Le secret des correspondances du salarié opposé à l’employeur : la messagerie électronique

Publié le 14/11/2016

Avec l’ère du numérique, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus difficile à tracer. Le salarié introduit d’ailleurs souvent lui-même des éléments de sa vie privée dans la sphère professionnelle, via sa messagerie électronique. Certes le principe est bien connu depuis l’arrêt Nikon : le salarié a droit au temps et au lieu de travail au respect de l’intimité de sa vie privée impliquant le secret des correspondances. Cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation s’est ensuite affinée, à tel point qu’il est permis de se demander si le secret des correspondances peut encore être invoqué utilement par le salarié.

« La forme épistolaire des relations doit faire présumer la confidence, le besoin de secret »1, écrivait Geny à propos des lettres missives. Mais qu’en est-il spécialement pour le salarié dont la vie privée et la vie professionnelle souvent s’entremêlent ? Sous certaines conditions, l’employeur peut prendre des mesures restrictives portant sur des éléments de la vie privée du salarié. Le droit au respect de la vie privée impose une limitation du pouvoir de l’employeur mais ne le paralyse pas. Ainsi, le salarié peut-il garder ses secrets face à son employeur notamment lorsque qu’il les introduit dans la sphère professionnelle, via sa messagerie professionnelle ou personnelle ? Le salarié pouvait déjà bien entendu recevoir des courriers sur son lieu de travail, mais avec internet les pratiques dans les entreprises ont subi d’importantes mutations.

Alors que des employeurs ont d’abord voulu interdire de manière absolue l’utilisation de l’outil informatique à des fins personnelles, la Cnil a déclaré qu’une telle interdiction de principe parait irréaliste et disproportionnée2. Au nom de leur pouvoir de contrôle et de direction dans l’entreprise, de leur droit de propriété sur l’outil informatique mis à la disposition du salarié, certains employeurs ont alors rapidement revendiqué un droit de regard, voire de contrôle des courriels reçus ou émis sur le lieu de travail par leur salarié3. Dès lors la question s’est posée de savoir si l’employeur pouvait prendre librement connaissance du contenu des correspondances de ceux qui travaillent pour lui ?

Se plaçant sur le terrain des libertés et des droits de la personne, la chambre sociale a posé le principe dans l’arrêt Nikon4 du 2 octobre 2001 : « Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée » laquelle « implique en particulier le secret des correspondances »5. La solution s’inspire de la jurisprudence relative au secret de la correspondance privée. La protection du secret des correspondances vient alors en renfort de la protection du secret de la vie privée du salarié.

Sans entrer dans le détail, on rappellera seulement que le secret des correspondances repose sur une abondante législation interne et supranationale et que s’il est peu contestable que le secret des correspondances participe au respect de l’intimité des personnes, il est aussi protégé en l’absence d’atteinte à la vie privée stricto sensu. Le droit au secret des correspondances apparaît comme un droit de la personnalité. La protection consiste à interdire aux tiers toute immixtion et toute divulgation de la correspondance, celles-ci pouvant avoir un support matériel, comme les lettres missives, ou immatériel, comme les correspondances électroniques6. L’atteinte au secret des correspondances expose son auteur à des sanctions civiles mais les foudres de la loi pénale pourront également le frapper. Cependant, en droit du travail, le problème s’est principalement centré sur la licéité du mode de preuve rapporté par l’employeur pour justifier une décision, souvent disciplinaire.

L’arrêt Nikon a certes posé le principe, cependant, celui-ci a suscité de nombreuses réactions. Affirmée de façon abstraite et catégorique et perçue comme trop rigoureuse pour l’entreprise, la solution a donc ensuite été nuancée, restreignant peu à peu la portée de la règle à propos de l’utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles, jusqu’à se demander si, aujourd’hui, le secret des correspondances peut encore être invoqué utilement par le salarié lorsque le message provient de sa messagerie professionnelle. Face à certaines valeurs – faudrait-il encore clairement les énoncer –, le secret des correspondances semble devoir s’effacer. En revanche, un régime différent continue de se dessiner à propos de la consultation et l’utilisation par l’employeur des mails figurant dans la messagerie personnelle du salarié.

