Amiable : Éric Dupond-Moretti annonce une nouvelle salve de mesures

Publié le 19/10/2023

La volonté politique du ministre de la justice de promouvoir l’amiable ne se dément pas. Lors d’un colloque organisé le 17 octobre, il a annoncé de nouvelles mesures en ce sens. Revue de détail avec Fabrice Vert, premier vice-président au tribunal judiciaire de Paris, membre du Conseil national de la médiation, membre du conseil national du syndicat Unité Magistrats, ambassadeur de l’amiable

Amiable : Éric Dupond-Moretti annonce une nouvelle salve de mesures
Eric Dupond-Moretti-Moretti à la rentrée solennelle du barreau le 25 novembre 2022 (Photo : ©P. Cabaret)

 

 « Alors retroussons-nous Ies manches et avançons ! la politique de l’amiable c’est maintenant, avec vous ! » tels sont les propos conclusifs du ministre de la justice prononcés devant un parterre réunissant plus de 400 acteurs de l’amiable, au colloque organisé à la cour d’appel de Paris le 17 octobre 2023.

Ce colloque s’insérait dans le cadre du lancement du cycle de conférences amiables initié par Jacques Boulard, premier président de la cour d’appel de Paris ; il s’inscrit ainsi dans la suite de ses prédécesseurs comme Pierre Drai, Guy Canivet, Jean-Marie Coulon, Jean-Claude Magendie ou Chantal Arens, qui ont fait de cette cour (siège social du Groupement européen des magistrats, section France) un laboratoire des pratiques amiables.

Il faut rappeler que dès avant la loi du 8 février 1995, la médiation est une pratique prétorienne qui a été consacrée en 1988 par un arrêt de la cour d’appel de Paris, que les juges d’instances parisiens ont été parmi les premiers à faire siéger à leur côté les conciliateurs de justice, les pouvoirs publics ayant ensuite codifié cette pratique en autorisant certains juges à déléguer leur pouvoir de concilier aux conciliateurs de justice. Les barreaux se sont également impliqués, puisque c’est sous le bâtonnat de Dominique de la Garanderie qu’a été créée l’association européenne des médiateurs.

Des pratiques de l’amiable riches et variées sur le ressort de la cour d’appel de Paris

Le mardi 17 octobre, ce sont les ambassadeurs de l’amiable en présence du premier président qui ont inauguré cette journée mémorable de l’amiable par des entretiens en séquences séparées avec les conciliateurs de justice, les médiateurs, les bâtonniers et avocats du ressort, et, en fin de journée, les présidents des tribunaux judiciaires du ressort, tous très impliqués pour développer un circuit amiable.

Cette matinée en présence de Frédérique Agostini, présidente du Conseil national de la médiation, a permis de constater la richesse des pratiques de l’amiable dans ce ressort, de déceler certains freins et de formaliser des propositions constructives. L’importance du travail collaboratif dans ce domaine et de la formation des différents acteurs a été pointée. Nathalie Roret, directrice de l’ENM, a d’ailleurs annoncé que la formation offerte aux magistrats sur l’amiable serait doublée.

Une sensibilisation à l’amiable dès l’université

Après avoir salué les initiatives des écoles du barreau et de l’ENM, le garde des Sceaux a indiqué qu’il fallait aller plus loin et que c’est dans les universités, dès les premières années de droit, qu’il fallait sensibiliser les juristes de demain à ce nouveau mode de résolution des conflits humains et il a annoncé, en lien avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la création dans les prochaines semaines d’un groupe de travail composé d’universitaires et de professionnels, ce groupe de travail devant nous éclairer sur les outils à mettre en place pour que la culture de l’amiable se diffuse, au fil des années, sur les bancs des universités.

