Comment les copropriétés tentent de contrôler les meublés de tourisme

Publié le 15/01/2025
Copropriété, immeuble
Robert Herhold/AdobeStock

À Paris, la location de courte durée constitue un phénomène exponentiel depuis plusieurs années. C’est un sujet de préoccupation pour les copropriétés concernées. La Cour de cassation a précisé dans quelle mesure la clause d’habitation bourgeoise permet aux copropriétaires de limiter ce type d’activité au sein de leur immeuble.

176 millions de nuitées, 43 millions d’euros de chiffre d’affaires, 362 000 équivalents temps plein, près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales dont 300 millions d’euros de taxe de séjour : ces chiffres sont issus d’une étude publiée par le cabinet de conseil Deloitte en avril 2024 sur l’activité du géant californien de la location touristique en France. Il met en lumière l’impact grandissant de l’activité des meublés de tourisme sur notre territoire.

Paris, une destination phare sur Airbnb

La start-up californienne est arrivée sur le marché français en 2010 et en a bouleversée l’économie de la location de courte durée. La France est devenue le deuxième marché d’Airbnb, derrière les États-Unis. Paris est ainsi devenue une destination phare pour la start-up californienne. Dès 2015, cette dernière se félicitait que la ville lumière soit devenue la capitale mondiale de la location entre particuliers, avec 1, 8 million de visiteurs à Paris et 44 000 annonces de location.

Des inquiétudes au sein des copropriétés parisiennes

Une étude réalisée un an après par l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (Ahtop), en collaboration avec Harris Interactive mettait en lumière les inquiétudes générées par ces locations de courte durée au sein des copropriétés parisiennes. Près d’un sondé sur deux estime ainsi que ces plateformes peuvent avoir des conséquences négatives sur la copropriété, notamment en termes de sécurité (65 %) et de nuisances sonores (60 %). 72 % des Parisiens considèrent devoir être prévenus si un projet de location de courte durée devait se mettre en place dans leur immeuble. 71 % d’entre eux souhaiteraient que leur nombre puisse être limité. Et 62 % opteraient pour un accord préalable du syndic ou de la copropriété. Ces inquiétudes sont loin d’être émoussées, le développement exponentiel des locations de courte durée multipliant les nuisances potentielles.

La notion de clause bourgeoise

Les copropriétés qui cherchent à encadrer ou à limiter les activités de meublés de tourisme s’appuient en général sur la clause d’habitation bourgeoise qui, insérée classiquement dans un règlement de copropriété, impose aux copropriétaires ou à leurs locataires d’utiliser leurs lots uniquement à des fins d’habitation, à l’exclusion de toute activité commerciale, artisanale ou industrielle. Les locations meublées de tourisme sont définies par l’article D. 324-1 du Code de commerce comme étant « des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, et qui n’y élit pas domicile ». Dans quelle mesure une activité de meublé de tourisme peut-elle être assimilée à une activité commerciale et donc rendue impossible par le jeu d’une clause d’habitation bourgeoise ?

Des arrêts de cassation favorable aux copropriétés

La Cour de cassation a dans un premier temps (Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n° 14-15864 et Cass. 3e civ., 27 févr. 2020, n° 18-14305) paru confirmer le caractère commercial de l’activité de location saisonnière, renforçant l’impossibilité d’exercer une telle activité dans les copropriétés à destination bourgeoise. Cependant les spécialistes pointaient que ces arrêts avaient sanctionné des activités de location de courte durée bien spécifiques : d’une part, des studios meublés résultant d’une division illégale des lots de copropriété, accompagnés d’un certain nombre de prestations de service para-hôtelières et d’autre part, une activité de location exercée par une société, s’exerçant sur 39 logements dans un immeuble comprenant en tout 60 lots.

La définition d’une activité de location de courte durée à caractère commercial

En 2024, un nouvel arrêt de la Cour de cassation est venu préciser dans quelle mesure une activité de meublé touristique doit être considérée comme une activité commerciale (Cass. 3e civ., 25 janvier 2024, n° 22-21455). Dans cette affaire, la Cour de cassation considère que, dans la mesure où l’activité exercée par la société de location dans l’immeuble n’était accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, l’activité de location ne peut pas être considérée comme une activité commerciale.

Des critères précis

La Cour de cassation clarifie la situation en en se fondant sur l’article 261 D du Code général des impôts, lequel définit la location commerciale entrant dans le champ de l’application de la TVA. Conformément à cette solution, une location de courte durée ne peut être considérée comme une activité commerciale que lorsque la location est assortie d’au moins trois types de prestations :

  • fourniture d’un petit-déjeuner ;

  • nettoyage régulier des locaux ;

  • fourniture de linge de maison ;

  • réception, même non personnalisée, de la clientèle.

La fréquence des allées et venues des locataires, le fait que le bien figure sur une plateforme d’intermédiation locative, le type d’ameublement de l’appartement ne permettent pas de conclure à l’existence d’une activité de location commerciale. Il en est de même pour des prestations optionnelles comme la fourniture de service de ménage, des transferts vers l’aéroport ou encore la fourniture de petit-déjeuner. La fourniture de ces services annexes, lorsqu’elle est optionnelle, ne permet pas d’apparenter l’exploitation du bien immobilier à une activité commerciale.

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