L’annulation de la décision « abusive » d’exclure un associé démissionnaire
La décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité de cette assemblée et en justifie l’annulation.
Cass. 1re civ., 2 févr. 2021, no 16-19691
1. Témoignant du contentieux grandissant en matière de nullité des actes et délibérations sociales, l’arrêt rendu le 28 novembre par la chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur la question de l’annulation d’une décision d’exclure un associé.
En l’espèce, un avocat associé au sein d’une société d’avocats était en arrêt maladie depuis le 6 février 2013. Le 29 août, il informa celle-ci de son intention de quitter le cabinet et lui adressa, le 1er octobre, sa démission à effet pour le 31 décembre de la même année. Le 18 novembre, une assemblée générale extraordinaire (AGE) a été convoquée au titre de cette démission mais elle n’a pas statué sur cette question. Le 25 novembre, la société d’avocats a, par délibération, prononcé l’exclusion de l’associé démissionnaire, en application de l’article 11 des statuts, au titre d’une incapacité d’exercice professionnel pendant une période cumulée de 9 mois au cours d’une période totale de 12 mois. Ce dernier a alors saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande d’arbitrage portant sur des rappels de rétrocession d’honoraires depuis 2008 et l’octroi de dommages et intérêts. Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Paris a, dans une décision du 15 juin 2016, rejeté sa demande d’indemnisation à hauteur de 700 000 €. Débouté de sa demande, l’associé exclu forma un pourvoi en cassation.
Ce dernier reprochait notamment aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande en annulation de la résolution n° 1 votée par l’AG le 25 novembre 2013 ayant prononcé son exclusion de la société d’avocats et sa demande en paiement de sa rémunération au titre de l’année 2013. Il estimait que, dans la mesure où la délibération de l’AG était abusive, la nullité de celle-ci aurait dû être prononcée. Dès lors, en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1832 et 1833 du Code civil.
Saisis du pourvoi, les hauts magistrats devaient répondre à la question de savoir si le caractère abusif de la décision prise par une assemblée générale d’exclure son associé justifie son annulation.
Au visa des article 1832, 1833 et 1844-10, alinéa 3, du Code civil, la première chambre civile de la Cour de cassation énonce qu’« il résulte du dernier de ces textes que la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ». Or pour rejeter la demande d’annulation de la résolution n° 1 votée lors de l’AG du 25 novembre 2013, la cour d’appel a estimé que si l’exclusion prononcée était abusive, seuls des dommages et intérêts pouvaient être alloués à l’associé exclu si ce dernier démontrait que cette décision lui a causé un préjudice. Pour les hauts magistrats, rendu en violation de ces textes, l’arrêt d’appel devait être censuré.
2. Illustration jurisprudentielle de la règle selon laquelle les délibérations des organes sociaux peuvent être annulées lorsqu’elles sont abusives, cet arrêt montre qu’éminemment théorique, la question des causes potentielles d’annulation d’une assemblée suscite en pratique de nombreuses difficultés. Bien que cet arrêt ait été rendu à propos d’une société d’avocats, la portée de la solution est générale et intéresse toutes les sociétés. Pour les hauts magistrats, la décision prise abusivement par une AG d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée (I). Dès lors, cette décision devait être annulée (II).
I – La faculté d’exclure un associé limitée par l’abus
3. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que si l’assemblée générale est compétente en matière d’exclusion (A), sa décision ne doit cependant pas être abusive (B).
A – La compétence de l’assemblée générale en matière d’exclusion d’un associé
4. L’exclusion permet d’écarter de la société, contre son gré, une personne qui en est membre. Dans une décision de 1996, la Cour de cassation a posé le principe de l’interdiction de l’exclusion d’un associé1. Pour autant, cela ne signifie pas qu’un associé ne peut jamais être exclu.
En raison de sa dimension interne2 et disciplinaire3, la décision d’exclusion appartient à l’ordre public sociétaire4 et au régime restrictif des nullités sociales. Dans la mesure où elle relève de l’appréciation d’un organe social et constitue une forme de sanction disciplinaire, l’exclusion obéit à un régime strict. C’est pourquoi, l’exclusion d’un associé ne peut, en principe, résulter que des causes légales d’exclusion ou d’une clause statutaire. En effet, les associés ont la possibilité d’insérer des clauses d’exclusion pourvu que celles-ci prévoient, à l’avance et de manière précise, les évènements donnant lieu à leur application. La liberté des statuts leur permet alors de préciser l’organe compétent pour prononcer l’exclusion.
