Quel sort réserver au gérant de SARL surendetté ?

Publié le 03/10/2016

Les arrêts rendus par la Cour de cassation ces dernières années ont permis de tracer les frontières du droit du surendettement et des procédures collectives. Certaines personnes, notamment les gérants de société à responsabilité limitée, du fait de leur statut de « chef d’entreprise » sans entreprise, et de la nature mixte de leur passif, sont en marge des procédures d’insolvabilité réservées aux particuliers tout en étant exclues des procédures collectives. Notre Gouvernement soucieux du rebond des débiteurs malheureux ne semble pas vraiment se préoccuper du sort des gérants de SARL. Lesquels peuvent sortir ruinés d’une mauvaise chute de leur société et méritent autant de considération que les « victimes de la surconsommation et du crédit ». Le Parlement, qui planche toujours sur le projet de loi de modernisation de la justice, a introduit quelques dispositions sur le droit du surendettement dans le texte. Il aurait été judicieux de saisir l’occasion pour mener une réflexion sur le sort du gérant surendetté et proposer des solutions.

Aux termes des articles L. 620-2, alinéa 1er, L. 631-2, alinéa 1er et L. 640-2, alinéa 1er du Code de commerce, les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires prévues au livre VI du Code de commerce sont applicables à « toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé ».

S’agissant de la personne morale, son autonomie par rapport à ses fondateurs et ses dirigeants justifie qu’une procédure ouverte à son égard ne s’étende pas à ces derniers. Ainsi, choisir d’exercer son activité professionnelle sous la forme d’une SARL ou d’une EURL permet de limiter les risques de l’entreprise puisqu’en cas de difficultés, si la société est placée en liquidation judiciaire, seul le patrimoine de la personne morale est liquidé. Certes, les associés, dont le gérant (hormis le gérant seulement salarié), perdent leurs apports mais pour autant la structure « RL » semble pleinement jouer son rôle. Il n’en va autrement que lorsque la procédure dont la société fait l’objet est étendue au gérant à raison d’une confusion de patrimoines1. Dans ce cas, une procédure collective unique est ouverte à l’encontre de la personne morale et s’étend au dirigeant personne physique. En dehors de cette hypothèse, si le gérant connaît des difficultés financières, il ne peut pas bénéficier personnellement d’une procédure alors même que ses difficultés seraient générées à l’origine par celles de sa société.

Effectivement, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel la seule qualité de gérant d’une société, ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives2. Cette solution se justifie car le gérant agit au nom de la société et non en son nom personnel, il ne remplit donc pas la condition d’exercice d’une activité professionnelle indépendante requise pour l’application des procédures du livre VI du Code de commerce.

En revanche, la qualité de gérant ne suffit pas non plus pour l’exclure du champ d’application des dispositions du Code de la consommation relatives au surendettement des particuliers. Au contraire, l’article L. 711-3 du Code de la consommation affirme la vocation subsidiaire du droit du surendettement qui s’applique aux seules personnes physiques surendettées, à la condition que ces personnes ne relèvent pas par ailleurs des procédures collectives commerciales.

D’ailleurs, si la Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que le gérant de SARL est éligible aux procédures du Code de la consommation3.

Ainsi donc le sort du gérant est entendu, il peut solliciter le traitement de ses difficultés financières auprès d’une commission de surendettement. Toutefois, et c’est là le point crucial, encore faut-il que son dossier soit recevable pour qu’une procédure de surendettement soit effectivement mise en œuvre, et, à le supposer recevable, reste à savoir si sa situation pourra être traitée avec cohérence et efficacité. Or, force est de reconnaître qu’en l’état du droit positif, le droit du surendettement est insuffisant pour apporter un remède cohérent et efficace aux difficultés financières personnelles du gérant de SARL (I), d’où la nécessité d’explorer les voies d’une possible amélioration de la dynamique des procédures du livre VI du Code de commerce et de celles du Code de la consommation (II).

I – L’insuffisance du droit du surendettement

Le surendettement se caractérise par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi, et qui ne relève pas d’une des procédures de traitement des entreprises en difficulté, de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir4. Il faut se rendre à l’évidence, même si le gérant, en tant qu’exclu des procédures du livre VI du Code de commerce, est éligible au traitement de ses difficultés par le droit du surendettement, la nature nécessairement hybride de son passif rend la recevabilité et le traitement de son dossier aléatoires.

