Chronique de procédure civile et pénale (janvier-décembre 2018)

Publié le 29/05/2019

Dans le cadre d’une chronique d’une périodicité semestrielle, le centre d’étude et de recherche en droit des procédures (EA 1201) de l’université Côte d’Azur a décidé de mettre en valeur des décisions de juges du fond comme de la Cour de cassation se rattachant à la procédure civile (incluant la procédure devant les juridictions civiles mais aussi commerciales et sociales) et à la procédure pénale. Selon un ordonnancement qui sera suivi systématiquement, des décisions portant sur les modes alternatifs à la procédure judiciaire, l’introduction de la procédure, l’instruction du procès, l’audience et les voies de recours, seront abordées au gré des choix réalisés par les auteurs.

Dans ce premier numéro, qui balaye l’année 2018, les auteurs ont choisi, notamment, de mettre en lumière pour la procédure civile, une décision qui délimite l’application d’une clause de médiation dans un acte notarié, mais aussi d’autres portant sur les conditions d’application du principe d’estoppel, sur la prescription applicable devant le conseil de prud’hommes en matière de salaires ou sur les conditions de la péremption d’instance, ainsi que certaines décisions rendues en matière de déclaration d’appel et de respect du principe du contradictoire.

Pour la procédure pénale, le choix s’est porté sur des décisions qui renforcent les droits de la défense, rappelant les conditions de loyauté dans la recherche de la preuve, les conditions de la notification du droit de se taire à l’audience ou les modalités de prise de parole de la défense à l’audience. Ont également été choisies des décisions qui protègent les droits du majeur protégé placé en garde à vue ou de celui, dont les facultés altérées ne lui permettant pas de se défendre personnellement, ne peut désormais plus être renvoyé devant une juridiction de jugement ou être jugé par celle-ci.

I – Les modes alternatifs à la procédure judiciaire

A – Les MARD

La clause de médiation insérée dans un acte notarié ne profite pas au notaire en raison de l’effet relatif du contrat (Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-14440).

Le notariat entend investir le marché de la médiation1 que les pouvoirs publics souhaitent, par ailleurs, voir se développer2. Pour ce faire, les actes notariés contiennent, très fréquemment, une clause de médiation–conciliation. Dans l’affaire commentée, la clause était libellée comme suit : « en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné, qui sera missionné par le président de la chambre des notaires. Le président de la chambre pourra être saisi sans forme ni frais ». Chacun sait que, depuis une décision rendue en chambre mixte le 14 février 2003, « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent »3. En outre, si un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation avait semblé assez exigeant quant à la procédure devant être mise en place par la clause4, la troisième chambre civile s’était, quant à elle, montrée beaucoup plus souple. Cette dernière a, en effet, décidé que la clause par laquelle les parties avaient convenu « de solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction » instituait bel et bien « une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge »5. Dans ces conditions, la clause précitée semblait suffisamment précise pour obliger les parties à passer par la médiation avant tout recours en justice.

Pourtant, les acheteurs, qui prétendaient que le terrain qu’ils avaient acquis était inconstructible, avaient agi en justice sans solliciter au préalable le président de la chambre des notaires compétent afin qu’il désigne un médiateur. C’est donc sans surprise que les juges du fond ont, à la demande des vendeurs, opposé à leur action une fin de non-recevoir. Las, la cour d’appel avait non seulement jugé irrecevable l’action des acheteurs à l’encontre des vendeurs, mais également celle dirigée contre le notaire. Classiquement, les acheteurs avaient en effet sollicité l’annulation du contrat de vente, mais également l’engagement de la responsabilité extracontractuelle du notaire qui n’avait pas satisfait à son obligation de rédiger un acte efficace.

Or le notaire qui rédige un acte de vente authentique n’est pas une partie à cet acte. L’effet relatif du contrat lui interdisait donc de se prévaloir de la clause de la médiation, ce que soutenait, à raison, le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt d’appel. La Cour de cassation a donc censuré la décision des juges du fond, au visa de l’ancien article 1165 du Code civil, en énonçant que « la saisine préalable du conciliateur prévue dans l’acte authentique de vente n’était pas une condition de recevabilité de l’action directe engagée par les acquéreurs contre le notaire ». Autrement dit, si les acheteurs devaient nécessairement tenter une médiation avant toute action en justice contre leur cocontractant, ils étaient libres d’agir directement contre le notaire.

La question que l’on peut alors se poser est celle de savoir si les notaires pourraient étendre le périmètre de la clause de médiation en rédigeant celle-ci comme suit : « en cas de litige, les parties et le notaire conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre le différend qui les oppose à un conciliateur désigné, qui sera missionné par le président de la chambre des notaires. Le président de la chambre pourra être saisi sans forme ni frais ». Certes, la responsabilité des notaires est extracontractuelle. Toutefois, si la nature extracontractuelle de leur responsabilité empêche toute clause limitative ou élusive de responsabilité, au moins jusqu’à l’adoption de la réforme de la responsabilité civile6, elle ne semble pas être un obstacle aux clauses de médiation qui produisent leur effet sur la recevabilité de l’action, c’est-à-dire avant même que son bien-fondé soit évoqué7.

La clause de médiation ainsi rédigée ne serait illicite qu’à l’encontre du client, personne physique, « qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole », au sens de l’article préliminaire du Code de la consommation. Dans cette hypothèse, en effet, l’article L. 612-4 du Code de la consommation qui énonce qu’« est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge », aurait vocation à s’appliquer. Interdite par le droit de la consommation, la clause de médiation pourrait-elle être jugée abusive sur le terrain de l’article 1171 du Code civil ? Encore faudrait-il, d’une part, que le contrat dans lequel la clause a été insérée soit qualifié de contrat d’adhésion8 et, d’autre part, que la clause entraîne un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Or si toutes les parties au contrat et le notaire s’obligent, dans les mêmes conditions, à respecter la procédure mise en place par la clause, aucun déséquilibre ne serait mis en place par celle-ci9.

L’intérêt pratique de ce débat dépendra, toutefois, des décrets d’application de la loi n° 2019-222 du 19 mars 2019. Cette loi a, en effet, soumis la recevabilité de l’action en paiement exercée devant les tribunaux de grande instance, dès lors qu’elle n’excède pas un certain montant que le Conseil d’État doit fixer, à « une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, (…) une tentative de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou (…) une tentative de procédure participative »10. Il reste donc à connaître le montant en-deçà duquel la tentative de règlement amiable sera obligatoire pour juger de l’éventuel intérêt d’une clause de médiation incluant le notaire.

Mathias LATINA

B – L’arbitrage (…)

II – L’introduction de la procédure

A – Les modes d’introduction de la procédure (…)

1 – Procédure civile (…)

2 – Procédure pénale (…)

B – Les modes (ou les moyens) de résistance à la procédure introduite

1 – En procédure civile

La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui suppose que soit invoquée une contradiction au cours du débat judiciaire (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-16693).

Aux termes de l’article 122 du Code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Les causes d’irrecevabilité de la demande énoncées dans le texte n’ont pas de caractère limitatif. La Cour de cassation a ainsi qualifié de fin de non-recevoir le principe de l’estoppel qui interdit à une partie de se contredire au détriment d’autrui. Érigée en un principe général du droit11, l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui a toujours suscité de nombreuses interrogations en doctrine comme en jurisprudence. En effet, les auteurs cherchent encore aujourd’hui à percer les mystères de cette création jurisprudentielle inspirée du droit anglo-saxon12 tandis que les juges dressent au fur et à mesure les contours de cette fin de non-recevoir qui est souvent invoquée par les plaideurs pour obtenir, en raison d’un changement de position jugé déloyal, l’irrecevabilité de la demande adverse. Au regard des dernières décisions rendues en la matière, le sujet semble inépuisable.

Elles témoignent, à cet égard, d’une volonté de la Cour de cassation de contrôler les conditions d’application de la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui »13 et de l’écarter sans ambages dès lors que celles-ci ne sont pas réunies. L’arrêt de l’assemblée plénière du 27 février 2009 a été le premier d’une longue liste de décisions ayant limité la portée de cette fin de non-recevoir. Dans cette affaire, la Cour de cassation avait ainsi affirmé, tout en consacrant le principe évoqué, que « la seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement une fin de non-recevoir »14. Les arrêts qui ont suivi se sont inscrits dans la même lignée. La règle de l’estoppel a ainsi été écartée lorsqu’une partie se contredit au cours de deux procès successifs15 ou lorsqu’il existe une contradiction entre les moyens de première instance et d’appel16. A contrario et de façon plus restreinte, la fin de non-recevoir peut être opposée à une partie qui se contredirait au détriment d’autrui en adoptant au cours d’une même instance « des positions contraires ou incompatibles entre elles, dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions »17. Pour être sanctionné, le changement de position doit donc intervenir dans le cadre d’une seule et même procédure.

Dans le présent arrêt du 28 juin 2018, la Cour de cassation a entendu rester fidèle à sa jurisprudence. En l’espèce, un copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires aux fins d’obtenir l’annulation d’une décision de suppression d’un poste de concierge. Le syndicat avait contesté la recevabilité de la demande en se fondant sur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, au motif que le demandeur avait exprimé des positions contradictoires au cours de l’assemblée générale des copropriétaires. Alors que l’intéressé s’était opposé, le jour de l’assemblée, à la résolution principale visant à supprimer le poste de concierge, il avait de manière concomitante voté contre l’embauche d’une employée d’immeuble tout en approuvant le recours à une société privée de nettoyage. Ces éventuelles contradictions ne sont pas de nature à tomber sous le coup de la fin de non-recevoir tirée de l’interdiction de se contredire aux dépens d’autrui. Dans la mesure où aucune contradiction n’avait été invoquée au détriment d’autrui « au cours du débat judiciaire », les juges du fond en ont exactement déduit que la demande d’annulation était parfaitement recevable. Destiné à une large diffusion, l’arrêt de la Cour de cassation confirme une solution qui semble désormais acquise : seules les positions contraires exprimées devant un juge peuvent être sanctionnées sur le terrain de la fin de non-recevoir, les contradictions émises en dehors du débat judiciaire, que ce soit en amont ou après l’instance, ne constituant pas un cas d’estoppel.

Diane BOUSTANI

Aux termes de l’article L. 3245-1 du Code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat. Selon l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du Code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-10227).

La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. Les réformes successives, spécialement en droit du travail, ont conduit à une réduction, en plusieurs étapes, de ce laps de temps pendant lequel l’action du titulaire du droit doit être engagée pour éviter son extinction. Les textes conduisant à la réduction de la durée du délai de prescription prévoient souvent, dans le cadre de leurs dispositions transitoires, les conditions dans lesquelles le nouveau délai réduit s’applique. La sécurité juridique impose en effet d’articuler l’ancien délai plus long et le nouveau délai plus court à partir de l’entrée en vigueur du texte réduisant la durée de la prescription. L’articulation entre l’application de la durée de prescription plus courte et les dispositions de droit transitoire fait l’objet du présent arrêt rendu en matière de créances salariales.

La loi du 14 juin 201318 a réduit le délai de prescription des créances salariales de 5 ans à 3 ans en modifiant l’article L. 3245-1 du Code du travail. L’article 21 V de la loi du 14 juin 2013 énonce les dispositions transitoires destinées à encadrer l’application du délai réduit aux prescriptions en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi : aux termes de ce texte, le délai réduit de prescription s’applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

C’est la problématique tranchée par la haute juridiction dans la présente affaire concernant l’action en paiement d’une créance salariale, portant sur une période s’étalant du 1er octobre 2007 au 1er août 2012 dont la prescription a été interrompue par l’action engagée par le salarié le 14 août 2015. Le délai de prescription a été réduit, pendant le cours de la prescription, par la loi du 14 juin 2013, publiée au Journal officiel le 16 juin 2013 et entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 17 juin 2013.

Si aucune disposition transitoire n’avait été adoptée dans le texte réduisant le délai de prescription, le droit commun de la prescription extinctive aurait été appliqué : l’article 2222 du Code civil prévoit qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Si le droit commun de la prescription extinctive avait été appliqué à travers l’article 2222 du Code civil, la nouvelle durée de prescription de 3 ans se serait appliquée à compter du 17 juin 2013, date d’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013.

En l’espèce, la chambre sociale de la Cour de cassation applique les dispositions transitoires prévues à l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013 : elle énonce en effet, dans un chapeau intérieur, que « selon le second de ces textes, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du Code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans ».

En visant l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013, la chambre sociale fait application du délai réduit de prescription à compter de la promulgation de la loi. Une telle application a déjà été précédemment retenue par la haute juridiction19. Or la date retenue, dans le présent arrêt, au titre du point de départ du délai réduit est le 16 juin 2013, date de la publication de la loi au Journal officiel. Il est rappelé que la promulgation20 est l’acte de gouvernement par lequel une loi est définitivement adoptée et prend la forme d’un décret du président de la République, contresigné par le Premier ministre et les ministres chargés d’appliquer la loi. La loi a été promulguée le 14 juin 2013. Ce n’est pourtant pas la date retenue par la haute juridiction. Peut-être s’agit-il d’une erreur.

La question de la date de promulgation n’a, toutefois, pas eu d’incidence sur le litige dans la mesure où le délai réduit de prescription prenait fin après l’engagement de l’action par le salarié interrompant la prescription. C’est la seconde limite au cours de la prescription qui a été appliquée par la Cour de cassation : l’application du délai réduit de prescription ne peut permettre, en tout état de cause, à la durée totale de la prescription, d’excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans. En faisant application de la durée prévue par la loi antérieure, une partie des créances salariales, auxquelles l’employeur avait été condamné par la cour d’appel, était prescrite. L’arrêt attaqué ne pouvait donc qu’être partiellement cassé sur ce point.

