CJUE : régime disciplinaire des juges en Pologne
La Cour rappelle que l’indépendance des juges, qui fait partie intégrante du droit à un procès équitable, est une valeur fondamentale du droit de l’Union européenne. Les États qui en font partie pour jouir de ses nombreux avantages sont tenus d’en respecter les fondements.
Saisie par la Commission du nouveau régime disciplinaire applicable aux juges de la Cour suprême polonaise et aux juges des juridictions de droit commun de ce pays, la Cour juge notamment que :
– eu égard au contexte global de réformes majeures ayant récemment affecté le pouvoir judiciaire polonais dans lequel s’inscrit la création de la chambre disciplinaire de la Cour suprême ainsi qu’en raison d’une conjonction d’éléments ayant entouré la mise en place de cette nouvelle chambre, celle-ci n’offre pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance et, en particulier, n’est pas à l’abri d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif polonais. Notamment, le fait que le processus de nomination des juges à la Cour suprême, dont ceux des membres de la chambre disciplinaire, est essentiellement déterminé par un Conseil national de la magistrature dont l’indépendance peut engendrer des doutes légitimes et le fait que la chambre disciplinaire est appelée à être composée exclusivement de nouveaux juges qui ne siégeaient pas déjà à la Cour suprême ainsi que le fait que ceux-ci bénéficient notamment d’une rémunération très élevée et d’un degré d’autonomie organisationnelle, fonctionnelle et financière particulièrement poussé, par rapport aux conditions prévalant dans les autres chambres juridictionnelles de cette juridiction
– le régime disciplinaire permet que le contenu des décisions judiciaires adoptées par les juges des juridictions de droit commun puisse être qualifié d’infraction disciplinaire et pourrait ainsi être utilisé à des fins de contrôle politique des décisions judiciaires ou de pression sur les juges en vue d’influencer les décisions de ceux-ci et porter atteinte à l’indépendance des juridictions concernées
– la Pologne n’a pas garanti que les affaires disciplinaires dirigées contre les juges des juridictions de droit commun soient examinées dans un délai raisonnable et n’a pas assuré le respect des droits de la défense des juges mis en cause, portant ainsi atteinte à leur indépendance
– les juges nationaux s’exposent à des procédures disciplinaires du fait qu’ils ont décidé de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel, ce qui porte atteinte à leur droit et, le cas échéant, à leur obligation, d’interroger la Cour ainsi qu’au système de coopération entre les juridictions nationales et la Cour institué par les traités afin d’assurer l’unité d’interprétation et le plein effet du droit de l’Union.
Lorsque la Cour constate un manquement, l’État membre concerné doit prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin.
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