Le ravalement d’une façade d’un immeuble en copropriété doit être exécuté dans son ensemble afin de respecter l’harmonie et l’unité de style

Publié le 15/11/2023
Le ravalement d’une façade d’un immeuble en copropriété doit être exécuté dans son ensemble afin de respecter l’harmonie et l’unité de style
Robert Herhold/AdobeStock

La résolution adoptant les travaux sur les parties privatives n’étant que la conséquence nécessaire de la résolution adoptant les travaux de ravalement d’un immeuble, la cour d’appel, qui n’avait pas à caractériser l’existence d’une clause du règlement de copropriété le prévoyant, a exactement retenu qu’elle avait été régulièrement adoptée en application de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Elle a constaté que le ravalement de l’immeuble relevait de son entretien et de sa conservation et que les travaux y afférents, portant à la fois sur des parties communes et sur des parties privatives, devaient être exécutés dans leur ensemble afin de respecter l’harmonie des façades.

Cass. 3e civ., 9 mars 2023, no 21-25644

Copropriété des immeubles bâtis et travaux de ravalement de façade. Au cas d’espèce1, la société civile immobilière Achache (la SCI) est propriétaire de plusieurs lots dépendant d’un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis. Le 17 décembre 2015, l’assemblée générale des copropriétaires a adopté, à la majorité de l’article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, des résolutions portant d’une part, sur l’exécution de travaux de ravalement, hors traitement des parties privatives constituées par les persiennes, garde-corps, croisées et bow-windows et la répartition des dépenses y afférentes en charges générales (résolutions nos 13-1-1 à 13-1-6) et d’autre part, sur le traitement de ces parties privatives et la répartition des dépenses y afférentes selon un tableau spécifique, par lots de copropriété concernés (résolutions nos 13-3-1 à 13-3-6 et 13-4). Le 7 mars 2016, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation des secondes résolutions. La cour d’appel a constaté que le ravalement de l’immeuble relevait de son entretien et de sa conservation et que les travaux y afférents, portant à la fois sur des parties communes et sur des parties privatives, devaient être exécutés dans leur ensemble afin de respecter l’harmonie des façades. Elle a relevé que le ravalement extérieur ne modifiait pas la destination des parties privatives et que la SCI ne justifiait pas d’une modification des modalités de la jouissance de ses parties privatives, telles qu’elles résultaient du règlement de copropriété. Pour la Cour de cassation, la résolution adoptant les travaux sur les parties privatives n’était que la conséquence nécessaire de la résolution adoptant les travaux de ravalement de l’immeuble. La cour d’appel, qui n’avait pas à caractériser l’existence d’une clause du règlement de copropriété le prévoyant, a exactement retenu qu’elle avait été régulièrement adoptée en application de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Les travaux de ravalement des façades en copropriété des immeubles bâtis constituent l’une des questions les plus redoutées par les copropriétaires (I). Indiscutable dans son principe, le vote des travaux de façade indissociable devrait, pour autant, distinguer la nature des parties de la façade (II).

I – Les travaux de ravalement de façade en copropriété des immeubles bâtis

Clause d’harmonie et la théorie de l’indissociabilité. À défaut de clause du règlement de copropriété le prévoyant (A), la résolution adoptant les travaux sur les parties privatives n’était que la conséquence nécessaire de la résolution adoptant les travaux de ravalement de l’immeuble (B).