Christine GAILHBAUD

Le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en fixation des honoraires d’avocat se situe au jour de la fin du mandat (Cass. 2e civ., 4 oct. 2018, n° 17-20508).

La fixation des honoraires de l’avocat illustre le pouvoir juridictionnel du bâtonnier consacré par le décret du 27 novembre 1991 (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 174 et s.) qui en fait un « magistrat d’un ordre professionnel »21.

Si, depuis trois arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 26 mars 201522, l’on sait que la demande d’un avocat en fixation de ses honoraires est recevable dans le délai de prescription de 2 ans édicté à l’article L. 218-2 du Code de la consommation23, il restait dans cette matière comme dans tant d’autres, à résoudre l’une des difficultés majeures inhérentes à la prescription : celle du point de départ du délai.

L’article L. 218-2 du Code de la consommation ne contient aucune précision à ce sujet. Fallait-il appliquer le point de départ de droit commun mentionné à l’article 2224 du Code civil24 ? Fallait-il retenir la date de la facture d’honoraires ? C’est finalement un autre critère que consacre la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 201825 : « Le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en fixation des honoraires d’avocat se situe au jour de la fin du mandat et non à celui, indifférent, de l’établissement de la facture ».

Cette jurisprudence aligne le point de départ du délai de prescription de l’action en réclamation des honoraires devant le bâtonnier sur la solution retenue par l’article 2225 du Code civil en matière de responsabilité civile professionnelle des avocats. En effet, le délai de prescription de l’action en responsabilité dirigée contre les avocats26 court « à compter de la fin de leur mission ».

Toute incertitude n’a pas disparu pour autant car la notion de « fin de mandat » ou de « fin de mission » n’est pas exempte de doute. Est-ce la date du prononcé de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux dans lequel l’avocat a défendu les intérêts de son client ? C’est la solution qu’avait initialement retenue la Cour de cassation27 avant d’opérer un revirement en 2017 en jugeant qu’on « ne peut tenir pour acquis que le jugement met un terme au mandat28 ». C’est ainsi que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription dans une affaire où la responsabilité civile professionnelle d’un avocat était recherchée après un arrêt d’appel, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé le 15 mai 201829 que l’intervention ultérieure d’un avocat aux conseils « imposée par les règles de représentation devant la Cour de cassation » n’avait été qu’une « parenthèse » dans la mission du premier avocat. La cour d’Aix-en-Provence en déduit qu’« il n’y a pas eu une succession de deux mandats dont le premier s’est achevé avec l’arrêt de la cour d’appel », mais que l’avocat mis en cause avait eu une seule mission achevée après le rejet du pourvoi.

Philippe KAIGL

L’extension du périmètre de la postulation repousse de plus en plus les limites géographiques de l’article 47 du Code de procédure civile ou « chronique d’un article voué à disparaître » (Ord. CA Aix-en-Provence, 17e ch. B, 5 juill. 2018, n° 18/05095).

Licenciée de son emploi de garde d’enfant au domicile d’une avocate inscrite au barreau de Draguignan, une salariée avait saisi le conseil de prud’hommes de Cannes situé dans le ressort limitrophe du tribunal de grande instance de Draguignan. Ce « dépaysement » était justifié par les dispositions de l’article 47 du Code de procédure civile30.

En première instance, la défenderesse avait demandé le renvoi de l’instance devant le conseil de prud’hommes d’Avignon (hors du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence) en application de l’article 47 du Code de procédure civile. En effet, se prévalant de l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 197131, la défenderesse inscrite au barreau de Draguignan (situé dans le ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence) soutenait qu’elle exerçait désormais ses fonctions devant toutes les juridictions du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Le conseil de prud’hommes de Cannes avait rejeté cette « exception de procédure »32 au motif que « la loi n° 2015-990 n’a pas modifié l’obligation faite à chaque avocat en activité de s’inscrire à un barreau rattaché à un tribunal de grande instance ; cette inscription à un barreau [fixant] le ressort dans lequel s’applique l’article 47 ».

Déboutée de ses demandes sur le fond, la salariée licenciée a interjeté appel devant la cour d’Aix-en-Provence. L’ex-employeur intimé a alors saisi le conseiller de la mise en état d’un incident sur le fondement de l’article 47, alinéa 233 pour solliciter le renvoi de la procédure d’appel devant la cour limitrophe (cour d’appel de Nîmes) au motif qu’il « exerce dans le ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ».

Pour contrer cette exception de procédure, la salariée appelante a soulevé à son tour une exception d’inconventionnalité en soutenant que la demande de délocalisation caractériserait un traitement discriminatoire contraire aux dispositions de l’article 14 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales34 et une véritable atteinte au droit au recours consacré à l’article 13 de ladite convention35. En effet, à l’époque où les avocats ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance près lequel leur barreau était constitué, l’application de l’article 47 du Code de procédure civile se traduisait par une délocalisation limitée au ressort du tribunal de grande instance limitrophe. Or les nouvelles dispositions de l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 élargissent la délocalisation puisqu’elles obligent le justiciable, sous prétexte qu’il est opposé à un « magistrat ou un auxiliaire de justice », à se défendre en dehors du ressort de « sa » cour d’appel territorialement compétente selon les règles du droit commun.

Tranchant le débat entre l’exception de procédure et l’exception d’inconventionnalité, l’ordonnance d’incident de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 5 juillet 2018 de la 17e chambre B de la cour d’appel d’Aix-en-Provence36 a ordonné le renvoi de l’affaire devant la cour d’appel de Nîmes au motif que « dès lors que ce texte accorde tant au justiciable qu’à l’auxiliaire de justice le droit de se prémunir contre tout risque de partialité du juge consacré par la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, il ne constitue nullement une atteinte au droit de recours ni un traitement discriminatoire au sens des articles 13 et 14 de la même convention ».

Pourtant, l’article 47, dans sa teneur actuelle, est voué à disparaître car il sera de moins en moins supportable au fur et à mesure que le législateur repoussera les limites territoriales de la postulation des avocats. L’impasse sera totale si le périmètre de la postulation devient national en autorisant les avocats à postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance et des cours d’appel du territoire français. L’article 47 du Code de procédure civile empêcherait alors les justiciables opposés à un avocat de saisir une quelconque juridiction, attribuant ainsi de facto aux avocats une véritable immunité juridictionnelle. La solution consisterait à aligner la règle de l’article 47 sur le ressort territorial du barreau où est inscrit l’avocat justiciable, comme l’avait jugé le conseil de prud’hommes de Cannes pour se déclarer compétent dans cette affaire. Il suffira alors de saisir la juridiction située dans le ressort limitrophe de ce barreau. Certes, mais quid si le législateur crée un ordre national des avocats ?

Philippe KAIGL

Le droit au procès équitable ouvre le droit au second degré de juridiction lorsque l’appelant a été privé à son insu du recours légalement prévu (Ord. CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 10 oct. 2016, n° 16/01209).

Le commentaire de l’ordonnance d’incident de la 15e chambre A de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 10 octobre 2016 pourrait être sous-titré : « à petites causes, grands effets ». Le pluriel s’impose car le mot « cause » est pris dans ses deux sens : petite affaire par l’intérêt en jeu (une astreinte liquidée à hauteur de 900 €), et petite source par l’origine banale de la saisine de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (une erreur matérielle commise par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grasse). Certes, l’erreur matérielle était peu banale. Résumons les faits et les procédures.

Ses locataires ayant suspendu le paiement de leurs loyers, le propriétaire d’un local d’habitation avait saisi le juge des référés du tribunal d’instance de Grasse pour faire constater la résiliation du bail soumis aux dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Le juge avait « sauvé » le bail en rendant le 9 octobre 2014 une ordonnance consentant un délai de grâce aux locataires, suspendant l’effet de la clause résolutoire et prévoyant la résiliation de plein droit et leur expulsion en cas de manquement aux conditions d’apurement des loyers et charges37. La même ordonnance avait condamné le bailleur à rétablir l’alimentation en eau et électricité sous astreinte de 100 € par jour.

Le propriétaire ayant tardé à rétablir cette alimentation, les locataires avaient saisi le 16 janvier 2015 le juge de l’exécution de Grasse en vertu des dispositions de l’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution aux fins de faire liquider l’astreinte provisoire à hauteur de 1 000 €.

Avant que le juge de l’exécution statue, l’un des colocataires a été déclaré en liquidation judiciaire le 9 février 2015. Par jugement du 20 octobre 2015, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à hauteur de 900 €, mais c’est là que survient l’erreur matérielle : le juge a raisonné comme si la personne en liquidation judiciaire était le propriétaire et non l’un des colocataires, ce qui donne un jugement curieux qui « fixe la créance » des locataires (devenus occupants sans droit ni titre) au « passif de la procédure collective » du propriétaire à la somme de 900 € au titre de la liquidation de l’astreinte. Jugement « improbable » qui conduit les occupants à saisir le juge de l’exécution d’une demande de rectification d’erreur matérielle à laquelle le propriétaire s’oppose en soutenant que seule la voie de l’appel serait ouverte38.

Sans réponse du juge de l’exécution et constatant que le délai d’appel est sur le point d’expirer à la suite de la signification du jugement du 20 octobre 2015 intervenue le 18 décembre 2015, les occupants interjettent le 4 janvier 2016 appel du jugement « erroné » sans imaginer que trois jours plus tard le juge de l’exécution ferait enfin droit à leur demande de rectification d’erreur matérielle et condamnerait cette fois-ci le propriétaire à payer l’astreinte à ses ex-locataires. Le propriétaire a alors le 22 janvier interjeté appel du jugement du 7 janvier 2016 et les ex-locataires se sont dépêchés de se désister de leur appel du 4 janvier 2016, avant même que le propriétaire ait constitué avocat devant la cour.

L’imbroglio procédural était né. En effet, s’étant désistés de leur propre appel du 4 janvier 2016, les ex-locataires ont demandé au conseiller de la mise en état par conclusions d’incident du 26 avril 2016 de déclarer irrecevable l’appel du 22 janvier 2016 de leur ex-bailleur en se prévalant des dispositions de l’article 462 dernier alinéa du Code de procédure civile : « Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation ».

Or s’il est vrai que seule la « voie du recours en cassation » était recevable contre la « décision rectificative », le délai de 2 mois dont disposait le propriétaire pour former un recours en cassation contre la décision rectificative (CPC, art. 612) était expiré lorsqu’il a su que le jugement rectifié du 20 octobre 2015 était « passé en force de chose jugée » du fait du désistement d’appel. En effet, n’ayant pas constitué avocat sur l’appel du 4 janvier 2016 dont la cour s’est dessaisie dès le 21 janvier 2016, le propriétaire auteur de son propre appel le 22 janvier 2016 contre le jugement rectificatif du 7 janvier 2016 n’a eu connaissance des conclusions de désistement des ex-locataires et de l’ordonnance de dessaisissement de la cour que le 26 avril 2016, à l’occasion de leur communication par les ex-locataires intimés sur l’appel du 22 janvier 2016.

Ainsi, par l’enchaînement des initiatives procédurales susrelatées, le propriétaire, condamné le 7 janvier 2016 à payer à ses ex-locataires une astreinte par le juge de l’exécution rectifiant l’erreur matérielle affectant son premier jugement du 20 octobre 2015, s’est estimé inéquitablement privé de recours contre le jugement du 7 janvier 2016. Il a alors opposé à l’exception d’irrecevabilité soulevée par les intimés, une exception d’inconventionnalité fondée sur l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et demandé au conseiller de la mise en état de déclarer recevable son appel interjeté contre le jugement du 7 janvier 2016.

Dans son ordonnance du 10 octobre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’appel interjeté contre le jugement rectificatif du 7 janvier 2016, en retenant les motifs suivants :

« Le désistement [de l’appel du 4 janvier 2016 dont le propriétaire intimé n’a été informé que le 26 avril 2016] ne peut avoir conféré mécaniquement force de chose jugée au jugement rectifié, préjudiciant aux droits de l’intéressé en ce qu’il le prive de voie de recours, de sorte que les dispositions de l’article 462, alinéa 5 du Code de procédure civile sont en l’espèce inapplicables. La voie de l’appel reste dès lors ouverte [au propriétaire] contre le jugement du juge de l’exécution de Grasse du 7 janvier 2016 en vertu des dispositions relatives au procès équitable de l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

Cette décision mérite d’être signalée car selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit à un procès équitable consacre le droit à un recours juridictionnel effectif, mais non le droit à un double degré de juridiction39 et selon la Cour de cassation, « les dispositions de l’article 6, 1°, de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales n’impliquent pas un droit au double degré de juridiction en matière civile40 ». Cependant dans l’affaire présentement commentée, le conseiller de la mise en état a moins cherché à créer un droit au double degré de juridiction qu’à remplacer un recours existant (le pourvoi en cassation de l’article 462, alinéa 5 du Code de procédure civile) dont l’appelant avait été privé à son corps défendant.

Le piège s’est refermé sur les ex-locataires dans l’arrêt statuant au fond le 6 juillet 201741 sur appel du jugement du 7 janvier 2016. La Cour raisonne en deux temps. D’une part, « par l’effet de l’appel interjeté le 4 janvier 2016 à l’encontre du jugement du 20 octobre 2015, le juge de l’exécution de Grasse n’avait plus, à la date du 7 janvier 2016, le pouvoir d’ordonner la rectification de son jugement du 20 octobre 2015 ». D’autre part, les ex-locataires s’étant désistés de leur appel du 4 janvier 2016, le jugement affecté d’erreurs matérielles du juge de l’exécution du 20 octobre 2015 a été déclaré « définitif dans sa version initiale ». Or en l’état de l’erreur matérielle et de la confusion commise par le premier juge qui avait pris le bailleur débiteur de l’astreinte pour la personne en liquidation judiciaire, la liquidation d’astreinte était inexécutable contre lui. Le bailleur a donc finalement échappé à l’obligation de payer l’astreinte à ses ex-locataires.

