Fiche pratique sur le clair-obscur de l’obligation précontractuelle d’information

Publié le 12/04/2016

L’obligation précontractuelle d’information fait son entrée au sein du Code civil. Loin d’être une simple consolidation de l’acquis jurisprudentiel, l’article 1112-1 apporte des modifications substantielles au paysage contractuel. Si l’intention de mieux protéger le futur partenaire contractuel est légitime, les moyens mis en œuvre sont en revanche discutables. Cette obligation, qui a des incidences pratiques fondamentales, pèche par son manque de rigueur, source d’une insécurité juridique mal venue à ce stade du processus contractuel.

Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 11 févr. 2016 ; C. civ., art. 1112-1 nouv.

L’obligation précontractuelle d’information fait son entrée au sein du futur article 1112-1 du Code civil. Rattachée à la sous-section 1 relative aux « négociations », cette disposition est plus riche que l’article 1129 du projet d’ordonnance du 25 février 2015 1. Cette obligation d’information n’est pas présentée par le rapport remis au président de la République comme une nouveauté mais comme étant le fruit d’une codification à droit constant. Il s’agit d’intégrer au sein du Code civil une obligation généralisée depuis fort longtemps par les lois spéciales et la jurisprudence 2. Tel est certainement le cas de l’alinéa 6 de l’article 1112-1 du Code civil, consacré aux sanctions, qui dispose que « outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ». La réparation des pertes subies (dépenses réalisées, etc.) et du gain manqué (perte d’une chance de conclure avec une autre partie) ainsi que la possibilité d’un cumul sont de jurisprudence constante 3. Malgré les clarifications importantes qui ont été apportées, permettant de mieux en cerner les contours, les zones d’ombre restent nombreuses. Quel est ce jeu de clair-obscur proposé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ?

Débiteur et créancier de l’obligation d’information. Le futur article 1112-1 du Code civil s’ouvre par un premier alinéa qui énonce que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». L’existence et l’étendue de l’obligation d’information dépendent à la fois de la situation du débiteur, de son obligation et de celle de son créancier.

La situation du débiteur. Il s’agit d’une conception minimaliste de l’obligation précontractuelle d’information. Il suffit de comparer avec la version de l’ancien article 1129 proposé par le projet de février 2015 qui visait « celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information (…) ». Quelle incidence peut avoir la suppression de ce « devoir de connaissance » ? À l’évidence, il signifie que la partie au contrat, débitrice de cette obligation, qui ne connaissait pas l’information, est de ce seul fait dispensée de la fournir à l’autre partie. Plus précisément, d’une part, cette formule semble laisser entendre, avec toutes les précautions qui s’imposent lorsqu’on se livre à l’interprétation d’un texte sans travaux préparatoires, que la partie éventuellement débitrice n’a pas à se renseigner pour informer. D’autre part, cela signifie également que sa compétence, en raison de son expertise ou de son expérience, ne devrait pas rentrer en ligne de compte. Cette restriction peut étonner car elle jure avec le reste de l’alinéa. Si l’important, comme nous le verrons ultérieurement, est notamment la confiance que l’autre partie a investie dans son cocontractant, il peut légitimement s’attendre à ce que celui-ci l’informe de ce qu’il aurait dû connaître et pas seulement de ce qu’il connaît !

Quoi qu’il en soit, cette disparition aura une portée limitée. Il faut se rappeler qu’il est ici question du droit commun des contrats. Or, le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit, le devoir de conseil des rédacteurs d’actes ou des vendeurs professionnels, pour ne prendre que ces exemples, ne seront être impactés par cette disposition.

