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Logements insalubres : le Conseil d’État améliore les conditions de locations

Publié le 04/11/2024
Mal logement, appartement, immobilier, marchand de sommeil
Gaetan/AdobeStock

Faute d’avoir été soumis à la consultation du Haut conseil de santé publique, le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilé est partiellement annulé. Il n’est plus possible de louer un logement dont la hauteur sous plafond est inférieure ou égale à 1,80 m. Cette décision impacte les locations en cours.

Le Conseil d’État vient de renforcer les critères de qualification des logements salubres dont la location ainsi que la mise à disposition sont autorisées. Dans son arrêt du 29 juillet 2024, la haute juridiction administrative annule en effet pour excès de pouvoir une partie du décret fixant les critères des logements salubres (CE, 29 juillet 2024, n° 488640), à la demande de plusieurs associations du droit au logement (Abbé Pierre, ATD Quart Monde, Secours Catholique).

Les critères de salubrité

Le logement insalubre est un logement dangereux pour la santé ou la sécurité physique des occupants, ou pour celle du voisinage. Il a d’abord été défini par la loi (article 1-1, Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, JORF n°0127 du 2 juin 1990) : « Constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes, pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

La loi dite ELAN a complété cette définition (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, JORF n° 0272 du 24 novembre 2018) : « Tout local, installation, bien immeuble ou groupe de locaux, d’installations ou de biens immeubles, vacant ou non, qui constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre ». Cette définition figure sous l’article L. 1331-22 du Code de la santé publique. La qualification est importante puisqu’elle conditionne le droit de louer un tel bien, ou de le mettre à disposition. En effet, le Code de la santé publique prévoit que « Ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l’article L. 1331-22, que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ou dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l’habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation » (CSP, art. L. 1331-23).

C’est un décret qui fixe les critères de salubrité (Décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilé, JORF n° 0175 du 30 juillet 2023). Le décret donne les définitions utiles des caves, abords, combles, dépendances, logement meublé, logement garni, pièces de vie d’un local d’habitation, etc. Puis il précise les conditions que doivent remplir chacun de ces locaux pour être propres à l’habitation. Par exemple, les combles peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation s’ils répondent aux conditions cumulatives suivantes : si la solidité du plancher garantit la sécurité de l’occupation, s’ils satisfont aux exigences de hauteur sous-plafond, d’ouverture sur l’extérieur, d’éclairement et de configuration posées respectivement par les articles R. 1331-20 à R. 1331-23 et s’ils sont aménagés à usage d’habitation (CSP, art. R. 1331-19). Des arrêtés d’applications précisent la définition des situations d’insalubrité.

Le décret du 29 juillet 2023 prévoit en outre, la sanction du non-respect de ces règles par une contravention dont le quantum a été élevé à la 4e classe. Il prévoit enfin de rendre possible la mise en œuvre de l’amende forfaitaire pour ces infractions.

Hauteur sous plafond

Les contestations des associations pour le logement portent sur plusieurs dispositions figurant dans le décret, qui n’ont pas été soumises pour avis au Haut conseil de la santé publique, comme la loi le prévoit. L’article L. 1311-1 du Code de la santé publique, issu de l’article 62 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (JORF, n° 0022 du 27 janvier 2016) prévoit en l’espèce que « Sans préjudice de l’application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d’État, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l’homme, notamment en matière : / (…) – de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l’homme ; (…) ». Les dispositions figurant dans le décret litigieux qui n’ont pas été soumises à la consultation retenaient comme suffisante pour un tel usage une hauteur sous plafond des pièces de vie et de service égale ou supérieure à 2,20 mètres, susceptible d’être ramenée à 1,80 mètres pour les locaux disposant au moins d’une pièce principale ayant un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ou d’une surface habitable de 9 mètres carrés. Le décret prévoyait aussi d’ouvrir à la location les logements en sous-sol avec une ouverture sur l’extérieur « n’exposent pas les occupants à des sources de pollution, notamment, à des émissions des gaz d’échappement de véhicules à moteurs thermiques ».

Le Conseil d’État souligne que : « les modifications ainsi apportées aux règles de salubrité des locaux d’habitation postérieurement à la consultation du Haut Conseil de la santé publique, qui portent sur des critères essentiels au regard de l’objet de cette réglementation et dont la nécessaire combinaison pour apprécier la salubrité d’un local destiné à l’habitation est susceptible de permettre la mise à disposition aux fins d’habitation de locaux enterrés en totalité et d’une hauteur sous plafond de 1,80 m, ce qu’excluait le projet de décret soumis à consultation, doivent être regardées comme posant, eu égard à l’objet de ce décret, une question nouvelle qui imposait une nouvelle consultation de cet organisme ».

Dans ce contexte, une telle omission de consultation a été susceptible d’exercer une influence sur le contenu du décret attaqué. Le Conseil d’État a donc annulé la sous-section 2 : « Caractéristiques des locaux propres à l’habitation » de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du Code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 avec effet immédiat.

Il n’est donc plus possible de louer un logement dont la hauteur sous plafond est inférieure ou égale à 1,80 m. Les locations en cours sont également impactées par cette décision.

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