Rechercher si le secret des correspondances vient encore en renfort de la protection du secret de la vie privée invite à revenir, dans un premier temps, sur les désillusions nées de la jurisprudence relative à la messagerie professionnelle (I) avant, dans un second temps, de s’interroger sur les espoirs issus des solutions récentes portant sur la messagerie personnelle du salarié (II).

I – Désillusions liées à la protection des correspondances issues de la messagerie professionnelle

Ces désillusions portent tant sur l’accès aux messages (A) que sur leur utilisation (B).

A – Accès aux communications personnelles

La Cour de cassation a étendu aux courriers électroniques les règles gouvernant précisément l’ouverture des fichiers informatiques7. Autrement dit, « les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel » et donc « l’employeur est en droit de les ouvrir librement »8. Mais si le salarié identifie les messages comme étant personnels, son employeur peut toujours les ouvrir sous certaines conditions9. La même formule a ensuite été reprise pour les courriers sur support papier10.

À propos de la qualification de message personnel, c’est le titrage qui importe. Ce sont « les messages qualifiés de personnels ou pouvant, de par leur classement, être considérés comme tels »11. Le caractère personnel ou non du message va ainsi dépendre de la volonté du salarié. C’est à ce dernier « de déterminer sa sphère d’intimité »12. Le titrage du message ou du répertoire comme personnel permet, à lui seul, le renversement de la présomption de « professionnalité », peu importe le contenu réel du message. Si l’appréciation de la Cour de cassation est large, il faut néanmoins que le titrage du message ou du répertoire soit sans équivoque. Dans le cas contraire, la présomption de caractère professionnel du message ne peut être renversée.

Des comportements abusifs de salariés pourraient découler d’une solution n’accordant aucun droit de regard de l’employeur sur les messages titrés personnels. Dès lors, afin de concilier la protection du secret des correspondances privées avec la protection de l’intérêt de l’entreprise, l’ouverture des messages « personnels » est finalement tout à fait possible. En effet, si le titrage du message est « personnel », les règles qui s’imposent à l’employeur restent peu contraignantes. Il peut ouvrir les courriels qui sont identifiés comme personnels en présence du salarié ou, du moins, si celui-ci a été dûment appelé13. Le consentement du salarié n’est pas requis. L’ouverture est donc finalement possible à condition de respecter un principe de transparence14. En outre, l’employeur peut aussi ouvrir des courriels titrés « personnels » sans que le salarié en ait été préalablement informé en cas de risque ou d’événement particulier, avec tout le flou entourant cette notion qui doit être distinguée du risque de sécurité informatique permettant uniquement à l’administrateur réseau d’intervenir librement15.

La Cour de cassation a donc aligné le régime de l’ouverture des courriels « personnels » de la messagerie professionnelle sur celui des dossiers et fichiers informatiques après les critiques nombreuses émises à l’encontre de l’arrêt Nikon. Or, le fichier personnel est protégé sur le fondement du droit au respect de la vie privée alors que le message électronique l’est sur le fondement du secret des correspondances privées16. Le fondement de la protection n’étant pas parfaitement identique, on pourrait donc suggérer à un employeur d’agir avec prudence s’il souhaite ouvrir des courriels titrés « personnels », en s’assurant de la présence d’un huissier de justice, voire de recourir au juge en application de l’article 145 du Code de procédure civile17, pour éviter toute contestation quant à la nature du risque particulier.

