L’obligation de loyauté du salarié et de l’employeur

Publié le 13/06/2019

À l’occasion de la rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée d’un sportif professionnel, il a été jugé que pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut, pour procéder à une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté qui sont constitutifs d’une faute grave. Cela s’est fait sur la base d’une interprétation large de cette obligation qui se conçoit dans ce secteur particulier en raison de certaines spécificités des obligations de ces salariés particuliers que sont les sportifs professionnels, une interprétation plus restrictive s’avère plus judicieuse pour les salariés de droit commun. Cette décision pose aussi la question de l’obligation de loyauté de l’employeur.

Cass. soc., 20 févr. 2019, no 17-18912, PB

Les faits

Un joueur professionnel de basket qui avait été embauché en contrat de travail à durée déterminé a été victime d’un accident du travail causé par une blessure entraînant un arrêt de travail et la nécessité de soins pour permettre à l’intéressé de parvenir à la restauration de son potentiel physique. Pour ces salariés particuliers que sont les sportifs professionnels, pour lesquels, même si c’est avec des aménagements1 et des particularités2 qu’il y a lieu de combiner3, le droit du travail pénètre leur activité4, l’aptitude physique est un élément essentiel du contrat5. Le salarié n’avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et n’était pas demeuré à la disposition de l’équipe médicale chargée de mettre en œuvre le protocole de soins nécessaires pour lui permettre de retrouver la plénitude de son potentiel physique antérieur à l’accident du travail6.

L’employeur, se basant sur ce non-respect par le salarié de son obligation de loyauté, décide de le licencier pour faute grave avant le terme du contrat qui était à durée déterminée7.

La procédure

La cour d’appel a jugé que l’obligation pour un sportif professionnel née de son contrat de travail8 et de la convention collective de la branche du basket9 de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique en cas de blessure subsistait même durant la période d’arrêt de travail consécutive à un accident du travail10.

Le salarié fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts en invoquant que si la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident professionnels ne fait pas obstacle au maintien d’une obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur, elle dispense le salarié de son obligation de fournir sa prestation de travail, de sorte qu’il ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur.

La Cour de cassation décide que pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut, mais seulement dans le cas d’une rupture, avant le terme du contrat, pour faute grave11, reprocher au salarié des manquements à son obligation de loyauté, et que pour apprécier cette situation il y a lieu de tenir compte de la spécificité du métier de sportif professionnel qui oblige le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique, le salarié n’ayant pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et n’étant pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins. Elle en a conclu, comme la cour d’appel, que constitue une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée le fait pour un sportif professionnel arrêté après un accident du travail de ne pas avoir suivi le protocole de soins décidé par son club et nécessaire à la reprise de son activité, faisant de l’existence de cette abstention un manquement du salarié à son obligation de loyauté considéré comme une faute grave et elle rejette le pourvoi. Cette décision, fondée sur l’obligation de loyauté du salarié qui, pour les sportifs professionnels présente des caractères particuliers a déjà, sur cet aspect, été commentée12 notamment en se penchant sur l’aspect loyauté du salarié, appliquée au cas particulier du salarié sportif professionnel, dont elle consacre une interprétation large, permettant de la qualifier de faute grave pouvant permettre le licenciement d’un salarié avant l’échéance d’un contrat à durée déterminé (I). Il ne paraît pas souhaitable d’élargir cette décision aux salariés de droit commun, et la Cour ne l’admet que dans le cas particulier du sportif professionnel et de son refus de se faire soigner pour permettre la récupération de son potentiel physique initial. Il paraît souhaitable de maintenir une telle obligation dans le cadre étroit et spécifique du sport professionnel. Pour les salariés de droit commun pour qui une telle obligation se pose en des termes différents, pour eux le non-respect d’une obligation de soins pendant l’arrêt de travail ne pouvant être considérée comme une faute grave ni même un manquement à l’obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. Cette décision est aussi l’occasion de se pencher sur la question, largement éludée y compris dans les commentaires de cette décision et peu étudiée de l’obligation de loyauté de l’employeur (II).

