Que reste-t-il du non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés ?
Des évolutions législatives et jurisprudentielles rendent nécessaire de faire le point voire d’émettre des propositions sur le non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés. Ainsi, le non-cumul mériterait un fondement plus convaincant que celui de la nature juridique identique des deux actions. La hiérarchisation des finalités des deux actions pourrait constituer ce fondement. Le non-cumul ne peut être considéré comme un principe tant il fait l’objet de nombreuses limites, qui tiennent dans la réduction de son domaine d’application et dans l’admission de la recevabilité des actions en responsabilité personnelle en réparation d’un préjudice personnel.
1. Il pourrait paraître superflu de traiter, une nouvelle fois, de la question du non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés. Pourtant, des modifications législatives, des solutions jurisprudentielles et des analyses doctrinales1 invitent à demander « la révision » du « procès »2 de l’article L. 651-2 du Code de commerce et par cela de la règle jurisprudentielle, érigée par certains auteurs en principe, de non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés. Le non-cumul résulte d’arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui n’admettent pas le cumul de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif avec les actions en responsabilité civile fondées sur une disposition spéciale du droit des sociétés3 ou sur les dispositions de la responsabilité civile de droit commun4. Malgré la constance de cette jurisprudence, le législateur n’a jamais manifesté la volonté de la consacrer dans le Code de commerce.
Il convient tout d’abord de présenter les textes dont le cumul est interdit et leur évolution. En droit des sociétés, il s’agit pour le gérant de la SARL de l’article L. 223-22, alinéa 1, du Code de commerce et pour les administrateurs, directeur général et membres du directoire de la SA de l’article L. 225-251, alinéa 1, du Code de commerce5. Il n’existe pas de textes spécifiques traitant de la responsabilité civile des gérants de droit ou de fait pour les SNC, les SCS et les sociétés en participation à caractère commercial ; il faut leur appliquer les dispositions du droit commun de la responsabilité civile. Il est regrettable que les droits de la SNC et de la SCS ne comportent pas une disposition spécifique concernant la responsabilité civile des dirigeants sociaux. Il serait opportun que le législateur remédie à ces lacunes, à moins qu’il faille considérer que l’action en responsabilité de droit commun fondée sur l’article 1240 du Code civil suffise6. En droit des entreprises en difficulté, il s’agit de l’article L. 651-2 du Code de commerce qui a des origines lointaines7 puisque la loi du 16 novembre 1940 permettait déjà de faire supporter aux administrateurs de la SA en faillite tout ou partie des dettes sociales8. La loi du 13 juillet 1967 a rendu applicable cette action à tous les dirigeants de personnes morales de droit privé et a institué la double présomption de faute et de causalité que la loi du 25 janvier 1985 supprima. La loi du 26 juillet 2005 a changé la dénomination de cette action en comblement de l’insuffisance d’actif en action en responsabilité pour insuffisance d’actif et lui a associé « une action en comblement de passif aggravée »9 qui pouvait faire supporter aux dirigeants tout ou partie des dettes sociales. Cette action dénommée « obligation aux dettes sociales » a été abrogée par l’ordonnance du 18 décembre 2008, ce que la plupart des auteurs et des praticiens réclamaient car « elle faisait double emploi avec l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif »10. D’autres auteurs auraient préféré que ce soit l’action en comblement de passif qui soit supprimée car « le dispositif légal y aurait gagné en clarté » 11. Par ailleurs, l’ancien article L. 652-1 du Code de commerce prohibait dans son dernier alinéa le cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et de l’obligation aux dettes sociales. Il semblait également que l’obligation aux dettes sociales ne pouvait pas se cumuler avec les actions en responsabilité du droit des sociétés. L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif a ensuite été modifiée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 pour limiter son domaine d’application à la liquidation judiciaire, puis par l’ordonnance du 9 décembre 2010 pour la rendre applicable à l’EIRL et enfin par la loi du 9 décembre 2016 qui l’exclut en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait.
2. Partant, il convient de réaliser un état des lieux du non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité civile du droit des sociétés afin de déterminer si le non-cumul est ou non pertinent. Dans un premier temps, il paraît essentiel de rechercher le fondement du non-cumul (I). Dans un second temps, il convient d’inventorier toutes les limites dont le non-cumul fait l’objet (II).
