Prescription des actions en paiement de travaux : précisions sur le point de départ du délai

Publié le 11/06/2021

En matière de point de départ de la prescription des actions en paiement de travaux, la Cour de cassation, par un arrêt du 19 mai 2021, souhaitant harmoniser sa jurisprudence pour appliquer le même régime au professionnel ou consommateur, fixe le point de départ de l’action, dans les deux cas, au jour de la connaissance des faits. Néanmoins, elle apporte un tempérament concernant le consommateur, retenant la date d’établissement de la facture si la mise en œuvre du principe affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi.

En l’espèce, M. et Mme X, ayant entrepris la construction d’une maison d’habitation, confièrent à la société Y des travaux de gros œuvre. Un procès-verbal de réception des travaux avec réserves fut établi le 1er août 2013. Invoquant le défaut de paiement d’une facture émise le 31 décembre 2013, la société Y assigna en paiement M. et Mme X, le 24 décembre 2015. Ces derniers opposèrent la prescription de l’action. La société Y, faisant grief à la cour d’appel de déclarer irrecevable comme prescrite son action en paiement du solde des travaux, se pourvut en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt.

Elle rappelle qu’il a été jugé que le point de départ du délai biennal de prescription se situait, conformément à l’article 2224 du Code civil, au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée (Cass. 1re civ., 16 avr. 2015, n° 13-24024 : P ; Defrénois flash 4 mai 2015, n° 128n9, p. 4Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 16-13278 : P ; Defrénois flash 5 juin 2017, n° 140d9, p. 10), il a été spécifiquement retenu, comme point de départ, dans le cas d’une action en paiement de travaux formée contre un consommateur, le jour de l’établissement de la facture (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 14-10908 : P ; Cass. 1re civ., 9 juin 2017, n° 16-12457 : P).

Cependant, la Cour de cassation retient désormais que l’action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du Code de commerce, se prescrit à compter de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’agir, pouvant être fixée à la date de l’achèvement des prestations (Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-25036 : P).

Au regard des dispositions de l’article 2224 du Code civil, afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il y a donc lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations.

Toutefois, la Cour de cassation ajoute que si la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit, il en va différemment si la mise en œuvre de ce principe affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action. Ainsi il est justifié de faire exception au principe de cette application immédiate, en prenant en compte la date d’établissement de la facture comme constituant le point de départ de la prescription au jour de l’assignation de M. et Mme X.

Sources :
X