Affaire Lafarge suite : mandat d’arrêt international pour financement du terrorisme et droits de la défense

Publié le 22/02/2024

Affaire Lafarge suite : mandat d’arrêt international pour financement du terrorisme et droits de la défense

Au cours de l’information ouverte en 1917 notamment du chef de financement d’entreprise terroriste concernant le cimentier Lafarge, des investigations identifient le responsable sûreté d’une société de droit syrien qui, à ce titre, aurait été l’interlocuteur de membres de l’EI ou se revendiquant comme tels afin de permettre le maintien de l’activité de la cimenterie.

Un juge d’instruction délivre à son encontre un mandat d’arrêt, qui fait l’objet d’une diffusion internationale, du chef de financement d’une entreprise terroriste.

L’extradition de l’intéressé, qui réside en Jordanie, est refusée par décision de la cour d’appel d’Amman et le procureur général jordanien procède à l’interrogatoire de l’intéressé, sans respecter les formes prévues à l’article 116 du Code de procédure pénale.

L’intéressé ayant fait connaître ultérieurement aux magistrats instructeurs qu’il acceptait de répondre à leur convocation, il est mis fin à la diffusion du mandat d’arrêt décerné à son encontre.

Après avoir comparu devant les juges d’instruction, qui ont procédé à son interrogatoire de première comparution, à l’issue duquel il a été mis en examen du chef précité, il saisit la chambre de l’instruction d’une requête en annulation de son interrogatoire effectué en Jordanie et de tout ou partie des actes subséquents.

L’exécution d’un acte sollicité par des magistrats instructeurs, sur commission rogatoire internationale, par l’autorité judiciaire de l’État requis, et sa forme relèvent de la souveraineté de celui-ci.

Si l’article 4 § 1, de la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie autorise les autorités françaises à demander l’exécution de la demande d’entraide selon les règles du Code de procédure pénale français, il n’en résulte aucune obligation pour les autorités judiciaires jordaniennes de se conformer à une telle demande.

Par conséquent, les moyens, qui reprochent à la chambre de l’instruction, incompétente pour rechercher les raisons pour lesquelles les actes sollicités ont été accomplis selon la loi nationale de l’État requis, de ne pas avoir procédé à une telle recherche, sont inopérants.

Si, en principe, le juge français n’a pas qualité pour apprécier la régularité d’un acte effectué sur commission rogatoire internationale à l’étranger, il lui incombe de s’assurer que cet acte n’a pas été accompli en violation des droits de la défense, ni d’aucun principe général du droit.

En cas de méconnaissance par l’autorité étrangère de l’un de ces droits ou principes, s’agissant d’un acte accompli par l’autorité judiciaire de l’État requis et relevant de la souveraineté de celui-ci, le prononcé de la nullité est subordonné à la preuve que l’irrégularité a irrémédiablement compromis les droits de l’intéressé.

En l’espèce, si l’intéressé a refusé l’assistance d’un avocat en Jordanie, il ne résulte pas des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu’il a été informé des faits pour lesquels il a été entendu par le procureur général jordanien ni qu’il a reçu notification de son droit de garder le silence, ensemble de circonstances constitutif d’une violation des droits de la défense.

Néanmoins, il a été ultérieurement mis en examen par les juges d’instruction après avoir été informé des faits pour lesquels sa mise en examen était envisagée et de leur qualification juridique, de son droit d’être assisté d’un avocat, ainsi que de son droit de se taire.

Devant ces magistrats, il n’a ni soutenu avoir ignoré les raisons pour lesquelles il avait été entendu par le procureur général jordanien, ni contesté les déclarations consignées par ce dernier dans le procès-verbal d’interrogatoire, ni même allégué avoir été contraint de faire des déclarations en Jordanie, sur lesquelles, d’ailleurs, il n’est pas revenu.

Ainsi, le demandeur ne justifiant, ni même alléguant d’une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, les moyens doivent être écartés.

Sources :
Rédaction
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