I – Le non-cumul en quête d’un fondement
3. La jurisprudence est peu diserte, voire évasive, sur le fondement du non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés. Selon une partie de la doctrine, la nature juridique identique des deux actions expliquerait le non-cumul (A). Une autre raison paraît plus convaincante, celle de la hiérarchisation des finalités poursuivies par les deux actions (B).
A – La nature juridique identique des deux actions
4. Libérée des présomptions de faute de gestion et de lien de causalité prévues par la loi du 13 juillet 1967, l’action en comblement de l’insuffisance d’actif issue de la loi du 25 janvier 1985 devenait une véritable action en responsabilité civile. Le changement de nom de l’« action en comblement » en « action en responsabilité » par la loi du 26 juillet 2005 ne fait que consacrer sa nature d’action en responsabilité civile délictuelle. Selon le professeur Pérochon, la jurisprudence avait déduit de la nature indemnitaire de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif, le non-cumul avec les actions en responsabilité civile fondées sur une disposition spéciale du droit des sociétés ou sur le droit commun de la responsabilité civile pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture12. Pourtant, cette solution ne tombait pas sous le sens car comme l’écrivait le professeur Derrida, « la doctrine était largement divisée, tout comme l’étaient les juridictions du fond », « la plupart des auteurs se prononçaient pour le cumul »13. Les régimes des actions en responsabilité du droit des sociétés ou du droit commun étant plus intéressants que l’action en comblement de passif pour les créanciers, l’admission du cumul aurait eu pour effet de condamner cette dernière action14.
5. Dans ces conditions, il est difficile de comprendre pourquoi l’article L. 651-2 du Code de commerce se cumule avec d’autres actions15. Ainsi l’article L. 651-2 du Code de commerce se cumule avec les articles L. 266 et L. 267 du Livre des procédures fiscales qui régissent la responsabilité fiscale des dirigeants sociaux16. En effet, il ne fait aucun doute que l’action en responsabilité fiscale constitue une action en responsabilité civile17. Cette qualification n’empêche pas pour autant le cumul des deux actions, en évitant toutefois la double réparation du même préjudice. La même critique vaut pour l’admission du cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif avec l’action civile pour abus de biens sociaux18 ou avec l’action civile en réparation du préjudice résultant des délits de banqueroute par détournement d’actifs et de détournement de gage19. Dans l’arrêt du 11 mars 2015, la chambre criminelle utilise le critère, qui reste à définir, de l’objet de l’action mais ne fonde pas l’admission du cumul des deux actions, pour une réparation au final unique du même préjudice, sur la nature juridique de ces dernières. La nature juridique similaire de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et de l’action en responsabilité du droit des sociétés ne fournissant pas un fondement des plus assurés au non-cumul, il faut alors chercher un fondement ailleurs, précisément dans l’esprit des lois.
B – La hiérarchisation des finalités des deux actions
6. La finalité de la responsabilité pour insuffisance d’actif a évolué au cours du temps. La loi de 1940 cherchait à punir les dirigeants de sociétés anonymes ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Il en était de même de la loi du 13 juillet 1967 qui institua à dessein la présomption de faute et de lien de causalité. La loi du 25 janvier 1985 a voulu se montrer moins sévère avec les dirigeants en supprimant cette double présomption. Quant à la loi du 9 décembre 2016, elle traduit la volonté du législateur de se montrer bienveillant à l’égard des dirigeants de sociétés en liquidation judiciaire. Ce texte est sous-tendu par la volonté d’« encourager la création d’entreprises » et de « favoriser le rebond des dirigeants de sociétés à la suite d’une faillite » et d’« éviter que des condamnations patrimoniales puissent être prononcées pour simple négligence dans la gestion d’une société »20. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 septembre 2014, fait référence à l’objectif d’intérêt général de favoriser la création et le développement des entreprises pour justifier le pouvoir du tribunal d’exonérer en tout ou partie les dirigeants fautifs de la charge de l’insuffisance d’actif. Cette finalité fait échapper l’article L. 651-2 du Code de commerce au grief d’atteinte au principe de responsabilité et à celui d’égalité devant la loi21.