En l’espèce, relatif aux causes d’exclusions, l’article 11 des statuts prévoyait la possibilité pour la société d’exclure l’associé en cas d’incapacité d’exercice professionnel pendant une période cumulée de 9 mois au cours d’une période totale de 12 mois. Non contestée, la réalisation de cet évènement permettait à l’assemblée générale, dans sa délibération du 25 novembre, de prononcer l’exclusion de l’associé.
5. L’absence de l’article 1103 du Code civil dans le visa doit cependant être soulignée. Relatif à la force obligatoire des contrats, ce texte permet de fonder le droit de l’associé à demeurer dans la société et d’interdire son exclusion en dehors des cas prévu par la loi ou les statuts. Dès lors, son absence interroge. Dans le silence de la loi et en l’absence de disposition statutaire, une AGE peut-elle exclure un associé ? Bien que le principe de l’interdiction de l’exclusion d’un associé demeure, l’étude de la jurisprudence témoigne d’une évolution vers davantage de souplesse.
À deux reprises, la Cour de cassation a choisi de faciliter l’exclusion d’un associé en l’absence de disposition légale ou statutaire. D’abord, dans un arrêt de principe du 1er février 2017, la première chambre civile a affirmé que « dans le silence des statuts d’une association, seules les modifications statutaires ayant pour effet d’augmenter les engagements des associés doivent être adoptées à l’unanimité »5. Les hauts magistrats ont alors approuvé les juges du fond d’avoir retenu que la modification des statuts, décidée par l’AG dans le but de permettre l’exclusion d’un adhérent sans motif disciplinaire et sans possibilité d’être entendu, n’avait pas à être adoptée à l’unanimité puisqu’elle « n’avait pas pour effet d’augmenter les engagements des associés »6. Adoptée au moment de la constitution de la société, la clause d’exclusion implique nécessairement le consentement de tous les associés. En revanche, lorsqu’elle est insérée dans les statuts en cours de vie sociale, le consentement des associés concernés n’est pas nécessaire. Ensuite, dans une décision du 4 décembre 2019, la chambre commerciale a retenu que « dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d’une association, la décision de radier ou d’exclure un sociétaire relève de l’assemblée générale »7. En d’autres termes, de manière supplétive, l’assemblée générale est compétente pour exclure un membre. Bien qu’elles aient été rendues à propos d’associations, ces solutions pourraient être transposées aux sociétés.
L’omission – volontaire ? – de l’article 1103 du Code civil dans le visa laisse penser que la Cour de cassation entend désormais octroyer davantage de pouvoirs à l’assemblée générale. Si celle-ci peut exclure un associé indésirable, sa décision ne doit cependant pas être abusive.
B – Le mystère entourant le caractère abusif de l’exclusion de l’associé
6. Théâtre de nombreux abus, la société a vu la théorie civiliste de l’abus de droit transposée en droit des sociétés. Il appartient alors aux juges de vérifier que l’exclusion n’est pas abusive ; en d’autres termes, la décision doit être conforme à l’intérêt social et à l’ordre public8. Un contrôle de la régularité des délibérations est réalisé9 tant sur la forme, c’est-à-dire le respect des exigences procédurales, que sur le fond, autrement dit la réalité des motifs d’exclusion et la proportionnalité entre la faute reprochée à l’associé et son exclusion. En l’espèce, les juges du fond ont constaté que la décision était entachée d’abus. Si le caractère abusif de l’exclusion n’a pas été discuté devant les hauts magistrats, on peut toutefois s’interroger sur les éléments de fait qui ont permis de le retenir. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées.