Philippe KAIGL

2 – En procédure pénale (…)

III – L’instruction du procès

A – Le régime des preuves

1 – En procédure civile

La demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire constitue une défense au fond soumise au régime de la nullité des actes de procédure (Cass. com., 19 sept. 2018, n° 17-18369).

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 septembre 201842 rappelle la spécificité de la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire. Dans une affaire à multiples rebondissements judiciaires, et sur renvoi après cassation, une partie demande l’annulation du rapport d’expertise judiciaire en se fondant sur la méconnaissance du principe de la contradiction par l’expert : le défaut de convocation de la partie à laquelle il était reproché divers manquements contractuels lors d’une ultime réunion au cours de laquelle les réclamations de la partie adverse étaient examinées l’avait empêchée de se défendre utilement sur le plan technique et, partant, lui ayant nécessairement causé un préjudice. La cour d’appel y fait droit et annule l’expertise. Le pourvoi en cassation portait sur la violation des articles 112 et 175 du Code de procédure civile : en l’espèce, la partie qui avait soulevé la nullité avait rédigé ainsi ses conclusions : « à titre principal, déclarer les demandes reconventionnelles irrecevables en cause d’appel comme ne reposant pas sur des créances compensables, subsidiairement, constater la prescription des demandes reconventionnelles, tant au regard des dispositions de l’article L. 110-4 du Code de commerce que des articles 1604 et, a fortiori, 1641 du Code civil, très subsidiairement, annuler le rapport d’expertise pour violation du principe de la contradiction ». Cette chronologie permettait de constater que cette partie n’avait pas formulé sa demande de nullité in limine litis… alors même que la demande avait été présentée à titre subsidiaire !

L’article 175 du Code de procédure civile prévoit que la nullité des actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. Du renvoi opéré aux articles 112 et suivants du même code, on déduit que la nullité pour vice de forme du rapport d’expertise (ce qui correspond à toutes les hypothèses non visées limitativement à l’article 117 du Code de procédure civile et plus particulièrement à la violation du contradictoire), doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir43. Les praticiens n’intègrent pas toujours cette exigence parce que la Cour de cassation considère que ce renvoi au régime de la nullité des actes de procédure n’est pas absolu : procéduralement, la nullité du rapport est soulevée sous la forme d’une défense au fond, et non d’une exception de nullité44. Néanmoins, cette « défense au fond » doit être formée avant toute autre défense au fond ou fin de non-recevoir à peine d’irrecevabilité, et suppose la preuve d’un grief. Dès lors, en l’espèce, la cassation s’imposait, la partie ayant soulevé subsidiairement la nullité après avoir invoqué une fin de non-recevoir… Les conséquences de la cassation partielle de l’arrêt s’avèrent désastreuses pour la partie puisque, sur le fondement de l’article 624 du Code de procédure civile, elle entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l’arrêt qui condamne sur le fond !

Natalie FRICERO

2 – En procédure pénale

Ne porte pas atteinte, notamment, au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, le fait, pour un officier de police judiciaire, compétent pour ce faire, préalablement informé, de façon spontanée, par un tiers, de la possible commission d’infractions, de contacter à l’aide d’un numéro de téléphone diffusé par elle sur internet, la société mettant en vente un véhicule susceptible d’avoir été acquis en leasing à l’aide d’un dossier contenant des pièces falsifiées et de se rendre au rendez-vous fixé par le commercial qui l’a rappelé à cette fin, sans prendre aucun engagement ni faire une quelconque autre demande (Cass. crim., 12 sept. 2018, n° 17-87498 ; Cass. crim., 12 sept. 2018, n° 17-87499).

Dans le cadre du respect du principe de loyauté dans la recherche et l’administration des preuves, la jurisprudence a depuis longtemps opéré une distinction entre la provocation à la preuve et la provocation à l’infraction45. Si la première est admise par la Cour de cassation, la seconde est toujours interdite46 au nom du respect du principe de loyauté47, sauf exceptions légales strictes. Ainsi, afin de lutter contre la pédophilie, la pédopornographie et la prostitution sur internet, les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire peuvent, depuis la loi du 5 mars 2007, se faire passer pour des clients ou des délinquants sur des forums et sites internet48. Avant cette réforme, de tels procédés entraînaient la nullité de la procédure49. Cette solution dérogatoire a été étendue par la loi du 13 novembre 2014 aux « enquêtes sous pseudonymes », possibles en matière de criminalité et délinquance organisées et lors de procédures relatives à des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données50. La même solution prévaut également, par exemple, en cas d’utilisation de la procédure d’infiltration51 ou celle du testing52. En dehors de ces cas strictement encadrés par la loi, la provocation à l’infraction est prohibée, à la différence de la provocation à la preuve53. En effet, bien que les policiers soient soumis au principe de loyauté, enquêter suppose un minimum de ruse, d’astuces, ou de contrainte… sauf à ruiner toute possibilité d’investiguer et de rechercher la vérité. Le procédé de provocation doit seulement servir à faire apparaître la preuve d’une infraction qui se serait de toute façon commise sans leur intervention54. Dans ce cas, la preuve est licite55. C’est exactement ce qu’a rappelé la chambre criminelle dans deux arrêts rendus le 12 septembre 2018, à l’égard de deux frères – les deux décisions sont identiques –.

En l’espèce, un brigadier, officier de police judiciaire, avait été contacté par le concessionnaire Nissan à Montrouge qui lui avait fait part d’éléments susceptibles de caractériser des faits d’escroquerie commis notamment par la société Malvezin auto, consistant dans l’acquisition en leasing de véhicules Nissan en vue de leur revente très peu de temps après et à bas prix, par le biais de petites annonces diffusées sur les sites internet La Centrale ou encore Le Bon coin et lui avait fourni différentes identités et numéros de téléphone. Les premières vérifications effectuées à partir de ces renseignements (consultation des fichiers police et d’immatriculation de la société en cause, renseignements sur son dirigeant ou les acquéreurs des véhicules), avaient révélé que les dossiers de financement en vue de l’obtention du leasing étaient établis sous de fausses identités et que les adresses des uns et des autres étaient fausses. Après avoir pris contact avec la société Malvezin à partir du numéro de téléphone figurant sur l’une des annonces diffusées par elle sur internet, le brigadier avait pris rendez-vous avec un certain Kevin, le même jour, Porte Maillot. Le brigadier s’était alors rendu sur les lieux, et il avait constaté l’arrivée d’un véhicule Nissan conduit par un individu qui s’était présenté comme le mandataire de la société Malvezin et qui avait expliqué qu’il ne disposait d’aucune assurance ou carte grise sur lui. À l’issue du rendez-vous, le brigadier et ses collègues prirent l’individu en filature et constatèrent qu’il était soumis par hasard à un contrôle routier au cours duquel il indiqua ne pas être en possession des papiers du véhicule et remit son permis de conduire. Après le départ du suspect, le brigadier prit aussitôt contact avec les fonctionnaires ayant procédé à ce contrôle routier et il apprit alors l’identité véritable de l’intéressé. Poursuivant la filature, le brigadier constata que le suspect stationnait sa voiture à proximité d’un autre véhicule de même modèle qui est apparu comme ayant été acquis dans les mêmes conditions dans le cadre d’un leasing et sous une fausse identité. Le brigadier rédigea ensuite un procès-verbal intitulé « Rapport d’information sur une équipe s’adonnant à des escroqueries sur des véhicules en leasing » relatant les recherches et vérifications effectuées ainsi que le déroulement des opérations, qu’il transmit à la sous-direction de la police judiciaire des Hauts-de-Seine qui le communiqua elle-même au procureur de la République, lequel, dès le lendemain, le chargea de l’enquête préliminaire. Les investigations effectuées dans ce cadre permirent d’identifier notamment deux frères comme susceptibles de participer à la fraude.

Mis en examen, ces derniers saisirent la chambre de l’instruction d’une demande d’annulation d’actes de la procédure au motif de l’existence d’un stratagème consistant à provoquer à l’infraction, non à la preuve, ce qui aurait vicié l’entière procédure. Mais cet argument ne va pas convaincre la chambre de l’instruction. Selon cette dernière, il ne s’agissait pas d’une provocation à la commission d’une infraction, laquelle était déjà réalisée, s’agissant du détournement d’un véhicule acquis initialement en leasing et déjà mis en vente sur internet avant le terme de ce crédit, soit sans être propriétaire. Le brigadier avait relaté les faits auxquels il avait personnellement participé, s’agissant de son appel téléphonique sur la ligne figurant dans l’annonce, ainsi que du rendez-vous Porte Maillot, qu’il avait précisé avoir engagé, avec l’aide de ses collègues, une filature, et avoir en cette occasion constaté que le commercial faisait l’objet d’un contrôle routier et avoir appris sa véritable identité. Ainsi, il n’avait pas participé au contrôle routier mais avait assisté à celui-ci à l’occasion de la filature. Ces énonciations valaient donc à titre de simples renseignements.

Les deux frères mis en examen firent alors chacun un pourvoi en cassation. Leur argumentation reposait sur trois points. Tout d’abord, les défendeurs prétendaient que l’utilisation d’un stratagème par un agent de l’autorité publique vicie la recherche des preuves, le droit à un procès équitable et le principe de loyauté. Ensuite, ils expliquaient que le fait pour un agent de l’autorité publique de dissimuler sa qualité en se faisant passer pour un client potentiel était constitutif d’un procédé d’enquête déloyal en ce qu’il s’agissait d’une opération d’infiltration non prévue par le Code de procédure pénale. Enfin, ils contestaient la position de la chambre de l’instruction qui affirmait que le stratagème employé, intervenant en amont de la vente et destiné à la préparer, n’avait provoqué qu’à la preuve de l’infraction et non à sa commission.

Par deux arrêts identiques rendus le 12 septembre 2018, la chambre criminelle rejette les deux pourvois des deux frères : « Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que ne porte pas atteinte, notamment, au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, le fait, pour un officier de police judiciaire, compétent pour ce faire, préalablement informé, de façon spontanée, par un tiers, de la possible commission d’infractions, de contacter, à l’aide d’un numéro de téléphone diffusé par elle sur internet, la société mettant en vente un véhicule susceptible d’avoir été acquis en leasing à l’aide d’un dossier contenant des pièces falsifiées, et de se rendre au rendez-vous fixé par le commercial qui l’a rappelé à cette fin, sans prendre aucun engagement ni faire une quelconque autre demande, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ».

Cette décision est parfaitement conforme à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation et peut être mise en parallèle avec l’arrêt du 9 mai 201856. Dans cette affaire, un informateur de l’OCRTIS (office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants) avait mis en relation avec ce service une équipe de trafiquants opérant depuis le Pérou et souhaitant importer de la cocaïne en France. Les délinquants étaient à la recherche d’un bagagiste pour faire sortir le produit de l’aéroport. L’agent infiltré répondit favorablement à la demande de réceptionner les stupéfiants à son arrivée sur le territoire national. Selon la Cour de cassation, approuvant la chambre de l’instruction, l’opération était licite dès lors que « ni l’informateur, ni l’agent infiltré n’ont provoqué à la commission de l’infraction ». L’un et l’autre n’ont provoqué qu’à la preuve, et n’ont donc porté atteinte ni au droit au procès équitable, ni au principe de loyauté des preuves. Les arrêts du 12 septembre 2018 s’inscrivent parfaitement dans le droit fil de cette jurisprudence traditionnelle, à l’équation très stable : provocation à la preuve, oui ; provocation à l’infraction, non.

Coralie AMBROISE-CASTÉROT

B – L’instance civile

1 – Les incidents d’instance

Lorsque l’affaire n’a pas été fixée par le magistrat de la mise en état, faute de diligence interruptive dans un délai de 2 ans, la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 1er févr. 2018, n° 16-17618).

L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er février 201857 confirme la nécessaire vigilance des praticiens lorsque l’affaire est encore à fixer. En l’occurrence, dans le cadre d’une procédure d’appel avec représentation obligatoire, l’ensemble des parties avait conclu régulièrement dans les délais impartis. N’entendant pas répliquer aux conclusions des intimés, la partie appelante sollicite, le 21 juin 2013, la clôture et la fixation du dossier. Le 16 juin 2015, l’un des intimés demande au conseiller de la mise en état de constater la péremption. La péremption est constatée par ordonnance du magistrat de la mise en état et, sur déféré, par la cour d’appel de Rennes. Dans son arrêt en date du 1er février 2018, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi, « la demande de fixation (ayant) eu pour effet de faire courir à compter du 21 juin 2013 un nouveau délai de péremption, la cour d’appel, qui a constaté que, dans le délai de 2 ans expirant le 21 juin 2015, aucune conclusion, aucune diligence de nature à faire progresser l’affaire ni aucune nouvelle demande de fixation n’étaient intervenues, en a exactement déduit, peu important l’intention déclarée de l’appelante de ne plus conclure, que la péremption de l’instance était acquise ».

L’arrêt du 1er février 2018 s’inscrit dans la lignée des solutions délivrées dans deux arrêts de la deuxième chambre civile en date du 16 décembre 201658. Si « à compter de la fixation (…) de la date des débats, les parties n’(ont) plus à accomplir de diligence de nature à faire progresser l’instance, de sorte que le délai de péremption se trouvait suspendu »59, en revanche, les parties doivent continuer à conduire l’instance lorsque « la mention “à fixer”, portée par le greffe dans le dossier électronique de l’affaire, attestait seulement du dépôt des écritures des parties dans les délais d’échanges initiaux »60. La rigueur est absolue. À compter de la fixation de l’affaire, la direction du procès cesse pour les parties. À défaut, conformément à l’article 2 du Code de procédure civile, « les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent ». Dans cette dernière hypothèse, les parties doivent donc veiller à accomplir des diligences interruptives du délai de péremption.