7. Les actions en responsabilité civile qu’elles soient fondées sur l’article 1240 du Code civil ou sur les dispositions spécifiques du droit des sociétés ne sont pas empreintes de cette mansuétude à l’égard des dirigeants des sociétés in bonis ou soumises à une liquidation judiciaire. Ces différentes dispositions peuvent être qualifiées de « neutres », mais elles sont perverties par leur interprétation jurisprudentielle qui cherche à protéger les dirigeants de l’engagement de leur responsabilité en ayant recours à la notion contestable de faute séparable des fonctions22. Il existe donc une différence notable de finalité entre les deux types d’action qui peut justifier le non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés. En effet, l’esprit de l’article L. 651-2 du Code de commerce mérite de l’emporter sur des considérations de réparation d’un dommage qui ne tiennent pas compte du contexte d’une procédure collective et qui peuvent dissuader les dirigeants de prendre des initiatives. Autrement dit, la finalité spéciale de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif déroge à la finalité générale des actions en responsabilité du droit des sociétés ou du droit commun.
8. Comment expliquer que la solution du non-cumul n’affecte que le droit des sociétés ou le droit commun ? Il pourrait être soutenu que l’admission du cumul avec le droit fiscal ou avec le droit pénal se justifie par le caractère relativement grave des fautes commises par les dirigeants et qu’il n’y a pas lieu pour ces dirigeants de favoriser leur rebond. En effet, l’article L. 267 du Livre des procédures fiscales vise des fautes graves : « le dirigeant social est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société ». Les articles L. 266 et L. 267 du Livre des procédures fiscales étant destinés à lutter contre la fraude fiscale et les textes du Code pénal visant à préserver l’ordre public, ils poursuivent des finalités qui ne peuvent céder face à l’objectif d’intérêt général de favoriser la création et le développement des entreprises. Afin de respecter ce dernier objectif, la responsabilité pour insuffisance d’actif des dirigeants sociaux ne devrait être recherchée qu’en cas de faute grave de gestion comme le prévoyait déjà le projet de loi initial de la loi du 25 janvier 198523. En droit américain, la responsabilité des dirigeants d’entreprise ne peut être recherchée « qu’en cas d’erreur grave ou de gross negligence »24. Malheureusement, la loi du 9 décembre 2016 a préféré retenir la nature de la faute plutôt que son degré de gravité25. La simple négligence ne pouvant plus être invoquée pour engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif26, elle peut en théorie fonder les actions en responsabilité du droit des sociétés27.
II – Le non-cumul objet de nombreuses limites
9. Le non-cumul subit des coups de boutoir de la part du législateur, de la jurisprudence et de la doctrine. Il doit faire face à la réduction de son domaine d’application (A) et à la recevabilité des actions en responsabilité personnelle en réparation d’un préjudice personnel et distinct de celui des autres créanciers (B).
A – La réduction du domaine d’application du non-cumul
Le non-cumul est cantonné à la liquidation judiciaire (1), aux seuls dirigeants (2), à l’insuffisance d’actif (3) et aux seules fautes antérieures au jugement d’ouverture (4).
1 – Le cantonnement du non-cumul à la liquidation judiciaire
10. Au fil des réformes, le domaine d’application de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif s’est réduit comme une peau de chagrin, ce qui a eu pour conséquence de restreindre le domaine d’application du non-cumul. Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, l’action en comblement de l’insuffisance d’actif pouvait être exercée dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaire et pendant l’exécution du plan de continuation ou de redressement judiciaire. La loi du 26 juillet 2005 a restreint le domaine d’application de l’action à la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire. L’ordonnance du 18 décembre 2008 a cantonné l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif à la liquidation judiciaire. Autrement dit, il est possible d’agir en responsabilité civile contre les dirigeants en se fondant sur une disposition spéciale du droit des sociétés ou sur le droit commun de la responsabilité civile en procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire et lors de la résolution du plan de sauvegarde ou de celle du plan de redressement. Ensuite, la transaction apparaît de plus en plus comme « une alternative à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif »28 surtout dans un contexte international. Une difficulté demeure cependant, cette transaction rendra-t-elle impossible, pour les mêmes faits, toute action fondée sur le droit des sociétés ou sur le droit commun de la responsabilité civile ? Enfin, l’article L. 631-10-1 du Code de commerce en mentionnant « une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur » ne fait pas référence à une action en responsabilité pour insuffisance d’actif mais à une action en responsabilité fondée sur l’article 1240 du Code civil29.
