L’OCDE plaide pour une réforme de la taxation des successions

Publié le 06/08/2021
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Dans un rapport consacré à l’impôt sur les successions et donations, l’organisation internationale plaide pour une meilleure équité dans la répartition des richesses. Elle préconise notamment de taxer les transmissions tout au long de la vie du bénéficiaire, et de limiter les allégements.

À un an des échéances présidentielles, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) jette un pavé dans la mare en se prononçant sur le niveau de droits de succession dans le monde, et bien entendu en France. Comme tous les sujets fiscaux, la taxation des transmissions est un thème hautement clivant, qui fait rarement l’objet de convergence entre les différentes sensibilités politiques.

Dans son rapport intitulé : Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE, l’organisation internationale examine le rôle que l’impôt sur les successions pourrait jouer pour accroître les recettes, lutter contre les inégalités et renforcer l’efficacité des systèmes fiscaux dans les pays de l’OCDE. Au-delà des dogmes politiques, à l’heure de la crise du Covid-19 qui a creusé les déficits publics, la piste du relèvement des droits de successions est privilégiée.

Répartition inégale des richesses

Impossible d’analyser l’impôt sur les successions sans se pencher sur la répartition du patrimoine. En moyenne, chez les 27 pays membres de l’OCDE ayant communiqué assez de données pour que l’analyse puisse être menée, les 10 % des plus riches possèdent la moitié du patrimoine total.

Le patrimoine financier est particulièrement concentré : alors que 20 % des ménages les plus riches possèdent plus de la moitié du patrimoine immobilier total, ils détiennent près de 80 % du patrimoine financier total. De plus, le cercle revenus/patrimoine se confirme : les inégalités de revenu et de patrimoine se renforcent mutuellement. En effet, les ménages à revenu élevé ont davantage de possibilités d’épargner et la rentabilité de leur épargne est généralement supérieure, tandis que les ménages à faible revenu ont tendance à épargner moins et à investir dans des actifs à faible risque et faible rendement, ce qui accroît les inégalités de patrimoine.

En France, où le patrimoine par habitant a presque triplé entre 1995 et 2019, celui des ménages est largement concentré au sommet de la distribution des richesses. Ainsi, 10 % des Français les plus riches détiennent 59 % de la richesse totale. En tête figurent les États-Unis, où 10 % des plus riches détiennent 74 % du patrimoine total des ménages. À titre de comparaison, ce taux s’élève à 60 % en Allemagne, 52 % au Royaume-Uni, 42 % en Belgique.

Si l’on affine l’analyse sur les plus privilégiés, c’est-à-dire 1 % des citoyens les plus riches en France, cet échantillon de personnes fortunées détient 19 % du patrimoine net total des ménages. Le score le plus élevé appartient encore aux États-Unis (42 %) largement devant, puis viennent les Pays-Bas (28 %). L’Allemagne se situe à 24 % et le Royaume-Uni à 20 %. En bas du tableau figurent le Japon (11 %), la Grèce et la République slovaque (9 %).

Logiquement, l’inégalité se répercute dans le montant des donations et successions transmises. Parmi les 20 % les plus fortunés, la part des ménages qui déclarent avoir reçu un héritage ou une donation importante est comprise entre 39 % (Canada) et 66 % (Finlande), contre 3 % (Italie). Elle est de 20 % en France.

L’OCDE note que si les tendances récentes en matière de prix des actifs se poursuivent, avec le vieillissement de la génération du baby boom, les transmissions de patrimoine pourraient augmenter en valeur et en nombre, aggravant les inégalités de patrimoine intragénérationnelles. Autre inégalité constatée : la concentration accrue des richesses entre les mains des plus âgés, créant un écart de patrimoine entre les générations plus anciennes, qui possèdent les actifs, et les générations plus jeunes.

Des successions peu taxées, de faibles recettes

Dans la zone des 37 pays de l’OCDE, 24 taxent les successions ou les donations, majoritairement en prélevant un impôt sur la part de la succession reçue par les héritiers. Partout, les recettes issues de cette taxation sont à un niveau très fiable : 0,5 % des recettes fiscales des États en moyenne. Elles dépassent 1 % du total des recettes en France (1,4 %), en Belgique, Corée et au Japon.

Ce faible niveau s’explique par « l’étroitesse de l’assiette fiscale », due notamment aux exonérations ou abattements significatifs souvent appliqués aux transmissions de patrimoine à de proches parents, mais aussi au traitement fiscal préférentiel dont bénéficient certains actifs. Le conjoint survivant bénéficie d’une exonération totale de l’impôt sur les successions dans 13 pays (dont la France) et les enfants sont exonérés dans 6 pays.