Au regard du visa l’article 1833 du Code civil mais aussi de la sanction ordonnée10, il pourrait d’abord s’agir d’un abus de majorité. Depuis un arrêt du 18 avril 1961, constitue un tel abus, la résolution « prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité »11. L’abus de majorité est donc caractérisé par la réunion de deux éléments : la violation de l’intérêt social et la rupture d’égalité entre les associés. La décision d’exclure un associé peut-elle constituer un abus de majorité ? En l’espèce, il semblerait que non. D’abord, la décision d’exclure l’associé ne paraît pas contraire à l’intérêt de la société puisque la prospérité ou la pérennité de celle-ci ne semble pas menacée. Au contraire, l’associé était en arrêt maladie depuis plus de 9 mois, il avait adressé sa démission et son exclusion était – d’un point de vue économique – moins onéreuse pour la société. Ensuite, il apparaît difficile de retenir la rupture d’égalité entre associés en matière d’exclusion. Généralement, cette condition permet de caractériser un déséquilibre dans le partage des richesses ou des pouvoirs. Si la rupture d’égalité entre associés devait être admise en matière d’exclusion, cela conduirait tout simplement à l’impossibilité d’écarter un associé. D’ailleurs, l’étude de la jurisprudence montre que l’abus de majorité n’est pas retenu en matière d’exclusion d’un associé mais à propos de décisions de mise en réserve systématique de bénéfices12, de filialisation13, de prise en charge du passif d’une filiale14, d’augmentations de capital15, de vente des actifs de la société16, ou encore de rémunération excessive17.
Ensuite, le visa de l’article 1832 du Code civil relatif à la définition du contrat de société suggère un manquement à l’affectio societatis. Élément du contrat de société, l’affectio societatis correspond à la volonté des associés de collaborer, sur un pied d’égalité, au succès de l’entreprise commune. Cette notion permet de caractériser la fictivité de la société ou encore l’existence d’une société créée de fait. Bien que la disparition de l’affectio societatis soit fréquemment invoquée en cas de discorde entre associés, il faut rappeler qu’elle n’entraîne pas nécessairement la dissolution de la société ; cette sanction ne peut être prononcée que si la mésentente paralyse son fonctionnement18. La piste de l’abus résultant d’un manquement à l’affectio societatis ne peut donc être retenue.
Il reste à envisager l’abus consistant en un manquement au principe du contradictoire et des droits de la défense. Conformément à ce principe, l’associé menacé d’exclusion doit avoir été averti et mis en mesure de présenter ses observations19. Cette hypothèse doit cependant être écartée. En effet, le non-respect de cette règle, qui ne résulte pas d’une disposition impérative du droit des sociétés, n’est pas une cause de nullité de la décision d’exclusion mais ouvre seulement droit à l’octroi de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi20. En outre, l’associé ne contestait pas le fait qu’il totalisait déjà une période cumulée de 9 mois d’arrêt maladie au cours d’une période totale de 12 mois.
La lecture des moyens annexés au pourvoi laisse alors penser que l’exclusion serait abusive en raison d’un « détournement de procédure ». En cause, une règle selon laquelle « en cas de démission en cours d’année, l’associé sortant renonce à toute rémunération notamment au titre de l’exercice en cours ». En procédant à une décision d’exclusion dans le but de résister aux prétentions financières de l’associé démissionnaire, l’assemblée générale aurait commis un détournement de procédure. Il faut toutefois rester prudent puisqu’il ne s’agit là que de l’argumentation du demandeur au pourvoi. En l’absence d’information, le mystère demeure entier quant à la nature de l’abus. Reste que les juges du fond, exerçant leur pouvoir souverain d’appréciation, ont retenu le caractère abusif de l’exclusion. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la décision abusive d’exclure un associé affecte, par elle-même, la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation.
II – Un abus sévèrement sanctionné par l’annulation des délibérations
7. Pour la Cour de cassation, l’exclusion abusive d’un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations et en justifie l’annulation. Pourtant, il semblerait que la nullité ne soit pas une sanction adaptée en matière de clause d’exclusion (A). Une solution à la mésentente entre associés pourrait alors être trouvée dans les clauses de rachat forcé (B).
A – La nullité, une sanction imparfaite en matière de clauses d’exclusion
8. Énoncée aux articles 1844-10 et suivants du Code civil, la nullité des délibérations de la société suscite un contentieux toujours plus abondant, en témoigne l’arrêt rapporté. En l’espèce, l’associé exclu reprochait aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande en annulation des délibérations. Pour la cour d’appel, nonobstant le caractère abusif de l’exclusion, il n’y avait pas lieu de prononcer la nullité des délibérations ; seuls des dommages et intérêts pouvaient être alloués si l’associé exclu démontre que la décision lui a causé un préjudice. Cette solution ne convainc pas la Cour de cassation. Elle casse sur ce point l’arrêt d’appel. Au visa de l’alinéa 3 de l’article 1833, elle affirme que « la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ». La nullité des délibérations devait-elle ici être prononcée ?