Pour quelles raisons le domaine d’application de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif a-t-il autant diminué ? Il semblerait que ce soit pour favoriser la création et le développement des entreprises et ne sanctionner que les dirigeants auteurs de fautes graves.
2 – Le cantonnement du non-cumul aux seuls dirigeants
11. L’article L. 651-1 du Code de commerce précise que « les dispositions du présent chapitre sont applicables aux dirigeants d’une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu’aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée ». L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne peut pas concerner les entrepreneurs individuels, les dirigeants de personnes morales de droit public, les membres du conseil de surveillance d’une société par actions, les commissaires aux comptes, les salariés, les fondateurs de sociétés. De plus, si la qualité de dirigeant de droit ou de fait30 n’est pas démontrée, les actions en responsabilité civile fondées sur une disposition spéciale du droit des sociétés ou sur le droit commun de la responsabilité civile peuvent être retenues. Le liquidateur31 ou le ministère public a alors tout intérêt à agir à titre subsidiaire sur le fondement du droit des sociétés ou de l’article 1240 du Code civil32, voire sur celui de l’article L. 442-6-I-5° du Code de commerce33, qui prévoit la responsabilité de l’auteur d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie. L’application de l’article L. 651-2 du Code de commerce peut même être contournée, si le liquidateur ne fait pas référence à l’insuffisance d’actif et considère le dirigeant comme un mandataire en agissant sur le fondement de l’article 1993 du Code civil. En effet, la Cour de cassation estime que l’action en reddition de comptes prévue par l’article 1993 du Code civil n’a pas le même objet que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif34.
3 – Le cantonnement du non-cumul à l’insuffisance d’actif
12. L’insuffisance d’actif est une condition sine qua non de l’action prévue par l’article L. 651-2 du Code de commerce. Ainsi, si le liquidateur ou le ministère public n’allègue pas l’insuffisance d’actif, une action en responsabilité civile fondée sur une disposition spéciale du droit des sociétés ou sur le droit commun de la responsabilité civile doit être jugée recevable35. Par ailleurs, en l’absence d’insuffisance d’actif, il n’y a plus de concurrence entre l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et les autres actions, précisément parce que la première action est irrecevable36.
4 – Le cantonnement du non-cumul aux seules fautes antérieures au jugement d’ouverture
13. Le caractère exclusif de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne vaut que pour les fautes antérieures au jugement d’ouverture. La responsabilité des dirigeants pour des fautes postérieures au jugement d’ouverture ne peut être engagée que sur le fondement des dispositions du droit des sociétés37 ou de l’article 1240 du Code civil38. Si le liquidateur agit par erreur sur le fondement de l’article L. 652-1 du Code de commerce pour des faits postérieurs au jugement d’ouverture, le juge ne peut pas relever d’office l’application du droit des sociétés ou de l’article 1240 du Code civil39.
B – La recevabilité des actions en responsabilité personnelle en réparation d’un préjudice personnel
14. D’un côté, la Cour de cassation a admis très clairement, dans un arrêt en date du 7 mars 2006, la recevabilité d’une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l’encontre du dirigeant d’une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture. La chambre commerciale subordonne la recevabilité de l’action « à l’allégation d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions »40. Il sera très difficile, pour ne pas dire impossible, de démontrer l’existence d’un préjudice personnel et distinct de celui des autres créanciers ainsi qu’une faute séparable des fonctions.
D’un autre côté, la Cour de cassation a admis la recevabilité de l’action exercée par un associé à l’encontre des dirigeants d’une société faisant l’objet d’une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture. La chambre commerciale subordonne la recevabilité de l’action « à l’allégation d’un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure collective fasse apparaître une insuffisance d’actif »41. Il n’y a pas dans ce cas à démontrer l’existence d’une faute séparable des fonctions, ce qui rend possible, par exemple, l’indemnisation des associés victimes de la dissimulation par les dirigeants de la situation financière de la société42.
