SARL à deux associés : la possibilité pour le gérant majoritaire de fixer, seul, le lieu de réunion de l’AG, de révoquer le co-gérant minoritaire et de s’octroyer une prime exceptionnelle
Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales (AG) d’une société à responsabilité limitée (SARL) est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit. Par ailleurs, la décision de révocation d’un gérant minoritaire associé d’une SARL, lorsqu’elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l’associé possédant plus de la moitié des parts sociales. Enfin, l’allocation d’une prime exceptionnelle au gérant ne s’analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d’un élément de sa rémunération, de sorte que celui-ci peut prendre part au vote.
Cass. com., 31 mars 2021, no 19-12057
En droit des sociétés, il est parfois utile de rappeler que « les affaires ne reposent pas sur des sentiments »1. Lorsqu’une société est constituée par deux associés liés par une relation d’affection, la naissance d’un conflit familial met en danger la pérennité de cette société. En cas d’égalité de détention du capital, l’un des associés peut – par des votes négatifs ou en s’abstenant de voter – paralyser le fonctionnement de la société et entraîner sa dissolution pour mésintelligence2. Pour prévenir ces conflits, les associés veillent à ne pas être égalitaires en droit de vote. Toutefois, ce remède n’est pas sans susciter de nouvelles difficultés : en détenant plus de la moitié du capital social, le majoritaire dispose de larges pouvoirs. En témoigne l’arrêt rendu le 31 mars 2021 par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En l’espèce, le capital d’une SARL, dont le siège social est situé à Baie-Mahault, est détenu par deux frères, à concurrence de 50,04 % pour l’un et 49,96 % pour l’autre. Tous deux étaient également co-gérants de la société jusqu’à ce qu’une assemblée générale, réunie le 21 mars 2016 à Paris sur la convocation du gérant majoritaire, décide la révocation du co-gérant minoritaire de ses fonctions et, par la même occasion, l’octroi d’une prime exceptionnelle au majoritaire. Contestant ces décisions, le minoritaire a assigné la société et le majoritaire en annulation de cette assemblée et en rétablissement dans ses fonctions de co-gérant, avec tous les attributs y afférents. Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Basse-Terre a, dans une décision du 12 novembre 2018, débouté le minoritaire de ses demandes.
Ce dernier forma un pourvoi en cassation constitué de trois moyens. D’abord, il estimait que l’assemblée était nulle pour avoir été convoquée à Paris et non au siège social dans le but d’entraver sa participation à la décision collective. Ensuite, il soutenait que la révocation de ses fonctions de gérant était nulle car il ressortait de la stipulation des statuts, claire et précise, qu’un associé, même majoritaire, ne peut, seul, révoquer un co-gérant, la présence d’au moins deux associés étant requise. Enfin, selon lui, le gérant majoritaire ne pouvait participer au vote de l’assemblée lui octroyant une prime exceptionnelle puisqu’il s’agissait d’une convention ne pouvant correspondre à une opération courante.
Les hauts magistrats devaient répondre à la question de savoir si le gérant majoritaire d’une SARL ne comportant que deux associés peut, seul, fixer le lieu de réunion de l’assemblée, révoquer le co-gérant minoritaire et décider de s’octroyer une prime exceptionnelle.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Sur le premier moyen, pour approuver les juges du fond d’avoir écarté l’annulation de l’AG, la haute cour énonce que dans le silence des statuts, le lieu de réunion des AG d’une SARL est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit. Sur le deuxième moyen, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 223-25 du Code de commerce, le gérant d’une SARL peut être révoqué, par décision des associés, dans les conditions de l’article L. 223-29, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte. Or les juges d’appel ont relevé que l’article 23-3 des statuts dispose que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l’objet d’une seconde consultation à la simple majorité des votes émis ». Dès lors, les juges du fond ont retenu de ces stipulations statutaires que la décision de révocation d’un gérant minoritaire associé d’une SARL, lorsqu’elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l’associé possédant plus de la moitié des parts sociales et que le terme « des associés », figurant à l’article 23-3 précité, devait être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés. Sur le troisième moyen, la Cour de cassation rappelle que les dispositions de l’article L. 223-19 du Code de commerce relatives à la procédure d’approbation des conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l’un de ses gérants associés, prévoient que l’associé ou le gérant ne peut prendre part au vote et que ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. En l’espèce, l’article 21-2 des statuts de la société reprend ces dispositions. Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que l’allocation d’une prime exceptionnelle au gérant ne s’analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d’un élément de sa rémunération et que celui-ci peut donc prendre part au vote.
