Saisie pénale : qualité pour former appel

Publié le 21/06/2022

Une enquête diligentée en France du chef de blanchiment de fonds issus de la corruption et de détournement de fonds public commis au Yémen, à l’encontre, notamment, du fils de l’ancien président du Yémen, révèle qu’il est titulaire d’un compte bancaire français alimenté par un compte yéménite, grâce auquel il a acquis plusieurs biens immobiliers, notamment en France, via des sociétés titulaires de comptes bancaires alimentés par des transferts de fonds en provenance du compte français.

Parmi ces biens figurent deux appartements et leurs dépendances appartiennent à une société dont le mis en cause est gérant et associé unique. Le JLD ordonne la saisie de cet ensemble de biens par une ordonnance à l’encontre de laquelle le demandeur interjette appel.

Selon l’article 706-150 du Code de procédure pénale, la décision de saisie immobilière rendue par le juge d’instruction est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision.

La Cour de cassation juge que les associés et titulaires de parts d’une SCI, seule propriétaire de l’immeuble saisi, ne sont pas des tiers ayant des droits sur ce bien au sens de ce texte et n’ont donc pas qualité pour exercer un recours contre l’ordonnance de saisie ni pour se pourvoir en cassation (Cass. crim., 3 mai 2018, n° 16-87534).

Cette jurisprudence s’étend a fortiori au bénéficiaire économique de la société porteuse de parts d’une telle SCI.

La question se pose cependant de savoir si l’appel est irrecevable, y compris lorsque la saisie est fondée sur la circonstance que le bien est à la libre disposition de l’appelant.

En matière de confiscation, la Cour de cassation a retenu que le propriétaire économique réel de l’immeuble confisqué sous la fausse apparence de la propriété d’un tiers en a la libre disposition (Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 19-86979).

Il s’en déduit que lorsque l’ordonnance de saisie est fondée sur la circonstance que le bien concerné est à la libre disposition de la personne mise en cause ou mise en examen, cette dernière, qui peut être assimilée au propriétaire du bien saisi ou à un tiers ayant des droits sur ce bien, est recevable à interjeter appel de l’ordonnance de saisie.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour déclarer irrecevable l’appel formé à l’encontre de la décision du JLD ordonnant la saisie pénale de biens immobiliers, relève qu’il découle des dispositions légales que seuls le titulaire du bien saisi et les tiers ayant des droits sur ce bien ont la faculté d’interjeter appel contre une ordonnance de saisie pénale immobilière et qu’il est constant qu’en l’espèce le mis en cause n’en est pas propriétaire, qu’il a interjeté appel en son nom personnel et non en qualité de représentant légal de la société propriétaire des biens et que si les indivisaires, les titulaires de démembrements du droit de propriété ou encore les créanciers titulaires de sûretés réelles ayant le bien saisi pour assiette, sont des tiers ayant des droits sur le bien, il n’est ni justifié ni même prétendu que l’appelant peut se prévaloir de l’une au moins de ces qualités.

En effet, il résulte des motifs de l’ordonnance de saisie attaquée qu’elle est fondée sur la circonstance que le demandeur a la libre disposition des biens saisis.

Sources :
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