Enrichissement injustifié : précisions sur l’application de la loi dans le temps et le calcul de l’indemnité
La loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source, la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité. En application de l’article 1303 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la fixation de l’indemnité, laquelle correspond à la moins élevée des deux sommes représentatives de l’enrichissement et de l’appauvrissement, doit tenir compte de la plus-value apportée au bien.
Cass. 1re civ., 3 mars 2021, no 19-19000
1. Résurgence de l’équité, l’enrichissement injustifié repose sur le principe selon lequel « nul ne doit s’enrichir au détriment d’autrui ». Récemment consacrée par le législateur avec l’ordonnance du 10 février 2016, cette célèbre construction jurisprudentielle soulève, aujourd’hui encore, des interrogations. Par cet arrêt du 3 mars 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation apporte une précision intéressante sur l’application de la loi dans le temps en matière d’enrichissement injustifié et rappelle les modalités de fixation de l’indemnité.
En l’espèce, ayant vécu avec sa compagne de novembre 2014 à décembre 2015, un concubin avait participé au financement de la construction d’une piscine sur la propriété de cette dernière.
À la suite de leur séparation, le concubin assigna sa concubine en paiement d’une indemnité fondée sur l’enrichissement injustifié pour les sommes qu’il avait engagées. Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Bourges avait condamné la concubine au paiement de la somme de 24 227,16 € avec intérêts.
La concubine forma un pourvoi en cassation en se fondant notamment sur deux moyens. D’une part, elle reprochait aux juges du fond d’avoir, en application du nouvel article 1303 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, fait droit à la demande de son compagnon fondée sur l’enrichissement injustifié alors que la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a point d’effet rétroactif. D’autre part, elle estimait qu’en la condamnant au paiement d’une indemnité sans rechercher quel était le montant de son enrichissement pour le comparer au montant de l’appauvrissement de son concubin, la cour d’appel avait violé l’article 1371 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la réforme de 2016.
La Cour de cassation devait répondre, d’abord, à la question de l’application des dispositions relatives à l’enrichissement injustifié issues de la réforme dans le temps et, ensuite, à celle de l’évaluation de l’indemnité résultant de l’action de in rem verso.
La Cour de cassation casse partiellement la décision rendue par les juges du fond. En premier lieu, elle constate que l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 fixe son entrée en vigueur au 1er octobre 2016 et qu’en l’absence de disposition transitoire concernant les quasi-contrats, lorsqu’une instance a été introduite après cette date, les règles de conflits de lois dans le temps sont celles du droit commun. Or conformément à l’article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Elle affirme alors que « si la loi applicable aux conditions de d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source, la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité ». Par conséquent, le moyen n’était pas fondé. En second lieu, au visa de l’article 1303 du Code civil, la Cour de cassation rappelle que « l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ». Or en condamnant la concubine au paiement d’une indemnité « sans rechercher, comme il lui incombait, le montant de la plus-value immobilière apportée au bien », la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Statuant sur la loi applicable à l’enrichissement injustifié depuis l’entrée en vigueur de la réforme, les hauts magistrats précisent que s’il faut se fonder sur le fait générateur ayant donné lieu à l’enrichissement injustifié pour déterminer la loi applicable aux conditions de cette action (I), la loi nouvelle s’applique cependant immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité (II).
I – La détermination de la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié
2. Pour identifier la loi applicable aux conditions de l’action de in rem verso, il est nécessaire de se fonder sur le fait générateur de l’enrichissement injustifié (A). Bien qu’utile, cette précision ne modifie en rien la solution retenue dans la mesure où les conditions de l’action sont – a priori – identiques dans le droit ancien et le droit nouveau (B).
A – L’identification de la loi applicable au regard du fait générateur de l’enrichissement injustifié
3. Portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’ordonnance du 10 février 2016 a codifié l’enrichissement injustifié aux articles 1303 à 1303-4 du Code civil. Cependant, la consécration de ce quasi-contrat dans le Code civil n’est pas sans soulever des interrogations. En effet, l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 fixe sa date d’entrée en vigueur mais il ne précise pas dans quelles situations la loi nouvelle s’applique.