A – Validité de la clause d’harmonie ou d’unité de style

Clause d’harmonie, ou clause d’unité de style. Bien souvent le règlement de copropriété liste les parties privatives qui devront faire l’objet de mesures d’ensemble décidées par l’assemblée générale des copropriétaires2. La clause d’harmonie a été validée par la Cour de cassation depuis fort longtemps. Comme l’illustre un arrêt de la cour d’appel de Chambéry qui considère que « sur la répartition des travaux de réfection des garde-corps [, l]e règlement de copropriété prévoit que les garde-corps constituent des parties privatives. Toutefois, l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 permet au règlement de copropriété d’apporter des restrictions aux droits des copropriétaires, à condition qu’elles soient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères et sa situation ». L’article 10 du règlement prévoit que si les copropriétaires doivent maintenir en bon état les parties visibles de l’extérieur, « toutefois, afin de respecter l’aspect et l’harmonie de l’immeuble, la réfection des peintures et tous les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur de l’immeuble, feront l’objet d’une opération d’ensemble décidée par l’assemblée générale de tous les copropriétaires »3. Comme l’observe, à juste titre, Mme Labatteux, « la Cour de cassation ne remet pas en cause la validité de la clause d’harmonie, ni le vote par l’assemblée générale, de travaux relatifs aux parties privatives dans ce cadre très spécifique ». En revanche, elle censure le juge d’appel, considérant que les dispositions de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ne s’appliquaient pas pour des travaux sur parties privatives. Ces travaux doivent être imputés aux copropriétaires en fonction des dépenses effectivement réalisées pour chaque lot. Ainsi, la Cour transpose aux travaux réalisés sur des parties privatives dans le cadre d’une clause d’harmonie le régime existant déjà pour les travaux dits « d’intérêt collectif », prévu par l’article 25, f, de la loi du 10 juillet 1965 (issu de L. n° 2010-788, 12 juill. 2010), lequel admet la possibilité pour le syndicat des copropriétaires de décider de travaux sur les parties privatives dans le cadre d’une amélioration de la performance énergétique, ceux-ci étant réalisés « aux frais du copropriétaire du lot concerné »4.

Parties privatives intégrées dans les travaux de ravalement de façade. Analysant le ravalement des immeubles en copropriété, M. Vigneron s’interroge sur la question de savoir si « à l’occasion du ravalement, décider de faire repeindre les fenêtres ou les volets (…) concourent à l’esthétique de la façade ? »5. C’est ainsi qu’une jurisprudence constante estime que la clause d’harmonie est valable6 en permettant à l’assemblée générale de décider, en même temps que le ravalement de la façade, la réparation et la peinture des parties privatives de la façade7 ou la réfection des balcons privatifs en bois8. La clause d’harmonie est d’interprétation étroite si bien qu’elle ne s’applique qu’à la remise en état ou le remplacement de certains équipements. À défaut, la décision d’assemblée générale doit être annulée9.

Espèce. Au cas d’espèce, les juges du fond ont affirmé que « les travaux relatifs au ravalement, comportant des interventions sur ces persiennes, garde-corps, croisées et bow-windows doivent être exécutés dans leur ensemble afin de respecter l’harmonie des façades [devant] être homogène et éviter d’y porter atteinte », et que la décision devait être prise par l’assemblée générale des copropriétaires à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 (jugement, p. 2 et 3 ; arrêt p. 4).

B – Application du vote des travaux de ravalement « indissociable »

Théorie de l’indissociabilité des travaux. Il est hors de doute que lorsque les questions relatives aux travaux et celles qui en sont la conséquence sont indissociables, les décisions les concernant peuvent être adoptées par l’assemblée générale au moyen d’un seul et même vote10.

Vote unique en assemblée générale. Chaque résolution soumise au vote de l’assemblée générale ne doit avoir qu’un seul objet11. Dans l’hypothèse où les travaux sont indissociables, on considère qu’il n’y a qu’un seul vote en assemblée générale comme en témoigne un arrêt récent rendu par la Cour de cassation qui juge : « D’autre part, ayant relevé qu’il était impossible de conserver les jardinières et retenu que la suppression de celles-ci et l’extension des balcons en étage ou loggias en rez-de-chaussée qu’elle entraînait étaient indissociables, la cour d’appel en a exactement déduit que la résolution n° 4 n’avait qu’un seul objet et que les copropriétaires avaient pu valablement voter sur l’ensemble de ces travaux dans la même résolution »12. Il est certain que si les travaux ont des objets distincts, il faudra deux votes13. On rappellera qu’il existe plusieurs règles de majorité encadrant le vote d’un ravalement de façade en copropriété14.