I – Obligation de loyauté du salarié

Compte tenu des spécificités de l’activité de l’intéressé, on applique à un salarié sportif professionnel des règles qui sont parfois des dérogations au droit du travail commun13. Ainsi, en arrêt à la suite d’un accident du travail, il peut avoir à se soigner pendant son arrêt de travail, comme c’était le cas en l’espèce en application de son contrat de travail14 et de la convention collective15, dont le non-respect est un manquement à l’obligation de loyauté (A) d’une nature particulière jugée constitutive d’une faute grave, justifiant la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminé16 avant son échéance normale17, qu’il y a lieu de rapprocher de l’obligation de loyauté des autres salariés (B) qui, pour eux, se pose le plus souvent en des termes différents.

Le fait d’être en arrêt de travail dispense le salarié de l’obligation de fournir sa prestation de travail mais pas de certaines obligations prévues au contrat. Son club reprochait à l’intéressé un manquement à l’obligation de loyauté car il n’avait donné aucune suite à la demande de son club lui rappelant le caractère obligatoire des séances de kinésithérapie et lui demandait de se manifester au plus vite auprès du staff médical.

A – Spécificités de l’obligation de loyauté du sportif professionnel et la faute grave

Si le principe est que, sauf quelques rares exceptions, il n’est pas possible de procéder à la rupture d’un contrat de travail d’un salarié pendant son arrêt en raison de la maladie ou d’un accident du travail (1), la spécificité du sport professionnel serait une justification permettant l’assouplissement de ce principe (2).

1 – Principe de suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail ou de maladie

En cas d’accident du travail ou de maladie, le contrat de travail est suspendu18, l’employeur ne peut procéder à sa rupture anticipée que pour certaines raisons dont la faute grave19, qui est celle qui s’analyse en un comportement rendant impossible le maintien du lien contractuel20. Elle s’apprécie in concreto21.

Ainsi l’exercice d’une activité salariale, libérale ou commerciale en sus des fonctions d’entraîneur en violation de la charte professionnelle du football est révélatrice d’un manque de disponibilité, qui justifie la rupture du contrat de travail pour une faute grave imputable au salarié22.

L’employeur qui n’établit pas de faute grave ne peut pas rompre le contrat à durée déterminée de façon anticipée23.

Cela concerne le salarié de droit commun comme le sportif professionnel pour qui cette règle peut parfois s’appliquer de manière spécifique.

2 – Spécificités du sport professionnel et assouplissement de l’interdiction du licenciement du salarié pendant son arrêt pour maladie ou accident

Le sportif concerné par l’arrêt estimait que si la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident professionnels ne fait pas obstacle au maintien d’une obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur24, elle le dispense de son obligation de fournir sa prestation de travail, de sorte qu’il ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur25, ce qui lui aurait permis, pendant le temps de l’arrêt, de ne pas se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique en cas de blessure26 ce qui transformait le corps du salarié en objet du contrat de travail27. La Cour de cassation délaissant le corps a préféré se placer sur le terrain de l’esprit, celui du salarié devant, selon elle, être tourné vers les intérêts de l’employeur28, et justifier sa décision en se fondant sur une obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur qui est un aspect de son obligation de fidélité29 qui se manifeste de façon particulière dans le cas spécifique du sportif professionnel. Les juges ayant retenu que la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique, et ayant constaté que pendant la période d’arrêt de travail consécutive à son accident du travail, le salarié n’avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et qu’il n’était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins, ils en ont conclu que cette attitude du salarié était un manquement de celui-ci à son obligation de loyauté constituant une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ce qui justifiait la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Pour les juges, les soins se rattachaient à l’activité de sportif professionnel, le salarié sportif professionnel était tenu de s’y soumettre en exécution tant de son contrat de travail que de la convention collective s’appliquant à lui.