En l’espèce, la concubine soutenait que l’article 1303 du Code civil ne pouvait être appliqué puisque la construction de la piscine avait été réalisée pendant la vie commune. En effet, le nouvel article 1303 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 ne serait entré en vigueur que le 1er octobre 2016. Or selon l’article 2 du Code civil, « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Dès lors, en la condamnant au paiement d’une indemnité d’enrichissement injustifié sur le fondement de l’article 1303 du Code civil, la cour d’appel aurait violé l’article 2 du Code civil. Les règles issues du nouvel article 1303 du Code civil trouvaient-elles à s’appliquer s’agissant des conditions d’existence de l’enrichissement injustifié ? Pour écarter ce moyen, la Cour de cassation rappelle d’abord que l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 fixe son entrée en vigueur au 1er octobre 2016. Cependant, comme le soulignent les hauts magistrats, en absence de disposition transitoire concernant les quasi-contrats, il convient de se référer au droit commun. Mais, laconique, l’article 2 du Code civil se contente de prévoir le principe de non-rétroactivité des lois, lequel « interdit de revenir non seulement sur la constitution passée d’une situation juridique donnée, antérieure à la loi nouvelle, mais encore sur les effets passés d’une situation juridique antérieurement constituée »1.
Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation affirme que « la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source ». Autrement dit, pour déterminer la loi applicable, il faut se fonder non sur la date introductive d’instance, mais sur le fait générateur ayant donné lieu à l’enrichissement injustifié. En l’espèce, la construction de la piscine a été financée pendant le concubinage, donc avant l’intervention de la réforme. Par conséquent, les règles issues du droit ancien trouvaient à s’appliquer. Mais dans la mesure où il s’agissait là de conditions de constitution d’une situation juridique, n’aurait-il pas été préférable de retenir l’application immédiate de la loi nouvelle ? En effet, Paul Roubier – spécialiste français du droit transitoire – distinguait les situations contractuelles des situations extracontractuelles. S’agissant de ces dernières, le doyen lyonnais précisait que si les « faits accomplis » (situations déjà éteintes) ne sauraient être touchés par la loi nouvelle, il en va autrement des phases « en cours » dont les effets juridiques devraient être régis par la loi nouvelle, laquelle est d’application immédiate2. Toutefois, il faut reconnaître qu’en l’espèce, l’enjeu de la détermination de la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié était limité puisque, dans l’ensemble, la loi nouvelle n’a fait que consacrer des solutions jurisprudentielles acquises.
B – Des conditions identiques dans le droit ancien et le droit nouveau
4. Avant la réforme, il était difficile d’identifier les conditions de l’action de in rem verso en raison d’une multiplication des éléments pris en considération par les juges pour accueillir ou écarter une demande d’indemnisation. La solution retenue par les juges aurait-elle été différente si les règles nouvelles avaient été appliquées ?
La concubine soutenait que l’article 1303 du Code civil ne trouvait pas à s’appliquer. Sous l’empire du droit antérieur à la réforme de 2016, la mise en œuvre de l’action de in rem verso impliquait la réunion de conditions matérielles et juridiques. D’abord, s’agissant des conditions matérielles, il fallait un enrichissement, un appauvrissement et un lien de corrélation entre ces deux éléments. En l’espèce, ces éléments étaient réunis : le concubin s’est appauvri en finançant la construction d’une piscine sur la propriété de sa concubine, tandis que cette dernière s’est enrichie puisque cette amélioration apportée à son immeuble a permis d’en augmenter la valeur. Ensuite, s’agissant des conditions juridiques, l’enrichissement et l’appauvrissement devaient être dépourvus de justification. En l’absence d’obligation légale ou contractuelle, l’enrichissement de la concubine apparaît injustifié. En effet, si une obligation naturelle de contribuer aux charges de la vie commune peut exister entre concubins, le financement de la construction d’une piscine ne peut être assimilé à une simple dépense de la vie courante. L’appauvrissement du concubin pourrait trouver sa justification dans la poursuite d’un intérêt personnel puisqu’il a pu bénéficier de l’usage de la piscine. L’existence d’un tel intérêt ne peut cependant être caractérisé au regard de la courte durée du concubinage. La jurisprudence est venue préciser le caractère subsidiaire de l’action fondée sur l’enrichissement injustifié3. En l’espèce, le concubin ne disposait d’aucune autre voie de droit. Les conditions permettant de caractériser l’existence d’un enrichissement étaient donc réunies. D’ailleurs, comme le relève la Cour de cassation, les juges d’appel ont constaté que la concubine avait bénéficié d’un enrichissement injustifié au détriment de son concubin.