1. Dans une SARL ne comportant que deux associés, le gérant majoritaire dispose de larges pouvoirs et peut ainsi, seul, fixer le lieu de réunion de l’assemblée lors de laquelle sera prononcée la révocation du co-gérant minoritaire (I) et participer au vote de l’assemblée lui octroyant une prime exceptionnelle (II).
I – La validité de la décision de révocation du co-gérant minoritaire
2. Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme que le gérant majoritaire peut librement fixer le lieu de réunion de l’assemblée dès lors que ce choix n’est pas motivé par la volonté d’empêcher le minoritaire d’y participer (A). Au cours de cette assemblée, le majoritaire peut alors, par son seul vote, révoquer le co-gérant minoritaire (B).
A – L’absence d’abus dans la fixation du lieu de la réunion de l’assemblée
3. Envahi de stratégies, le monde des affaires est le théâtre de nombreux abus. La fixation du lieu de réunion de l’assemblée des associés peut ainsi constituer un élément permettant d’influencer les votes.
En l’espèce, le minoritaire soutenait que l’assemblée des associés était nulle pour avoir été convoquée à Paris et non au siège social de la société dans le seul but d’entraver sa participation. Le gérant majoritaire peut-il librement fixer le lieu de réunion de l’assemblée ?
C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur cette question. Pour rejeter ce premier moyen, la haute juridiction relève que « dans le silence des statuts, le lieu de réunion des AG d’une SARL est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit ». Or la cour d’appel a estimé que le minoritaire ne justifiait pas de la réalité d’une indisponibilité le jour de la réunion de l’AG et qu’il ne démontre pas que son frère a voulu sciemment l’empêcher d’assister à cette assemblée. En déduisant de ces seules constatations et appréciations, procédant à l’exercice de son pouvoir souverain, que la demande d’annulation de l’AG fondée sur sa tenue en métropole n’était pas justifiée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
Jusqu’à présent, seules les juridictions du fond avaient été saisies de la question de la fixation du lieu de réunion des assemblées. Dans un arrêt ancien du 15 juin 19893, la cour d’appel de Paris a considéré qu’en l’absence de dispositions légales ou statutaires, le gérant d’une SARL n’avait pas commis un abus de droit au préjudice d’un associé en convoquant une assemblée, non pas à Paris au siège social, mais dans une ville de province à Lorient où étaient domiciliés les trois autres associés dès lors qu’il n’était pas établi que ce lieu de réunion avait été choisi dans le but de nuire à cet associé. De la même manière, la cour d’appel de Paris a, dans une décision du 5 novembre 2011, retenu qu’« en l’absence de dispositions statutaires, le gérant d’une [SARL] fixe lui-même ce lieu en vertu de ses pouvoirs d’administrateur, sauf à ce qu’il soit démontré que le lieu choisi par lui pour la tenue de l’assemblée générale l’ait été dans le but de gêner la participation de certains associés ou d’influencer les votes »4.
À la différence de la SA5, la SARL dispose d’une plus grande souplesse de fonctionnement puisqu’aucune disposition ne prévoit que les assemblées d’associés doivent, sauf clause statutaire contraire, se réunir au siège social ou en tout autre lieu du même département. Aussi, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires, les statuts déterminent librement le lieu de réunion des assemblées. Dans le silence des statuts, il appartient alors au gérant d’identifier le lieu de la réunion.