L’alinéa 1er poursuit en indiquant qu’il s’agit d’une information « dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre ». Cette disposition est intéressante car, d’un côté et à titre principal, elle protège le débiteur en ne l’obligeant pas à fournir une quantité d’informations inutiles coûteuses en temps et en argent mais, d’un autre côté et à titre accessoire, elle pourrait être analysée comme une protection du créancier afin que des informations sans intérêt ne nuisent pas à celles qui sont nécessaires. La Cour de cassation a eu à juger plusieurs fois d’un contractant qui avait multiplié l’envoi d’informations inutiles afin de détourner l’attention de son cocontractant sur des informations importantes 4. Le caractère déterminant de l’information est précisé par l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du Code civil : « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties », article inspiré de l’article 1110 de l’avant-projet Catala. On ne doute pas que cette accumulation de termes à contenu variable sera source de débats : qu’est-ce que le contenu du contrat ? Le but poursuivi par une partie n’est-il pas un élément du contenu si l’on en croit l’article 1162 figurant dans une sous-section consacrée au « contenu du contrat » ? Les règles applicables au contrat sont-elles des informations en lien direct avec le contenu ? Que faut-il entendre par un lien nécessaire et direct ? N’est-ce pas tout simplement ce qui a incité l’autre partie à conclure le contrat dans ses conditions ? Finalement, le juge aura probablement tendance à revenir à ses bonnes vieilles habitudes : est-ce que l’information retenue ou erronée a incité le cocontractant à conclure le contrat. En d’autres termes, s’il avait eu l’information ou la bonne information aurait-il refusé sinon de conclure du moins de le faire aux mêmes conditions ?

La situation du créancier. L’alinéa 1er poursuit en indiquant à quelle condition on est en droit d’attendre d’une partie qu’elle exécute son obligation d’information. En instaurant une obligation d’information, le législateur ne dispense pas « de faire usage de notre propre raison » (Portalis). C’est à la condition « que, légitimement, (l’autre partie) ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». L’ignorance légitime ou faire « confiance à son contractant » constituent de nouveau des notions à contenu variable laissant une marge de manœuvre importante à l’interprétation des juges. L’ignorance légitime n’est pas surprenante. Elle rappelle, ce qui n’a pas toujours été très clair dans la jurisprudence, que le futur cocontractant a aussi l’obligation de se renseigner 5. Il doit faire preuve, comme cela est souvent évoqué en matière d’acquisition de biens immobiliers, d’une diligence raisonnable (due diligence 6). La première question consistera à déterminer si l’appréciation devra se faire in abstracto ou in concreto. Si la seconde méthode in concreto a la faveur de la majorité des auteurs, la jurisprudence est plus nuancée 7. Ensuite, quelle peut être la source de cette ignorance légitime ? C’est ici que l’on perçoit encore le rôle important qui est imparti au juge. On se doute bien que le législateur a surtout songé ici au cas où le cocontractant a l’obligation de se renseigner. Les circonstances d’une opération peuvent justifier une attention particulière de l’autre partie. En matière immobilière, par exemple, le fait que le terrain soit à proximité d’une usine peut inciter l’acquéreur à se renseigner. L’accessibilité de l’information est aussi un indice important. Le difficile accès à cette information peut constituer une ignorance légitime. Il en est ainsi lorsque l’information se trouve entre les mains de l’autre partie ou lorsque l’accès à cette information serait trop coûteux. À vrai dire, la notion d’ignorance légitime comporte de nombreuses virtualités. Par exemple, à l’aune d’un principe d’aptitude à l’information, il pourrait être imposé à une partie plus apte économiquement, matériellement ou intellectuellement la fourniture d’une information, l’autre pouvant légitimement en ignorer l’existence. À l’inverse, on pourrait, par ce biais, être plus exigeant dans certains domaines, tels que la cession de droits sociaux d’une entreprise comportant des actifs immobiliers, et considérer que l’acquéreur aurait dû procéder à un audit environnemental. En manquant à son devoir de diligence raisonnable (due diligence), son ignorance est jugée illégitime.

