Les ambassadeurs de l’amiable et le Conseil national de la médiation en action
La politique de la Chancellerie en faveur du développement de la médiation entre dans sa phase de mise en oeuvre. Ainsi, les ambassadeurs de l’amiable ont-ils officiellement commencé leur tournée le 26 juin tandis que le Conseil national de la médiation tenait sa première réunion deux jours plus tard. Le récit de Fabrice Vert, membre du Conseil national de la médiation.
Le 26 mai 2023, 9 « ambassadeurs de l’amiable », magistrats, avocats et professeurs de droit, spécialistes reconnus des modes amiables de résolution des différends ont été désignés par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, dans le cadre de sa politique nationale de l’amiable afin d’aller à la rencontre des acteurs de terrain pour identifier les freins au développement de l’amiable et mettre à disposition des solutions et outils pratiques favorisant l’utilisation les dispositifs existants.
Un mois plus tard, lancement officiel de la tournée des ambassadeurs de l’amiable qui doit se rendre dans les 36 cours d’appel, tandis que la première réunion de travail du Conseil National de la médiation qui avait été installé par le ministre de la justice le 12 juin 2023, s’est tenue le 28 juin 2023.
Colmar reçoit la première visite des ambassadeurs de l’amiable
Le lundi 26 juin 2023, c’est la cour d’appel de Colmar, présidée par Valérie Delnaud, également ambassadrice l’amiable qui a été la première à recevoir un trio d’ambassadeurs de l’amiable., avec l’appui de la direction des affaires civiles et du sceau et de son directeur, Rémi Decout- Paolini.
Mesdames Béatrice Rivail, présidente du tribunal judiciaire de Rennes, Natalie Fricero, professeure agrégée de droit, et maître Carine Denoit-Benteux, avocate au barreau de Paris et médiatrice ont ainsi rencontré les conciliateurs de justice, médiateurs, bâtonniers, notaires, commissaires de justice, magistrats et fonctionnaires de la cour d’appel de Colmar qui étaient nombreux pour assister à cette journée. .
La matinée a été consacrée à des échanges avec les conciliateurs, puis les médiateurs et enfin les bâtonniers et référents amiable des barreaux.
Un déjeuner de travail a été organisé avec les présidents des juridictions du ressort, sur le thème « comment développer une politique de juridiction en faveur de l’amiable ? ».
Enfin l’après-midi a été consacrée à une présentation des dispositifs existants et des outils permettant de lever les freins au développement de la médiation et la conciliation. Les projets de décret concernant la césure et l’audience de règlement amiable ont été évoqués. Les échanges avec les magistrats, avocats, notaires, commissaires de justice ainsi que les médiateurs, et conciliateurs de justice ont été nourris et stimulants.
En prémices au lancement de la tournée officielle des ambassadeurs de l’amiable, à la demande du premier président de la cour d’appel de Bourges, Alain Vanzo, dans une formation organisée, le 19 juin 2023, à la faculté de droit de Bourges, nous sommes intervenus avec Natalie Fricero, qui est également ambassadrice de l’amiable et membre du Conseil national de la médiation pour promouvoir, devant une assemblée réunissant plus de cent magistrats, avocats des barreaux de Bourges, Châteauroux et Nevers médiateurs, conciliateurs de justice, experts, notaires, fonctionnaires de greffe, la politique de l’amiable et exposer notre expérience pratique.
Ce fut l’occasion pour moi de revoir, avec nostalgie et une grande joie, des avocates du barreau de Châteauroux, rencontrées il y a plus de trente ans lors de mon premier poste de juge dans l’Indre et de relater ma première expérience de l’amiable lorsqu’un avocat m’a saisi au tribunal d’instance de La Châtre, dans le cadre procédural d’une tentative préalable de conciliation, pour un contentieux qui opposait deux voisins.
Flash-back trente ans en arrière
Les deux protagonistes étaient agriculteurs, l’un se plaignant que les chèvres de son voisin venaient sur ses champs brouter son herbe, l’ayant ainsi empêché de stocker le fourrage attendu, pour nourrir ses caprins le prochain l’hiver, tandis que son voisin prétendait que c’était un été brûlant qui était cause de la « disparition » de cette herbe fourragère.
Pour être parfaitement informé sur cette affaire, je me transportais sur les lieux accompagné d’un pépiniériste local désigné comme technicien.
Après avoir écouté les parties, qui étaient en tension manifeste, le pépiniériste a examiné les lieux avec ce verdict : ce sont bien les chèvres de l’adversaire qui ont brouté l’herbe du voisin, les brins d’herbes étant sectionnés et non brûlés.[1]
Après avoir écouté longuement les parties, qui au-delà du litige, ont pu expliquer leurs besoins et intérêts (sachant que jusqu’à la survenance de ce litige, ces agriculteurs avaient pour habitude de travailler ensemble) , un accord a été trouvé entre les deux parties, au terme duquel l’éleveur des chèvres, ayant causé le sinistre, a dédommagé son voisin en partageant son stock de fourrage, dont son voisin avait besoin pour nourrir ses chèvres l’hiver prochain.
C’est donc grâce à cet avocat, dont je salue la mémoire que j’ai découvert les intérêts de l’amiable pour les justiciables.
J’ai continué jusqu’à aujourd’hui, dans toutes les fonctions que j’ai occupées en 33 ans de carrière et dans des contentieux aussi divers que les successions, les baux commerciaux, la construction, la concurrence déloyale etc., (et aujourd’hui comme juge des référés au tribunal judiciaire de Paris dans le cadre de la politique de juridiction de l’amiable décidée par le président Stéphane Noel) à offrir aux justiciables, cette voie amiable qui est une chance supplémentaire de régler au mieux de leurs intérêts, dans les cas éligibles, leurs litiges, et permettant à la justice d’assurer pleinement son rôle essentiel de garant de la paix sociale.
Les prémices d’une politique nationale commencent à se dessiner. Il nous appartient à tous de l’accompagner et de la construire pour en assurer la qualité et l’efficacité.
[1] F.vert , « Dans les couloirs du temps, une certaine idée de la justice » revue pratique de la prospective et de l’innovation, N°1, mai 2023
Référence : AJU375435