La solution retenue par la Cour de cassation s’impose d’autant plus qu’elle fixe une limite à la liberté de choix du gérant, celle de l’abus de droit. Les manœuvres frauduleuses tendant à influencer un vote pourront donc être sanctionnées. En l’espèce, les juges du fond ont considéré que la convocation de l’assemblée à Paris était régulière dans la mesure où rien ne permettait d’établir que ce choix était motivé par la volonté d’empêcher le minoritaire de participer à l’assemblée en cause. Au contraire, le gérant majoritaire savait, par un courriel qui lui avait été adressé par son frère, que ce dernier serait en métropole la semaine du 21 mars 2016, pour un motif personnel.
Les associés devront veiller à déterminer, dans les statuts, le lieu de convocation de l’assemblée. À défaut de disposition statutaire, le gérant majoritaire peut non seulement fixer librement le lieu de réunion de l’assemblée mais surtout, lorsque la SARL ne comporte que deux associés, décider de la révocation du co-gérant minoritaire.
B – La révocation du gérant minoritaire par le vote de l’associé majoritaire
4. Conformément à l’alinéa 1er de l’article L. 223-25, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions prévues pour l’adoption des décisions ordinaires, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte. Dans une SARL à deux associés, l’application de ce texte permet au majoritaire disposant de la qualité de gérant6 de convoquer l’assemblée et de révoquer, par son seul vote, le co-gérant minoritaire. En témoigne l’arrêt rapporté.
En l’espèce, le minoritaire estimait que la révocation de ses fonctions de gérant était irrégulière car il résultait de la stipulation des statuts, claire et précise, qu’un associé, même majoritaire, ne peut, seul, révoquer un co-gérant, la présence d’au moins deux associés étant requise.
Pour rejeter ce moyen, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 223-25 du Code de commerce, « le gérant d’une SARL peut être révoqué, par décision des associés, dans les conditions de l’article L. 223-29, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte et que, selon ce dernier article, dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont, sur première convocation, adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales ». Or les juges d’appel ont relevé que l’article 23-3 des statuts de la société relatif à la révocation des gérants dispose que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l’objet d’une seconde consultation à la simple majorité des votes émis ». Dès lors, par une appréciation souveraine, exclusive de dénaturation, les juges du fond ont retenu de ces stipulations statutaires, que l’ambiguïté de leurs termes rendait nécessaire, qu’il est communément admis que la décision de révocation d’un gérant minoritaire associé d’une SARL, lorsqu’elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l’associé possédant plus de la moitié des parts sociales et que le terme « des associés », figurant à l’article 23-3 précité, devait être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés.
Selon l’article L. 223-29 du Code de commerce, la révocation du gérant requiert une décision d’associés représentant plus de la moitié des parts sociales sur première convocation, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Toutefois, lorsque la SARL est seulement constituée de deux associés, la possibilité de prévoir une majorité plus forte est limitée. En effet, rappelons qu’est nulle toute disposition statutaire ou toute convention qui tend à supprimer, à entraver ou à restreindre la liberté de révocation d’un dirigeant7. Par conséquent, l’argumentation selon laquelle l’emploi du pluriel par l’article 23-3 des statuts impose le vote de deux associés ne pouvait prospérer. En l’occurrence, en détenant 50,04 % du capital social, soit plus de la moitié des parts sociales, le majoritaire pouvait donc, par son seul vote, décider de la révocation du co-gérant minoritaire. De prime abord, cette solution peut paraître choquante. Pourtant, à y regarder de plus près, elle ne l’est pas. En effet, le co-gérant minoritaire disposait d’armes lui permettant de sanctionner les excès du gérant majoritaire : d’une part, n’étant pas révocable ad nutum, le co-gérant minoritaire pouvait solliciter l’allocation de dommages et intérêts si sa révocation a été décidée sans juste motif8, d’autre part, ayant la qualité d’associé, il pouvait demander la révocation judiciaire du gérant majoritaire pour cause légitime9. Avec 50,04 % des voix, le gérant majoritaire pouvait donc révoquer le co-gérant minoritaire mais également voter sur la décision lui octroyant une prime exceptionnelle.