Quant au fait de faire confiance à son cocontractant, n’est-ce pas le propre de tout contrat ? Le principe de bonne foi figurant à l’article 1104 de l’ordonnance dispose que « le contrat doit être conclu et exécuté de bonne foi ». La bonne foi ne serait-elle pas le moyen de démontrer par l’absurde que tout futur contractant est dans une situation de confiance à l’égard de l’autre partie et qu’il attend de lui qu’il soit sincère, honnête et transparent ? Dans ce cas, l’obligation d’information serait toujours due dès lors que le débiteur en a connaissance et indépendamment de la situation du débiteur. Si on essayait de donner un sens moins absurde à cette référence, elle pourrait renvoyer à deux catégories de contrats. Les premiers seraient les contrats faisant intervenir un sachant et un non-sachant : le premier est un professionnel de l’immobilier, le second un particulier ; le premier est un expert en matière d’œuvre d’art, le second un novice… Cependant, dans cette première catégorie, les règles spéciales, jurisprudentielles ou légales, suffisent déjà à protéger le contractant ignorant (C. conso., art. L. 111-1 pour le consommateur, C. env., art. L. 514-20 pour l’acquéreur d’une ICPE ; obligation d’information dans les contrats de distribution, C. com., art. L. 330-3…). Dans une seconde catégorie, il pourrait s’agir des contrats qui font naître une véritable relation contractuelle. Ce sont des contrats qui s’inscrivent dans la durée et sont marqués par la réalisation d’un projet commun. Tel est bien entendu le cas du mandat ou du contrat de travail. Mais bien au-delà, il peut également s’agir des « nouvelles figures contractuelles » (B. Oppetit) : contrat-organisation, contrat-alliance, contrat-coopération… Enfin, incidence dont le législateur n’a peut-être pas eu conscience : si l’ignorance illégitime écarte toute obligation d’informer, peut-on encore dire de la réticence dolosive qu’elle est toujours excusable ? Le doute est permis car le futur article 1139 du Code civil dispose que « l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable (…) ». Cela est acquis de longue date pour le dol. Le doute concerne surtout la réticence dolosive. L’absence de distinction ne pourrait-elle pas être exploitée pour remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation 8 ?

L’éviction de l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation. L’alinéa 2 de l’article 1112-1 nouv. du Code civil apporte une précision qui répond à la demande d’une partie de la doctrine : « Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ». La formulation très générale de l’article 1129 du projet de février 2015 aurait pu laisser croire que le législateur avait entendu combattre la jurisprudence Baldus 9, en imposant une obligation d’information sur la valeur du bien. Cette hésitation semble révolue avec cet alinéa 2. Le rapport remis au président de la République précise d’ailleurs en ce sens qu‘« afin de ne pas susciter une insécurité juridique et de répondre aux inquiétudes des entreprises, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (alinéa 2) ». On comprend ici que c’est notamment le domaine immobilier, celui du marché de l’art et celui des cessions de droits sociaux qui sont visés. Pour le premier, l’alinéa 2 conforte l’idée que l’acquéreur d’un bien immobilier, quand bien même serait-il plus expert que le vendeur, n’a pas à l’informer de la valeur du bien vendu 10. Quant au marché de l’art, on répond à l’attente de certains professionnels qui insistent sur le fait que l’estimation d’une valeur a un coût économique dont il serait injuste de déposséder son détenteur. Surtout, en matière de cessions de droits sociaux, cette éviction permet de rassurer les actionnaires qui se portent acquéreur des actions d’autres actionnaires de la même société. La jurisprudence actuelle les dispense d’informer les cédants de la valeur des actions vendues, notamment de l’existence de négociations parallèles pour les revendre à un meilleur prix 11. Cependant, plusieurs précisions et clarifications s’imposent.