A – Recevabilité aléatoire du dossier de surendettement

De prime abord, la question est tranchée, le gérant est éligible aux procédures consuméristes. En principe, la coexistence de dettes professionnelles et domestiques n’exclut pas pour autant le débiteur des procédures de surendettement5. Simplement, seules les dettes non professionnelles sont prises en compte pour analyser la situation du demandeur6. La notion de dette professionnelle n’ayant pas été définie par le législateur, c’est la jurisprudence qui en a ébauché les contours. Il ressort d’un arrêt du 8 avril 20047 que les dettes professionnelles sont celles qui naissent pour les besoins et/ou au titre de l’activité professionnelle. Or, le gérant de SARL pluri- ou unipersonnelle peut bien évidemment accumuler des dettes de nature exclusivement domestique mais souvent, la part la plus importante de son passif sera générée par son activité professionnelle, surtout si en parallèle sa société connaît des difficultés.

Très couramment, le passif professionnel du gérant se décompose en trois postes.

On pourrait penser en premier lieu aux dettes provenant des engagements de caution et autres garanties personnelles que le dirigeant a pu consentir aux fournisseurs de crédit de son entreprise. Toutefois, dès 20088, le législateur a étendu la notion de surendettement de manière à ce que le surendettement soit également caractérisé en comptabilisant les dettes résultant de l’engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société.

D’un autre côté, les difficultés du gérant peuvent aussi venir de ses cotisations sociales. En effet, dès qu’il a la qualité de gérant associé majoritaire, il est redevable à titre personnel des cotisations sociales du RSI9, et il n’est pas rare que ce dernier ne puisse plus les régler dès que la baisse de ses activités professionnelles, et partant de ses revenus, devient persistante. Or, récemment, la Cour de cassation a rendu un avis10 selon lequel Les cotisations sociales de l’URSSAF destinées à la couverture personnelle sociale d’un gérant majoritaire non rémunéré d’une SARL constituent des dettes professionnelles qui par conséquent ne seront pas prises en compte pour caractériser les difficultés du débiteur au sens des dispositions intéressant le surendettement.

Enfin, lorsque la société est en difficulté et que son gérant est jugé responsable de l’insuffisance d’actif, il s’ensuit pour ce dernier une condamnation à supporter tout ou partie du passif social11. On pourrait objecter, dans le cas où le débiteur a fait l’objet d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif, que l’irrecevabilité de sa demande se justifie aussi du fait de sa mauvaise foi, or, l’accès aux procédures du droit de la consommation est réservé aux seuls débiteurs de bonne foi. Mais c’est oublier deux choses.

La première, c’est que la responsabilité pour insuffisance d’actif n’implique pas forcément des faits d’une exceptionnelle gravité à l’encontre d’un dirigeant de mauvaise foi. La faute de gestion est une notion extensive, une imprudence, une négligence, ou une légèreté peut suffire à fonder la responsabilité du dirigeant, ce qui est d’ailleurs paradoxal dans la logique actuelle d’incitation à entreprendre12. En outre la bonne foi est présumée.

Certes, en 200413, la Cour de cassation avait exclu du bénéfice des procédures consuméristes le dirigeant frappé de faillite personnelle. Et on sait que cette sanction peut être prononcée à l’encontre du dirigeant qui n’a pas acquitté le passif mis à sa charge suite à une action en comblement de passif. Mais, cette jurisprudence est remise en cause par un arrêt du 12 avril 201214, dans lequel la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme qu’une « action en comblement de passif, (…) n’exclut pas en soi le bénéfice des mesures de traitement du surendettement ».