II – La validité de la décision octroyant une prime exceptionnelle au gérant majoritaire
5. L’allocation d’une prime exceptionnelle au gérant ne constitue pas une convention réglementée mais une opération courante (A). Dès lors, en qualité d’associé, le gérant majoritaire peut prendre part au vote relatif à l’octroi d’une telle prime (B).
A – La rémunération du gérant d’une SARL, une opération courante
6. La rémunération du gérant est généralement déterminée par une décision collective10. La question qui se pose alors est celle de savoir si le gérant associé peut participer au vote. En effet, en ce qu’il constitue un droit essentiel11, le droit de vote ne peut être retiré à un associé que par une disposition légale.
En l’espèce, le minoritaire estimait que le gérant majoritaire ne pouvait participer au vote de l’assemblée lui octroyant une prime exceptionnelle puisqu’il s’agissait là d’une convention ne pouvant correspondre à une opération courante. Pour rejeter ce moyen, la Cour de cassation rappelle que les dispositions de l’article L. 223-19 du Code de commerce relatives à la procédure d’approbation des conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l’un de ses gérants associés, prévoient que l’associé ou le gérant ne peut prendre part au vote et que ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. En l’espèce, l’article 21-2 des statuts de la société reprend ces dispositions. Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel, abstraction faite du motif selon lequel l’octroi d’une telle prime est une opération courante qui peut être votée par décision ordinaire des associés, a retenu que l’allocation d’une prime exceptionnelle au gérant ne s’analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d’un élément de sa rémunération et que celui-ci peut donc prendre part au vote.
Par le passé, la pratique et la doctrine se sont interrogées sur la nature de la rémunération du gérant de SARL12. Faut-il considérer que la rémunération du gérant constitue une opération courante et donc admettre que le gérant peut voter sur sa propre rémunération13 ? Ou faut-il, au contraire, considérer que cette rémunération constitue une convention réglementée de l’article L. 223-19 du Code de commerce14 et ainsi exclure la participation du gérant15 ? Une première réponse avait été apportée par la Chancellerie, laquelle s’était prononcée en faveur de l’application des conventions réglementées16. Dans un arrêt du 4 mai 2010, la Cour de cassation a finalement mis un terme à ce débat en affirmant que « la rémunération du gérant d’une [SARL] par l’assemblée des associés ne procédant pas d’une convention, le gérant peut, s’il est associé, prendre part au vote »17. L’arrêt commenté s’inscrit dans la droite ligne de cette jurisprudence.
Désormais, il est acquis que le gérant, s’il est associé, peut prendre part au vote sur la fixation de sa rémunération. Lorsque le gérant est, comme en l’espèce, un associé majoritaire, cette solution lui permet de s’auto-rémunérer. « Manifestement d’un autre âge dans un monde moderne des affaires »18, cette pratique peut être contestée. En effet, comme le relève le professeur Philippe Merle, « la délicatesse devrait l’inciter à ne pas participer au suffrage »19. Il apparaît alors que « sa participation au vote est révélatrice d’un conflit d’intérêts »20. Cette crainte peut toutefois être écartée puisque la possibilité pour le gérant de prendre part au scrutin concernant sa rémunération est contrôlée.
B – Le contrôle de la participation du gérant au vote de sa rémunération
7. La participation du gérant au vote de sa rémunération peut apparaître indélicate, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un associé majoritaire. Cependant, différents mécanismes permettent de sanctionner les excès de certains dirigeants.
La décision d’accorder une rémunération au gérant peut, d’abord, être contestée sur le fondement de l’abus de majorité. Ainsi en est-il lorsqu’une résolution a été prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité. La rémunération excessive du gérant21 peut alors être sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts22, mais également par la nullité de la décision abusive23.