Le non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et des actions en responsabilité du droit des sociétés étant remis en cause tant dans son fondement que dans son domaine d’application, il ne constitue assurément pas un principe mais une exception.
Notes de bas de pages
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1.
Le professeur François-Xavier Lucas estime « qu’il serait plus cohérent d’abroger l’article L. 651-2 du Code de commerce et de permettre à l’organe ayant qualité pour défendre l’intérêt collectif des créanciers d’agir sur le fondement de l’article 1240 du Code civil contre les dirigeants de la société débitrice mais également contre ses associés s’il y a lieu », Manuel de droit de la faillite, 2017, PUF, n° 305, p. 281.
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2.
Derrida F., « Procès de l’article 180 de la loi du 25 janvier 1985 (action en comblement d’insuffisance d’actif social) », LPA 9 juill. 2001, p. 6.
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3.
Cass. com., 28 févr. 1995, n° 92-17329.
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4.
Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-12810.
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5.
Pour la SA avec directoire et conseil de surveillance, l’article L. 225-256, al. 1, du Code de commerce renvoie à l’article L. 225-251, al. 1, du même code. L’article L. 226-12 du Code de commerce, qui s’applique aux gérants de sociétés en commandites par actions, renvoie à l’article L. 225-251, al. 1, du même code. Le droit de la SAS renvoie au droit de la SA à l’article L. 227-8 du Code de commerce. Pour la société européenne, il faut se reporter à l’article 51 du règl. n° 2157/2001 du 8 oct. 2001 qui renvoie au droit de la SA. Quant à l’article 1850 du Code civil applicable aux sociétés civiles, il s’inspire des dispositions propres aux sociétés commerciales.
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6.
Le professeur Fernand Derrida estimait que « les articles 52 (SARL) 244 et 245 (SA) de la loi du 24 juillet 1966, ne font que transposer en la matière le régime du droit commun de la responsabilité civile », note sous Cass. com., 28 févr. 1995, n° 92-17329 : LPA 28 juin 1995, p. 24.
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7.
Sur l’évolution de l’action en comblement du passif social, v. Germain M., « L’action en comblement du passif social, entre droit commun et droit spécial », Le Code de commerce 1807-2007, Le Livre du bicentenaire, 2007, Dalloz, p. 242 et s.
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8.
Pour la SARL, v. le décret du 9 août 1953.
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9.
Rapport sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises, Hyest J.-J., n° 335, p. 61.
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10.
Rapport au président de la République sur Ord. n° 2008-1345, 18 déc. 2008 : JO 19 déc. 2008, titre I, chap. V, sous art. 133.
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11.
En ce sens, Le Corre P.-M., Droit et pratique des procédures collectives, 2017, Dalloz, n° 924.14., p. 2863 ; Parachkevova I., « La nouvelle responsabilité des dirigeants dans les procédures collectives : révolution ou évolution ? », LPA 19 déc. 2006, p. 4 et s., spéc. p. 10, n° 37.
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12.
Pérochon F., Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ, p. 773, n° 1674.
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13.
Derrida F., note sous Cass. com., 28 févr. 1995, n° 92-17329 : LPA 28 juin 1995, p. 24.
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14.
Le professeur Derrida conclut que « le régime spécial édicté par cette loi ne pouvait s’accommoder de l’application simultanée du régime de droit commun de la responsabilité des dirigeants sociaux », ibid.
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15.
Le professeur Pétel remarque que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif « se double d’une action spécialement régie par le Code de l’environnement et destinée à faire financer la remise en état d’un site pollué exploité par une filiale en liquidation judiciaire en mettant en cause sa société-mère, voire la société du groupe auquel elle appartient (C. envir., art. L. 512-17) », Procédures collectives, 8e éd., Dalloz., n° 421, p. 231.
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16.
Cass. com., 9 déc. 1997, n° 96-12292 : JCP G 1998, I 141, n° 19, obs. Pétel P. ; Piniot M.-C., « Cumul de l’action en comblement de passif et de la responsabilité fiscale », RJDA 1/98, p. 3.