Consacrant la jurisprudence, l’ordonnance du 10 février 2016 a repris la plupart des solutions jurisprudentielles. Aujourd’hui, tout ou presque est contenu dans le nouvel article 1303 du Code civil, lequel dispose qu’« en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissent ». Ce faisant, ce texte reprend les conditions matérielles et juridiques de l’enrichissement injustifié. Quant à l’exigence de subsidiarité, elle est énoncée au nouvel article 1303-3 du Code civil4. De prime abord, on ne constate donc guère de changement.
5. Mais le législateur de 2016 ne s’est pas contenté de consolider l’existant. En effet, l’une des innovations majeures apportée par la réforme concerne le rôle de la faute de l’appauvri. Considérée jusqu’alors comme un obstacle à l’action de in rem verso5, la faute est désormais un instrument de modération du montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié6. Selon l’alinéa 1er du nouvel article 1303-3 du Code civil, « l’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri ». L’indemnité pourra ainsi être réduite voire supprimée. En l’espèce, les juges d’appel n’ont pas retenu l’existence d’une faute du concubin appauvri.
Pourtant, si l’existence d’une telle faute avait été caractérisée, la solution retenue pourrait être différente. Considérée comme une condition de l’action de in rem verso dans le droit antérieur à la réforme, la faute constituait un obstacle à la mise en œuvre de cette action. Or comme l’affirme la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté, « la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source ». Pourtant, cette solution interroge car, dans le droit nouveau, la faute relève des modalités de détermination du montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié. À ce titre, l’article 1303-3 du Code civil devrait donc trouver à s’appliquer immédiatement puisque les hauts magistrats poursuivent et précisent que « la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité ». La faute de l’appauvri relève-t-elle des conditions d’existence de l’enrichissement injustifié ou des modalités d’évaluation de l’indemnité ? En ce qu’elle permet de sanctionner le comportement de l’appauvri en modérant le montant de son indemnité, la faute devrait – selon nous – constituer une modalité d’évaluation. Dans l’attente des prochaines décisions de justice, cette question demeurera en suspens.
Il reste que, pour l’heure, s’agissant des conditions d’existence de l’enrichissement injustifié, la loi applicable est déterminée en fonction du fait générateur ayant donné lieu à l’enrichissement injustifié. Concernant les modalités d’évaluation de l’indemnité, la loi nouvelle s’applique immédiatement.
II – L’application immédiate de la loi nouvelle à la détermination et au calcul de l’indemnité
6. Reprise par la réforme, la règle du double plafond d’indemnisation permet d’évaluer le montant de l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié (A). Celle-ci impose alors aux juges de rechercher la plus-value apportée au bien (B).
A – La consécration législative de la règle du double plafond d’indemnisation
7. La question de la détermination du montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié est capitale puisqu’elle permet de savoir si l’appauvri obtiendra effectivement une indemnité d’enrichissement injustifié.
La concubine reprochait aux juges du fond d’avoir appliqué le nouvel article 1303 du Code civil à une situation qui, selon elle, relevait des dispositions du droit antérieur à l’ordonnance de 2016. Rejetant ce moyen, la Cour de cassation précise que « la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité ». La solution retenue s’infère d’un raisonnement parfaitement logique. Dans un arrêt du 29 avril 1960 consacrant la construction de Paul Roubier, la Cour de cassation a affirmé qu’« une loi nouvelle s’applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur »7. Par conséquent, les modalités de calcul de l’indemnité d’enrichissement injustifié relèvent des dispositions du droit nouveau.
La détermination du montant de l’indemnité obéit à la règle dite du double plafond d’indemnisation8. Reprise par la réforme, cette règle est aujourd’hui énoncée par le nouvel article 1303 du Code civil : « En dehors des cas de gestion d’affaire et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ». En l’espèce, l’application des dispositions issues du droit antérieur ou du droit nouveau semble indifférente dans la mesure où la codification aurait – a priori – été réalisée à droit constant.