L’alinéa 3 de l’article 1844-10 du Code civil dispose que « les nullités des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ». Pour provoquer la nullité des délibérations, il faut d’abord que la norme violée ait un caractère impératif. Mais en raison des incertitudes qui l’entourent, la notion de « disposition impérative du présent titre » est source d’insécurité juridique. Alors qu’elle se trouve au cœur de la théorie des nullités, cette notion n’est pas définie. En l’absence d’énumération, il appartient aux juges de qualifier, parmi les différentes dispositions, celles qui sont impératives. Ensuite, la norme violée doit figurer dans le titre IX du Livre III du Code civil. En l’espèce, sanctionné par la nullité, l’abus constituerait une violation d’une « disposition impérative du présent titre ». Encore faut-il savoir en quoi consistait l’abus. En l’absence de précision, l’abus de droit doit être écarté car il s’agit là d’une construction prétorienne. Or, uniquement composé des articles 1832 à 1873, le titre IX du Code civil ne comprend pas ce principe général. Retenir l’abus de droit au titre des causes de nullité des délibérations conduirait à une extension du périmètre des nullités. Cela est d’autant plus regrettable qu’en exigeant une disposition expresse et en imposant un critère de localisation, le législateur a entendu faire des nullités un système restrictif.
En matière de décision d’exclusion, la nullité des délibérations n’est pas une sanction adéquate puisqu’elle ne permet pas de mettre un terme au conflit qui s’est installé entre les associés. Au contraire, en demeurant dans la société, l’associé indésirable risque d’aggraver les tensions existantes, d’entraîner une paralysie de son fonctionnement et par là même, sa dissolution pour mésentente. Il apparaît donc que seule une mise à l’écart définitive de l’associé peut mettre fin au litige. Si les clauses d’exclusion ne permettent pas toujours aboutir à un tel résultat, une solution à la mésentente entre associés pourrait cependant être trouvée dans les clauses de rachat forcé.
B – Le recours aux clauses de rachat forcé, une solution à la mésentente entre associés
9. Exceptions au principe du droit pour l’associé de demeurer dans la société, les clauses d’exclusion sont strictement encadrées par le législateur et la jurisprudence. Pourtant, aujourd’hui encore, elles soulèvent de nombreuses questions. Source d’insécurité juridique en raison du résultat incertain de leur mise en œuvre, celles-ci se voient concurrencées par les clauses de rachat forcé.
La régularité de la décision d’exclure un associé en application d’une clause d’exclusion statutaire peut être contestée. Lorsqu’elle est irrégulière, la décision peut être sanctionnée soit par son annulation, soit par une indemnisation de l’associé exclu. S’agissant, en premier lieu, de la nullité, celle-ci emporte de lourdes conséquences dans l’ordre interne, en témoigne l’arrêt rapporté. En l’espèce, l’annulation des délibérations neutralise l’exclusion de l’associé au bénéfice de la démission. Or, la démission de l’avocat associé de la société dont il est membre ne lui retire pas sa qualité d’associé. Il en résulte d’abord que l’associé démissionnaire pourra continuer à exercer ses droits financiers et donc, de percevoir des dividendes. Ensuite, s’agissant de ses droits politiques, il peut participer aux décisions collectives. Eu égard à l’activité continue de la société et à son fonctionnement hiérarchisé, les hypothèses de propagation de la nullité sont, en pratique, nombreuses. En effet, à la différence de la nullité de la société, la nullité d’une délibération sociale est rétroactive21. L’annulation de l’exclusion d’un associé peut alors s’étendre aux assemblées postérieures à son exclusion et auxquelles il n’a pas participé22. Ainsi, le risque de nullités en cascades constitue une réalité. En second lieu, lorsque saisis d’un litige relatif à la mise en œuvre d’une clause d’exclusion les juges estiment qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité des délibérations, ils peuvent néanmoins octroyer des dommages et intérêts à l’associé exclu si ce dernier démontre que cette décision lui a causé un préjudice. De nouveau, les conséquences financières ne sont pas des moindres puisque la perte de chance de percevoir des dividendes pourra être invoquée.