La solution de l’arrêt en date du 1er février 2018 est conforme aux exigences de la procédure avec représentation obligatoire. Elle interroge, cependant, sur son adéquation avec la péremption. Cet incident d’instance est considéré soit comme une renonciation tacite des parties à poursuivre l’instance, soit comme une sanction des parties se désintéressant de l’instance. Or une demande tendant à obtenir la fixation de l’affaire exprime une volonté de mener à son terme la procédure. Nul ne peut y voir une renonciation tacite des parties à la poursuite de l’instance ou leur désintérêt de l’instance. La Cour de cassation ne le sous-tend d’ailleurs pas. Toutefois, la haute juridiction sanctionne l’inertie des parties subséquente à la demande de fixation du dossier. Pourtant, une fois que les parties ont effectué leurs obligations procédurales, il appartient au seul magistrat de la mise en état de rendre une ordonnance de clôture. Dès lors, comment considérer que les parties renoncent à l’instance ou s’en désintéressent alors même que l’affaire est en état d’être plaidée, que la fixation a été sollicitée mais que – sans que les parties ne puissent y faire quelque chose – elle n’est pas intervenue !

La procédure d’appel est un chemin semé d’embûches… après le délai pour former appel, les délais pour conclure, il ne faut pas oublier le délai de péremption. Si l’affaire n’a pas été fixée, il doit être conseillé61, dans le délai de 2 ans à compter de la dernière diligence interruptive, de demander la fixation – voire de réitérer cette demande – au risque sinon de buter sur une dernière difficulté : la péremption. Et le juge pouvant désormais prononcer de sa propre initiative la péremption62, il est conseillé aux parties de faire preuve d’une vigilance accrue lorsque l’affaire est encore à fixer…

Marie-Cécile LASSERRE

Conclure pour s’opposer au rétablissement de l’instance après radiation ou encore accepter une médiation après l’expiration du délai de péremption n’interdit pas de soulever ensuite la péremption (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-22356 ; Cass. 2e civ., 27 sept. 2018, n° 17-18881).

La péremption de l’instance est la sanction de l’absence de diligences des parties pendant 2 ans ; elle entraîne l’anéantissement de tous les actes de procédure depuis l’acte introductif (dont elle efface l’effet interruptif de la prescription ou de la forclusion63) et interdit d’opposer aucun des actes de la procédure périmée ou de s’en prévaloir64. Son régime procédural est strictement encadré : si le juge peut la constater d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, la partie qui entend la soulever doit le faire « avant tout autre moyen », à peine d’irrecevabilité65.

L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 27 septembre 201866 contribue à la définition du « moyen » au sens de ce texte. En l’espèce, l’affaire ayant été radiée sur le fondement de l’article 526 du Code de procédure civile, les consorts Z. avaient, le 29 octobre 2014, conclu au fond et sollicité le rétablissement de l’affaire ; la demande de réinscription, sur laquelle la banque X a conclu le 10 décembre 2014, avait été rejetée. Le 25 février 2016, la banque X avait soulevé un incident de péremption de l’instance. La cour d’appel ayant déclaré la péremption de l’instance, la question posée par le moyen du pourvoi était de savoir si la banque X était recevable à soulever la péremption après avoir conclu pour s’opposer au rétablissement de l’affaire au rôle en application de l’article 388 du Code de procédure civile. La Cour de cassation juge qu’ayant « constaté que la banque, qui s’était bornée à s’opposer à la demande de rétablissement de l’affaire au rôle, n’avait invoqué aucun moyen au sens de l’article 388 du Code de procédure civile, la cour d’appel en a exactement déduit que l’incident de péremption était recevable ». La notion de « moyen » au sens de l’article 388 du Code de procédure civile n’englobe pas les conclusions en réponse à un incident d’instance tel que le rétablissement de l’affaire après radiation. La radiation comme le rétablissement constituent des mesures d’administration judiciaire insusceptibles de recours, y compris pour excès de pouvoir67. Les « moyens » qui font obstacle à la recevabilité de la demande de péremption sont définis par le titre 5e intitulé « Les moyens de défense » : il s’agit d’une défense au fond, d’une exception de procédure ou d’une fin de non-recevoir.

La chambre sociale de la Cour de cassation l’a rappelé dans un autre contexte dans un arrêt du 30 mai 201868 en décidant, au visa des articles 386 et 390 du Code de procédure civile et R. 1452-8 du Code du travail alors applicable, que l’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, ne vaut pas renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance. En l’espèce, une médiation avait été ordonnée par la cour d’appel avec l’accord des deux parties et, après l’échec de la médiation, la cour d’appel avait rejeté le moyen soulevé par le salarié tiré de la péremption d’instance. La Cour de cassation casse en précisant que le point de départ de la péremption d’instance s’établissait à la date de l’ordonnance de radiation et que le fait qu’il ait accepté la proposition de médiation judiciaire ne l’empêchait pas de soulever utilement la péremption de l’instance.

Que la péremption soit soulevée sous forme de demande ou opposée par voie d’exception, la partie doit l’invoquer avant tout moyen, c’est-à-dire toute défense au fond69, toute fin de non-recevoir ou toute exception de procédure, y compris une exception d’incompétence70. Sur un plan chronologique, la partie doit déposer des conclusions à fin de péremption avant des conclusions contenant une défense au fond, une exception de procédure ou une fin de non-recevoir : si elle saisit préalablement le conseiller de la mise en état, ses conclusions à fin de péremption devant le juge du fond sont irrecevables alors même qu’elle a déclaré abandonner l’exception de nullité des conclusions qu’elle avait soulevée devant ledit conseiller de la mise en état71. Il est parfois compliqué de définir l’antériorité des conclusions à fin de péremption : dans un arrêt du 12 mai 201672, la partie qui soulevait la péremption avait remis au greffe par voie électronique les conclusions en déclaration de péremption le 16 décembre 2013 à 18 h 59, et avait déposé, le même jour à 18 h 55, des conclusions au fond ! La cour d’appel a jugé qu’il ne pouvait pas être considéré que la péremption n’avait pas été soulevée avant tout moyen, puisque la partie n’avait adressé ses conclusions au fond que pour le cas où la péremption, qu’elle soulevait dans des conclusions adressées au conseiller de la mise en état, ne serait pas déclarée, ce dont il résultait que les conclusions au fond n’avaient été déposées qu’à titre subsidiaire…

Natalie FRICERO

2 – La mise en état (…)

C – L’instruction pénale

Est contraire à la constitution le premier alinéa de l’article 706-113 du Code de procédure pénale, en ce qu’il n’impose pas aux autorités policières ou judiciaires d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de son placement en garde à vue (Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC).

Sur renvoi de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-113, alinéa 1, du Code de procédure pénale. Selon cette disposition, lorsque des poursuites pénales sont engagées à l’encontre d’un majeur protégé, le procureur de la République ou le juge d’instruction doit en informer son curateur ou son tuteur, ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même lorsque le majeur protégé est l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou encore, lorsqu’il est entendu comme témoin assisté. Le curateur ou le tuteur peut alors prendre connaissance des pièces de la procédure. Il dispose de plusieurs prérogatives qui lui permettent ainsi d’assurer la préservation des droits du majeur protégé en les exerçant éventuellement en ses lieu et place73. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas à la garde à vue. Sur ce point, le texte est taisant.

Dans leur décision, les membres du Conseil constitutionnel relèvent que ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative, n’imposent aux autorités de rechercher, dès le début de la garde à vue, si la personne entendue est placée sous curatelle ou sous tutelle et d’informer son représentant de la mesure dont elle fait l’objet.

Ainsi, dans le cas où il n’a pas demandé que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut en définitive être dans l’incapacité d’exercer ses droits et de mesurer leur importance. Faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés, il est susceptible de faire des choix qui peuvent s’avérer contraires à ses intérêts. C’est le cas, notamment pour ce qui concerne l’exercice de son droit de s’entretenir avec un avocat et celui d’être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations.

Ainsi, en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection, que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule la garde à vue soit tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées sont jugées comme méconnaissant les droits de la défense. En toute logique, le premier alinéa de l’article 706-113 du Code de procédure pénale est déclaré contraire à la constitution. C’est à nouveau l’effectivité des droits accordés à la personne qui est au centre de cette décision : notifier des droits à une personne qui n’est pas en mesure d’en apprécier l’importance c’est rendre ces droits théoriques et parfois illusoires.

Il reste que la date de l’abrogation de ces dispositions est reportée au 1er octobre 2019 : l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait eu pour conséquence de supprimer l’obligation pour le procureur de la République et le juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l’encontre d’un majeur protégé. Ce qui entraînerait des conséquences excessives. Reste donc à attendre la modification du texte. Il appartiendra ensuite aux autorités de procéder à des vérifications quant à l’existence d’une mesure de protection74. À ce propos, peut-être devrait-on envisager la création d’une base de données recensant les décisions : certaines personnes protégées pourraient déclarer ne pas faire l’objet d’une telle mesure alors que cela ne correspond pas à la réalité.

Cédric PORTERON

Devant la chambre de l’instruction, toutes les personnes ayant le statut de mis en examen et de témoin assisté, ainsi que leurs avocats, bénéficient, de manière identique et sans ordre de priorité entre eux, du droit de prendre la parole en dernier (Cass. crim., 11 avr. 2018, n° 17-86711).

Dans cette décision, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise les modalités de prise de parole des personnes mises en examen ou ayant le statut de témoin assisté ainsi que de leurs avocats, dans l’hypothèse où ils sont en nombre devant la chambre de l’instruction.

La rédaction de l’article 199, alinéa 3, du Code de procédure pénale est peu précise. Il est indiqué qu’« après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties sont entendus ». Ainsi, aucun ordre n’est expressément fixé par le texte si ce n’est que l’audience doit débuter par le rapport du conseiller. Dans un arrêt ancien75, dont le principe est repris constamment, il a été décidé qu’il se déduit des dispositions de l’article 199 et des principes généraux du droit que l’inculpé doit avoir la parole en dernier lorsqu’il est présent aux débats et qu’il en est de même de son conseil76. Rien n’interdit donc de donner la parole d’abord aux parties civiles, puis à l’avocat de la personne poursuivie et enfin au procureur général, dès lors que la parole est ensuite redonnée à la personne ou à son conseil77. Ce principe s’applique à toutes les procédures pénales intéressant la défense, qu’elles se terminent par un jugement ou un arrêt78. Il protège les intérêts de la personne poursuivie79. Concernant l’ordre de passage entre la partie civile et le ministère public en revanche, la Cour de cassation a décidé qu’il importe peu que l’avocat de la partie civile appelante ait présenté ses observations avant le ministère public80.

La situation se complique dès lors que plusieurs personnes mises en examen ou témoins assistés sont concernés et que leurs avocats sont présents. Il convient alors de déterminer l’ordre de passage entre eux. Sur ce point, une jurisprudence ancienne avait précisé que la règle selon laquelle l’inculpé ou son conseil doivent avoir la parole en dernier n’implique pas que lorsque l’un d’eux a usé de ce droit, la parole soit en outre donnée à l’autre81. Dans la présente décision, la chambre criminelle précise que ce droit bénéficie de manière identique à chacun d’eux sans ordre de priorité entre eux. Ainsi, il ne peut être fait grief au fait que l’avocat d’un mis en examen qui n’avait pas présenté de requête en nullité dans le cas d’espèce figure en dernière position dans l’ordre de parole. La solution apparaît de bon sens. Dès lors que l’on est en présence de plusieurs personnes mises en cause et de leurs avocats, il y en aura toujours un qui parlera en dernier… mais avant les autres.

Cédric PORTERON

Selon l’article 116-1 du Code de procédure pénale, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d’instruction, y compris l’interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l’objet d’un enregistrement audiovisuel. L’omission de cette formalité, hors les cas où ce texte l’autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, que celle-ci ait déclaré vouloir faire des déclarations, répondre aux questions posées ou se taire. L’absence d’enregistrement affecte nécessairement la régularité de l’intégralité de l’acte, même en ce qu’il porte pour partie sur des faits de nature délictuelle (Cass. crim., 11 avr. 2018, n° 17-86711).

Par un long attendu de principe, la chambre criminelle synthétise par cette décision l’ensemble des arrêts82 qui ont été rendus jusque-là concernant la portée de l’application de l’article 116-1 du Code de procédure pénale.

On rappellera que selon cette disposition en matière criminelle les interrogatoires des personnes mises en examen dans le cabinet du juge d’instruction, y compris l’interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l’objet d’un enregistrement audiovisuel83. Il est donc désormais acquis que l’annulation porte sur l’intégralité d’un interrogatoire, quel qu’il soit, bien que les faits pour lesquels la personne a été mise en examen soient à la fois criminels et correctionnels.

La nullité affecte l’acte dans son ensemble. On ne peut procéder par voie de retranchement. Le texte est clair : l’acte doit être enregistré dès lors que l’instruction a été ouverte pour des faits de nature criminelle, sauf lorsque la loi l’autorise, notamment en cas de difficultés techniques84. La finalité du texte est de s’assurer de la parole, tant dans sa teneur que dans les circonstances qui l’ont amenée. De ce point de vue, ne pas retenir la nullité des déclarations portant sur les faits de nature délictuelle pourrait avoir une incidence sur l’appréciation future des déclarations à venir concernant des faits de nature criminelle. La position de la Cour de cassation est donc parfaitement fondée. On peut regretter que sa motivation ne soit pas explicitée.