D’une part, cette disposition ne devrait pas remettre en cause les cas où cette information sur la valeur est imposée, soit parce que l’estimation n’est en réalité que la conséquence du silence gardé sur la substance même de la prestation 12, soit parce qu’une partie peut être tenue d’un devoir fiduciaire comme c’est le cas du dirigeant social 13. D’autre part et surtout, cette éviction de toute information sur la valeur semble incompatible avec l’article 1137, alinéa 2, du Code civil, relatif à la réticence dolosive : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». Tout d’abord, cet article conditionne la réticence dolosive et la nullité au seul caractère déterminant de l’information. Or, la valeur d’un bien est souvent déterminante pour un cédant ou un vendeur. D’ailleurs, l’alinéa 3 de l’article 1112-1, qui évoque le « contenu du contrat », inclut nécessairement la nature de la prestation et son prix (futur C. civ., art. 1163 et s.) ! Surtout, si on avait le moindre doute, le rapport remis au président de la République confirme que la réticence dolosive n’est pas conditionnée à l’établissement préalable d’une obligation d’information : « (…) le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence dolosive à l’existence d’un devoir d’information, conformément à une conception plus solidaire du contrat qui met l’accent sur la sanction de l’intention de tromper (l’erreur provoquée étant toujours excusable) ». Le législateur se serait-il laisser séduire par les sirènes du solidarisme ? Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que la réticence dolosive n’est plus fondée sur l’existence d’une obligation préalable d’information et se rapproche du fondement plus large de la loyauté. Comment, dans ces conditions, considérer qu’il n’existe plus d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation ? Le législateur en retirant d’une main (C. civ., art. 1112-1) ce qu’il donne de l’autre (C. civ., art. 1137, al. 2) revient, sans grande cohérence, sur la jurisprudence Baldus. À l’avenir alors, les acquéreurs de biens immobiliers, les amateurs d’œuvres d’art et les actionnaires-cessionnaires pourraient avoir de très mauvaises surprises s’ils n’informent pas, intentionnellement, l’acquéreur de la valeur du bien vendu !

La charge probatoire de l’obligation d’information. On reproche souvent au législateur de ne pas faire l’effort de préciser les règles probatoires des règles substantielles qu’il élabore. Cependant, il est des cas où le silence est d’or car l’alinéa 4 de l’article 1112-1 qui s’essaye à l’exercice est plutôt décevant. Selon cette disposition, « Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ». A priori cette règle est inspirée de l’actuel article 1315 du Code civil qui devient l’article 1353 du futur Code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver (al. 1). Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation (al. 2) ». C’est à celui qui soutient être le créancier d’une obligation d’information de prouver qu’elle est due. C’est à celui qui prétend l’avoir exécutée de prouver qu’il l’a fournie. Dont acte ! Cependant, il s’agit non seulement d’une disposition non conforme à la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, mais surtout elle pose un principe totalement incohérent. La règle est tout d’abord à contre-courant car la jurisprudence, principalement depuis un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 février 1997 14, considère que si un professionnel est tenu d’une obligation d’information, à savoir imposée par la loi, par la jurisprudence ou par la convention, il lui appartient d’apporter la preuve de son exécution. Cette règle vaut notamment pour toutes les professions libérales (médecin, avocat, expert-comptable, agent immobilier…). Le fondement avancé pour justifier cet aménagement de la charge probatoire est le plus souvent celui de l’aptitude à la preuve. Le débiteur de l’information est le plus apte à fournir cette information, pas seulement pour des raisons intellectuelles, mais aussi pour des raisons matérielles car il est le plus à même à se préconstituer une preuve que l’information a bien été fournie. On comprend donc mal le choix du législateur au sein de l’article 1112-1. Ensuite, cette règle est incohérente avec l’existence même de cette obligation précontractuelle d’information. Imposée par la loi, elle devient une obligation légale. Il devrait donc appartenir au débiteur de cette obligation légale de prouver qu’il l’a fournie.

Alors certes on pourrait soutenir que le législateur ne se réfère pas tant à l’existence de l’obligation d’information qu’aux conditions de son existence, s’inspirant fortement de la formule proposée par le projet Terré (art. 33, al. 3). Mais il ne sert à rien de jouer sur les mots. Le résultat est le même. Il aurait été plus opportun de mettre à la charge du débiteur désigné la preuve qu’il n’a pas exécuté l’obligation d’information en établissant, soit qu’elle n’en avait pas connaissance, soit qu’elle n’était pas déterminante, soit que l’autre partie pouvait légitimement s’informer. Quoi qu’il en soit, le choix opéré par le législateur devrait alléger considérablement la charge du potentiel débiteur d’une telle obligation car la preuve que les conditions d’une obligation due par l’autre partie étaient réunies sera très difficile. Mais alors peut-on alléger par convention la charge de la preuve ? Cela nous renvoie à l’alinéa 5 de l’article 1112-1.