Prenant la mesure de l’insécurité juridique des clauses statutaires d’exclusion, les praticiens se sont tournés vers les clauses de rachat forcé : par un acte extrastatutaire, l’associé s’engage à céder ses titres si la condition stipulée se réalise. Il s’agit d’une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive prévue à l’article 1124 du Code civil. En cas de réalisation de la condition, les bénéficiaires de la promesse pourront procéder à la levée de l’option, laquelle suffit à former le contrat. Désormais titulaires d’un droit réel, les bénéficiaires auront la possibilité d’agir en exécution forcée si l’associé promettant refuse de réitérer son consentement. Par sa nature extrastatutaire, la clause de rachat forcée ne saurait être confondue avec la clause d’exclusion et se voir appliquer le régime des nullités des décisions sociales. Relevant du droit commun des contrats, la validité des clauses de rachat forcée n’est soumise qu’aux conditions classiques de validité énoncées par l’article 1128 du Code civil.
Une solution pourrait encore être trouvée dans le rachat des droits sociaux. Énoncé par l’alinéa 2nd de l’article 1844-12 du Code civil, ce mécanisme permet de supprimer l’intérêt à agir du demandeur à l’action en nullité. Le champ d’application de ce texte est cependant limité aux seules actions en nullité fondées sur un vice du consentement ou sur l’incapacité d’un associé. Étendu à l’hypothèse d’une action en nullité d’une décision sociale, le rachat des droits sociaux imposé par le juge permettrait alors d’exclure un associé.
Finalement, témoignant de l’insuffisance des dispositions actuelles, l’arrêt commenté montre – une nouvelle fois – que les règles de nullité des décisions de la société doivent être clarifiées sinon repensées. Les incertitudes entourant la notion de « normes impératives » rendent le système des nullités difficilement compréhensible. Dans l’attente d’une intervention législative, les praticiens devront veiller à privilégier les clauses de rachat forcé aux clauses statutaires d’exclusion.
Notes de bas de pages
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1.
Cass. com., 12 mars 1996, n° 93-17813 : Rev. sociétés 1996, p. 544, note D. Bureau ; Dalloz affaires 1996, n° 27, p. 494 ; BJS juill. 1996, n° 207, p. 584 ; JCP E 1996, II, 831, note Y. Paclot ; RTD com. 1996, 473, obs. C. Champaud et D. Danet. – CA Toulouse, 10 juin 1999, Juris-Data n° 042702 : JCP E 2000, II, 10372, note J.-J. Daigre – Adde S. Dariosecq et N. Métais, « Les clauses d’exclusions, solution à la mésentente entre associés », BJS août 1998, n° 285, p. 893.
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2.
En ce sens, v. F.-X. Lucas, note sous CA Paris, 15 déc. 2006, n° 06-18133 : BJS avr. 2007, n° 124, p. 479.
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3.
En ce sens, v. B. Dondero, note sous Cass. com., 6 mai 2014, nos 13-17349 et 13-19066 : JCP E 2014, 1317. – Adde J.-J. Ansault, note sous Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-17373 : Rev. sociétés 2016, p. 230.
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4.
En ce sens, E. Schlumberger, Les contrats préparatoires à l’acquisition des droits sociaux, 2013, Dalloz, p. 357 et s., nos408 et s. – M. Germain, « Pactes, statuts et ordre public », in Mélanges en l’honneur de Philippe Merle, 2013, Dalloz, p. 305, n° 11.
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5.
Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-11979 : JA 2017, p. 9, n° 554 ; D. 2017, p. 743, note D. Gallois-Cochet ; Rev. sociétés 2018, p. 43, note K. Rodriguez.
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6.
Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-11979 : JA 2017, p. 9, n° 554 ; D. 2017, p. 743, note D. Gallois-Cochet ; Rev. sociétés 2018, p. 43, note K. Rodriguez.
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7.
Cass. com., 4 déc. 2019, n° 17-31094 : D. 2019, p. 2418 ; D. 2020, p. 2033, obs. E. Lamazerolles et A. Rabreau ; JA 2020, p. 3, n° 612, édito B. Clavagnier ; JA 2020, p. 10, n° 612, obs. X. Delpech ; JA 2020, p. 34, n° 615, étude P. Viudès ; Rev. sociétés 2020, p. 304, note M. Rakotovahiny.
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8.
Cass. com., 8 mars 2005, n° 02-17692 : D. 2005, p. 839, obs. A. Lienhard ; JCP E 2005, 1046, n° 9, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker – Cass. com., 20 mars 2012, n° 11-10855 : BRDA 2012, n° 1 ; Dr sociétés 2012, n° 77, obs H. Hovasse ; JCP E 2012, 1310, note R. Mortier.
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9.