En revanche, un autre point de la décision peut créer quelques interrogations. Il est repris que la violation de cette disposition lors de l’interrogatoire de première comparution ou de tout autre interrogatoire, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, quand bien même elle a décidé de se taire. Cette position est a priori surprenante au regard de la rédaction du texte. Il est prévu à l’article 116-1, alinéa 2, que l’enregistrement ne peut être consulté, au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, « qu’en cas de contestation sur la portée des déclarations recueillies ». Cette formulation laisse entendre que la finalité de l’enregistrement est de vérifier l’atmosphère qui a entouré le recueil des propos ou leurs modalités de retranscription. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’un silence peut prendre place après des déclarations et vice versa. Ces silences peuvent éclairer les déclarations par ailleurs recueillies immédiatement, ou plus tard. Dès lors, le texte doit être perçu comme un moyen de s’assurer que les déclarations ont été recueillies dans leur ensemble et non de manière isolée. Là encore, la position de la chambre criminelle ne peut qu’être saluée.

Cédric PORTERON

Aucun texte n’impose au juge des libertés et de la détention de corroborer ses motifs par des références à des côtes du dossier d’information (Cass. crim., 8 août 2018, n° 18-83310).

La présente décision apporte une intéressante contribution à la question de savoir si la motivation d’un placement en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention implique une référence explicite aux cotes du dossier pénal. Dans le cas d’espèce, l’auteur du pourvoi en cassation faisait valoir une nullité tirée de l’absence de référence à ces cotes, l’ayant privé selon lui d’un exercice utile et contradictoire de ses droits. Pour la chambre criminelle, cette référence n’est imposée par aucun texte. Ce faisant, elle se limite aux obligations posées par le droit interne, alors même que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales impose la nécessité de disposer du temps et des facilités nécessaires à l’organisation de la défense. Sur ce dernier point, la référence aux cotes du dossier, surtout lorsque ce dernier contient des milliers de pages comme en l’espèce, devrait permettre de mesurer l’opportunité de relever appel de la décision. Ce n’est pas ce que la Cour retient. Cette information n’a pas à être donnée. L’important est qu’elle puisse être cherchée85.

On notera ainsi une nuance. Dans le même attendu, les juges précisent « qu’aucune atteinte portée aux intérêts du demandeur et aux droits de la défense n’est démontrée par l’avocat, qui, disposant du droit d’accès permanent au dossier et ayant pu se faire délivrer une copie des pièces de la procédure conformément aux dispositions de l’article 114 du Code de procédure pénale, était en mesure d’exercer ses droits et d’apprécier la portée des motifs retenus par le juge ». Ainsi, dès lors que l’avocat a accès à l’ensemble du dossier pénal et peut se faire délivrer une copie des pièces du dossier, il dispose pour la Cour des moyens lui permettant de contredire les motifs retenus. En conséquence, c’est à lui de chercher ce qui a pu être déterminant dans le dossier pour fonder les motifs du juge. Ce n’est pas à ce dernier de le lui indiquer. Cette conception restrictive des mentions d’une décision portant atteinte à la liberté est critiquable. Néanmoins, en l’état de notre droit, juger le contraire aurait eu des conséquences sur bien d’autres décisions. Ainsi, la mise en examen n’est pas motivée86 par une référence aux cotes du dossier, alors même qu’elle peut faire l’objet d’une demande d’annulation87. D’une manière plus générale, il en est de même de toutes les décisions prises par le juge d’instruction, par la chambre de l’instruction ou encore par les juridictions de jugement. Pourtant, cette référence à des cotes du dossier serait indéniablement un moyen de vérifier en pratique la pertinence des éléments retenus par le juge et l’articulation qui leur est donnée dans la décision.

Cédric PORTERON

IV – L’audience de jugement

A – La convocation à l’audience

1 – En procédure civile (…)

2 – En procédure pénale

Il se déduit des articles 6, § 1 et 3, a et c, de la convention européenne des droits de l’Homme et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale que, lorsque l’altération des facultés d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, fût-ce en présence de son tuteur ou de son curateur et avec l’assistance d’un avocat, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement après constatation que l’intéressé a recouvré la capacité à se défendre (Cass. crim., 19 sept. 2018, n° 18-83868).

Par cet arrêt de principe, la chambre criminelle de la Cour de cassation pose clairement une règle : une personne ne peut être renvoyée devant une juridiction s’il existe un doute sur sa capacité à se défendre personnellement. Cette exigence est déduite de la convention européenne des droits de l’Homme qui impose un procès équitable et le droit pour chacun de se défendre soi-même, ainsi que de l’article préliminaire du Code de procédure pénale selon lequel « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire ».

Il est vrai que le Code pénal prend en considération l’altération des facultés mentales lorsqu’elle a pu avoir un impact au moment des faits. Mais le Code de procédure pénale ne l’envisage pas au moment du procès. Par une décision du 11 juillet 200788, la Cour avait déjà exclu qu’un justiciable manifestement incapable de se défendre à la suite d’un accident vasculaire cérébral puisse être renvoyé devant une juridiction. À cette occasion, elle avait utilisé une autre formulation considérant que lorsque la personne est dans l’impossibilité absolue d’assurer effectivement sa défense, serait-elle assistée d’un avocat, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement. Aujourd’hui, elle l’exclut tant qu’il existe un simple doute. La juridiction d’instruction ne peut envoyer un justiciable devant les juges qu’après s’être assurée de sa capacité à se défendre. Au besoin, elle devra ordonner une expertise. Il s’agit pour le justiciable de pouvoir se défendre personnellement. Le fait qu’il soit assisté d’un tuteur ou d’un curateur et défendu par un avocat n’est pas suffisant : est consacré ainsi un droit à la défense personnelle.

La portée de cette décision pourrait dépasser le seul cadre de la juridiction de jugement. On peut se demander si une telle situation empêcherait aussi un placement en garde à vue, ou une mise en examen. Dans ces situations aussi, la personne peut ne pas être à même de se défendre personnellement, alors même qu’elle est assistée de son tuteur ou de son curateur et d’un avocat89.

À tout le moins, en cas de défaillance dans les capacités intellectuelles, il faut donc attendre, pour saisir le tribunal, que l’intéressé ait recouvré la capacité à se défendre. Les opérations d’expertise pourront alors interrompre la prescription. Mais, qu’en sera-t-il lorsque la défaillance persistera ?

À ce propos, cette décision doit être mise en perspective de celle rendue le 5 septembre 201890. Dans cet arrêt, la haute juridiction a considéré qu’il ne peut être statué sur la culpabilité d’une personne que l’altération de ses facultés physiques ou psychiques met dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, fût-ce en présence de son tuteur et assistée d’un avocat. En l’absence de l’acquisition de la prescription de l’action publique ou de disposition légale lui permettant de statuer sur les intérêts civils, la juridiction pénale, qui ne peut interrompre le cours de la justice, est alors tenue de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure. Elle doit surseoir à statuer. Elle ne peut juger qu’après avoir constaté que l’accusé ou le prévenu a recouvré la capacité à se défendre. Autrement dit, si la défaillance persiste ou est irréversible, ce que devra établir une expertise, l’individu poursuivi pourrait ne jamais être jugé pénalement.

Cédric PORTERON

B – Le déroulement de l’audience

1 – L’audience civile

Le juge doit inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu’ils relèvent d’office (Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-11351).

Un rapport d’expertise n’est opposable à une partie que lorsqu’elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise (Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-19954).

Le principe de la contradiction est à l’origine de nombreuses décisions récentes, spécialement lorsque le juge est amené à relever d’office un moyen de droit. La répétition de ce type de décision doit appeler à la vigilance, car ce qui est jugé par ces arrêts est désormais jurisprudence certaine. Deux décisions permettent d’y revenir, l’une spécifiquement orientée sur la question du relevé d’office d’un moyen de droit et le respect du principe de la contradiction91 et l’autre, qui tout en apportant une même réponse sur cette question, y ajoute une autre thématique récurrente, à savoir les règles qui président à l’opposabilité des rapports d’expertise92.

Dans l’appréciation des pouvoirs d’un juge, il est important de distinguer ce qui relève de la qualification d’un fait et ce qui concerne le relevé d’un moyen de droit visant à introduire dans le débat une autre règle de droit non envisagée par les parties. Bien qu’Henri Motulsky considérât qu’il « n’existe pas de différence de nature entre la requalification et la substitution d’office d’une règle de droit non invoquée »93, la jurisprudence opère la distinction et elle n’est pas sans conséquences.

Le juge doit trancher « le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables »94, mais il doit aussi « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée »95, et donc, rectifier la qualification proposée par les parties, par exemple lorsqu’est invoquée l’existence d’un contrat de vente alors qu’il s’agissait d’un contrat de prêt. L’opération de requalification est ainsi une obligation imposée au juge, du moins concernant les seuls « faits et actes litigieux [qui ont été] invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions »96.

Dans ce cadre de la requalification des faits, la Cour de cassation a estimé que le juge n’a pas à préalablement inviter les parties à présenter leurs observations97. Lorsque le juge a terminé, le cas échéant, son travail de recadrage, va ensuite apparaître la question de la détermination de la règle de droit applicable. À cet égard, la Cour de cassation estime que cette opération est une simple faculté pour le juge, en l’absence de texte contraire98 : si le juge peut décider de relever d’office la règle de droit applicable au litige, il n’a pas pour autant l’obligation de le faire quand le moyen de droit n’a pas été expressément invoqué par les parties99.

Mais chaque fois que les parties ont invoqué un fondement juridique à l’appui de leur demande et que le juge décide de statuer sur un autre fondement que celui-ci, il doit les inviter à présenter leurs observations. Il est en effet indispensable que les parties soient mises à même de s’expliquer contradictoirement sur ce point, sauf au juge à méconnaître les prescriptions de l’article 16 du Code de procédure civile et le principe de la contradiction.

Dans le premier arrêt rapporté, un emprunteur contestait la validité de la clause de remboursement anticipé stipulée dans l’acte, en arguant de son caractère abusif et, à titre subsidiaire, en demandant sa révision après lui avoir redonné sa nature de clause pénale. Les juges, s’appuyant sur le libellé de la formule mathématique employée par cette clause, ont cependant estimé qu’elle pouvait laisser croire au versement d’une somme modique en cas de remboursement anticipé du prêt, et valoir erreur sur la substance. Dans le second arrêt rapporté, un patient avait contracté une infection nosocomiale pour laquelle il demandait réparation au praticien et à la société de radiologie où l’examen s’était tenu. Pour condamner in solidum la seule clinique et son assureur à payer différentes sommes à la victime, les juges du fond ont relevé d’office l’existence d’une cause étrangère, découlant de ce que la société constituerait le service de radiologie de l’établissement de santé.

Dans les deux cas100, les juges n’avaient pas invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu’ils relevaient pourtant d’office. La méconnaissance de l’article 16 était ainsi concrétisée. Ce motif de cassation intervient assez régulièrement, suffisamment en tout cas pour que soit tirée la sonnette d’alarme101.

Quant à l’expertise, il est désormais établi que lorsqu’un rapport d’expertise a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il appartient au juge de prendre en considération un tel rapport. Cependant, un rapport d’expertise n’est opposable à une partie que lorsqu’elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise. De sorte que si l’une des parties, alors, soulève son inopposabilité, le juge est contraint de rechercher si ce rapport est corroboré par d’autres éléments de preuve102.

Yves STRICKLER

2 – L’audience pénale

Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que les mentions de l’arrêt ne permettent pas de savoir si chaque prévenu a reçu, nominativement et séparément, l’information prévue à l’article 406 du Code de procédure pénale, dès lors qu’une information collective suffit, ces dispositions n’exigeant pas qu’elle soit donnée à chacun des prévenus de manière distincte et individuelle (Cass. crim., 27 juin 2018, n° 17-85959).

Dans cette décision, la Cour de cassation précise l’interprétation qui doit être donnée à l’article 406 du Code de procédure pénale. Le requérant invoquait cet article devant la chambre criminelle. Selon celui-ci « le président ou l’un des assesseurs, par lui désigné, (…) informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ». L’auteur du pourvoi affirmait que l’arrêt était entaché de nullité. Il se bornait à indiquer d’une manière générale que le président avait constaté la présence et l’identité « des prévenus » et les avait informés de leurs droits. Selon lui, l’imprécision de cette énonciation ne permettait pas de savoir si l’information avait été expressément portée à la connaissance de chacun des prévenus. Ainsi, pour lui, l’information devrait être donnée « nominativement et séparément les uns des autres ».

La Cour de cassation rejette ce moyen. Elle affirme que la disposition précitée n’exige pas que l’information soit donnée à chacun des prévenus de manière distincte et individuelle. Cette position est rationnelle. Que ce soit une personne physique ou une personne morale103, devant la juridiction de première instance ou d’appel104, le président doit donner cette information105. La méconnaissance de cette obligation fait nécessairement grief106. Il s’agit donc d’assurer l’effectivité du droit de se taire107. Pour autant, dès lors que plusieurs prévenus comparaissent en même temps, dans le cadre de la même affaire, on peut concevoir que cette information soit donnée une fois pour toutes à l’ensemble d’entre eux lors de l’appel des prévenus à la barre108. C’est dans la même logique que la Cour de cassation a décidé le 9 janvier 2018109 que lorsque le représentant de la personne morale prévenue est également prévenu, la notification de son droit au silence vaut pour cette double qualité.

Cédric PORTERON

C – L’issue de l’audience

La durée raisonnable d’une procédure s’apprécie au regard des circonstances, de la nature de l’affaire, de son degré de complexité, du comportement des parties privées et des mesures prises par les autorités compétentes (Cass. 1re civ., 5 sept. 2018, n° 17-23147).

Les auteurs du pourvoi ont estimé que la durée des procédures engagées tant au civil qu’au pénal a généré un déni de justice. Mais toutes les juridictions qui se sont prononcées ont retenu que la demande au titre de l’action civile était prescrite, et par conséquent irrecevable ; et que la demande au titre de l’action pénale n’était pas fondée, car la durée de la procédure était raisonnable au regard de critères en la matière, parmi lesquels dominent : la prise en considération des circonstances, la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement des parties privées et les mesures prises par les autorités compétentes.

