Réforme du système d’assurance récolte
La loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 réforme le système d’assurance récolte face à la multiplication des aléas météorologiques, liés au changement climatique (sécheresses répétées, gels tardifs, grêle…). L’objectif est de mieux couvrir les agriculteurs contre ces risques et, par là même, de préserver les exploitations et la souveraineté alimentaire de la France.
La loi établit une couverture contre les risques climatiques plus accessible. Il s’agit d’inciter les agriculteurs à assurer leurs cultures. Seuls 30 % des surfaces agricoles en France sont actuellement assurées. La loi met fin à un système fondé sur deux régimes parallèles, voire concurrents :
- l’assurance multirisques climatiques des récoltes (contrats « d’assurance récolte » contractés par les exploitants qui peuvent bénéficier d’une aide de l’État jusqu’à 65% pour payer leur prime d’assurance) qui est déficitaire et couvre très peu d’agriculteurs (moins de 20%) ;
- le régime des calamités agricoles, fondé sur la solidarité et cofinancé par les agriculteurs et l’État, qui exclut quant à lui certaines cultures (viticulture et grandes cultures) et dont les délais d’indemnisation sont jugés trop longs.
Ce système à deux régimes, conçu dans les années 1960, est considéré comme injuste, illisible et dépassé face aux défis actuels du changement climatique et de ses aléas (sécheresses à répétition, inondations, gel et intempéries, orages de grêle localisés…). Sur les cinq dernières années, le coût des sinistres agricoles a plus que doublé par rapport à 2010‑2015.
Un nouveau régime universel d’indemnisation des pertes de récoltes
Un nouveau régime universel d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques est créé au 1er janvier 2023. Ce régime repose sur la solidarité nationale et le partage du risque entre l’État, les agriculteurs et les assureurs.
Un dispositif unique à trois étages de couverture des risques est prévu :
- pour les risques de faible intensité (jusqu’à 20 %), une prise en charge par l’agriculteur ;
- pour les risques d’intensité moyenne, une mutualisation des risques entre les territoires et les filières par le biais d’un contrat d’assurance récolte (MRC) dont les primes font l’objet d’une aide de l’État ;
- pour les risques dits catastrophiques, une garantie directe contre les risques pour toutes les cultures par le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Les conditions d’indemnisation seront moins favorables pour les agriculteurs n’ayant pas souscrit de contrat d’assurance récolte.
Les sénateurs ont fait évoluer le projet de loi. Ils ont fixé des objectifs programmatiques au gouvernement en faisant du texte une loi d’orientation et de programmation. Un nouvel article inscrit les objectifs fixés à l’État au nouveau système universel de gestion des risques climatiques en agriculture. Il reprend l’engagement financier du gouvernement de verser jusqu’à 600 millions d’euros par an pour faire fonctionner le système. Pour mieux répondre aux besoins de visibilité des acteurs économiques, un rapport fixant les objectifs à atteindre en matière de surfaces agricoles assurées par le biais d’un contrat d’assurance MRC, par production, à horizon 2030 a été annexé au projet de loi.
Le deuxième étage du système a été également amélioré par les sénateurs. Les assureurs proposant des contrats d’assurance récolte devront suivre un cahier des charges, défini par un futur arrêté, dans lequel sera défini un barème de prix par production, ainsi que les mesures de prévention pratiquées par les agriculteurs qui pourront être prises en compte pour minorer leur prime d’assurance. Une baisse du seuil de la franchise sur ces contrats à 20 % et une hausse de l’aide de l’État à 70 % du montant de la prime d’assurance payée par les agriculteurs ont en outre été votées (soit les taux les plus avantageux permis par le droit européen). Le Sénat a également obtenu que l’État intervienne dès 30 % de pertes pour les filières les moins assurées comme les prairies et qu’il rende plus transparent le système par le biais de taux d’intervention publique pluriannuels.
Le Sénat a ouvert la possibilité pour l’agriculteur de choisir la solution la plus favorable entre la moyenne olympique (moyenne des rendements réalisés au cours des cinq dernières années, en excluant la meilleure année et la pire année) et la moyenne triennale glissante. Ces dernières années avec les aléas climatiques survenus, cette moyenne a chuté réduisant fortement l’indemnité des agriculteurs.
Pour inciter les jeunes agriculteurs à s’assurer, les parlementaires ont prévu de moduler leur aide à l’installation en fonction de la souscription d’une assurance ou de la réalisation d’un diagnostic des risques.
Les députés ont permis aux coopératives agricoles de constituer une provision comptable qu’elles pourront débloquer en cas de survenance d’un aléa agricole ou climatique.
Des guichets uniques pour simplifier les démarches des agriculteurs sinistrés
Pour simplifier les démarches des agriculteurs, les assureurs pourront jouer le rôle de guichet unique en versant les indemnités au titre des contrats d’assurance récolte et au titre de la solidarité nationale à leurs clients. Pour les agriculteurs non assurés, les indemnités versées grâce aux fonds publics le seront par l’État et un réseau d’interlocuteurs agréés. La caisse centrale de réassurance (CCR) pourra intervenir en tant que réassureur public.
Une nouvelle instance de dialogue est instituée au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture : la commission chargée de l’orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR).
La loi habilite le gouvernement à compléter le système par ordonnances. La création, sur le modèle espagnol, d’un groupement ou pool d’assureurs souhaitant proposer des contrats d’assurance récolte est notamment prévue.
Des dispositions transitoires règlent l’entrée en application de la réforme s’agissant des contrats d’assurance en cours.
Sur amendent des députés, un bilan de la réforme devra être présenté par le gouvernement dans un délai de quatre ans. Le gouvernement devra également établir un rapport dans les six mois de la loi sur les actions et pistes d’évolution à envisager aux niveaux européen et national dans les années à venir pour adapter les outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Le gouvernement est, en outre, habilité à fixer par ordonnance les conditions d’un nouveau régime pour les agriculteurs dans les outre-mer.
Une dernière disposition, qui bénéficiera en particulier aux agriculteurs, complète le texte. Elle permet aux assureurs de prévoir des conditions de couverture différentes pour la garantie tempête et la garantie incendie dans les contrats d’assurance portant sur des biens professionnels.