Ensuite, la responsabilité pénale du gérant peut être engagée pour abus de biens sociaux lorsque ce dernier s’est alloué une rémunération excessive24. Prévue à l’article L. 241-3, 4°, du Code de commerce, cette infraction permet de sanctionner le dirigeant qui, de mauvaise foi, a fait des biens ou du crédit de la société, des pouvoirs qu’il possédait, ou des voix dont il disposait, un usage qu’il savait contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
La décision d’accorder une rémunération au gérant peut encore être sanctionnée lors de la liquidation judiciaire si celle-ci fait apparaître une insuffisance d’actif25. En cas de faute du gérant dans la gestion de la société, le liquidateur judiciaire peut intenter une action fondée sur la responsabilité pour insuffisance d’actif26. Le gérant condamné devra alors supporter tout ou partie de ce passif.
En l’espèce, la lecture des moyens annexés indique que l’assemblée générale du 21 mars 2016 a voté l’attribution d’une prime exceptionnelle de 180 000 € au profit du gérant majoritaire. Cette rémunération était justifiée par le fait qu’au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2015, le gérant majoritaire avait supporté seul l’essentiel des tâches et fonctions liées à l’exercice de la gérance de la société en raison de l’absence de longue durée pour cause de maladie du co-gérant minoritaire.
Par cet arrêt, la Cour de cassation tire les conséquences logiques de la loi. Si « les assemblées sont des grand-messes minutieusement réglementées »27, le respect scrupuleux du rituel légal permet alors au gérant majoritaire d’une SARL de fixer, seul, le lieu de réunion de l’assemblée, de révoquer le co-gérant minoritaire et de s’octroyer une prime exceptionnelle. Finalement, cette décision montre que le droit des sociétés ne permet pas de prévenir suffisamment les conflits entre associés.
Notes de bas de pages
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1.
H. de Balzac, César Birotteau, 1837.
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2.
C. civ., art. 1844-7, 5°. Pour une illustration jurisprudentielle, v. CA Pau, 13 mars 2008, n° 06/03795 : BJS août 2008, n° 144, p. 670 ; v. aussi A. Lecourt et S. Prévost, « De l’art d’éviter que la séparation des associés concubins n’entraîne la dissolution de la SARL », BJS janv. 2009, n° 022, p. 100.
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3.
CA Paris, 15 juin 1989, Sté Copy 2000 c/ Sté Maubeuge Reprographie : JurisData n° 1989-023092 ; BRDA 15/1989, p. 20 ; Dr. sociétés oct. 1989, n° 309, p. 4 ; RTD com. 1990, p. 44, obs. C. Champaud ; JCP E 1989, I 19038.
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4.
CA Paris, 5e ch., sec. C, 5 nov. 1999, Ben Amor c/ Ben Amor Lassoued SARL : BJS févr. 2000, n° 032, p. 170, note P. Le Cannu ; RJDA 2/00, n° 17 ; JCP E 2000, p. 798, spéc. n° 7 obs. A. Viandier et J. -J. Caussain.
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5.
Pour la SA, l’article L. 225-103 du Code de commerce dispose que « sauf clause contraire, les assemblées d’actionnaires sont réunies au siège social ou en tout autre lieu du même département ».
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6.
Conformément à l’alinéa 2 de l’article L. 223-27 du Code de commerce, il appartient au gérant de convoquer les assemblées.
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7.
Cass. com., 2 juin 1987, n° 85-16467 : BJS juin 1987, n° 220, p. 501, note P. Le Cannu – V. aussi CA Paris, 10 oct. 2006, n° 05/17037, SARL Art Paris c/ Lamaignère : RTD com. 2007, p. 162, obs. C. Champaud et D. Danet ; Rev. sociétés 2007, p. 185, obs. I. Urbain-Parleani ; RJDA 2007, n° 168.
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8.
C. com., art. L. 223-25, al. 1er.
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9.
C. com., art. L. 223-25, al. 2.
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10.
Si le montant de la rémunération des gérants peut être fixé dans les statuts, ce procédé est déconseillé car le traitement des gérants dépend de l’évolution de la situation financière de la société. Tout changement entraînera une modification des statuts, laquelle implique le consentement des associés mais aussi l’accomplissement des formalités de publicités nécessaires.
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11.