La seconde chose à ne pas oublier c’est que la mauvaise foi, exclusive des procédures de surendettement, doit être à l’origine du surendettement. Dès lors, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de censurer des juges du fond, qui pour justifier le rejet du dossier de surendettement d’un couple avaient retenu que l’un d’eux avait détourné de l’argent au préjudice de son employeur car ce motif était relatif à une dette professionnelle, partant sans rapport direct avec la situation de surendettement, et donc impropre à caractériser la mauvaise foi15. Quoi qu’il en soit, la condamnation à supporter le passif social est une conséquence de l’activité du gérant et revêt un caractère professionnel, elle ne sera donc pas comptabilisée au stade de la recevabilité de sa demande auprès de la commission de surendettement, alors que son montant peut être tout à fait hors de proportion au regard des facultés contributives du gérant, car il n’est pas fait un recours systématique aux mesures d’investigation de l’article L. 651-4 du Code de commerce pour ajuster le quantum de la condamnation au patrimoine personnel du défendeur16.

Ainsi, quelle que soit la nature de son passif professionnel, en théorie, l’infortuné gérant peut se tourner vers une commission de surendettement, mais quelle que soit l’importance de ce passif, celle-ci ne déclarera son dossier recevable que si par ailleurs les dettes domestiques suffisent à caractériser le surendettement. Et c’est là que la dure réalité se fait jour. En définitive, le gérant surendetté ne trouvera que rarement son salut dans les procédures de surendettement. En fait, pour peu qu’il ait été très vigilant pour maîtriser son endettement à titre privé et que la source de ses difficultés provienne uniquement de la déconfiture de son activité, sa demande sera rejetée.

Et même à supposer la demande du gérant recevable à raison d’autres dettes de nature privée, il reste à apprécier le traitement de son passif.

B – Traitement incohérent du passif du gérant

Une fois son dossier recevable, le gérant ne doit pas se croire sauvé. Certes, son passif professionnel pourra faire l’objet d’un traitement dans le cadre d’un plan conventionnel de redressement ou des mesures recommandées ou imposées par la commission. Toutefois, si la situation est véritablement irrémédiable et que le dossier est orienté vers une procédure de rétablissement personnel, ses dettes professionnelles sont exclues des mesures d’effacement.

La situation est donc assez paradoxale.

D’abord, le plan de redressement peut comporter des mesures de report, d’aménagement des paiements, de remises de dettes, de réduction ou de suppression des taux d’intérêts, mesures qui engloberont indifféremment les dettes personnelles et professionnelles17. En cas d’échec la commission peut recommander l’effacement partiel des créances18. Cette solution est singulière car, si l’effacement porte sur les dettes résultant d’une condamnation à supporter le passif social, cela implique que la commission de surendettement dont la nature de juridiction n’est pas reconnue, peut remettre en question une sanction prononcée par les juridictions commerciales. En outre cette sanction a très bien pu être prononcée à l’origine à l’encontre d’un dirigeant de mauvaise foi coupable de faits particulièrement graves. Et malgré cette mauvaise foi le responsable verra ses difficultés financières traitées par le droit du surendettement. Toutefois, l’article L. 733-12 du Code de la consommation permet à chacune des parties au plan de contester devant le juge les mesures imposées ou recommandées par la Commission dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui lui en est faite19. Reste à savoir si un créancier professionnel contestant la bonne foi de son débiteur à raison de ses fautes de gestion verrait son recours triompher dans la mesure où la bonne foi exigée par les procédures consuméristes s’apprécie au regard du surendettement né des dettes domestiques.

Parallèlement, lorsque les difficultés du demandeur sont irrémédiables, et qu’aucun plan de redressement ne peut suffire, pas plus que les propositions et recommandations de la commission, alors la procédure de rétablissement personnelle avec ou sans liquidation judiciaire s’impose comme la seule issue possible, avec à la clé l’effacement des seules dettes privées, ce qui laisse entier le passif professionnel du gérant. Certes, on pourrait imaginer que le débiteur s’oppose à une telle procédure, mais son consentement n’est requis que pour le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire. En revanche, dès que « le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur marchande »20, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire peut être recommandé par la commission de surendettement sans requérir le consentement de l’intéressé21. En définitive, le gérant totalement ruiné qui n’a plus aucun actif réalisable demeure tenu de ses dettes professionnelles. Comment, dans ces conditions, promouvoir le droit à une seconde chance, affiché par le législateur avec la nouvelle procédure de rétablissement professionnel (dont le gérant est exclu puisqu’il s’agit d’une procédure commerciale) ? Si l’on s’intéresse à la situation particulière du gérant tenu d’un arriéré de cotisations à l’URSSAF, la solution ne présente aucun avantage pour l’organisme social qui n’a pas d’autres solutions que de continuer à poursuivre un débiteur dans l’impossibilité notoire absolue de payer.