La spécificité du métier de sportif professionnel oblige le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique antérieur. Les soins se rattachant à l’activité de sportif professionnel il est tenu, en général en raison de son contrat de travail ou de la convention collective, de s’y soumettre, y compris pendant une période d’arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le fait de ne pas respecter cette obligation constitue un manquement à l’obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail qui peut être reproché au salarié, et justifie son le licenciement disciplinaire pour une faute grave30. Cependant, un fait de la vie personnelle ne pouvant constituer une faute, l’employeur ne peut rompre un contrat à durée déterminée en alléguant un fait relevant de la vie personnelle du salarié. Cependant , le contrat à durée déterminée d’un sportif contenant une clause lui imposant d’adopter une hygiène de vie compatible avec la pratique du sport de haut niveau, l’état d’imprégnation alcoolique caractérisé du salarié la veille de la reprise du travail a conduit l’employeur à rompre le contrat avant le terme, estimant que ce fait rendait impossible la poursuite de la relation contractuelle, les juges ont estimé qu’ayant eu lieu en dehors du temps de travail, cette attitude ne constituait pas une faute disciplinaire31. La qualification de faute grave est écartée en cas de non-respect d’une obligation de moyens. Le domaine du sport illustre cette solution. Les mauvais résultats d’une équipe professionnelle de football ne sont pas imputables à faute à l’entraîneur qui n’est tenu qu’à une obligation de moyens32.

B – Le salarié de droit commun

1 – Suspension du contrat et de l’obligation de fournir la prestation de travail prévue au contrat

Pendant l’arrêt de travail pour accident ou maladie, le contrat de travail est suspendu. L’objectif est de préserver la stabilité du rapport contractuel33, préserver l’emploi en permettant tant à l’employeur qu’au salarié de réactiver la convention lorsque son exécution sera redevenue possible34. Pendant la suspension du contrat de travail, le droit à l’emploi du salarié est maintenu35. Pendant ce temps, l’employeur ne peut pas licencier le salarié, ou procéder à une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée sauf dans le cas d’une rupture pour faute grave36. Le non-respect de ce principe permet d’annuler le licenciement37, mais, en principe, le salarié qui, pendant cette période, est dispensé de son obligation de fournir sa prestation de travail, ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur38.

En principe, à l’issue de son congé le (la) salarié(e) retrouve en priorité son précédent emploi ou un emploi similaire rémunéré d’une manière au moins équivalente, la règle s’applique pour le salarié déclaré apte en cas de maladie ou d’accident professionnels39, l’emploi similaire est entendu de l’emploi comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l’emploi initial40. Lorsque l’emploi précédemment occupé n’est plus disponible et qu’aux propositions de postes présentant des caractéristiques équivalentes à celui-ci le salarié a opposé des refus, son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse41.

Le salarié, même s’il n’exécute pas sa prestation de travail, appartient toujours à l’entreprise. La suspension du contrat de travail dispense les parties d’exécuter, pendant le temps du congé, leurs obligations principales, les obligations dites secondaires qui sont rattachées au devoir de loyauté42 et à l’obligation de bonne foi subsistent43.

La suspension, en tant que mode de préservation du contrat, ne se conçoit que si l’élément qui entrave son exécution peut être surmonté. Durant une période de temps qui aurait normalement dû être consacrée à l’exécution du contrat de travail, le salarié est délié de son engagement de fournir la prestation de travail parce qu’il est dans l’impossibilité de le respecter.

La suspension agit pendant une durée déterminée ou, à tout le moins, déterminable44.

La finalité de la suspension est que l’exécution du contrat retrouve son cours. La suspension fait temporairement obstacle à l’exécution du contrat de travail, elle n’empêchera pas l’arrivée du terme prévu, lors de la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée, la suspension qui affecte l’exécution d’un contrat de travail à durée déterminée ne prolonge pas ce dernier45.

L’arrêt de travail en raison de l’accident du travail ou de la maladie dispense le salarié de son obligation de fournir sa prestation de travail, de sorte qu’il ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur46.

2 – Non-suspension de l’obligation de loyauté

En cas de suspension du contrat de travail, le salarié ne doit certes plus effectuer sa prestation de travail mais subsistent certaines obligations liées au contrat de travail. La suspension du contrat de travail provoquée par l’accident du travail ou la maladie et la dispense de fourniture de la prestation de travail47 ne fait pas obstacle au maintien d’une obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur48. L’employeur peut reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté, du moins si elle est caractérisée49. L’obligation de loyauté50 n’est pas supprimée51, mais la jurisprudence en a une conception restrictive52.

Pour fonder le licenciement sur la base du manquement à l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’entreprise, l’acte commis par un salarié durant la suspension de son contrat de travail doit causer un préjudice à l’employeur ou l’entreprise53.