La structure des impôts sur les successions est très variable. Selon les pays, la valeur du patrimoine susceptible d’être transmis hors impôt par un parent à ses enfants varie de 17 000 USD (13 952, 66 €) en Belgique, région de Bruxelles-Capitale, à 11 millions USD (9 027 755 €) aux États-Unis. Les actifs généralement concernés par les allégements fiscaux incluent les actifs commerciaux et agricoles ainsi que les résidences principales des donateurs, tandis que les exonérations totales s’appliquent le plus souvent aux plans d’épargne retraite et aux assurances-vie ou assurances décès par accident.

Quant à la structure de la taxation : 15 des pays appliquent un impôt sur les successions progressif, de 1 % (Chili) à 80 % (Belgique, région de Bruxelles-Capitale) selon les catégories d’héritiers. 7 États pratiquent quant à eux des impôts forfaitaires : de 4 % (Italie) à 40 % (Royaume-Uni et États-Unis).

Quant aux taux effectifs d’imposition, ceux qui tiennent compte des abattements, exonérations et autres allégements sont généralement plus faibles pour les patrimoines les moins élevés et les plus élevés dans le haut de la distribution. Néanmoins, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les taux effectifs diminuent pour les successions les plus importantes, en raison du fait que les successions les plus importantes sont davantage constituées d’actifs bénéficiant d’allégements fiscaux. Enfin, l’OCDE constate que les donations sont moins taxées que les successions.

Taxer les transmissions tout au long de la vie

Le rapport propose un certain nombre d’options de réforme que les gouvernements pourraient envisager afin d’améliorer la conception et le fonctionnement des impôts sur les transferts de patrimoine. L’objectif est d’introduire plus d’équité pour améliorer l’égalité des chances, et plus d’efficacité au regard des actifs transmis.

Son arbitrage principal repose sur le principe d’un impôt calculé en fonction du patrimoine reçu par chaque bénéficiaire, plutôt que sur l’ensemble du patrimoine légué par le donateur, et d’une exonération pour les successions les plus faibles. Pour atteindre cet objectif, l’organisation préconise d’appliquer aux bénéficiaires un impôt sur l’ensemble des donations et legs reçus à l’échelle d’une vie, et donc d’abandonner la taxation séparée de chaque transmission. En cela, la proposition se rapproche des recommandations émises récemment par le think tank Intérêt Général, proche de la sphère de La France insoumise. Dans sa note publiée en février dernier, il plaidait pour prendre en compte l’ensemble des sommes reçues ou héritées au cours de la vie, afin qu’une personne ayant reçu une grosse somme en plusieurs fois soit toujours plus taxée qu’une personne ayant reçu une somme inférieure en une seule fois.

Limiter les allégements

Autre axe de réforme proposé par l’OCDE : limiter les exonérations et les allégements fiscaux pour renforcer la collecte de recettes, l’efficacité et l’équité des impôts sur les successions et les donations. En ligne de mire : les exonérations de certains actifs, « par exemple, les exonérations sur l’épargne retraite privée », ou encore l’assurance-vie. « La justification du traitement fiscal préférentiel accordé aux contrats d’assurance-vie semble limitée car dans de nombreux pays ces supports fiscalement avantageux sont constitués des mêmes produits de placement que ceux que les individus peuvent détenir autrement », estiment les auteurs du rapport.

D’autres mesures sont également évoquées dans ce rapport :

– un meilleur alignement des droits d’imposition relatifs aux successions transfrontalières entre les pays ;

– la mise en place d’un dispositif d’élimination de la double imposition des successions transfrontalières ;

– l’adaptation des règles au trust pour appréhender les actifs transmis ;

– la prise en compte des plus-values latentes au moment du décès ;

– la mise en place de mesures destinées à prévenir les problèmes de liquidité (reports de paiement de l’impôt à court et long terme) ;

– la valorisation des actifs à leur juste valeur marchande et la révision des méthodes de valorisation « trop généreuses » pour certains actifs (participations non cotées) ;

– le renforcement des obligations déclaratives et de la collecte de données ;

– une meilleure communication des pouvoirs publics sur le rôle de l’impôt sur les successions, sa structure, son affectation et les taux effectifs d’imposition ;

– l’inscription de la taxation des successions dans le contexte plus large de celui du capital.