Travaux de ravalement d’entretien

Travaux de ravalement pour une réparation

Travaux de ravalement à la suite d’une injonction de la mairie

Majorité des votes exprimés parmi les copropriétaires présents ou représentés

Majorité absolue en vertu de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, soit 5 001/10 000 des tantièmes de copropriété

Majorité absolue en vertu de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, soit 5 001/10 000 des tantièmes de copropriété

Jurisprudence récente. La jurisprudence admet donc que lorsqu’il existe un lien suffisamment étroit entre les questions ayant fait l’objet d’un vote unique, il convient d’appliquer la théorie de l’indissociabilité des travaux (ou l’indivisibilité de la décision). En effet, la Cour de cassation considère que les éléments de décision supplémentaires relatifs à la désignation de l’architecte, au montant de ses honoraires et à l’assurance dommages-ouvrage n’entraînaient pas à eux seuls la nécessité de délibérations distinctes et que le calendrier des appels de fonds et l’acceptation des honoraires du syndic avaient le même objet que les travaux ou leur étaient nécessairement liés. La cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir que ces questions étaient indissociables, en a exactement déduit qu’elles avaient pu faire l’objet d’un vote unique. Le moyen n’est donc pas fondé15. Encore faut-il, bien évidemment, que les décisions votées en assemblée générale soient soumises aux règles de quorum applicables en la matière. Ainsi est-il possible par exemple de soumettre à un seul et même vote la question du renouvellement du contrat du syndic, l’approbation de celui-ci ainsi que sa rémunération16.

II – La mise en œuvre des travaux de ravalement des façades en copropriété des immeubles bâtis

Article 10, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 et la loi ALUR. Entrant dans la catégorie des charges relatives à la conservation et l’entretien desdites parties communes, les frais de ravalement sont répartis en fonction des tantièmes de copropriété affectés aux différents lots (A)17. L’entretien de la façade est considéré comme étant aux charges de copropriété générales, si bien que le fonds de travaux prévu par la loi ALUR18 peut être affecté au financement du ravalement des façades (B)19.

A – La répartition du coût des travaux de ravalement des façades de l’immeuble en copropriété

Charges relatives à la conservation et l’entretien desdites parties communes. L’article 10, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les copropriétaires « sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2-1 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5 ». Pourtant, on peut sérieusement s’interroger sur la distinction entre la répartition du coût des travaux de ravalement car, comme l’a remarqué M. Vigneron, « la discrimination à établir dans le montant global du marché entre les dépenses de ravalement, charges communes au titre de l’article 10, alinéa 2, de la loi, et celles correspondant aux travaux sur parties privatives, charges personnelles, ne s’impose pas en toute hypothèse ; elle peut être écartée par le règlement de copropriété »20.

Discussion. La pratique notariale utilise des clauses dont certaines sont mineures. D’autres, en revanche, ont profondément modifié le régime de la copropriété. Il va ainsi des travaux de ravalement de façade. En l’espèce, malheureusement, le règlement de copropriété était silencieux à ce propos. Il est de jurisprudence constante que les travaux effectués sur les parties privatives à l’occasion du ravalement ne peuvent relever des charges communes générales23.

B – Les fonds de travaux et le ravalement de façade

Fonds de travaux payés en fonction de leurs tantièmes de copropriété. Selon une réponse ministérielle, « la cotisation obligatoire annuelle au fonds de travaux, qui constitue en elle-même une masse monétaire indifférenciée tant qu’aucuns travaux n’ont été effectivement adoptés par l’assemblée générale, les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 prévoient son paiement par les copropriétaires selon les mêmes modalités que pour les charges communes générales, c’est-à-dire “proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots”, sans toutefois se prononcer explicitement sur la nature exacte de cette charge »24. L’assemblée générale des copropriétaires pourra donc décider par exemple d’utiliser le fonds de travaux pour effectuer des travaux de ravalement25. Ces fonds concernent exclusivement les parties communes de l’immeuble en copropriété. Force est alors de constater que si le ravalement de façade rénove en outre des parties privatives (fenêtres, volets, balcons…), les propriétaires concernés doivent payer les coûts associés.