Ces assouplissements du principe posé en 2001 sont de nature à rassurer les employeurs face à des salariés utilisant la messagerie professionnelle pour se prêter à des comportements de nature déloyale, diffamatoire, illicite… sous couvert d’un titrage « personnel »18. Pour certains, en revanche, ces assouplissements permettant une ouverture des messages titrés « personnels » sont si importants que « le secret des correspondances ne s’applique[rait] plus aux courriers figurant dans la messagerie professionnelle du salarié »19. Même en admettant qu’il subsiste, le secret des correspondances peut, de toute façon, être « court-circuité »20 en cas de dénonciation ou de transfert de mail par son destinataire à l’employeur21.

B – Utilisation des communications personnelles

Est-ce que le salarié bénéficie d’une immunité quant à l’utilisation du contenu du message dès lors qu’il a identifié son message comme « personnel » ? À l’inverse, qu’en est-il lorsque les courriels n’ont pas été identifiés comme « personnels » mais se révèlent avoir un tel contenu, autrement dit quelle est la portée de la présomption de « professionnalité » du message ?

Le contenu du message présentant un caractère professionnel pourra être utilisé par l’employeur à des fins probatoires comme à des fins disciplinaires. À l’inverse, dès lors qu’est avéré le contenu privé du courriel, que celui-ci ait été ou non titré « personnel », le principe du secret des correspondances devrait interdire tout usage. L’utilisation à des fins disciplinaires et probatoires par l’employeur de messages dont le contenu apparaît comme personnel – donc sans rapport avec l’activité professionnelle – ne semble toutefois pas paralysé. Certes, l’employeur ne peut trouver dans une correspondance privée, à elle seule, matière à sanction disciplinaire22. Ainsi, dans un arrêt du 5 juillet 2011, la Cour de cassation décide que « les messages d’ordre privé échangés par le salarié avec une collègue de l’entreprise étaient pour la plupart à l’initiative de celle-ci, notamment celui contenant en pièce-jointe non identifiée des photos érotiques, et que l’intéressé s’était contenté de les conserver dans sa boîte de messagerie sans les enregistrer »23. La Cour de cassation met ici l’accent sur le rôle passif du salarié dans ces échanges24. A contrario, l’utilisation par l’employeur à des fins disciplinaire d’un message personnel devient possible dès lors qu’il y a réception de tels messages privés, stockage puis diffusion par le salarié25. En outre, l’employeur peut toujours prononcer un licenciement disciplinaire en s’appuyant sur le nombre, la fréquence, la taille des messages et des pièces jointes envoyés par le salarié26. Aucun contrôle du contenu des messages « personnels » n’étant réalisé, tout risque de violation du secret des correspondances est écarté. Enfin, rien n’exclut que jaillissent des courriels personnels de la messagerie professionnelle les éléments d’un trouble objectif et caractérisé infligé à l’entreprise. Reste donc toujours à l’employeur « cette soupape de sécurité du trouble objectif »27 et « le risque d’un licenciement non disciplinaire sur ce fondement ne saurait alors être tenu pour négligeable »28.

II – Espoirs liés à la protection des correspondances issues de la messagerie personnelle

Des espoirs liés à la protection des correspondances issues de la messagerie personnelle du salarié semblent permis au regard de la jurisprudence récente (A). Risquent-ils toutefois d’être contrariés (B) ?

A – Espoirs permis

Avec deux arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation en 2016, la protection du secret des correspondances pourrait retrouver une certaine vigueur en ce qui concerne les messages figurant dans la messagerie personnelle. La jurisprudence de la chambre sociale prendrait-elle un tournant par rapport à la position retenue depuis 2013 ?

En effet, depuis une décision du 19 juin 2013, l’interdiction faite à l’employeur de se prévaloir des messages figurant dans la messagerie personnelle du salarié au nom du secret des correspondances devait s’effacer lorsque lesdits messages avaient été enregistrés sur le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’entreprise29. En prenant l’initiative d’enregistrer sur le disque dur d’un ordinateur de l’entreprise des messages, et le cas échéant des fichiers l’accompagnant, provenant initialement de la messagerie personnelle, sans les identifier comme « personnels », le salarié en changerait la destination. Les messages deviendraient professionnels. L’employeur peut alors les consulter à l’insu du salarié et les produire en justice comme moyen de preuve.