Cet arrêt dans lequel des conjoints avaient subi des désagréments liés à des travaux de rénovation de leur maison, permet d’une part de faire un point sur l’analyse autonome du cours de la prescription civile et pénale lorsque l’objet des deux procédures, bien qu’ayant pris naissance dans des circonstances de temps et de contrat identiques, est différent, mais aussi et d’autre part de rappeler les critères qui servent à déterminer si un délai de jugement a ou non été raisonnable. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 septembre 2018 se prononce sur ce point dans le seul volet pénal, mais la règle rappelée vaut pour toutes les procédures110.

Au regard de la dissociation des deux procédures : une procédure avait été engagée devant le tribunal de grande instance de Paris contre l’entrepreneur qui avait, à tort, selon les juges du fond, quitté le chantier en cours d’exécution du contrat. La décision rendue avait été confortée par un arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2002. Parallèlement à leur demande civile, les époux avaient déposé plainte au pénal, avec constitution de partie civile contre notamment l’entrepreneur, du chef d’escroquerie, faux et usage et travail illégal. Cette procédure devait prendre fin avec une déclaration de non-admission de pourvoi du 17 juin 2009. Saisis d’une demande de réparation au titre du délai de jugement que les demandeurs considéraient comme déraisonnable, les juges du fond, approuvés en appel puis par la Cour de cassation, ont retenu que si la procédure civile engagée visait à obtenir une indemnisation pour le préjudice résultant de l’exécution défectueuse du contrat de construction passé entre les parties à l’acte, la procédure pénale avait quant à elle été lancée en portant, devant ce juge pénal, une demande de réparation du dommage causé par des infractions d’escroquerie et de recours au travail clandestin imputées au constructeur. Il s’ensuit que les deux demandes ne poursuivaient pas la même finalité et n’avaient donc pas le même objet111. Il était ainsi naturel de dissocier le cours de la prescription de l’action en responsabilité relative à chacune des procédures : celle, civile, prenait appui sur l’arrêt du 21 mars 2002 qui marquait l’événement qui faisait courir le délai, alors que celle, pénale, n’avait été soldée que par l’arrêt de 2009. De sorte que si l’action portée au civil était prescrite au 31 décembre 2006, la procédure pénale s’étant achevée en 2009, et sachant que la prescription de l’action en responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice est d’une période de 4 années, celle-ci pouvait être envisagée, ce que retient logiquement la haute juridiction. Les demandeurs ont un peu rapidement confondu les deux demandes de réparation, alors que les préjudices en cause n’étaient pas les mêmes…

Cependant, si la demande fondée sur le délai prétendument excessif de la procédure portée devant le tribunal de grande instance le 30 mars 2012 était encore recevable concernant la procédure pénale, était-elle bien fondée ? C’est le deuxième point annoncé.

Les demandeurs considéraient que le délai total de 12 ans qui s’était écoulé entre la première plainte des parties civiles et l’ultime décision de la Cour de cassation, traduisait « nécessairement et par lui-même, s’agissant d’une affaire relative à de simples travaux de réfection d’une habitation et dénuée de toute complexité, l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ». Ils reprochaient aussi aux juges du fond, qui n’avaient pas retenu le caractère excessif du délai, d’avoir estimé que la durée de la procédure s’expliquerait « uniquement par le nombre des recours intentés par les appelants ». Le second point peut être rapidement évacué : en effet, si l’on y regardait trop rapidement, on pourrait faussement croire que le fait d’exercer des recours est un tort… mais ce n’est pas ce que dit la jurisprudence et ce n’est pas là le débat : interjeter un recours, sauf s’il est dilatoire ou abusif, ne peut jamais être reproché à un justiciable qui en a le droit. Mais le fait d’exercer de multiples recours, parfois en attendant les derniers jours du délai ouvert, est un élément de fait qui doit être pris en compte quand il s’agit d’interroger la durée de la procédure, nécessairement impactée, et ceci que ce temps puisse être reproché aux autorités publiques. Or il est précisément question de cela en matière d’appréciation de délai de jugement : le temps passé est-il dû à la situation, ce qui se matérialise en jurisprudence par le constat de « la gravité des faits reprochés » associée à « la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité », ou encore, par celui du nécessaire « exercice des droits de la défense » ou, au contraire, ce temps perdu est-il le fruit du comportement, soit des parties privées, soit des autorités publiques (sachant que seul ce qui peut être reproché à l’État et à ceux qui agissent en son nom compte au titre de la sanction du délai de jugement) ? Un autre critère est toutefois tiré de l’enjeu du litige pour le requérant112 voire du type de procédure utilisée : c’est ainsi qu’une durée de 17 ans et 6 mois pour statuer sur l’opposition à une ordonnance portant injonction de payer, a été jugée excessive113. Dans l’espèce ici rapportée, il a été relevé que la durée d’instruction de la plainte avec constitution de partie civile, qui a duré 2 ans et 3 mois, n’était pas déraisonnable au regard de la complexité de l’affaire, et que l’usage fait des voies de recours (appel et plusieurs pourvois en cassation) avait pu être la cause des délais dénoncés. Il convient encore d’ajouter que l’ensemble de ces éléments de fait ainsi réunis vont être l’objet d’une appréciation globale114.

Si la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement matérialise un fonctionnement défectueux du service de la justice et oblige en conséquence l’État à réparer le dommage causé par ce fait, encore faut-il que le reproche qui est adressé à celui-ci trouve un ancrage réel et suffisant !

Yves STRICKLER

V – Les voies de recours

A – Les voies de recours ordinaires

Une signification irrégulière de la contrainte délivrée par l’Urssaf ne fait pas courir le délai d’opposition (Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n° 17-16441).

Cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 21 juin 2018 se révèle très protecteur des intérêts de la partie à laquelle un recours est ouvert et doit attirer l’attention des praticiens. Une contrainte de l’Urssaf avait été délivrée à une personne par un huissier de justice, mais l’acte de signification n’indiquait pas toutes les mentions prévues à l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale à peine de nullité : en effet, il précisait que l’opposition pouvait être portée devant le TASS compétent en application de l’article R. 142-12 du Code de la sécurité sociale, sans préciser l’adresse exacte. L’intéressé forme devant le TASS de Nice hors délai une opposition qui est donc déclarée irrecevable. Il interjette appel de cette décision en se fondant sur le fait que la nullité de la signification pour défaut de précision de l’adresse de la juridiction compétente pour statuer sur l’opposition, prévue à l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale, empêchait le délai d’opposition de courir. La cour d’appel confirme l’irrecevabilité de l’opposition en constatant qu’en dépit du défaut d’indication de l’adresse du TASS compétent, la signification avait rempli sa fonction d’information du destinataire. La Cour de cassation censure : « qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’acte de signification par huissier de justice ne comportait pas l’adresse du tribunal compétent pour connaître de l’opposition, de sorte que le délai de recours contentieux n’avait pas couru, la cour d’appel a méconnu l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale ».

L’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale sanctionne l’omission ou l’irrégularité d’une des mentions prescrites par la nullité. Il s’agit d’une nullité pour vice de forme soumise au régime des articles 112 et suivants du Code de procédure civile115. Notamment, le demandeur à l’exception de nullité doit démontrer l’existence d’un grief, c’est-à-dire d’une entrave à ses droits de la défense résultant de l’irrégularité : or en l’espèce, la plupart des mentions étaient régulières et l’intéressé avait bien formé opposition devant le TASS compétent, ce qui permettait de considérer qu’il n’avait pas subi de grief.

La sanction légale de la nullité ne permettant pas la protection des droits de la défense du plaideur, la Cour de cassation attache une autre conséquence à l’irrégularité d’une mention, dans le cas où l’acte de signification constitue le point de départ d’un délai d’exercice d’une voie de recours. Elle décide que le délai du recours ne court pas pour garantir un accès au tribunal conforme aux exigences de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’Homme. Peu importe que la nullité de la signification ne puisse pas être prononcée, faute de grief, le destinataire pourra former l’opposition hors délai (rappelons qu’il est de 15 jours à compter de la signification116) en se fondant uniquement sur l’omission ou l’irrégularité de l’une des mentions.

Cette sanction prétorienne est d’ailleurs appliquée à propos du point de départ des délais de recours formés contre les jugements : l’article 680 du Code de procédure civile exige que l’acte de signification mentionne précisément les délais et les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. La Cour de cassation juge que l’irrégularité de l’une des mentions a pour conséquence que le délai du recours ne court pas, alors même que la partie intéressée n’a pas été trompée par les erreurs matérielles contenues dans l’acte de signification du jugement117. Il appartient donc au praticien de se prévaloir de cette sanction plutôt que de soulever une exception de nullité de la signification dont le prononcé est subordonné à la preuve d’un grief !

Natalie FRICERO

La partie qui n’a pas pu transmettre un acte par la voie électronique à la cour d’appel pour une cause qui lui est étrangère peut remettre cet acte sur support papier au greffe sans attendre l’expiration du délai qui lui est, le cas échéant, accordé pour accomplir la diligence considérée (Cass. 2e civ., 6 sept. 2018, n° 16-14056, F-PB).

Dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, la communication par voie électronique est prévue à peine d’irrecevabilité relevée d’office118. En cas de cause étrangère l’empêchant de transmettre l’acte (déclaration d’appel ou conclusions) à la juridiction, l’avocat peut l’établir sur support papier et le remettre au greffe ou lui adresser par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 6 septembre 2018 a statué dans une hypothèse originale dans laquelle l’avocat avait formé la déclaration d’appel sur support papier alors que la cause étrangère était survenue en cours de délai d’appel et avant son expiration. Précisément, en l’espèce, le délai d’appel expirait le 2 septembre 2013 et la déclaration d’appel avait été remise au greffe sur support papier le 5 août 2013, le greffier ayant énoncé que l’appel avait été enregistré au greffe « en raison d’un problème technique ». Le moyen du pourvoi était fondé sur le fait que tant que le délai pour former appel court, aucun problème technique survenant avant l’expiration de ce délai ne saurait être considéré comme une cause étrangère empêchant l’avocat de transmettre son acte d’appel par voie électronique, puisqu’il lui est encore loisible de transmettre cet acte ultérieurement, et jusqu’à l’expiration du délai d’appel. Ce n’est pas la position adoptée par l’arrêt qui considère « qu’il résulte de l’article 930-1 du Code de procédure civile, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, que la partie qui n’a pas pu transmettre un acte par la voie électronique à la cour d’appel pour une cause qui lui est étrangère peut remettre cet acte sur support papier au greffe sans attendre l’expiration du délai qui lui est, le cas échéant, accordé pour accomplir la diligence considérée ». En appliquant à la lettre l’article 930-1 du Code de procédure civile, qui ne précise pas le moment auquel la cause étrangère doit survenir pour autoriser une remise sur support papier, la Cour de cassation assure la protection des droits de la défense de la partie auteur du recours.

L’avocat qui se heurte à une cause étrangère a donc le choix : soit il transmet immédiatement à la cour d’appel sur support papier l’acte qu’il doit accomplir (déclaration d’appel ou conclusions), soit il réitère son envoi par voie électronique le lendemain ou les jours suivants (il peut tenter la communication électronique jusqu’à l’expiration du délai) ! Dans ce cas, si la cause étrangère perdure le dernier jour du délai, il dispose de la prorogation de délai jusqu’au premier jour ouvrable suivant, prévue à l’article 748-7 du Code de procédure civile (l’avocat profitera de cette prorogation, soit pour procéder à un envoi électronique si la cause étrangère a disparu, soit pour effectuer une remise ou un envoi RAR de l’acte sur support papier).

Mais ces dispositions ne s’appliquent qu’en cas de preuve d’une cause étrangère. À cet égard, les avocats doivent solliciter du CNB une attestation de dysfonctionnement du RPVA119 ou prouver une difficulté technique inhérente au fonctionnement du RPVA120. En l’espèce, dans la déclaration d’appel du 5 août 2013, il était énoncé que « l’appel a été enregistré au greffe en raison d’un problème technique » mais aucune précision n’était apportée quant à la preuve de la cause étrangère par l’avocat. L’arrêt du 6 septembre 2018 énonce « qu’en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que l’avocat de M. Z. avait été empêché de transmettre sa déclaration d’appel par la voie électronique en raison d’une cause qui lui était étrangère, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Une simple énonciation, sans motivation précise quant à la preuve de la cause étrangère, ne pouvait qu’entraîner la cassation. L’avocat pourra rapporter la preuve de la cause étrangère devant la cour d’appel de renvoi qui confirmera alors la recevabilité de la déclaration d’appel !

Natalie FRICERO

Il y a déclaration d’appel et déclaration d’appel (Ord. CA Aix-en-Provence, 17e ch., 27 sept. 2018, n° 18/06068).

Le 15 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Grasse a jugé abusif le licenciement d’une auxiliaire de vie sociale. À la suite de l’appel interjeté le 7 avril 2018 par l’ex-employeur condamné, le greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a adressé le 20 avril 2018 à l’intimée la déclaration d’appel établie au nom de l’appelant, en application des dispositions de l’article 902, alinéa 1er, du Code de procédure civile.

Or il manquait à la déclaration d’appel reçue par l’intimée, deux mentions imposées par l’article 901 du Code de procédure civile121 :

  • mention du jugement frappé d’appel ;

  • mention du nom de l’avocat de l’appelante.

L’intimée avait alors saisi le conseiller de la mise en état en vertu de l’article 914 du Code de procédure civile pour soulever la nullité de la déclaration d’appel et l’irrecevabilité de l’appel.