Conclusion. Cette question du vote des travaux de ravalement « indissociables » est un débat qui anime la communauté universitaire depuis plusieurs années : il n’est donc pas surprenant qu’elle finisse par alimenter un contentieux qui ne cesse d’engorger les juridictions. Gageons que le fonds de travaux conservera son esprit d’épargne tout en ayant un cadre d’utilisation plus clair.

Notes de bas de pages

  • 1.
    A. Lebatteux, « Travaux sur parties communes – Vote des travaux de ravalement “indissociables” », Loyers et copr. 2023, comm. 89.
  • 2.
    A. Bouvier, « L’harmonie esthétique de l’immeuble en copropriété », https://lext.so/FyxNQO.
  • 3.
    CA Chambéry, ch. civile, 1re sect., 25 oct. 2016, n° 15/00252.
  • 4.
    A. Lebatteux « Charges communes – Intervention sur les parties privatives dans le cadre d’une clause d’harmonie », Loyers et copr. 2018, comm. 127.
  • 5.
    G. Vigneron, « Le ravalement des immeubles en copropriété », JCP N 1988, prat. 770 ; M. Saluden, JCl. Copropriété, V° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 6.
    G. Vigneron, « Le ravalement des immeubles en copropriété », JCP N 1988, prat. 770 ; M. Saluden, JCl. Copropriété, v° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 7.
    CA Paris, 23e ch. A, 22 févr. 1995 : D. 1998, Somm., p. 267, obs. J.-R. Bouyeure ; M. Saluden, JCl. Copropriété, v° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 8.
    CA Caen, 15 mars 2011, n° 08/01859 : AJDI 2011, p. 632, obs. S. Porcheron ; M. Saluden, JCl. Copropriété, v° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 9.
    M. Saluden, JCl. Copropriété, v° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 10.
    Vote unique sur des questions indissociables et absence d’obligation de mise en concurrence pour l’architecte habituel de l’immeuble : https://lext.so/ElrW0z.
  • 11.
    D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 9.
  • 12.
    Cass. 3e civ., 9 juill. 2020, n° 19-18623.
  • 13.
    M. Saluden, JCl. Copropriété, v° Travaux et transformations – Travaux réalisés par le syndicat, fasc. 50-1.
  • 14.
    P.-A. Spettel, « Ravalement de façade : tout ce qu’il faut savoir pour les copropriétaires », https://lext.so/Fv-1Gn.
  • 15.
    Cass. 3e civ., 28 janv. 2021, n° 19-2268.
  • 16.
    Vote unique sur des questions indissociables et absence d’obligation de mise en concurrence pour l’architecte habituel de l’immeuble, https://lext.so/ElrW0z.
  • 17.
    G. Vigneron, « Le ravalement des immeubles en copropriété », JCP N 1988, 770.
  • 18.
    L. n° 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.
  • 19.
    G. Vigneron, « Le ravalement des immeubles en copropriété », JCP N 1988, 770.
  • 20.
    G. Vigneron, « Le ravalement des immeubles en copropriété », JCP N 1988, 770.
  • 21.
    L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 10 ; D. n° 67-223,17 mars 1967, art. 1er.
  • 22.
    G. Daublon, « Règlement de copropriété – Formule refondue », Defrénois 15 avr. 2002, n° 37520, p. 437.
  • 23.
    A. Lebatteux, « Travaux sur parties communes – Vote des travaux de ravalement “indissociables” », Loyers et copr. 2023, comm. 89.
  • 24.
    Rép. min. n° 20810 : JOAN, 3 déc. 2019, obs. I. Rauch.
  • 25.
    C. Gouraud, « Réflexions sur le fonds de travaux créé par la loi ALUR », DEF 12 avr. 2018, n° DEF133v2.
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