CBD : commercialisation et marques, les règles partent-elles en fumée ?
Les 15 et 23 juin derniers, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser les contours – toujours flous – entourant, en France, le commerce de produits à base cannabidiol (CBD).
Dans les plants de cannabis sont notamment présentes deux substances :
*le THC qui est un psychotrope et qui est en France inscrit sur les listes des produits stupéfiants et est donc interdit à la commercialisation,
*et le CBD qui n’est pas considéré à ce jour comme un produit stupéfiant.
Un flou existait donc jusqu’ici quant à une éventuelle commercialisation de produits à base de CBD.
La législation française énonçait en effet que ne pouvaient être proposés à la vente que les produits extraits des fibres et graines de plantes limitativement identifiées (dont le Sativa L), et si le produit final contenait moins de 0,2% de THC. Pourtant, il était à la fois interdit de fabriquer les produits en France, et interdit de les importer de pays tiers. La vente de produits à base de CBD était donc, de fait, impossible en France.
Plus d’interdiction de principe des produits contenant du CBD en France
Une récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre dernier est venu affirmer – sur le fondement de la libre circulation des marchandises – qu’un pays ne pouvait, par principe, interdire l’importation de produits contenant du CBD, si ceux ci étaient légalement produits dans un autre pays de l’Union européenne.
La Cour de cassation, par une première décision d’espèce le 15 juin 2021, puis par une décision à vocation plus générale le 23 juin dernier, est venue confirmer ce qu’avait énoncé la Cour de justice de l’Union européenne.
Dès lors, à ce jour la France ne peut interdire par principe l’importation sur le sol français de marchandises à base de CBD lorsque celles-ci :
*contiennent moins de 0,2% de THC,
*sont extraites de plantes limitativement identifiées,
*sont produites légalement dans un pays de l’Union.
Mais gare à la réglementation des marques…
Au regard du droit des marques – il convient en premier lieu de noter que de nombreux signes comprenant la séquence de lettres CBD sont enregistrés auprès de l’INPI à titre de marques verbales ou semi figuratives, et ce depuis déjà plusieurs années.
Ainsi, si l’INPI ne procède pas à proprement parler, à contrôle s’agissant du bon emploi des signes CBD, en cas de projet d’un tel dépôt, il conviendra de veiller :
*à ne pas contrevenir aux droits d’acteurs qui seraient déjà titulaires d’une marque en procédant notamment à une recherche d’antériorité afin d’éviter un risque d’opposition ;
*à ce que le signe déposé ne soit pas descriptif, soit distinctif, et surtout au regard du produit en cause, ne contrevienne pas à l’ordre public.
Dès lors, si l’utilisation et le dépôt du signe CBD en tant que tel sont possibles, il faudra veiller tout particulièrement à ce que le signe déposé ne puisse, par exemple, être assimilé à une incitation à consommer de la drogue, ou entretienne une confusion entre le cannabis récréatif et les produits à base de CBD.
…et aux emballages
De la même manière d’un point de vu marketing – il sera bienvenu de prendre des mesures afin de limiter les risques éventuels (par exemple en précisant sur les emballages que les produits ne sont pas destinés à être fumés, en évitant de reproduire les feuilles de cannabis à titre de décor etc.).
Enfin, il conviendra également de prendre garde à ne pas vanter les mérites supposés des produits, et à ne pas parler de CBD thérapeutique tant que des études validées par la France et l’Union européenne ne seront pas publiées.
Ainsi, il faudra utiliser un vocabulaire adapté, notamment en suivant les recommandations de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) s’agissant de l’emploi de certains termes mélioratifs, ou pouvant laisser croire que le produit possède certaines vertus particulières.
Les règles entourant le commerce des produits à base de CBD sont encore largement à parfaire, il convient donc d’être particulièrement vigilant et d’interpréter strictement les décisions en la matière en attendant davantage de précisions.
En effet, d’une part la Cour de cassation ne s’est pas prononcée dans ses deux dernières décisions sur le fait de savoir si la France pouvait interdire la commercialisation de CBD en se prévalant de l’objectif de protection de la santé publique, et d’autre part, des mesures règlementaires sont attendues dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Il n’est donc pas certain que les règles qui semblent s’esquisser soient celles qui seront fixées pour l’avenir.
Référence : AJU238279