Une activité temporaire et bénévole54 ou occasionnelle55, l’exercice d’un loisir deux jours avant la reprise prévue du travail56, le fait de participer à un examen57 ne constituent pas des actes déloyaux vis-à-vis de l’employeur, l’exercice d’une activité, même lucrative, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté.

Le manquement à l’obligation de loyauté rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise justifiant le licenciement pour faute grave58.

Pourtant il y a lieu de penser que pendant l’arrêt de travail, la notion d’obligation de loyauté du salarié à l’égard de son employeur, ne peut être admise en droit du travail, en effet durant la suspension du contrat de travail, les actes du salarié relèvent de sa vie privée59, à moins qu’ils ne constituent des actes déloyaux vis-à-vis de l’employeur, ce qui a donné lieu à des licenciements des salariés pour manquement à l’obligation de loyauté60, mais dans des circonstances exceptionnelles.

Entre dans les manquements à l’obligation de loyauté, le fait pour un comptable de dénigrer le cabinet d’avocats qui l’employait, cela constitue une faute grave, ses propos ayant nuit gravement à la réputation de l’employeur61.

Est justifié le licenciement pour faute grave d’un agent de service qui a mis en cause par voie de presse régionale le fonctionnement de la maison de retraite où elle travaillait et le comportement de son employeur sans avoir directement constaté les faits dénoncés.

Un tel comportement de dénigrement rendait impossible la poursuite du contrat de travail, même durant le préavis, et justifie le licenciement pour faute grave62.

La charge de la preuve de la déloyauté du salarié incombe par conséquent à l’employeur. À l’inverse c’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve lorsque c’est lui qui invoque le non-respect de cette obligation de loyauté par l’employeur, situation beaucoup plus rare que la précédente.

II – Obligation de loyauté de l’employeur

« On a consacrée une obligation de loyauté63 et de fidélité64 du salarié à l’égard de son employeur. Le contrat de travail est exécuté de bonne foi »65. Le contrat de travail étant un contrat synallagmatique cette obligation du salarié qui a été étudiée et parfois sanctionnée s’applique aussi à l’employeur. Cette règle découle de dispositions du Code civil66.

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi »67.

Il n’est pas nécessaire que l’obligation de loyauté soit mentionnée expressément dans le contrat de travail car elle est d’ordre public68 et s’applique donc systématiquement à tout contrat conclu entre l’employeur et le salarié. Plus généralement, il s’agit de ne pas commettre de faits susceptibles de porter préjudice à l’employeur.

Cependant, le fait d’acquérir en communauté de biens avec son épouse un fonds de commerce, dont l’activité est la même que celle de l’employeur, ne constitue pas un manquement à l’obligation de loyauté si le salarié ne participe pas lui-même à l’activité du fonds69.

L’obligation de loyauté du salarié existe durant toute la durée du contrat de travail, même pendant les arrêts de travail. Ainsi, le salarié ne peut pas se livrer, pendant ces périodes, à des actes de dénigrement ou de concurrence à l’égard de l’entreprise.

Ont été ainsi jugés comme un manquement à l’obligation de loyauté et constituant une faute grave :

  • le fait de travailler chez un concurrent pendant les congés payés ;70

  • le fait d’effectuer pour son propre compte, en cours de chantier, des travaux chez un client de l’entreprise71.

L’obligation de loyauté s’applique à tous types de contrats et à tous les salariés, quelle que soit leur position hiérarchique dans l’entreprise. Elle se renforce en fonction de la position hiérarchique du salarié dans l’entreprise et son secteur d’activité. Les cadres sont donc soumis à « une obligation de loyauté renforcée »72.

La violation de l’obligation de loyauté peut être constitutive d’une faute grave ou d’une faute lourde pouvant justifier le licenciement du salarié ou la rupture anticipée d’un CDD.

La violation de cette obligation de loyauté n’exonère pas l’employeur d’accomplir la procédure de licenciement.

L’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi est maintenant consacrée : le contrat de travail est exécuté de bonne foi73. On observera que l’emploi de l’indicatif n’est pas anodin, car ce mode de conjugaison ne tolère aucune exception74 et qu’il est admis qu’en droit français le présent vaut indicatif75. Cela permet de fonder l’obligation de loyauté de l’employeur.

Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, à l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur correspond une obligation de loyauté de l’employeur à l’égard du salarié d’autant plus que leurs fondements sont identiques76. Les contractants se doivent une confiance réciproque. La loyauté de l’un sera la contrepartie de la confiance de l’autre77.

Certains comportements de l’employeur y correspondent et ont donné lieu à quelques contentieux. On parle beaucoup de l’obligation de loyauté du salarié, beaucoup moins de la loyauté de l’employeur dont on connaît cependant quelques exemples, celle-ci peut se manifester dans l’obligation de reclassement du salarié inapte78. Une déclaration d’inaptitude, même à tout emploi, n’a pas nécessairement pour conséquence le licenciement du salarié concerné. En présence d’une inaptitude, ce n’est que si l’employeur a procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement et que le reclassement s’avère réellement impossible que le licenciement pourra intervenir79, à défaut il y a de la part de l’employeur un comportement contraire à son obligation de loyauté.

Il a été jugé que la difficulté rencontrée par la salariée pour obtenir les documents lui permettant de vérifier le calcul de sa rémunération, caractérise une faute de l’employeur qui constitue un manquement à son obligation de loyauté80.

Lorsque la rémunération afférente aux deux postes de reclassement proposés au sein du club sportif, mais cela paraît transférable à d’autres types d’entreprises, est inférieure au SMIC, l’employeur n’a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement81.

La loyauté, y compris lorsqu’il s’agit de celle de l’employeur, gagne en intensité, particulièrement en droit du travail82. En ne proposant au sportif devenu inapte que des postes de reclassement avec des rémunérations inférieures au SMIC, l’employeur n’avait pas exécuté loyalement son obligation de reclassement.

En jumelant l’obligation de reclassement avec l’exigence d’une exécution loyale, les juges ne font que confirmer l’analyse selon laquelle les obligations de reclassement se révèlent être un excellent lieu d’observation du regain de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi83.

On peut rattacher à l’obligation de loyauté de l’employeur certaines dispositions que l’on trouve dans la loi sur les sportifs professionnels et de haut niveau84, telles l’obligation, qui pèse sur l’employeur et a pour objet d’interdire la « mise au placard » d’un joueur, le club employeur devant lui fournir les « conditions de préparation et d’entraînement équivalentes à celles des autres sportifs professionnels salariés »85, et l’autre qui a pour but d’organiser son « suivi socioprofessionnel »86.

Mais elle existe aussi pour les salariés de droit commun avec un fondement sur des principes que l’on trouve dans le Code civil87 et qui ne demandent qu’à être appliqués même si les tribunaux le font rarement.

On pourrait rattacher ce type de comportement de l’employeur à un manquement à son obligation de loyauté.