Pourtant, à y regarder de plus près, l’application des règles nouvelles pourrait modifier les solutions rendues. En effet, la réforme a apporté des innovations majeures s’agissant de la détermination du montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié. Si la règle du double plafond a été maintenue, sa mise en œuvre a été amendée. En premier lieu, rompant avec la jurisprudence Casier9, le nouvel article 1304-4 du Code civil a consacré le principe du valorisme monétaire, en ordonnant l’évaluation de l’enrichissement et de l’appauvrissement au jour du jugement. En second lieu, deux tempéraments à la règle du double plafond ont été introduits. Le premier, comme nous l’avons rappelé, concerne la faute de l’appauvri, laquelle n’est plus un obstacle à l’action de in rem verso mais permettra aux juges de modérer le montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié10. Le second tempérament est la mauvaise foi de l’enrichi. Avant l’intervention de la réforme, celle-ci n’était pas prise en considération par les juges. Dorénavant, la mauvaise foi de l’enrichi l’obligera au paiement d’une indemnité égale, non pas à la plus faible, mais à la plus forte des valeurs représentatives de l’enrichissement et de l’appauvrissement11. En l’espèce, la faute de l’appauvri et la mauvaise foi de l’enrichi n’ayant pas été relevées par les juges du fond, ces éléments ne pouvaient être pris en considération dans la détermination du montant de l’indemnité d’enrichissement injustifié. En revanche puisque la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité d’enrichissement injustifié, les juges d’appel auraient dû – conformément à l’article 1303 du Code civil – rechercher la plus-value apportée au bien.
B – L’obligation de rechercher la plus-value apportée au bien
8. En application de la règle du double plafond, l’indemnité d’enrichissement injustifié est égale à la plus faible des deux sommes représentatives de l’enrichissement et de l’appauvrissement. Admise de longue date12, cette règle essentielle permet d’éviter de créer un nouvel enrichissement injustifié. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de rappeler aux juges du fond qu’ils ne pouvaient accorder une indemnité égale à l’appauvrissement sans avoir recherché l’enrichissement13. Pourtant, l’arrêt commenté montre que, aujourd’hui encore, ce rappel est nécessaire.
En l’espèce, la concubine reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir respecté la règle selon laquelle « l’action de in rem verso ne tend à procurer à la personne appauvrie qu’une indemnité égale à la moins élevée des sommes représentatives, l’une de l’enrichissement, l’autre de l’appauvrissement ». Son argument emporte l’adhésion des hauts magistrats. Au visa du nouvel article 1303 du Code civil, la Cour de cassation rappelle d’abord que « selon ce texte, l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ». Ensuite, elle relève que « pour accueillir la demande de [la concubine], l’arrêt se borne à retenir le montant de l’appauvrissement, correspondant au règlement du coût par celui-ci de la réalisation et de l’installation d’une piscine dans la propriété de [celle-ci] ». Dès lors, « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, le montant de la plus-value immobilière apportée au bien de [la concubine], afin de fixer l’indemnité à la moins élevée des deux sommes représentatives de l’enrichissement et l’appauvrissement », la cour d’appel a privé sa décision de base légale. Pour ordonner le paiement d’une indemnité égale au montant correspondant au coût de la construction de la piscine, les juges du fond devaient constater que la valeur de l’appauvrissement était inférieure à celle de l’enrichissement. Or en l’occurrence, ces derniers n’ont pas procédé à l’évaluation de l’enrichissement, lequel correspondait à la plus-value apportée à la propriété de la concubine du fait de la construction de la piscine.
En conclusion, on notera qu’une solution identique a été retenue par la cour d’appel de Bastia dans un arrêt du 9 juillet 201414. Statuant à propos de faits similaires, elle a approuvé le premier juge d’avoir condamné le concubin au paiement d’une indemnité d’enrichissement injustifié correspondant au coût total de la construction de la piscine financée par son ancienne concubine. En l’absence d’information, il faut considérer que procédant à l’examen de la règle de la double limite, le premier juge a constaté que l’enrichissement du concubin était supérieur au montant des sommes effectivement déboursées par la concubine.