Le caractère d’ordre public du devoir d’information. De manière surprenante, l’alinéa 5 énonce que « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ». Pourquoi avoir précisé que cette obligation d’information était d’ordre public ? Probablement, pour en renforcer l’intensité et, par un souci de parallélisme des formes avec la bonne foi, en garantir la pleine et entière intangibilité. Cependant, cette qualification peut en pratique poser de nombreuses difficultés. La première est une interrogation : est-ce que l’aménagement de la règle probatoire de l’alinéa 4, aménagement conforté par le futur article 1356 du Code civil (« les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition »), est envisageable ou doit-on considérer qu’il s’agirait dans ce cas là d’une « limitation » du devoir d’information ? On peut parfaitement considérer que les règles de preuve sont distinctes du devoir à proprement parler et qu’un tel aménagement conventionnel serait envisageable. La seconde remarque est l’effet pervers d’une telle règle en pratique. Pourra-t-on encore demain introduire des clauses de confidentialité ? Certes, l’article 1112-2 reconnaît que « celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ». Cependant, cette disposition ne vise pas les clauses de confidentialité mais les informations confidentielles et seulement celles divulguées ou utilisées sans autorisation obtenues lors des négociations. En outre, en cours de formation, une partie ne pourrait pas se cacher derrière une clause de ce type pour refuser de divulguer une information à son futur cocontractant ? Certes, la clause de confidentialité n’a pas dans ce cas pour objet le devoir d’information lui-même mais elle a pour effet d’en limiter la portée. Que doit-on alors penser de toutes ces clauses par lesquelles une partie entend protéger un secret, par exemple un secret de fabrique, qu’elle ne souhaite pas divulguer ? Les clauses menacées par cette disposition peuvent être nombreuses.

En définitive, si l’obligation précontractuelle d’information poursuit une fin légitime, l’existence d’un consentement libre et éclairé, le moyen employé manque de rigueur et devrait produire de nombreux effets pervers tant à l’égard du débiteur que du créancier de cette obligation.

Issu de Gazette du Palais – n°14 – page 15

Date de parution : 12/04/2016

Réf : Gaz. Pal. 12 avril 2016, n° 262d5, p. 15

Notes de bas de pages

  • 1.
    Sur C. civ., art. 1129, v. J.-F. Hamelin, « Les devoirs de se renseigner et d’information » : Blog Dalloz, Obligations, 2015, http://reforme-obligations.dalloz.fr.
  • 2.
    V. N. Molfessis, « De l’obligation de renseignement à l’éducation juridique du contractant », in Mélanges J. Hauser, LexisNexis-Dalloz, 2012, p. 927 et s.
  • 3.
    V. not. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat. Tome I. Le contrat – Le consentement, LGDJ, 2013, 4e éd., p. 1438 et s, nos 1791 et s.
  • 4.
    Cass. 3e civ., 26 juin 1991, n° 89-21325 : Bull. civ. III, n° 194. Un bailleur avait envoyé une quantité d’informations largement supérieure à celle que la loi lui imposait ce qui nuisait à la compréhension de son destinataire.
  • 5.
    Sur cette obligation, v. P. Jourdain, « Le devoir de “se” renseigner (contribution à l’étude de l’obligation de renseignement) » : D. 1983, p. 139.
  • 6.
    V. not. Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n°11-23869, qui évoque le cas d’un acquéreur qui devrait être normalement vigilant.
  • 7.
    Sur cette question, v. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, op. cit., p. 1415 et s, nos 1752 et s.
  • 8.
    Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 98-20817 : Bull. civ. III, n° 20 : « [La] réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée ».
  • 9.
    Cass. 1re civ., 3 mai 2000, n° 98-11381 : Bull. civ. I, n° 131.
  • 10.
    Cass. 3e civ., 17 janv. 2007, n° 06-10442 : Bull. civ. III, n° 5.
  • 11.
    Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-15618 : Bull. civ. IV, n° 94.
  • 12.
    Cass. 3e civ., 15 nov. 2000, n° 99-11203 : Bull. civ. III, n° 171.
  • 13.
    Cass. com., 27 févr. 1996, n° 94-11241 : Bull. civ. IV, n° 65.
  • 14.
    Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, n° 94-19685 : Bull. civ. I, n° 75.
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