Il faut se rendre à l’évidence, dans la plupart des cas, et notamment dans les situations les plus obérées, l’ouverture d’une procédure de surendettement mènera à une impasse.

II – Quels remèdes ?

Puisque procédures collectives et procédures de surendettement traitent toutes la situation du débiteur qui ne peut pas faire face à ses obligations, peut-être serait-il opportun de revoir le champ d’application des procédures du livre VI du Code de commerce pour y inclure le gérant de SARL mais, aussi séduisante soit-elle, cette solution ne résout pas toutes les questions. Une autre voie, celle de la disqualification de certaines dettes, pourrait alors être envisagée.

A – Révision des frontières des procédures applicables aux entreprises en difficulté

Permettre au dirigeant de SARL de relever à titre personnel des procédures du livre VI du Code de commerce, présente l’avantage d’un traitement unitaire et global de son passif quel qu’il soit. Or, les procédures collectives sont applicables à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé22. Le dirigeant de la personne morale n’est pas visé. Cependant, il a été soutenu qu’il n’y a rien de choquant à ce que le gérant de SARL soit exclu des procédures commerciales car il profite de la bonne santé de la société pour laquelle il agit en percevant dividendes et rémunération, sans en subir les déboires grâce à l’écran protecteur de la personne morale23. Certes mais l’argument est à rebours des tendances actuelles tournées vers la limitation des risques et les incitations à créer son entreprise. Pourquoi celui qui a choisi d’exercer son activité professionnelle sous la forme d’une société à responsabilité limitée devrait-il être moins bien traité que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui cumule les deux procédures ? Assurément, on ne peut pas étendre cette solution de cumul au gérant de SARL ou d’EURL car ce dernier, à la différence de l’EIRL, n’a qu’un seul patrimoine.

Envisager la soumission du gérant aux procédures collectives se heurte aussi à leur champ d’application rationae personae tel qu’il est défini par les textes. Particulièrement, la notion de professionnel indépendant pose problème. Il serait vain de soutenir que dans les microstructures de type EURL, le gérant est un professionnel indépendant. Certes, il est seul maître à bord et ne rend de compte à personne qu’à lui-même, mais l’indépendance de l’article L. 632-1 s’entend de l’indépendance juridique. Malgré tout, cette indépendance juridique est protéiforme selon qu’elle est appréhendée par telle ou telle branche du droit. Précisément, selon le droit social, le gérant de SARL est un indépendant. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il est redevable des cotisations de l’URSSAF24. En revanche le droit commercial lui dénie cette qualité25. Cette incohérence est encore accentuée lorsque l’on compare la situation du gérant d’EARL et de SARL. En effet, dans un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a tiré de l’affiliation du gérant d’EARL à la Mutuelle sociale agricole, la présomption selon laquelle il s’agissait bien d’un agriculteur exerçant une activité professionnelle indépendante et relevant à ce titre des procédures collectives26. Ainsi le gérant d’EARL est indépendant tandis que le gérant de SARL ne l’est pas.

Peut-être serait-il judicieux de prendre en compte la qualité de travailleur indépendant reconnue au gérant majoritaire de SARL par l’article R. 241-2 du Code de la sécurité sociale pour en déduire l’applicabilité des procédures du livre VI du Code de commerce au traitement de ses difficultés27.

Quoi qu’il en soit, même si la jurisprudence devait évoluer en ce sens, il subsisterait un problème important : quel sort réserver au passif résultant d’une condamnation à supporter tout ou partie du passif de sa société mise en liquidation judiciaire au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif ? À vrai dire, si le gérant ne parvient pas à faire face à sa dette, le droit des procédures collectives n’apporte aucune solution. En fait, depuis la loi de sauvegarde de 200528 qui a abrogé l’article L. 624-4 du Code de commerce, il n’est plus possible d’ouvrir une procédure à l’encontre du dirigeant en cas de non-paiement du montant auquel il a été condamné.