Or, dans un arrêt du 26 janvier 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation décide « qu’ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances »30. Elle confirme sa position dans l’arrêt du 7 avril 201631 et rejoint celle de la chambre commerciale retenue en 201332.

Les solutions récentes de la chambre sociale peuvent toutefois donner lieu à deux interprétations33. D’après une première interprétation, la chambre sociale affinerait seulement sa jurisprudence en la matière, sans qu’il ne s’agisse d’un revirement par rapport à la décision précitée du 19 juin 201334. Cette interprétation est fondée sur une distinction technique reposant sur le critère de l’intégration du message provenant de la messagerie personnelle dans le disque dur de l’ordinateur de l’entreprise. Dans l’arrêt du 19 juin 2013, le courriel issu de la messagerie personnelle avait en effet été intégré au disque dur de l’ordinateur professionnel35. La messagerie devait utiliser un logiciel installé sur l’ordinateur de traitement des mails du type « Outlook »36. Cela ne semblerait pas être le cas dans les deux arrêts de 2016. Ainsi, en admettant que les messages n’ont pas été récupérés sur le disque dur de l’ordinateur professionnel, il ne s’agirait que d’une consultation d’un site de messagerie ouverte sur un navigateur. Les messages ne deviendraient pas professionnels car ils n’auraient pas été intégrés dans le disque dur de l’ordinateur professionnel. Cette interprétation laisse toutefois perplexe. « Elle résulte d’une analyse plus factuelle que juridique des deux espèces »37. Les faits comme les motifs de l’arrêt ne sont pas si explicites. En outre, quelle serait la finalité de cette distinction ? La distinction technique existe effectivement, mais suffit-elle à écarter la protection du secret des correspondances dans un cas et non dans l’autre ? Quelles sont les valeurs protégées différemment ici ? Est-ce que la protection du secret des correspondances devrait reposer sur une distinction technique pas toujours maîtrisée par les employeurs38 et qui complexifie, encore un peu plus, le régime applicable aux messages électroniques, réduisant à peau de chagrin la protection du secret des correspondances électroniques dans l’entreprise ?

Une seconde interprétation devrait donc être préférée, celle d’un revirement, la chambre sociale recadrant sa jurisprudence. Dans l’arrêt du 19 juin 2013, la provenance initiale de la messagerie personnelle du salarié ne conférait pas en soi au courriel un caractère personnel. Le matériel de l’entreprise – l’intégration dans le disque dur de l’ordinateur professionnel – attachait un caractère professionnel au message. Il appartenait donc au salarié d’avoir identifié le message comme personnel. « La détermination objective du caractère professionnel ne cédait que devant une précision subjective »39. Mais avec les arrêts précités de 2016, la provenance du courriel pourrait suffire à identifier ce dernier comme personnel. Qu’il ait été ensuite intégré ou non au disque dur de l’ordinateur professionnel, le message provenant de la messagerie personnelle se verrait appliquer la protection du secret des correspondances. Ainsi interprétée, la solution issue des deux arrêts précités rendus par la chambre sociale en 2016, reposant sur le secret des correspondances, devrait être circonscrite aux courriels sans être étendue aux fichiers, le fondement de protection étant différent40. La prudence devrait alors être de mise pour l’employeur s’il veut accéder à la messagerie personnelle du salarié même depuis l’ordinateur de l’entreprise et utiliser ensuite le contenu des messages y figurant.

B – Espoirs contrariés ?