Le rôle déterminant de l’outil de l’injonction de rencontrer un médiateur a été salué par la plupart des intervenants. Dans son discours déterminé, le ministre de la justice a salué plusieurs initiatives concluantes des juridictions du ressort de la cour, et notamment « l’initiative des magistrats du pôle de l’urgence civile du tribunal judiciaire de Paris qui, depuis septembre 2020, prononcent 1 000 injonctions par an aux fins de rencontre d’un médiateur, ce qui permet aux parties de tenter de résoudre leur litige à l’amiable dans le temps du renvoi, le tribunal judiciaire d’Évry qui expérimente la procédure de tentative de médiation familiale préalable obligatoire, la cour d’appel de Paris elle-même, le pôle famille et le pôle social qui ont mis en place une politique volontariste de recours à la médiation. »

Des mesures pour favoriser l’investissement des avocats et des juges dans la voie amiable

Dans ce domaine, le garde des Sceaux a annoncé avoir obtenu du Ministère du budget un arbitrage favorable à la revalorisation de l’aide juridictionnelle lorsque le litige se résout par un mode amiable. Il a également posé la question de la spécialisation des avocats, dont il débattra prochainement avec les nouveaux élus du CNB.

Pour les magistrats, il a précisé que l’investissement au service de l’amiable sera valorisé, que dès aujourd’hui, la direction des services judiciaires travaille pour que les fiches de postes de magistrats civilistes intègrent cette dimension et que l’engagement du magistrat dans la politique de juridiction en faveur de l’amiable sera pris en compte dans son évaluation, mais aussi lorsqu’il s’agira de fixer le montant de sa prime modulable.

La création d’un outil statistique opérationnel dès le 1er novembre 2023

Sur le volet statistique, essentiel au pilotage de toute politique, il a indiqué qu’il fallait savoir combien de dossiers prennent la voie amiable et combien se résolvent in fine par un mode amiable de règlement des différends.

Pour ce faire, les applicatifs métiers seront mis à jour dès le 1er novembre 2023.

Le nerf de la guerre : les ressources humaines

Le ministre a rappelé que la loi de programmation pour la justice votée le Parlement va donner aux juridictions des moyens sans précédents : 1500 magistrats, 1800 greffiers et au moins 1100 attachés de justice qui seront répartis en fonction des besoins prioritaires de chaque juridiction et que l’amiable en fera nécessairement partie. Il faudra compter sur les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et sur les magistrats à titre temporaire pour présider les audiences de règlement amiable.

Une campagne de communication

 Comme cela a déjà été annoncé, il a rappelé que dans les prochaines semaines serait lancée une campagne de communication commune avec le Conseil national des barreaux visant à encourager nos concitoyens à choisir la justice amiable et qu’il envisage de créer une nouvelle plateforme sur le site internet justice.fr qui permettrait la mise en relation du justiciable avec un conciliateur de justice ou un médiateur, pour les contentieux relevant de la tentative de règlement amiable préalable obligatoire.

Publication de la circulaire d’application du décret du 29 juillet 2023 sur la césure et l’ARA

C’est également à l’occasion de cette journée qui fera date, à laquelle était présent le directeur des affaires civiles et du Sceau, Rémi Decout-Paolini, que cette circulaire tant attendue a été publiée. Lundi, tous les juges civilistes du tribunal judiciaire de Paris s’étaient réunis avec les greffiers, sous la présidence de Stéphane Noel, dans le cadre de sa politique de juridiction, pour réfléchir sur les mesures concrètes à prendre pour mettre en œuvre notamment l’audience de règlement amiable.

La politique de l’amiable commence à prendre forme avec les objectifs, les moyens, la formation et les outils d’évaluation annoncés dans cette salve de nouvelles mesures que les pionniers de l’amiable attendaient depuis longtemps.

Dans un monde où le conflit est très présent et se résout parfois de manière très violente, je reprendrai la formule du premier président Jacques Boulard qui a évoqué la voie amiable comme une lueur d’espoir à faire grandir et ce cycle de conférences de l’amiable qui se poursuivra le 29 février 2024 dans le domaine commercial s’annonce comme une grande réussite.

 

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