).
-
81.
Art. 39, acte de Cotonou, ann. X (obtention végétale).
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82.
Le contentieux de l’attribution de la propriété littéraire et artistique est arbitrable, v. supra § 26
-
83.
ABR, acte de 2015, art. 33, al. 6 : « Le directeur général décide de la délivrance des titres et de leur maintien en vigueur ; il prononce les sanctions prévues par l’accord et ses annexes lorsqu'elles relèvent de sa compétence ».
-
84.
Mousseron J. M., Contribution à l’analyse objective du droit du brevet d’invention, thèse, 1958, Montpellier, LGDJ. Adde Vivant M., Juge et loi du brevet, 1977, Litec, CEIPI.
-
85.
Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, n° 358, p. 288 ; Goutal J.-L., « Arbitrage et propriété intellectuelle », Gaz. Pal. 13 déc. 1997, p. 28 et s., spéc. p. 29.
-
86.
Par ex., v. déc. n° 0113/OAPI/DG/SCA/J, 3 juin 2005, affaire Sté Sahélienne de Négoce Internationale (SO.SA.NI.) c/ Sté J.S.N.M. Sarl : décision annotée par Miendjiem I. L. in RDAA OHADA juill-déc. 2012, n° 2, p. 104-106.
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87.
Par ex. v. ABR, acte de 2015 : art. 27, ann. I ; art. 23, ann. II.
-
88.
Par ex. v. ABR, acte de 2015 : art. 20, ann. I ; art. 18, ann. II ; art. 15, ann. III.
-
89.
À côté du conseil d’administration et de la direction générale.
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90.
V. par ex. ABR, acte de 2015, art. 46, al. 2, ann. I : dans toute instance tendant à faire prononcer la nullité ou la déchéance d’un brevet, le ministère public peut se rendre partie intervenante et prendre des réquisitions pour faire prononcer la nullité ou la déchéance du brevet.
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91.
V. Tchakoua J.-M., « Arbitrage selon l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », in Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, 2011, Lamy, p. 27.
-
92.
Dans le même sens, v. Oppetit B., « L’arbitrabilité des litiges de droits d’auteur et de droits voisins », in Arbitrage et propriété intellectuelle, Colloque de l’IRPI, 1994, LITEC, p. 131.
-
93.
ABR, acte de 2015, art. 7, ann. VII : droit de revendiquer la paternité de l’œuvre ; droit de rester sous anonymat, droit de divulguer l’œuvre ; droit au respect de l’intégrité de l’œuvre ; droit au repentir ; droit au respect.
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94.
Sur le lien entre extrapatrimonialité, personne humaine et droit moral, v. Lucas-Schloetter A., Droit moral et droit de la personnalité, 2002, PUAM, TI, nos 277 et s, p. 233 et s ; Racine J.-B., L’arbitrage commercial international et l’ordre public, t. 309, 1999, Paris, LGDJ, Bibliothèque de Droit privé, nos 91 et s, p. 53 et s.
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95.
ABR, acte de 2015, art. 7, al. 4, ann. I.
-
96.
Not. le droit au nom (comp. Cass. 3e civ., 23 nov. 1964 : Bull. civ. III, n° 513) et le droit aux récompenses industrielles (Cass. Req., 18 mars 1902 : Ann. Propr. industr. 1903, p. 239.)
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97.
ABR, acte de 2015, art. 41, al. 1.
-
98.
Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, n° 487, p. 386.
-
99.
Tankeu J., Le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle, thèse, 2017, Université de Nantes, n° 487, p. 386.
-
100.
Dans ce sens, v. Siiriainen F., « Arbitrage, transaction et droit d’auteur », in Acte du colloque sur les modes alternatifs de règlement de litiges de propriété intellectuelle, 2012, Grenoble, Dalloz, p. 109.
-
101.
Issa Sayegh J., « Observation », sous CA Abidjan, 27 mars 2003, n° 1435 : cité par Pougoué P.G., in L’arbitrage dans l’espace OHADA, 2016, Leiden/Boston, Cours de l’Académie de droit international de La Haye, p. 149.
-
102.
Pour la doctrine, v. Tchantchou H., « L’arbitrage en droit africain du travail », OHADATA D-05-23, www.ohadata.com ; Meyer P., « Commentaires de l’acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage », in « OHADA traité et actes uniformes commentés et annotés », Juriscope 2016, p. 149. Pour les juridictions de fond, v. CA Abidjan, ordonnance de référé du 27 mars 2003.
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103.
V. Racine J.-B., L’arbitrage commercial international et l’ordre public, t. 309, 1999, Paris, LGDJ, Bibliothèque de Droit privé, n° 127, p. 73.
-
104.
Pougoué P.G., L’arbitrage dans l’espace OHADA, 2016, Leiden/Boston, Cours de l’Académie de droit international de La Haye, p. 156 ; S. OUSMANOU, op.cit., n° 47, p. 235.
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105.
L’inarbitrabilité du fait des clauses compromissoires vaut aussi pour le droit OHADA.
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106.
ABR, acte de 2015 : art. 65, ann. I ; art. 58, ann. II ; art. 51, ann. III ; art. 50, ann. X.
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107.
ABR, acte de 2015, art. 80, ann. VII.
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108.
Sur la question, v. Jarrosson C., « Arbitrage et juridiction », in Droits, Revue française de théorie juridique, 1989, PUF, n° 9, p. 110. ; Jacquet J. M. et Jolivet E. (dir.), « Les mesures provisoires dans l’arbitrage commercial international : évolution et innovations », in Actes du Colloque organisé par le journal du droit international (Clunet), 2007, Litec/LexisNexis.
-
109.
Bucher À, Le nouvel arbitrage international en Suisse, 1998, Helbing et Lichtenhahn, p. 39.