Bien qu’il ne soit pas publié au Bulletin, cet arrêt apporte des précisions intéressantes concernant l’application de la réforme dans le temps en matière d’enrichissement injustifié. Il montre également que l’entrée de ce quasi-contrat dans le Code civil n’est pas sans soulever un certain nombre d’interrogations. Finalement, c’est à la jurisprudence qu’il appartiendra, demain comme hier, de préciser les contours du régime de l’enrichissement injustifié.
Notes de bas de pages
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1.
J.-L. Aubert et É. Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 15e éd., 2014, Sirey, n° 104.
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2.
P. Roubier, Le droit transitoire (les conflits de loi dans le temps), 2e éd., 1960, (1re éd., 1959), Dalloz, p. 293.
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3.
À plusieurs reprises, les juges ont retenu que « l’action fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut être admise qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur ; qu’elle ne peut l’être, notamment, pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut plus intenter par suite d’une prescription, d’une déchéance ou forclusion ou par l’effet de l’autorité de la chose jugée » : Cass. civ., 22 févr. 1922 ; Cass. 3e civ., 29 avr. 1971, n° 70-10415 ; CA Agen, 6 mai 2003, n° 01/1042 : https://lext.so/brOnEe ; CA Basse-Terre, 18 sept. 2006, n° 05/01891.
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4.
C. civ., art. 1303-3 : « L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription ».
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5.
Cass. req., 22 févr. 1939 : DP 1940, p. 5, 2e esp., note G. Ripert – Cass. com., 4 juin 1991, n° 89-21660 : D. 1993, p. 58, note M. Vasseur – Cass. com., 29 févr. 2000, n° 97-11370.
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6.
La solution est alignée sur celles retenues en matière de gestion d’affaires (C. civ., art. 1301-1, al. 2) et de restitution de l’indu (C. civ., art. 1302-2, al. 2).
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7.
Cass. 1re civ., 29 avr. 1960 : Bull. civ. I, n° 218 ; D. 1960, p. 429, note G. Holleaux ; RTD civ. 1960, p. 454, obs. H. Desbois.
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8.
Cass. 1re civ., 19 janv. 1953 : Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, par A.-M. Romani, n° 224 – Cass. 1re civ., 15 févr. 1973, n° 68-13698, Casier : Bull. civ. I, n° 61 ; D. 1975, p. 509 – Cass. 1re civ., 29 mai 2001, n° 98-21991 ; CA Limoges, 16 nov. 2015, n° 15/00444.
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9.
Cass. 1re civ., 15 févr. 1973, n° 68-13698, Casier : Bull. civ. I, n° 61 ; D. 1975, p. 509.
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10.
L’alinéa 2nd du nouvel article 1303-2 dispose que « l’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri ».
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11.
Le nouvel article 1303-4 du Code civil dispose, in fine, qu’« en cas de mauvaise foi de l’enrichi, l’indemnité due est égale à la plus forte de ces deux valeurs ».
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12.
Cass. 1re civ., 19 janv. 1953 : Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, par A.-M. Romani, n° 224.
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13.
Cass. 1re civ., 18 janv. 1960, Cne de Fréneuse : Bull. civ. I, n° 30 ; D. 1960, p. 753, note P. Esmein ; JCP 1961, II 11994, note F. Goré ; RTD civ. 1960, p. 513, obs. P. Hébraud – Cass. 1re civ., 15 déc. 1976, n° 75-12290 : Bull. civ. I, n° 408 – Cass. 1re civ., 25 nov. 2009, n° 08-20741 : RTD civ. 2010, p. 84, note J. Hauser – Cass. 1re civ., 13 févr. 2013, n° 09-16741 : RTD civ. 2013, p. 354, obs. J. Hauser – Cass. 1re civ., 24 mai 2017, n° 13-10237 : D. 2018, p. 1104, obs. J.-J. Lemouland ; Dr. famille 2017, comm. 202, obs. M. Gayet – Cass. 1re civ., 31 janv. 2018, n° 16-24007.
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14.
CA Bastia, 9 juill. 2014, n° 13/00294.