Cass. 1re civ., 8 nov. 1976, n° 75-12405 : Rev. sociétés 1977, p. 285, note C. Atias – Cass. 1re civ., 16 juin 1993, n° 91-15649 : Rev. sociétés 1994, p. 295, note Y. Chartier ; BJS août 1993, n° 264, p. 909, note G. Gourlay.
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10.
L’abus de majorité est sanctionné par la nullité des délibérations.
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11.
Cass. com., 18 avr. 1961 : Bull. civ. III, n° 175 ; D. 1961, p. 661 ; S. 1961, I, 257, note A. Dalsace ; JCP G 1961, II, 12164, note D. B ; D. 1961, p. 661.
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12.
Cass. com., 22 avr. 1976, n° 75-10735 : Rev. sociétés 1976, p. 479, note D. Schmidt ; D. 1977, p. 4, note C. Bousquet – Cass. com., 6 juin 1990, nos 88-19783 et 88-19783 : BJS sept. 1990, n° 233, p. 782, note P. Le Cannu ; D. 1992, p. 55, note J.-Y. Choley-Combe – Cass. com., 1er juill. 2003, n° 99-19328 : BJS nov. 2003, n° 236, p. 1137, note A. Constantin ; Rev. sociétés 2004, p. 337, note B. Lecourt – Cass. 3e civ., 7 févr. 2012, n° 10-17812 : Rev. sociétés 2012, p. 622, note A.-L. Champetier de Ribes-Justeau – Cass. 3e civ., 12 nov. 2015, n° 14-23716 : Dr sociétés n°1, janv. 2016, comm. 4, obs. R. Mortier ; Rev. sociétés 2016, p. 526, note E. Schlumberger.
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13.
Cass. com., 24 janv. 1995, n° 93-13273 : Rev. sociétés 1995, p. 46, note M. Jeantin ; Dr. sociétés 1995, comm. 102, note F. Vidal ; BJS avr. 1995, n° 101, p. 321.
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14.
Cass. com., 29 mai 1972, n° 71-11739 : D. 1972, p. 176 ; JCP G 1973, II, 17337, note Y. Guyon ; RTD com. 1972, p. 930, obs. R. Houin.
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15.
Cass. com. 22 mai 2001, n° 98-19086 : BJS oct. 2001, n° 230, p. 1003, note H. Le Nabasque ; JCP E 2001, 1911, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain – Cass. 3e civ., 8 juill. 2015, n° 13-14348, PB : BJS déc. 2015, n° 114h1, p. 643, note H. Hovasse ; Dr sociétés n° 11, novembre 2015, comm. 190, obs. R. Mortier ; Rev. sociétés 2016, p. 169, note E. Schlumberger.
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16.
Cass. com., 24 mai 2016, n° 14-28121 : BRDA 2016, n° 7 ; Rev. sociétés 2017, p. 226, note L.-M. Pillebout ; Dr. sociétés 2016, comm. 160, note R. Mortier.
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17.
Cass. com., 18 déc. 2019, n° 18-11580 : BJS avr. 2020, n° 120s1, p. 16, note J.-F. Barbièri – CA Paris, 24 mai 2011, n° 10/09266 : BSJ oct. 2011, n° 394, p. 780, note H. Barbier.
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18.
Cass. ch. mixte, 16 déc. 2005, n° 04-10986 : JCP E 2006, 1346, avis M. Domingo ; JCP E 2006, 2035, 9, obs. J.-J. Caussin, F. Deboissy et G. Wicker ; Rev. sociétés 2006, p. 327, note B. Saintourens.
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19.
Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16537 : JCP E 2007, 2433, note A. Viandier ; JCP E 2008, 1280, 8, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker – Adde J.-P. Dom, « L’existence du droit de vote de l’associé, principe fondamental du droit des sociétés » : RJDA 2008, p. 3.
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20.
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-16156 : Dr sociétés n° 11, nov. 2010, comm. 200, obs. H. Hovasse ; JCP E 2011, 1000, n° 3, obs. F. Deboissy et G. Wicker – Dans le même sens, v. Cass. com., 9 nov. 2010, n° 10-10150 : BJS févr. 2011, n° 58, p. 114, note P. Mousseron ; Rev. sociétés 2010, p. 577, obs. A. Lienhard ; Dr sociétés 2011, p. 25, obs. M.-L. Coquelet.
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21.
J. Moury, « Les nullités en cascade en droit des sociétés », Rev. sociétés 2013, p. 599.
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22.
Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n° 12-23129.