Sur le caractère essentiel du droit de vote, v. Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16537 : D. 2007, p. 2726, obs. A. Lienhard ; D. 2008, p. 47, note Y. Paclot ; D. 2008, p. 1563, chron. J. Paillusseau ; D. 2009, p. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2007, p. 814, note P. Le Cannu ; RTD com. 2007, p. 791, obs. P. Le Cannu et B. Dondero ; RTD com. 2008, p. 566, obs. C. Champaud et D. Danet ; R. Kaddouch, « L’irréductible droit au vote de l’associé », JCP E 2008, 1549.
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12.
X. Cornette de Saint-Cyr, « La fixation de la rémunération du gérant de SARL », LPA 10 sept. 1986, p. 9.
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13.
CA Paris, 3e ch. B, 6 déc. 2007, n° 06/20667, Bondi c/ Boutros : BRDA 4/08, inf. 2 ; RJDA 4/08, n° 431 ; Rev. sociétés 2008, p. 194, note I. Urbain-Parleani – CA Chambéry, 27 nov. 2001, Martres c/ Giroux : JurisData n° 2001-185902 ; Dr. sociétés 2002, comm. 219, note J. Monnet.
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14.
L’alinéa 1er de ce texte dispose in fine que « le gérant ou l’associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité ».
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15.
CA Versailles, 27 oct. 1988, Teboul c/ Hamon : BJS janv. 1989, n° 1, p. 85 ; Rev. sociétés 1989, p. 87 – CA Versailles, 2e ch., sect. 2, 12 sept. 2002, n° 00/07416, Picard c/ Berthier : BJS janv. 2003, n° 1, p. 57, note B. Saintourens – CA Caen, 23 janv. 2007, n° 08/01091, SARL Peri Repro c/ AGF La Lilloise : BRDA 18/08, inf. 1 ; Dr. sociétés 2008, comm. 57, note J. Monnet.
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16.
Rép. min. n° 4275 : JOAN Q, 4 avr. 1969, p. 69 – Rép. min. n° 25200 : JOAN Q, 4 août 1980, p. 3310 – Rép. min. n° 36325 : JOAN, 10 nov. 1980, p. 4766 ; Rev. sociétés 1970, p. 167.
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17.
Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-13205 : D. 2010, p. 1206, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2010, p. 222, note A. Couret ; RTD com. 2010, p. 563, obs. C. Champaud et D. Danet ; JCP G 2010, 729, note D. Gallois-Cochet ; Lexbase droit privé, juin 2010, n° 399, note D. Gibrila.
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18.
A. Couret, note sous Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-13205 : Rev. sociétés 2010, p. 222.
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19.
P. Merle, Droit commercial. Sociétés commerciales, 24e éd., Dalloz, Précis, p. 216, n° 190.
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20.
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 33e éd., 2020, LexisNexis, p. 621, n° 1608.
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21.
Cass. com., 18 déc. 2019, n° 18-13850 : BJS avr. 2020, n° 120s1, p. 16, note J.-F. Barbièri – Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-11580 : RJDA 2020, n° 217.
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22.
L’action en responsabilité est fondée sur l’article 1240 du Code civil.
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23.
L’action en nullité de la délibération litigieuse est fondée sur l’article 1844-10 du Code civil.
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24.
Cass. crim., 19 oct. 1971, n° 70-90661 : Bull. crim., n° 272 – Cass. crim., 15 oct. 1998, n° 97-80757 : Rev. sociétés 1999, p. 184, note B. Bouloc – CA Paris, 27 févr. 1990 : JurisData n° 1990-022904 ; Dr. sociétés 1991, comm. 22, obs. J.-H. Robert.
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25.
CA Rennes, 13 déc. 1995, Schneider c/ Mauras : JurisData n° 1995-052352 ; Dr. sociétés 1996, comm. 195, obs. Y. Chaput – CA Bordeaux, 23 avr. 2007, Lalanne c/ SARL ECF CESRFP : JurisData n° 2007-338404 ; Dr. sociétés 2007, comm. 182, obs. J. Monnet.
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26.
C. com, art. L. 651-2.
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27.
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 33e éd., 2020, LexisNexis, p. 630, n° 1631.