La protection du secret des correspondances figurant dans la messagerie personnelle du salarié bénéficierait d’un regain de vigueur avec les arrêts précités rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation en 2016, le critère du rattachement à l’ordinateur professionnel pouvant paraître indifférent. Malgré cela, la protection ne serait toutefois pas absolue. Pour exemple, il suffit de citer une décision du 1er décembre 2015, où le secret des correspondances cède face au pouvoir disciplinaire de l’employeur et surtout au droit à la preuve. Un responsable de magasin entretenait des échanges avec son adjointe en dehors du temps et du lieu de travail, grâce à une messagerie électronique personnelle. L’employeur l’avait licencié pour faute grave car « les échanges entre le salarié et une [autre] employée placée sous son autorité hiérarchique dénotait de la part de celui-là, une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle, quand bien même ils avaient lieu sur une messagerie privée en dehors des horaires de travail, et un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile »41. Ce n’est pas le motif de licenciement qui surprend ici. Il est acquis qu’un fait de la vie personnelle, s’il caractérise un manquement à une obligation du contrat de travail, peut fonder une sanction disciplinaire. En revanche, il est plus étonnant que l’employeur ait pu accéder librement à la messagerie personnelle et se fonder sur des échanges émis grâce à cette messagerie personnelle pour prononcer le licenciement pour faute et qu’il puisse produire ces éléments comme preuve, quelle que soit leur provenance42. La fin justifierait-elle les moyens ? Le secret des correspondances serait alors, une fois encore, écarté au profit du droit à la preuve. Il est permis de rapprocher la solution de la chambre sociale de celle rendue par la première chambre civile le 5 avril 2012 selon laquelle une lettre peut être produite en justice sans le consentement de son auteur si sa production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionné au but recherché43. En revanche, la solution de la chambre sociale se démarque très nettement de celle rendue par la chambre commerciale à propos de la consultation par un chef d’entreprise de la messagerie personnelle de ses anciens salariés auxquels il reprochait des actes de concurrence déloyale44. La chambre commerciale avait décidé que les messages figurant sur une messagerie personnelle distincte de la messagerie professionnelle doivent être écartés des débats, peu important à cet égard que leur contenu fût en rapport avec l’activité professionnelle des anciens salariés. Il appartient ainsi à la chambre sociale de clarifier sa ligne de conduite et les valeurs pouvant prévaloir sur l’intimité de la personne protégée par le secret des correspondances.

