À propos de déchets radioactifs : examen du droit d’accès au tribunal et du droit à une information sincère

Publié le 08/07/2021

Les requérantes sont des associations de protection de l’environnement s’opposent au projet de centre industriel de stockage géologique dénommé Cigéo, destiné à stocker en couche géologique profonde les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue.

À la suite d’un rapport d’un ingénieur géophysicien selon lequel le site se situe au-dessus d’une ressource géothermique non-négligeable, les associations requérantes adressèrent plusieurs demandes pour qu’un soit effectué, ce que fit l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) qui, se fondant sur les résultats du forage, indiqua que la ressource géothermique à l’échelle de la zone de transposition était faible.

Les demandes en justice des associations en vue de l’indemnisation du préjudice qu’elles alléguaient avoir subi en raison de manquements fautifs à l’obligation d’information du public mise à sa charge par l’article L. 542-12 7° du Code de l’environnement furent rejetées.

L’une des associations invoque une violation du droit à un tribunal et de son droit à un recours effectif, résultant du fait que son action en réparation a été déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, et du rejet par la Cour de cassation de son moyen tiré de son agrément au titre de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement.

Pour justifier l’irrecevabilité, le Gouvernement fait valoir une limitation d’accès qui repose sur la corrélation entre l’objet statutaire de l’association demandeuse et les intérêts collectifs qu’elle veut défendre devant le juge afin d’éviter l’engorgement des juridictions ainsi que d’éventuels abus par les associations, tels que l’utilisation du droit d’accès à la justice dans un but lucratif. Sans mettre en cause la légitimité de cet argument, la Cour rappelle que l’action dont l’association entendait saisir le juge tendait notamment à l’examen d’une contestation portant sur un droit de caractère civil, au sens de l’article 6 § 1, dont elle était titulaire. Or, le Gouvernement, qui se place exclusivement sur le terrain de la défense, par des associations, d’intérêts collectifs, ne fournit aucun élément susceptible de justifier que le refus d’examiner une contestation sur un droit de cette nature poursuivait, dans les circonstances de l’espèce, un but légitime et était proportionné à ce but.

D’abord, les juridictions n’ont pas tenu compte de l’agrément de l’association pourtant clairement indiqué dans ses conclusions et si son objet statutaire ne comportait pas expressément la lutte contre les risques pour l’environnement et la santé que représentent l’industrie nucléaire et les activités et projets d’aménagement liés, ou l’information du public sur les dangers de l’enfouissement des déchets radioactifs. De plus, l’objet général de protection de l’environnement comprend la protection contre les risques nucléaires.

Il en résulte qu’il a été apporté au droit d’accès à un tribunal une restriction manifestement déraisonnable.

Quant à la requête concernant l’article 10, s’il est vrai que le droit de recevoir des informations n’impose pas aux États des obligations positives de collecte et de diffusion d’informations, un État peut se prescrire une obligation de collecter ou de diffuser des informations.

Or, en l’espèce, le droit interne impose à l’ANDRA, un établissement public, l’obligation de mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs. Cette obligation impliquait celle d’informer le public de l’évolution du projet Cigéo, en particulier au regard du potentiel géothermique du site.

Pour la première fois, la Cour énonce que le droit d’accès à l’information se trouverait vidé de sa substance si l’information fournie par les autorités compétentes était insincère, inexacte ou même insuffisante.

La Cour remarque que la juridiction interne a tout d’abord jugé que l’ANDRA avait à juste titre fait valoir que les résultats de ses travaux avaient été corroborés par tous ses partenaires institutionnels, faisant ainsi nécessairement référence aux avis de l’autorité de sûreté nucléaire, de l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et de la commission nationale d’évaluation. La cour d’appel a ensuite considéré que l’existence d’une divergence d’appréciation sur les éléments techniques discutés ne suffisait pas en elle-même à démontrer que l’ANDRA aurait fait preuve d’incompétence, de négligence, ou de partialité dans la position qu’elle avait exprimée, et que la formulation, après études approfondies, de conclusions favorables à la création du Cigéo ne pouvait être en elle-même fautive.

De plus, les associations requérantes concernées ont eu la possibilité de contester la solution retenue par les juges d’appel en se pourvoyant en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel.

Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention.

Sources :
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