Vie privée et publications Internet : une illustration richement motivée

Publié le 26/02/2021

Le représentant légal d’une société spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle, est déclaré coupable d’exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, infraction à la réglementation de la publicité des médicaments et, deux ans plus tard, de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, cette condamnation ayant été annulée par la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

Invoquant avoir découvert fortuitement qu’une page lui était consacrée sur un site Internet, qui fait état de ces condamnations pénales et invite, au moyen d’un lien hypertexte, à consulter l’avis de décès de son père, et soutenant que cette publication porte atteinte à l’intimité de sa vie privée, il assigne l’auteure de la page litigieuse, sur le fondement de l’article 9 du Code civil, en indemnisation de son préjudice et suppression de cette page.

Selon l’article 8 de la Conv. EDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Si ce texte ne peut être invoqué pour se plaindre d’une atteinte à la réputation qui résulterait de manière prévisible des propres actions de la personne, telle une infraction pénale, la mention dans une publication des condamnations pénales dont une personne a fait l’objet, y compris à l’occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée.

Selon l’article 10 de cette convention, toute personne a droit à la liberté d’expression mais son exercice peut être soumis à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.

Le droit au respect de la vie privée, également protégé par l’article 9 du Code civil, et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

La cour d’appel de Paris, pour écarter l’existence d’une atteinte à la vie privée du demandeur, retient que les condamnations pénales ont été rendues publiquement et concernent son activité professionnelle et que celui-ci ne peut alléguer de l’ancienneté des faits et d’un droit à l’oubli, alors qu’à la date de leur publication sur le site Internet litigieux, ces condamnations n’avaient pas été amnistiées et que l’auteure a mentionné l’annulation des condamnations pénales,  sans rechercher, comme il le lui incombait au regard de l’atteinte portée à la vie privée du demandeur, si la publication en cause s’inscrivait dans un débat d’intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant.

L’arrêt est cassé de ce chef pour défaut de base légale.

De plus, énonce la Cour de cassation, le fait que des informations soient déjà dans le domaine public ne les soustrait pas nécessairement à la protection de l’article 8 de la Convention, l’intérêt à publier ces informations devant être mis en balance avec des considérations liées à la vie privée. Celles-ci entrent en jeu dans les situations où des informations ont été recueillies sur une personne bien précise, où des données à caractère personnel ont été traitées ou utilisées et où les éléments en question avaient été rendus publics d’une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s’attendre.

Ne donne encore pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui retient que le faire-part de décès du père du demandeur a été publié par la famille sur un site Internet, accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès et que le demandeur ne pouvait l’ignorer, alors que cette seule circonstance ne permet pas d’écarter l’existence d’une atteinte à la vie privée consécutive à l’utilisation du faire-part dans la publication en cause.

Sources :
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