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17.
Le Gall J.- P. et Blanluet G., « La responsabilité fiscale des dirigeants d’entreprises », Rev. sociétés 1992, p. 669.
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18.
Cass. crim., 9 oct. 1997, n° 96-85471 : Dr. sociétés 1998, comm. 59, obs. Chaput Y. ; Rouvière F., « Le concours de l’action en comblement de passif et de l’action civile exercée devant la juridiction répressive », RTD com. 2006, p. 529.
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19.
Cass. crim., 11 mars 2015, n° 13-86155 : Rev. proc. coll. 2015, comm. 190, p. 36, obs. Martin-Serf A.
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20.
Mesure 14 intitulée « donner une deuxième chance aux chefs d’entreprise en cas de faillite » du dossier de presse « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » du 9 juin 2015 : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2015/06/dossier_de_presse_tout_pour_lemploi.pdf.
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21.
Cons. const., 26 sept. 2014, n° 2014-415 QPC : Rev. sociétés 2014, comm. 753, obs. Roussel Galle P.
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22.
Barbièri J.-F., « Responsabilité des personnes morales ou responsabilité de ses dirigeants ? La responsabilité personnelle à la dérive », in Mélanges Y. Guyon, 2003, Dalloz, p. 41.
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23.
Projet de loi n° 1578 : Doc. AN, 2e session ordinaire 1982-1983 ; Rapport Thyraud : Doc. Sénat n° 332, 2e session ordinaire 1983-1984, p. 223.
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24.
Hofmann K., Riggs J. et Tricot D., « La responsabilité des dirigeants d’entreprise des deux côtés de l’Atlantique », LPA 13 déc. 2007, p. 54.
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25.
Comme l’expose Pérochon F., « Sous la loi Sapin, un cadeau de Noël pour le dirigeant fautif ? », BJE janv. 2017, n° 114c8, p. 1.
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26.
Uniquement pour les procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016, v. CA Versailles, 7 nov. 2017, n° 17/04229.
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27.
Menjucq M., « La négligence ne peut plus fonder l’action en “comblement de passif” », Rev. proc. coll. 2017, repère 1.
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28.
Monsèrié-Bon M.-H., « Paiement du passif social par le dirigeant : passage obligé par la responsabilité pour insuffisance d’actif », note sous Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-16005 : BJS mai 2017, n° 116j5, p. 336.
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29.
En ce sens, Vallansan J., « Les sanctions influencées par la crise économique ? », BJE sept. 2012, n° 163, p. 319.
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30.
La notion de dirigeant de fait n’a jamais fait l’objet d’une définition légale.
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31.
Si le liquidateur n’a pas engagé l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, le tribunal peut être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs, v. Roussel-Galle P., « QPC, action en responsabilité et contrôleur », note sous Cass. com., 30 janv. 2018, n° 17-23763 : Rev. soc. 2018, p. 198.
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32.
Cass. com., 19 févr. 2008, n° 06-20444 : BJS juin 2008, n° 110, p. 504, note Saintourens B.
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33.
CA Grenoble, ch. com., 28 mars 2013, n° 11/03121 : Rev. proc. coll. 2014, comm. 177, Martin-Serf A.
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34.
Cass. com., 15 nov. 2016, n° 15-16070 : Rev. proc. coll. 2017, comm. 89, Martin-Serf A.
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35.
Cass. com., 28 mars 2000, n° 97-11533 : BJS juin 2000, n° 135, p. 606, § 135, note Daigre J.-J.
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36.
Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-13421.
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37.
Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-17753 : Dr. sociétés 2000, comm. 75, obs. Chaput Y..
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38.
CA Rouen, 11 janv. 2007, n° 05/02942 : Dr. sociétés 2007, comm. 98, note Monnet J.
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39.
Cass. com., 14 juin 2017, n° 15-29412 : BJS oct. 2017, n° 116w9, p. 620 note Mouial-Bassilana E.
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40.
Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-16536 : Rev. sociétés 2006, p. 644, note Barbièri J.-F.
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41.
Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21547 et n° 08-21793 : JCP E 2010, 1483, note Schiller S.
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42.
Ibid.