En défense sur l’incident, l’appelant a produit copie de sa déclaration électronique d’appel du 7 avril 2018 qui indiquait pourtant bien à la fois la décision appelée et le nom de l’avocat de l’appelant. Constatant que « cette déclaration est conforme aux dispositions de l’article 901 du Code de procédure civile », le conseiller de la mise en état en déduit que « l’incident est sans objet » et « rejette les fins de l’incident » dans son ordonnance d’incident de la 17e chambre de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 27 septembre 2018.

Le conseiller de la mise en état ajoute : « pour faire reste de droit, l’avis d’un exemplaire de la déclaration d’appel que le greffier adresse à l’intimé en application de l’article 902 n’a pas à satisfaire aux exigences de l’article 901 » ; « l’omission ne peut affecter la validité de la déclaration d’appel initiale ».

Le dossier contenait étrangement deux exemplaires de la déclaration d’appel : celui que l’ordonnance appelle la « déclaration initiale » et la déclaration (subséquente ?) transmise à l’intimée. Les mentions manquantes sur la déclaration subséquente s’expliquaient probablement par un « bug informatique » ou une erreur humaine au sein du greffe. Par commodité, le conseiller de la mise en état a préféré raisonner en instaurant une sorte de hiérarchie entre les deux exemplaires de la déclaration d’appel, privilégiant celui du 7 avril (date du recours) par rapport à celui du 20 avril (date d’impression de l’exemplaire adressé à l’intimée).

Les cas de discordance entre la déclaration d’appel et l’exemplaire transmis à l’intimé peuvent prendre diverses formes.

C’est ainsi que la cour d’appel de Reims a statué sur un cas où le greffe avait omis de joindre à l’exemplaire de la déclaration d’appel transmis à l’intimé la pièce numérique contenant l’ensemble des chefs de jugement critiqués que la circulaire du 4 août 2017 autorise l’appelant à annexer à sa déclaration proprement dite. Le conseiller de la mise en état rejette la demande de nullité de la déclaration d’appel au motif que « cette omission n’est pas imputable à l’appelant dès lors qu’il appartenait au greffe de transmettre le tout »122.

La discordance n’est pas toujours imputable au greffe. C’est ainsi que, statuant sur déféré d’une ordonnance d’incident du 12 décembre 2017 ayant déclaré l’appel caduc au motif que l’appelant destinataire de l’avis du greffe prévu à l’article 902, alinéa 2 avait fait signifier à l’intimé non pas la déclaration d’appel, mais une « capture d’écran portant récapitulatif de la déclaration d’appel », la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme et déclare régulière la signification « pour être l’acte émanant de l’avocat de l’appelante et non du bureau d’ordre »123. Cette décision semble exprimer la résistance de la cour d’appel d’Aix-en-Provence à la jurisprudence estimée sévère de la Cour de cassation ayant jugé que c’est la « déclaration d’appel au sens de l’article 902 du Code de procédure civile et de l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique » qui doit être signifiée à l’intimé non comparant124 « à l’exception de tout autre acte, et ce quand bien même il s’agirait d’un document, même émanant du greffe et signifié dans le délai légal, qui porterait l’ensemble des mentions figurant sur l’acte d’appel (numéro de DA et de RG, chambre désignée, noms des parties, indication de l’avocat constitué et de la décision attaquée…) »125.

Ces décisions ont le mérite de révéler ou de confirmer que la « déclaration d’appel » n’est pas une notion univoque. On s’en doutait un peu à la lecture de l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel126.

La « déclaration d’appel » au sens de l’article 901 du Code de procédure civile correspond au « message de données » de l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 que génère l’avocat par le truchement du RPVA, donc à la formalité proprement dite de l’appel.

La déclaration d’appel visée à l’article 902, alinéa 1er du Code de procédure civile est l’édition réalisée par le greffe du « fichier récapitulatif » qui « tient lieu de déclaration d’appel »127, éclairant la référence faite par l’article 902, alinéa 1er Code de procédure civile à « un exemplaire de la déclaration ».

La déclaration d’appel visée à l’article 902, alinéa 2 du Code de procédure civile est une notion plus générique, susceptible de correspondre à l’exemplaire édité par le greffe ou à la copie « telle qu’elle se présente à la fin de l’inscription via le RPVA, accompagnée de l’accusé de réception du greffe »128.

Enfin la déclaration d’appel visée à l’article 902, alinéa 3 du Code de procédure civile (à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office…) correspond à la déclaration d’appel au sens de l’article 901.

Philippe KAIGL

B – Les voies de recours extraordinaires (…)