La solution est donc à trouver dans le droit du surendettement au prix d’une disqualification de certaines dettes pour les traiter via les procédures consuméristes.

B – Disqualification de certaines dettes

Le législateur est intervenu en 2008 pour rendre éligibles au droit du surendettement les dettes résultant du cautionnement des obligations d’un entrepreneur individuel ou d’une société sans distinguer selon que la caution est dirigeant de la société débitrice ou non29. On a pu en déduire la volonté de soumettre le dirigeant aux procédures de surendettement dans la mesure où ces dettes de cautionnement revêtent nécessairement un caractère professionnel.

Une telle intervention législative serait également souhaitable pour comptabiliser au titre du passif du gérant surendetté les dettes générées pas les cotisations sociales du RSI.

On pourrait aussi se contenter de déterminer parmi ces cotisations celles qui ont une affectation véritablement familiale et domestique comme les cotisations d’assurance vieillesse et santé. Tandis que les autres seraient exclues de l’évaluation du surendettement, mais, outre que le critère de répartition n’est pas aisé, cela conduirait à rendre éligible une partie seulement des cotisations sociales aux procédures de surendettement tout en compliquant inutilement encore la situation.

Un auteur avait proposé de mettre ces cotisations sociales à la charge de la société30. Évidemment, la proposition est séduisante car dans l’hypothèse de non-paiement et de difficultés avérées, les arriérés de cotisation seraient, le cas échéant, portés au passif de la procédure ouverte à l’encontre de la société, et parallèlement, le gérant pourrait faire l’objet d’une procédure de surendettement prenant en compte ses autres dettes. Toutefois, la solution ne tient pas compte de ce que les cotisations en cause n’ont pas une finalité professionnelle, elles ne profitent en rien à la société. Il ne semble donc pas logique de les mettre à la charge de la société.

Parallèlement une prise en compte des dettes de cotisation au titre du passif du surendetté ne nous semble pas heurter le bon sens. La Cour de cassation n’a-t-elle pas par le passé reconnu que les cotisations sociales dues par un époux au titre d’un régime légal d’assurance maladie et vieillesse représentent une dette ménagère31 ? Il semble naturel qu’une dette ménagère soit une dette non professionnelle.

Toutefois, quand bien même le législateur franchirait le pas et ajouterait dans la liste des éléments caractérisant le surendettement l’impossibilité de faire face aux dettes de cotisations sociales des indépendants, on serait toujours confronté à la question du traitement du passif né d’une condamnation à supporter le passif de l’entreprise à l’issue d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

La question en implique une autre : faut-il vraiment trouver une solution alors qu’une telle condamnation est une sanction prononcée à l’encontre du dirigeant ?

Peut-être faudrait-il distinguer selon la gravité de la faute à l’origine de la responsabilité, mais une telle distinction donnant lieu à appréciation conduira à une casuistique source de contentieux. La solution ici semble plutôt se trouver en amont en imposant aux juridictions commerciales qui prononcent une telle sanction d’en ajuster le montant aux facultés contributives du coupable32