Enfin, les espoirs concernant la protection des correspondances pourraient s’avérer également contrariés avec les questions issues des nouvelles pratiques dans l’entreprise. De plus en plus de salariés utilisent, sans avoir nécessairement reçu une autorisation préalable de leur employeur, leurs propres outils technologiques, notamment pour synchroniser leurs agendas ou contacts personnels45. Une telle utilisation non encadrée est susceptible d’être préjudiciable à l’entreprise46. Or, l’employeur ne peut pas accéder aux outils personnels du salarié sans prendre le risque d’atteindre des données personnelles de ce dernier et de violer le droit au respect de la vie privée, voire s’agissant précisément des courriels, de violer le secret des correspondances. Pour contrer ces difficultés, des dispositifs sont toutefois proposés par certaines entreprises. Après la création d’espaces hermétiques sur les outils personnels des salariés ou encore le cryptage des données professionnelles, l’employeur peut, depuis un ordinateur de l’entreprise, accéder aux seules données professionnelles et contrôler l’utilisation qui est faite de l’espace professionnel47.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Gény F., « Des droits sur les lettres missives », S. 1911, 1, n° 83, p. 218.
  • 2.
    Cnil, 21e rapport d’activité, 2000, p. 133.
  • 3.
    Corrignan-Carsin D., « Messagerie professionnelle et vie privée du salarié », in Mélanges en l’honneur de Jerry Saint-Rose, 2011, Bruylant, p. 361, spéc. p. 362.
  • 4.
    Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-42942 : Bull. civ. V, n° 291 ; D. 2001, p. 3148, note Gauthier P.-Y. ; Dr. soc. 2001, p. 915, note Ray J.-E. ; Waquet P., « Retour sur l’arrêt Nikon », SSL, n° 1065, p. 5 ; JCP E 2001, 1918, note Puigelier C.
  • 5.
    Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-42942 : Bull. civ. V, n° 291 : « Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçu par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ». La solution est rendue au visa de l’article 8 de la Conv. EDH, l’article 9 du Code civil, l’article 9 du nouveau Code de procédure civile et l’article L. 120-2 du Code du travail. V. D. 2001, p. 3148, note Gauthier P.-Y. ; Dr. soc. 2001, p. 915, note Ray J.-E. ; Waquet P., « Retour sur l’arrêt Nikon », SSL, n° 1065, p. 5 ; JCP E 2001, 1918, note Puigelier C.
  • 6.
    Définition du courrier électronique : Cons. const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC.
  • 7.
    À propos des dossiers et fichiers informatiques créés grâce à l’ordinateur mis à disposition par l’employeur (Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 04-48025 : Bull. civ. V, n° 308) ; des connexions établies par le salarié pendant son temps de travail grâce à l’ordinateur fourni par l’entreprise (Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 06-45800 : Bull. civ. V., n° 150 ; Dr. soc. 2008, note Ray J.-E.).
  • 8.
    Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-40274 : Bull. civ. V, n° 153 ; JCP G 2009, 263, Maillard S. ; JCP S 2009, 1362, Jeansen E. ; Contrats, conc. consom. 2009, comm. 106, Caprioli E. A. – Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 08-42486.
  • 9.
    Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 08-42486. V. infra.
  • 10.
    Cass. soc., 11 juill. 2012, n° 11-22972. V. aussi mais sans la formule, à propos de la protection d’une correspondance privée et du pouvoir disciplinaire de l’employeur : Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803 : JCP G 2007, II, 10129, note Loiseau G. ; D. 2007, p. 2137, note Mouly J.
  • 11.
    Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-40274.
  • 12.
    Bossu B., JCP S 2016, 1087, note sous Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15460 : Bull. civ. V, à paraître.
  • 13.
    Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-40274 ; Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 08-42486, « sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les messages identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ».
  • 14.
    Corrignan-Carsin D., « Messagerie professionnelle et vie privée du salarié », préc., p. 372.
  • 15.
    Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-40274.
  • 16.
    Corrignan-Carsin D., « Messagerie professionnelle et vie privée du salarié », préc., p. 372.
  • 17.
    V. par ex. : Cass. soc., 10 juin 2008, n° 06-19229 : JCP G 2008, act. 453, obs. Dauxerre L.
  • 18.
    Ray J.-E., « Actualité et TIC », Dr. soc. 2007, p. 951.
  • 19.
    Bossu B., JCP S 2016, 1087, note sous Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15460 : Bull. civ. V, à paraître. Malgré tout, il semble que la position de la chambre sociale reste plus nuancée que celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, spécialement dans sa décision du 12 janvier 2016 (CEDH, 12 janv. 2016, n° 61496/08, Barbulescu c/ Roumanie : JCP G 2016, 124, obs. Corrignan-Carsin D.).
  • 20.