Notes de bas de pages

  • 1.
    Amrani-Mekki S., « Les activités du notariat en droit processuel : médiation et notariat », in Mekki M. (dir.), L’avenir du notariat, 2016, LexisNexis, p. 383.
  • 2.
    V. en dernier lieu la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 3 et 4.
  • 3.
    Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, nos 00-19423 et 00-19424 : Bull. civ. ch. mixte, n° 1 – Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-14464.
  • 4.
    Cass. com., 29 avr. 2014, n° 12-27004, dans cet arrêt, la Cour de cassation avait énoncé que « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci ».
  • 5.
    Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-14464, cette divergence entre les chambres a ainsi amené un auteur a demandé la réunion d’une nouvelle chambre mixte : Guerlin G., LEDC juill. 2016, n° 111, p. 2.
  • 6.
    Avant-projet de réforme de la responsabilité civile, art. 1281. Si d’aventure cet avant-projet était voté en l’état, les notaires ne pourraient pas se prévaloir d’une clause limitative ou élusive de responsabilité, l’article 1283 de celui-ci excluant ces clauses en cas de responsabilité extracontractuelle pour faute.
  • 7.
    La responsabilité du notaire est quasi exclusivement extracontractuelle. L’idée est que les obligations du notaire (information/efficacité) sont imposées par la loi, et non créées par un contrat passé entre le client et le notaire. En l’occurrence, si l’on peut considérer que le notaire serait alors partie à la clause de médiation, conçue comme un contrat dans le contrat qu’il dresse, la responsabilité du notaire resterait extracontractuelle. En effet, les obligations du notaire dont un client prétendra qu’elles ont été violées resteront d’origine légale, quelle que soit la nature de la procédure utilisée.
  • 8.
    C. civ., art. 1110.
  • 9.
    Dans Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n° 03-19692, la première chambre civile avait décidé que la clause de médiation « exempte d’un quelconque déséquilibre significatif au détriment du consommateur, ne revêt pas un caractère abusif ». Pourtant, la Cour de cassation a effectué un revirement de jurisprudence, dans un arrêt du 16 mai 2018 (Cass. 1re civ., 16 mai 2005, n° 17-16197), en énonçant que « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire ». Cette décision, contestable au regard de C. consom., art. R. 212-2, 10° est sans doute justifiée par la volonté des hauts magistrats de mettre en conformité le droit avant et après l’entrée en vigueur de C. consom., art. L. 612-4 qui a interdit les clauses de médiation. Interdites en droit de la consommation, avant l’entrée en vigueur de l’ord. n° 2015-1033, 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, par les clauses abusives, elles le seraient, depuis, par C. consom., art. L. 612-4 issu de cette ordonnance.
  • 10.
    L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 3.
  • 11.
    Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-22888 : D. 2011, p. 2345, obs. Delpech X. ; Procédures 2011, repère 11, obs. Croze H. ; JCP G 2011, 1250, note Houtcieff D. ; RTD civ. 2011, p. 760, obs. Fages B. ; JCP G 2011, 1397, note Amrani-Mekki S. V. sur ce point : Maréchal C., « L’estoppel à la française consacré par la Cour de cassation comme principe général du droit », D. 2012, p. 167.
  • 12.
    V. not. Muir Watt H., « Pour l’accueil de l’estoppel en droit privé français », Mélanges en l'honneur de Yvon Loussouarn, 1994, Dalloz, p. 303 ; Béhar-Touchais M., (dir.), L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, 2001, Economica ; Dupont N., « L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en procédure civile », RTD civ. 2010, p. 459 ; Baldes O., « L’estoppel ou l’approche renouvelée des systèmes d’interdiction de l’auto-contradiction en procédure civile », Procédures 2013, étude 5 ; Bolard G., « Le droit de se contredire au détriment d’autrui ? », JCP G 2015, 146.
  • 13.
    « Fins de non-recevoir », chap. 193, in Guinchard S. (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, 2017-2018, Dalloz action. V. toutefois : Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-22888 : D. 2011, p. 2345, obs. Delpech X. ; Procédures 2011, repère 11, obs. Croze H. ; JCP G 2011, 1250, note Houtcieff D. ; RTD civ. 2011, p. 760, obs. Fages B. ; JCP G 2011, 1397, note Amrani-Mekki S. V. sur ce point : Maréchal C., « L’estoppel à la française consacré par la Cour de cassation comme principe général du droit », D. 2012, p. 167 – Cass. 1re civ., 22 oct. 2014, n° 12-29265 : JCP G 2014, 1265, note Simler P.
  • 14.
    Cass. ass. plén., 27 févr. 2009, n° 07-19841 : D. 2009, Actu., p. 723, obs. Delpech X. ; D. 2009, p. 1245, note Houtcieff D. ; D. 2010, p. 169, obs. Fricéro N. ; RTD civ. 2010, p. 459, étude Dupont N. ; JCP G 2009, 10073, note Callé P. ; Procédures 2010, repère 4, obs. Croze H.
  • 15.
    La fin de non-recevoir a ainsi été écartée lorsque l’une des parties se contredit au cours de deux actions distinctes, la première menée devant le conseil des prud’hommes, la seconde devant le tribunal d’instance : Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 14-16947 : D. 2015, Actu., obs. Doutreleau A. ; Dr. soc. 2015, p. 945, obs. Mouly J. ; Gaz. Pal. 22 déc. 2015, n° 253c1, p. 25, note Orif V. ; JCP G 2015, 1304, obs. Amrani-Mekki S. ; JCP E 2015, 1573, note Dupont N.
  • 16.
    Cass. 1re civ., 28 oct. 2015, n° 14-22207 : D. 2016, p. 449, obs. Fricéro N. ; Procédures 2016, comm. 7, note Strickler Y. ; JCP G 2016, 80, spéc. n° 4, note Cholet D.
  • 17.
    Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-21991 : D., Actu. 6 avr. 2018, obs. Kébir M. ; Procédures 2018, n° 136, obs. Strickler Y. ; JCP G 2018, 395, note Hablot C. ; JCP S 2018, n° 1147, note Jeansen E.
  • 18.
    L. n° 2013-504, 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi : JO, 16 juin 2013.
  • 19.
    Cass. soc., 18 oct. 2017, n° 16-11670.
  • 20.
    Constitution, art. 10 ; D. n° 59-635, 19 mai 1959, relatif aux formes de promulgation des lois par le président de la République.
  • 21.
    Le Gallou A., « Le règlement des litiges par le bâtonnier de l’ordre des avocats », Revue juridique de l’ouest 1993, p. 577-594.
  • 22.
    Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 13-28359 ; Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-15013 ; Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-11599.
  • 23.
    « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par 2 ans ». En revanche, lorsque c’est le client qui veut agir en contestation de la facture d’honoraires de son avocat ou en restitution des honoraires qu’il estime avoir trop payés, le délai de prescription applicable est certainement le délai de 5 ans édicté à C. civ., art. 2224.
  • 24.
    « Jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant » d’exercer son action.
  • 25.
    Cass. 2e civ., 4 oct. 2018, n° 17-20508.
  • 26.
    Fixé à 5 ans.
  • 27.
    Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17575 ; Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17576 ; Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17577.
  • 28.
    Cass. 2e civ., 26 oct. 2017, n° 16-23599.
  • 29.
    CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 15 mai 2018, n° 16/15225.
  • 30.
    « Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe ».
  • 31.
    Dans sa version issue de L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 51 applicable depuis le 1er septembre 2016 : « Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4. Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel ».
  • 32.
    L’article 47 n’est pas une exception d’incompétence : Cass. soc., 5 déc. 2006, n° 05-44924 : Bull. civ. V, n° 368 – Cass. 2e civ., 15 févr. 1995, n° 93-14317 : JCP G 1995, IV 921 ; Bull. civ. II, n° 51 – Cass. 1re civ., 14 nov. 2001, n° 99-11923 : JurisData n° 2001-011829 – Cass. soc., 27 nov. 2001, n° 99-46148 : JurisData n° 2001-012063.
  • 33.
    « Le défendeur ou toutes les parties en cause d’appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions ».
  • 34.
    « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
  • 35.
    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
  • 36.
    Ord. CA Aix-en-Provence, 17e ch. B, 5 juill. 2018, n° 18/05095. 
  • 37.
    Les locataires n’honorant finalement pas les termes consentis par l’ordonnance du 9 oct. 2014, le bailleur les fera expulser en mars 2016.
  • 38.
    CPC, art. 462, al. 3, autorise le juge à statuer « sans audience ».
  • 39.
    CESDH, 15 juill. 2003, n° 33400/96, X et a. c/ Belgique.
  • 40.
    Cass. com., 28 sept. 2004, n° 02-17943.
  • 41.
    CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 6 juill. 2017, n° 16/01209.
  • 42.
    Cass. com., 19 sept. 2018, n° 17-18369.
  • 43.
    Cass. soc., 17 déc. 1976 : Bull. V, n° 700, la partie ne peut plus soulever en appel la nullité du rapport d’expertise de première instance, puisqu’elle a conclu au fond.
  • 44.
    Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 12-21484.
  • 45.
    Maistre du Chambon P., « La régularité des provocations policières : l’évolution de la jurisprudence », JCP 1989, I 3422 ; Vergès E., « Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de la nullité procédurale », AJ pénal 2006, p. 354 – Cass. crim., 30 avr. 2014, n° 13-88162 : « Provocation à la preuve ou à l’infraction ? », AJ pénal 2014, p. 374, note Combles de Nayves P. ; Halard G., « Réflexions sur la provocation policière », RSC 2018, p. 31 et s.
  • 46.
    Vergès E., « Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de la nullité procédurale », AJ pénal 2006, p. 354 – Cass. crim., 11 mai 2006, n° 05-84837 : Bull. crim., n° 132.
  • 47.
    Bouzat P., « La loyauté dans la recherche des preuves », Mélanges Hugueney, Problèmes contemporains de procédure pénale, 1964, Sirey, p. 155 et s. ; Conte P., « La loyauté de la preuve dans la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation : vers la solution de la quadrature du cercle » , Dr. pén. 2009, études n° 8 ; de Lamy B., « De la loyauté en procédure pénale brèves remarques sur l’application des règles de la chevalerie à la procédure pénale », Mélanges offerts Jean Pradel, Cujas, 2006, p. 97 ; Lemoine P., « La loyauté de la preuve (à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle) », in La vérité, Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, La documentation française, p. 165. ; Vergès E., « Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de la nullité procédurale », AJ pénal 2006, p. 354 ; Vergès E., « Loyauté et licéité, deux apports majeurs à la théorie de la preuve pénale », D. 2014, p. 407 ; Perrier J.-B., « Le fair-play de la preuve pénale », AJ pénal 2017, p. 436 ; Decima O., « De la loyauté de la preuve pénale et de ses composantes », D. 2018, p. 103.
  • 48.
    CPP, art. 706-35-1 ; CPP, art. 706-47-3.
  • 49.
    Ainsi, un traquenard policier, même réalisé depuis un pays où la provocation à l’infraction est légale (ex : usa), entraînait l’irrecevabilité de la preuve et la nullité de la procédure : Cass. crim., 7 févr. 2007, n° 06-87753 : D. 2007, p. 3012, note Demarchi J.-R. ; RSC 2007, p. 560, obs. Francillon J. ; RSC 2007, p. 331, obs. Finieltz R. ; Procédures 2007, comm. 147, obs. Buisson J.
  • 50.
    CPP, art. 706-87-1.
  • 51.
    CPP, art. 706-81 et s.
  • 52.
    Le législateur est venu valider ce procédé par la loi du 31 mars 2006 qui a introduit l’article 225-3-1 dans le Code de procédure pénale. Auparavant, c’est la Cour de cassation qui avait admis ce procédé : Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85559 : Bull. crim., n° 131 ; D. 2002, IR, p. 2657 ; RSC 2002, p. 879, obs. Renucci J.-F. ; Collet-Askri L., « La chambre criminelle valide le testing comme mode de preuve, serait-il déloyal… », D. 2003, p. 1309 ; Lasserre-Capdeville J., « Le testing », AJ pénal 2008, p. 310.
  • 53.
    Ambroise-Castérot C. et Bonfils P., Procédure pénale, 2e éd., 2018, PUF, nos 286 et s.
  • 54.
    Cass. crim., 17 oct. 1991, n° 90-84887 : Dr. pén. 1992, comm. 27 – Cass. crim., 27 févr. 1996, n° 95-81366 : Bull. crim., n° 93 ; D. 1996, p. 436, note Guéry C.
  • 55.
    Cass. crim., 16 janv. 2008, n° 07-87633 : Rev. pénit. 2008, p. 385, obs. Ambroise-Castérot C. ; RSC 2008, p. 368, obs. Finielz R.
  • 56.
    Cass. crim., 9 mai 2018, n° 17-86558, PB : D., Actu., 29 mai 2018, note Fucini S.
  • 57.
    Cass. 2e civ., 1er févr. 2018, n° 16-17618.
  • 58.
    Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-26083 ; Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-27917. Se référant à ces deux arrêts, interrogée sur le point de savoir si les parties s’estimant en état de plaider avaient ou non des diligences à accomplir lorsque le conseiller de la mise en état n’avait pas jugé utile de faire procéder à de nouveaux échanges d’une part, et que l’avis de fixation intervenait plus de deux ans après les dernières écritures d’autre part, la Cour dit n’y avoir lieu à avis, Cass., avis, 9 janv. 2017, n° 16-70011.
  • 59.
    Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-26083.
  • 60.
    Cass. 2e civ., 16 déc. 2016, n° 15-27917.
  • 61.
    « Autre possibilité, l’avocat pourra à nouveau conclure mais en veillant, (…) à ce que ses écritures soient différentes des précédentes… quand bien même il n’aurait plus rien à dire (…) l’on touche ici le caractère ubuesque d’une situation qui revient à dévoyer totalement l’esprit des décrets Magendie », Laffly R., « Péremption de l’instance : l’avocat doit veiller, aussi, à ce que la clôture soit rendue », Dalloz actualité, 23 févr. 2018.
  • 62.
    CPC, art. 388, al. 2, créé par D. n° 2017-892, art. 3 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile.
  • 63.
    C. civ., art. 2243.
  • 64.
    CPC, art. 389.
  • 65.
    CPC, art. 388.
  • 66.
    Cass. 2e civ., 27 déc. 2018, n° 17-18881, F-PB.
  • 67.
    Cass. 1re civ., 16 nov. 2004, n° 02-14528.
  • 68.
    Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-22356, PB.
  • 69.
    Cass. 2e civ., 12 mai 2016, n° 15-16482.
  • 70.
    Cass. 2e civ., 15 févr. 1995, n° 93-13960 : Bull. civ. II, n° 53.
  • 71.
    Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-21268 : Contrats, conc. consom. 2017, comm. 97, obs. Malaurie-Vignal M.
  • 72.
    Cass. 2e civ., 12 mai 2016, n° 14-24379 : Procédures 2016, comm. 251, obs. Croze H.
  • 73.
    Pour des exemples, v. not. : Cass. crim., 27 nov. 2012, n° 11-88678 ; Cass. crim., 12 juill. 2016, n° 16-82714.
  • 74.
    V. pour des exemples actuels, not. Cass. crim., 19 sept. 2017, n° 17-81919.
  • 75.
    Not. Cass. crim., 23 oct. 1984, n° 84-94205 : Bull. crim., n° 312 ; Cass. crim., 28 mai 2002, n° 01-85684 : Bull. crim., n° 119 ; Cass. crim., 7 juill. 2005, n° 05-80914 : Bull. crim., n° 202.
  • 76.
    Sauf si l’avocat a quitté l’audience après les réquisitions du parquet : Cass. crim., 25 sept. 2018, n° 18-83973.
  • 77.
    Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87222 : Bull. crim., n° 88.
  • 78.
    Cass. crim., 10 mai 1989, n° 89-81182 : Bull. crim., n° 186 ; Cass. crim., 16 oct. 2001, n° 01-8538 : Bull. crim., n° 208.
  • 79.
    De sorte que la partie civile ne peut se prévaloir de la violation de cette règle : not. Cass. crim., 29 mars 2017, n° 17-80237.
  • 80.
    Not. Cass. crim., 14 avr. 1999, n° 99-81003 : Bull. crim., n° 80.
  • 81.
    Cass. crim., 6 févr. 1992, n° 91-86282 : Bull. crim., n° 58.
  • 82.
    Not. Cass. crim., 3 mars 2010, n° 09-87924 : Bull. crim., n° 47 ; Cass. crim., 22 juin 2016, n° 15-87752 ; Cass. crim., 21 mars 2017, n° 16-84877.
  • 83.
    À défaut d’enregistrement, le juge ne peut recommencer l’interrogatoire : Cass. crim., 19 sept. 2017, n° 17-81016.
  • 84.
    La mention de ces difficultés doit apparaître dans le procès-verbal lorsqu’elles sont apparues et ont été connues au moment de l’interrogatoire : Cass. crim., 10 nov. 2010, n° 10-85279. La difficulté technique peut provenir d’un matériel défaillant et le fait que le juge n’ait pas accès à celui se trouvant dans le bureau d’un autre magistrat faute des clefs et du code : Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-87545.
  • 85.
    Porteron C., Le droit à l’information de la personne poursuivie. Contribution à l’étude des droits de la défense, thèse, 2002, M. le doyen R. Bernardini (dir.).
  • 86.
    Not. Cass. crim., 28 juin 2016, n° 15-8646.
  • 87.
    CPP, art. 80-1.
  • 88.
    Cass. crim., 11 juill. 2007, n° 07-8056.
  • 89.
    Rappelons que le président est tenu de rappeler la faculté d’être assisté lorsque l’individu comparait sans avocat : not. Cass. crim., 12 sept. 2018, n° 17-82842.
  • 90.
    Cass. crim., 5 sept. 2018, n° 17-84402.
  • 91.
    Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-11351.
  • 92.
    Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-19954.
  • 93.
    Motulsky H., « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D. 1972, chron. 102.
  • 94.
    CPC, art. 12, al. 1er.
  • 95.
    CPC, art. 12, al. 2
  • 96.
    Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343 : Bull. ass. plén., n° 10 ; D. 2008, Actu., p. 228, note Dargent L. ; JCP 2008, II 10006, note Weiller L.
  • 97.
    Cass. 1re civ., 16 avr. 2015, n° 14-13694 : Procédures 2015, comm. 182, note Strickler Y., avec l’interrogation de savoir si le respect de la contradiction ne devrait pas s’imposer de manière systématique dès que le juge entreprend de rectifier une erreur des parties ? Adde et rappr. Normand J., refondu par Bléry C., J.-Cl. Procédure civile, fasc. 152, v° « Principes directeurs du procès », 16 sept. 2014 (mise à jour), n° 74.
  • 98.
    Par ex., CPC, art. 1038.
  • 99.
    Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343 : Bull. ass. plén., n° 10 ; D. 2008, Actu., p. 228, note Dargent L. ; JCP 2008, II 10006, note Weiller L.
  • 100.
    Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-11351 ; Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-19954.
  • 101.
    V. déjà, entre autres, Cass. 2e civ., 10 déc. 2015, n° 14-25127 (1re esp.) ; Cass. 2e civ., 3 déc. 2015, n° 14-25413, 2e branche du moyen (2e esp.) ; Cass. 2e civ., 10 déc. 2015, n° 14-26692, 3e branche du premier moyen (3e esp.) : Procédures 2016, comm. 45, note Strickler Y.
  • 102.
    V. déjà récemment Cass. 1re civ., 11 juill. 2018, nos 17-17441 et 17-19581 : Procédures 2018, comm. 283, note Strickler Y. L’arrêt du 12 septembre vaut donc, de ces points de vue, piqûre de rappel : Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-19954 – Pour ce qui concerne les expertises non judiciaires, V. Cass. 2e civ., 13 sept. 2018, n° 17-20099 : Procédures 2018, comm. 324, note Strickler Y.
  • 103.
    Not. Cass. crim., 24 mai 2016, n° 15-82516 ; Cass. crim., 16 oct. 2018, n° 17-85405.
  • 104.
    Not. Cass. crim., 11 sept. 2018, n° 17-83276.
  • 105.
    Sauf si le prévenu a quitté l’audience après l’appel des causes : Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 17-83985.
  • 106.
    Not. Cass. crim., 8 juill. 2015, n° 14-85699 : AJ pénal 2016, p. 555, obs. Porteron C.
  • 107.
    Cette information n’a pas à être donnée lorsque la juridiction est saisie dans le cadre d’une demande sur la liberté : Cass. crim., 26 juin 2018, n° 18-82439.
  • 108.
    V. égal. en ce sens : Cass. crim., 24 oct. 2018, n° 17-82367.
  • 109.
    Cass. crim., 9 janv. 2018, n° 17-80200.
  • 110.
    Cass. 1re civ., 5 sept. 2018, n° 17-23147.
  • 111.
    Pour un autre exemple, v. Cass. 1re civ., 23 oct. 2013, n° 12-21123 : demande visant au prononcé du divorce et demande relative à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux ; pour un exemple où, au contraire, les deux demandes avaient le même objet : Cass. 1re civ., 6 juill. 2011, n° 10-23897.
  • 112.
    V. par ex. CEDH, 31 mars 1992, n° 18020/91, X c/ France, § 44 et 47 : JCP 1992, II 21896, note Apostolidis C.
  • 113.
    CEDH, 25 janv. 2000, n° 40924/98, L. S.R.L. c/ Italie.
  • 114.
    Par ex. CEDH, 26 mars 1992, n° 11760/85, éditions Périscope c/ France ; CEDH, 24 nov. 1994, n° 15287/89, Beaumartin c/ France, § 31.
  • 115.
    Puisqu’elle ne fait pas partie des cas limitatifs prévus à l’article 117 du même code, Cass. ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20026.
  • 116.
    CSS, art. R. 133-3, al. 2.
  • 117.
    Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n° 13-24547.
  • 118.
    CPC, art. 930-1, elle sera étendue aux tribunaux de grande instance à partir du 1er sept. 2019, CPC, art. 796-1.
  • 119.
    Panne informatique : Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-17909.
  • 120.
    Par ex. l’impossibilité de transmettre des conclusions dont le volume dépasse 4 Mo : Cass. 2e civ., 16 nov. 2017, n° 16-24864.
  • 121.
    « La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
  • 122.
    1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
  • 123.
    2° L’indication de la décision attaquée ;
  • 124.
    3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
  • 125.
    4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
  • 126.
    Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle ».
  • 127.
    CA Reims, 1re ch. civ., 22 juin 2018, n° 17/03093.
  • 128.
    CA Aix-en-Provence, 5 sept. 2018, n° 17/23263.
  • 129.
    Cass. 2e civ., 1er juin 2017, n° 16-18212 : D., Actu, 29 juin 2017, obs. Laffly R. ; D. 2017, p. 2192, note Bolard G.
  • 130.
    Rép. pr. civ., v° Procédure devant la cour d’appel, Bernard Travier et Fabien Wattremet, actualisation par Romain Laffly, avr. 2018, n° 120.
  • 131.
    « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif tient lieu de déclaration d’appel, de même que son édition par l’auxiliaire de justice tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier ».
  • 132.
    Arr. 30 mars 2011, art. 10
  • 133.
    CA Aix-en-Provence, 5 sept. 2018, n° 17/23263.
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