Alors que le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, actuellement en discussion, contient un chapitre dédié aux dispositions sur le surendettement33, il serait bon que nos parlementaires se penchent sur le sort des « marginaux » des procédures de surendettement.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. com., art. L. 621-2, C. com., art. L. 631-7 et C. com., art. L. 641-1.
  • 2.
    Cass. com., 12 nov. 2008, n° 07-16998 : Bull. civ. 2008, IV, n° 191 ; BJS mars 2009, n° 057, p. 278, note Le Corre P-M. ; D. 2008, p. 2929, obs. A.L. ; Dr. sociétés 2009, comm. n° 15, note Legros J.-P., JCP E 2009, 10023, concl. Bonhomme R. et note Lebel C.
  • 3.
    Cass 2e civ., 8 juill. 2004, n° 02-04212 : BJS févr. 2005, n° 041, p. 237, note Saintourens B. – Cass 2e civ., 12 avr. 2012, n° 11-10228 : BJE juill. 2012, n° 0125, p. 208, note Favario T. ; D. 2012, p. 1120, obs. Avena-Robardet V. ; Rev. soc. 2012, p. 395, obs. Roussel Galle P.
  • 4.
    C. consom., art. L. 711-1.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 7 mars 1995, n° 93-04082 : Bull. civ. I, n° 119 – Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 99-04058 : Bull. civ. I, n° 85.
  • 6.
    Cass. 2e civ., 29 janv. 2004, n° 02-04095 : Bull. civ. II, n° 36 ; Rev. proc. coll. 2004, n° 3, p. 373, note Gjidara-Decaix S.
  • 7.
    Cass. 2e civ., 8 avr. 2004, n° 03-04013 : D. 2004, p. 1383, note Rondey C. ; Rev. proc. coll. 2004, n° 3, p. 373, note Gjidara-Decaix S.
  • 8.
    L. n° 2008-776, 4 août 2008, de modernisation de l’économie ; C. consom., art. L. 711-1 dernier alinéa.
  • 9.
    CSS, art. D. 632-1.
  • 10.
    Cass. avis, 8 juill. 2016, n° 16-70005.
  • 11.
    C. com., art. L. 651-2.
  • 12.
    Perochon F., Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ, n° 1701, p. 783 : « la notion en étant si extensive que le plus diligent est susceptible de la commettre ».
  • 13.
    Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n° 02-04212 : BJS févr. 2005, n° 041, p. 237, note Saintourens B. ; D. 2004, p. 1991, note Hénaff G.
  • 14.
    Cass. 2e civ., 12 avr. 2012, n° 11-10228 : BJE juill. 2012, n° 0125, p. 208, note Favario T. ; D. 2012, p. 1120, obs. Avena-Robardet V. ; Rev. soc. 2012, p. 395, obs. Roussel Galle P.
  • 15.
    Cass. 2e civ., 8 déc. 2011, n° 10-23312.
  • 16.
    Sur ce point voir Favario T., note sous Cass. 2e civ., 12 avr. 2012, n° 11-10228 : BJE juill. 2012, n° 0125, p. 208.
  • 17.
    C. consom., art. L. 733-1.
  • 18.
    C. consom., art. L. 733-7.
  • 19.
    Cass. 2e civ., 21 oct. 2004, n° 00-20515 : Bull. civ. II, n° 475, p. 403 ; Contrats, conc. consom. 2004, comm. n° 37, Raymond G.
  • 20.
    C. consom., art. L. 724-1, 1°.
  • 21.
    Sur les conditions spécifiques des procédures de rétablissement personnel : Gjidara-Decaix S., « Surendettement des particuliers », JCl. Banque-Crédit-Bourse, fasc. n° 735, nos 135 et s.
  • 22.
    C. com., art. L. 620-2, L. 632-1 et L. 640-2 traitant respectivement des conditions d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.
  • 23.
    P. Rubellin, note sous Cass 2e civ., 21 janv. 2010, n° 08-19984 : BJS juin 2010, n° 117, p. 567.
  • 24.
    Lebel C., « Le cotisant est-il un débiteur ? La problématique inextricable de l’article R. 241-2 du Code de la sécurité sociale », Gaz. Pal. 24 janv. 2008, n° H0837, p. 19.
  • 25.
    V. supra.
  • 26.
    Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-20711 : BJS janv. 2015, n° 112x9, p. 26, note Brignon B. ; BJE janv. 2015, n° 111w8, p. 13, note Cerati-Gauthier A. ; Dr. rural 2015, comm. n° 41, note Lebel C.
  • 27.
    En ce sens, Vincent C., « La qualité du débiteur dépourvu d’entreprise », JCP E 2016, 1340.
  • 28.
    L. n° 2005-845, 26 juill. 2005, de sauvegarde des entreprises.
  • 29.
    V. supra I/A/
  • 30.
    Lebel C., précitée note 24.
  • 31.
    Cass. 1re civ., 12 mai 2004, n° 02-30716 : Bull. civ. I, n° 137.
  • 32.
    En ce sens, Favario T., note sous Cass 2e civ., 12 avr. 2012, n° 11-10228 : BJE juill. 2012, n° 0125, p. 208.
  • 33.
    Projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, texte Sénat n° 796, art. 18 sexies.
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