Cotisations versées tardivement et droit de propriété : un important arrêt de la deuxième chambre civile

Publié le 03/06/2022

L’affilié d’une caisse de retraite sollicite la liquidation de sa pension de vieillesse et, la caisse n’ayant pas pris en considération pour le calcul de la pension de retraite de base les points correspondant aux cotisations acquittées tardivement au titre de plusieurs années, saisit d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Aux termes de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Conv. EDH, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Le droit individuel à pension d’une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d’application de ces dispositions, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et les exigences de financement du régime de retraite considéré.

Aux termes de l’article L. 643-1 du Code de la sécurité sociale, le montant de la pension servie par le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l’intéressé par la valeur de service du point.

Aux termes de l’article R. 643-10 du même code, lorsque les cotisations arriérées n’ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant la date de leur exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite de base.

Ce dispositif, en tant qu’il exclut toute prise en considération, pour le calcul de la pension de retraite de base, des cotisations acquittées plus de cinq ans après leur date d’exigibilité, constitue une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ce régime en portant atteinte à la substance de leurs droits à pension.

Cette ingérence, qui repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne, accessibles, précises et prévisibles, poursuit un motif d’intérêt général dès lors qu’elle contribue à l’équilibre financier de ce régime de retraite par répartition et qu’elle est de nature à inciter les cotisants à la célérité dans le paiement de leurs cotisations obligatoires.

Toutefois, les points acquis en contrepartie du paiement des cotisations doivent être regardés comme l’étant au fur et à mesure de leur versement. Dès lors, le défaut de prise en compte des cotisations payées au-delà du délai de cinq ans suivant leur date d’exigibilité, mais avant la liquidation du droit à pension, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu’elle poursuit et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence. Par suite, il y a lieu d’écarter l’application de l’article R. 643-10 du Code de la sécurité sociale.

Sources :
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