CEDH : recours contre le passe sanitaire

Publié le 11/10/2021

Le requérant est un ressortissant français, maître de conférences en droit privé à l’Université de Montpellier. Il a créé un mouvement « NO PASS !!! » pour lutter contre le passe sanitaire institué en France. Sur son site Internet, il propose à ses visiteurs de compléter un formulaire déjà prérempli, afin de former une sorte de recours collectif devant la CEDH.

Il introduit une requête individuelle en son nom propre, et indique dans son formulaire de requête ce qui suit : « Recours au nom de 7 934 requérants. Liste ci-jointe. Pouvoirs envoyés par requêtes individuelles ». À la date de la prise de sa décision, la Cour a été saisie de près de 18 000 requêtes dans le cadre de la démarche initiée par le requérant. Plus de 3 000 requêtes identiques ont été déposées depuis lors.

Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint des lois nos 2021-689 et 2021-1040 qui, selon lui, visent essentiellement à contraindre le consentement à la vaccination. Il dénonce notamment ce qu’il qualifie de mesures de rétorsion prévues, alléguant une intensité des souffrances physiques et un risque grave d’atteinte à l’intégrité physique, selon lui sans nécessité médicale et alors que les vaccins disponibles seraient en phase d’essai clinique.

Il allègue en outre, sur le fondement des articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que de l’article 1er du Protocole n° 12, que ces lois, en créant et en imposant un système de passe sanitaire, constitueraient une ingérence discriminatoire dans le droit au respect de la vie privée.

La Cour relève en premier lieu que le requérant n’a pas saisi les juridictions administratives de recours au fond dirigés contre les actes réglementaires que sont les décrets d’application des lois litigieuses.

La règle de l’épuisement des recours internes se fonde sur l’hypothèse, reflétée dans l’article 13 de la Convention, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. Elle est donc une partie indispensable du fonctionnement de ce mécanisme de protection. Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour relativement à des griefs dirigés contre un État ont donc l’obligation d’utiliser auparavant les recours effectifs qu’offre le système juridique de celui-ci.

L’obligation d’épuiser préalablement les voies de recours internes revêt en particulier une importance particulière s’agissant de griefs tirés de l’article 8. Il est en effet primordial, lorsque la Cour aborde la question complexe et délicate de la balance à opérer entre les droits et intérêts en jeu dans le cadre de l’application de ces dispositions, que cette balance ait préalablement été faite par les juridictions internes, celles-ci étant en principe mieux placées pour le faire.

Pour pleinement épuiser les voies de recours internes, il faut donc en principe mener la procédure interne, le cas échéant, jusqu’au juge de cassation et le saisir des griefs tirés de la Convention susceptibles d’être ensuite soumis à la Cour. Or, une telle exigence vaut indépendamment de l’intervention d’une décision du Conseil constitutionnel, qui ne se prononce pas au regard des dispositions de la Convention.

Dès lors, à supposer même que le requérant puisse prétendre avoir le statut de victime, c’est à dire qu’il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le concerne personnellement (de simples suspicions ou conjectures sont insuffisantes à cet égard), la requête est en tout état de cause irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.

Outre son irrecevabilité, la requête est abusive.

Sources :
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