    Corrignan-Carsin D., « Messagerie professionnelle et vie privée du salarié », préc., p. 372.
  • 21.
    V. par ex. : Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45269 : Bull. civ. V, n° 152.
  • 22.
    Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803 : D. 2007, p. 2137, note Mouly J. ; JCP G 2007, II, 10129, Loiseau G. Plus largement, « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » : Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67464 : JCP S 2011, 1312, note Corrignan-Carsin D. ; JCP G 2011, 764, note Mouly J.
  • 23.
    Cass. soc., 5 juill. 2011, n° 10-17284 : D. 2012, p. 901, note Lokiec P. et Porta J. ; RDT 2011, p. 708, note Kocher M.
  • 24.
    Ce qui est à rapprocher d’un autre arrêt où elle décide que la seule réception de mails non sollicités accompagnés d’images pornographiques n’est pas non plus constitutive de faute : Cass. soc., 14 avr. 2010, n° 08-43258 : D. 2010, p. 1221, obs. Astaix A.
  • 25.
    Par exemple : un salarié qui avait envoyé des courriels à caractère pornographique et adressé le fichier d’adresses de l’entreprise à des sociétés concurrentes (Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 08-42486) ; un salarié utilisant la messagerie professionnelle pour émettre des courriels contenant des propos antisémites (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45269 : Bull. civ. V, n° 152).
  • 26.
    Le fait, par exemple, d’utiliser à des fins personnelles la connexion internet de l’entreprise pour une durée totale de 41 heures dans le mois constitue une faute grave : Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44247 : D. 2009, p. 1093, note Dechristé C.
  • 27.
    Corrignan-Carsin D., « Messagerie professionnelle et vie privée du salarié », préc., p. 379.
  • 28.
    Teyssié B., Droit des personnes, 16e éd., 2014, LexisNexis, n° 110 ; v. par exemple : Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803, préc.
  • 29.
    Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-12138 : Bull. civ. V, n° 158 ; JCP S 2013, 1360, note Bossu B. : « Les courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à la disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle ».
  • 30.
    Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15360, PB.
  • 31.
    Confirmation avec l’arrêt du 7 avril 2016 : « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée, si le message électronique litigieux n’était pas issu d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité et s’il n’était pas dès lors couvert par le secret des correspondances, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
  • 32.
    Cass. com., 16 avr. 2013, n° 12-15657 : avait été écarté des débats un message reçu par un salarié sur une adresse personnelle qui permettait pourtant, selon l’employeur, de démontrer l’existence d’actes de concurrence déloyale de la part du salarié.
  • 33.
    V. spéc. sur ces interprétations : Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15360 : Cah. soc. mars 2016, n° 118b5, p. 142, note Icard J.
  • 34.
    V. en ce sens : Bossu B., JCP S 2016, 1087, note sous Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15460, PB.
  • 35.
    Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-12138 : Bull. civ. V, n° 158 ; JCP S 2013, 1360, note Bossu B.
  • 36.
    Cah. soc. mars 2016, n° 118b5, p. 142, note Icard J.
  • 37.
    Icard J., préc.
  • 38.
    Icard J., préc.
  • 39.
    Icard J., préc.
  • 40.
    V. not. à propos d’une clé USB : Cass. soc., 12 févr. 2013, n° 11-28649 : Bull. civ. V, n° 34 ; RDT 2013, p. 339, note Nord-Wagner M. La chambre sociale a décidé qu’une clé USB connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur est présumée être utilisée à des fins professionnelles. La clé est considérée comme une « extension » de l’ordinateur professionnel. La présomption de professionnalité s’applique. Si le salarié n’a pas identifié les fichiers comme personnels, l’employeur peut les consulter librement.
  • 41.
    Cass. soc., 1er déc. 2015, n° 14-17701.
  • 42.
    Avec une telle solution, la protection du secret des correspondances semble encore moindre que lorsque le message est tiré de la messagerie professionnelle, car aucune procédure n’est à respecter, même pas l’exigence de la présence du salarié. Puisque c’est ensuite au vu du contenu des messages et de la caractérisation d’une faute qu’il faut pouvoir prouver, qu’il est admis rétrospectivement que l’employeur pouvait ouvrir les messages. L’arrêt n’est toutefois pas publié.
  • 43.
    Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 11-14177 : Bull. civ. I, n° 85 ; RDT civ. 2012, p. 506, note Hauser J.
  • 44.
    Cass. com., 16 avr. 2013, n° 12-15657.
  • 45.
    Le Moine L., « Accompagner et contrôler le BYOD », in La lettre innovation et perspective de la Cnil, n° 07, juin 2014.
  • 46.
    Notamment : la perte ou le vol de données professionnelles.
  • 47.
    Le Moine L., « Accompagner et contrôler le BYOD », préc.
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