Pas de suspicion légitime pour les sanctions de l’Autorité de la concurrence

Publié le 30/09/2021

L’Autorité de la concurrence, chargée par la loi notamment de veiller au libre jeu de la concurrence et de contrôler les opérations de concentration économique est une autorité administrative indépendante, dont l’organisation est fondée sur une stricte séparation des fonctions de poursuite et d’instruction, confiées à un service placé sous l’autorité d’un rapporteur général, et des pouvoirs de sanction, relevant du collège de l’Autorité de la concurrence. Outre cette organisation, ces textes fixent la composition de ce collège et organisent des procédures devant cette Autorité qui tendent à garantir l’impartialité et l’indépendance de cette Autorité, ainsi que le respect des droits de la défense.

Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l’Autorité de la concurrence est une autorité de nature non juridictionnelle, même lorsqu’elle est appelée à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition (Cons. const., 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC).

Les décisions de l’Autorité sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l’économie, qui peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris.

L’Autorité de la concurrence est partie à l’instance, conformément à la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 7 déc. 2010, n° C-439/08, Vebic). Le président de l’Autorité de la concurrence peut former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de l’Autorité.

Membre du réseau européen de concurrence (REC), créé par le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence, renforcé par la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de la concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, l’Autorité de la concurrence peut infliger des sanctions administratives afin de garantir l’application effective du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Elle peut être dessaisie par la Commission de l’instruction d’affaires en application du règlement (CE) n° 1/2003.

Il résulte de ces textes du droit de l’Union européenne, tels qu’interprétés par la CJUE, que l’Autorité de la concurrence n’est pas une juridiction apte à lui poser une question préjudicielle.

Par ailleurs, selon la CEDH, le respect de l’article 6 de la Conv. EDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une peine soit prononcée d’abord par une autorité administrative, à la condition que la décision de l’autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 § 1, soit soumise au contrôle ultérieur d’un organe juridictionnel de pleine juridiction. Elle précise que parmi les caractéristiques d’un organe juridictionnel de pleine juridiction figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. Il doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

Or, le recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris, prévu à l’article L. 464-8 du Code de commerce, doit être regardé comme un recours de pleine juridiction au sens de ce texte. Il confère, en particulier, à cette juridiction le pouvoir de statuer sur tout grief tiré d’une atteinte à l’impartialité de l’Autorité de la concurrence, qu’il concerne la phase d’instruction placée sous la direction de son rapporteur général, ou la phase décisionnelle, confiée au collège de l’Autorité.

Il résulte de ce qui précède que les articles 341 et suivants du Code de procédure civile instituant, devant les juridictions judiciaires statuant en matière civile, une procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, ne s’appliquent pas à l’Autorité de la concurrence.

Sources :
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