Entreprises en difficulté

Sauvegarde – nantissement de compte – droit de rétention

Publié le 13/04/2018

T. com. Paris, 31 mars 2016, no 2015065323

La société Allen’s Restaurant bénéficiant d’une procédure de sauvegarde, le Crédit industriel et commercial s’est prévalu du nantissement du compte courant de la société pour en appréhender le solde créditeur en remboursement partiel d’un prêt consenti pour financer des travaux.

La société assigne le CIC devant le tribunal, demandant à titre principal de prononcer la nullité du nantissement, à titre surabondant de déclarer inopposable le droit de rétention dont se prévaut la banque et en tout état de cause d’ordonner la restitution du solde créditeur du compte courant.

Le tribunal déboute la société de ses demandes aux motifs suivants :

Attendu que la société Allen’s soutient, en premier lieu, qu’elle n’avait pas conscience de l’existence du nantissement au jour de la signature du contrat de crédit ;

Attendu que, toutefois, il est produit aux débats le contrat de prêt ainsi que les conditions générales dans lesquelles figure la référence au nantissement ; que ces conditions générales ont été paraphées par la société Allen’s ; que ce moyen sera, en conséquence rejeté ;

Attendu que l’article 2356 du Code civil dispose que :

« À peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit. Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l’acte. Si elles sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci… » ;

Attendu qu’il est constant que le nantissement a été conclu par écrit et que la créance garantie est désignée dans l’acte ; que le litige porte exclusivement sur la désignation des créances nanties, la société Allen’s estimant que la formulation de l’article « Nantissement de comptes » figurant dans les conditions générales intégrées au contrat de crédit fait du nantissement un nantissement « omnibus » prohibé et ne précise pas le numéro du compte concerné ;

Attendu que l’article « Nantissement de compte » est ainsi rédigé :

« Conformément aux articles 2356 à 2366 du Code civil, l’emprunteur remet à titre de sureté en nantissement au prêteur, l’ensemble des comptes actuels et futurs qu’il détient ou détiendra auprès du prêteur… » ;

Attendu que la notion de nantissement « omnibus » s’entend d’un nantissement qui ne définit pas précisément la créance garantie, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

Attendu que la mise en nantissement de tous les comptes actuels et futurs de l’emprunteur auprès du préteur permet d’identifier les créances nanties, sans qu’il soit nécessaire de préciser les numéros de compte puisqu’ils sont tous nantis et que, de plus, il semble que, en l’espèce, l’emprunteur ne dispose que d’un compte auprès du préteur ; que ce second moyen n’est pas fondé ;

Le tribunal, en conséquence, déboutera la société Allen’s de sa demande de nullité du nantissement ;

Attendu que l’article 2286, 4° du Code civil dispose que celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose ;

Attendu que Allen’s soutient que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au profit de Allen’s rend inapplicable l’article 2286 du Code civil en vertu des dispositions de l’article L. 622-7 du Code de commerce ;

Attendu, toutefois, que l’article  55 de l’ordonnance du 23 mars 2006 est ainsi rédigé :

« Dans toutes dispositions législatives et réglementaires en vigueur, la référence au gage et au créancier s’entend de la référence au nantissement et au créancier nanti lorsque la sureté a pour objet un bien meuble incorporel ; réciproquement, la référence au nantissement et au créancier nanti s’entend de la référence au gage et au créancier gagiste lorsque la sureté a pour objet un bien meuble corporel » ;

Attendu que l’alinéa 4 de l’article 2286 du Code civil a été introduit par la loi du 4 août 2008, postérieure à l’ordonnance de 2006 ; que l’alinéa 4 utilise le terme « gage » et qu’il ne s’applique donc qu’aux suretés ayant pour objet un bien meuble corporel ; que, en l’espèce, la sureté a pour objet un bien meuble incorporel et que les dispositions de l’article L. 622-7 ne peuvent fonder la demande d’inopposabilité invoquée par Allen’s ;

Le tribunal, en conséquence, déboutera Allen’s de sa demande d’inopposabilité.

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