Même si la jurisprudence n’a pas encore statué en ce sens, certains licenciements économiques communément appelés « licenciements boursiers » s’accordent mal avec l’obligation de loyauté de l’employeur à l’égard des salariés ce qui donne un fondement aux juges pour les annuler de même que bien d’autres mesures défavorables aux salariés. Les juges, comme ils y ont été invités par la Cour de cassation88, vont-ils se saisir des dispositions de l’ordonnance ayant réformé le Code civil89 pour interpréter à sa lumière le nouveau droit du travail et utiliser l’obligation de loyauté de l’employeur à l’égard du salarié qui y trouve un fondement pour annuler les mesures qui s’avèrent défavorables au salarié en raison de l’existence d’un comportement contestable de l’employeur ? Mais cela paraît contraire à l’esprit que certains voient souffler dans le nouveau Code du travail qui maintenant, alors que ce fut longtemps l’inverse, apparaît moins favorable aux salariés que le droit civil.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2015-1541, 27 nov. 2015 sur les sportifs professionnels et de haut niveau : JO, 28 nov. 2015.
  • 2.
    Pagani K., Sport et droit du travail : entre droit commun et droit spécial, Thèse Paris 2, 2012 ; Chenu D., « Le recours au CDD dans le secteur sportif en quête de cohérence » in Mélanges Forest G., 2014, Dalloz, p. 85 et s.
  • 3.
    Jacotot D., « Combiner les dispositions du Code du travail, les clauses des contrats de travail dans le sport et des conventions et accords collectifs propres au sport », JCP S 2016, 1135.
  • 4.
    Jacotot D., « Le droit du travail à l’épreuve de la loi relative aux sportifs professionnels et de hauts niveaux », JCP S 2016, 1032, n° 4.
  • 5.
    Bourgeot S., « Contrat de travail à durée déterminée, résiliation judiciaire en cas d’inaptitude physique du salarié », RJS 2002, p. 707.
  • 6.
    Aumeran X., « La protection des sportifs de haut niveau contre les accidents du travail et maladies professionnelles », Cah. dr. sport. 2016, p. 17.
  • 7.
    C. trav., art. L. 1241-1 à C. trav., art. L. 1248-11.
  • 8.
    Contrat de travail du joueur, art 8.
  • 9.
    Articles 10.1 et 8.2 de la Convention collective de la branche du basket.
  • 10.
    C. trav., art. L. 1226-7.
  • 11.
    C. trav., art. L. 1243-1.
  • 12.
    « Du devoir pour le sportif professionnel en arrêt de respecter certaines obligations spécifiques », JCP S 2019, 99, n° 9.
  • 13.
    Karaquillo J.-P., « Activité sportive et salaria », Dr. soc. 1979, p. 22 ; Saint-Jours Y.., « Le sport au regard du droit du travail et de la sécurité sociale », JCP G 1977, I, 2848.
  • 14.
    Contrat de travail du joueur, art 8.
  • 15.
    Art. 10.1 et 8.2 de la Convention collective de la branche du basket.
  • 16.
    Art. L. 1226-7.
  • 17.
    C. trav., art. L. 1243-1 ; « Du devoir pour le sportif professionnel en arrêt de respecter certaines obligations spécifiques », JCP S 2019, 99, n° 9.
  • 18.
    C. trav., art. L. 1243-1.
  • 19.
    C. trav., art. L. 1226-7.
  • 20.
    C. trav., art. L. 1243-1.
  • 21.
    Cass. soc., 27 sept. 2007, n° 06-43867 : JCP S 2007, 1934, note Bugada A. ; RJS 2007, n° 1261 ; RDT 2007. 650, obs. Auzero G. ; JCP S 2007, II, 10188, note Corrignan-Carsin D.
  • 22.
    Cass. soc., 23 janv. 2013, n° 11-26372.
  • 23.
    Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-30095 : JCP S 2016, 1135.
  • 24.
    Cass. soc., 6 mai 1981, n° 79-41439 : Bull. civ. V, n° 372.
  • 25.
    Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41343, D – Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-16167.
  • 26.
    Cass. soc., 15 juin 1999, n° 96-44772.
  • 27.
    Faucher B., La santé du sportif professionnel salarié, avant-propos Buy F., préf. Chaumette P., 2015, PUAM Collection du Centre de droit du sport.
  • 28.
    Bonnechère M., « Le corps laborieux », Dr. ouvrier 1994, p. 173-185.
  • 29.
    Malegat L. « Clauses de mobilité : les salariés n’ont qu’une famille, l’entreprise ! », Dr ouvrier 2018, p. 750.
  • 30.
    Zajac P., L’obligation de fidélité du salarié, 1994, Thèse de doctorat en Droit privé, Decoopman N (dir.).
  • 31.
    Cass. soc., 22 avr. 1964 – Cass. soc., 20 nov. 1991, n° 89-44605.
  • 32.
    Cass. soc., 3 juin 2009, n° 07-44513 : RJS 2009, n° 712 – V. Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803 : Bull. civ. ch. mixte, n° 3 ; JCP E 2007, 1844, obs. Puigelier C. ; RJS 2007, n° 810.
  • 33.
    Cass. soc., 8 juill. 1992, n° 88-42647 : RJS 1992, n° 966, 2e esp. 
  • 34.
    Treillard J., « De la suspension du contrat de travail », in La tendance à la stabilité du rapport contractuel, Études de droit privé, 1960, LGDJ, p. 59.
  • 35.
    Béraud J.-M., La suspension du contrat de travail, Essai d’une théorie générale, 1980, Sirey. Iriart P, L’inactivité du salarié, 1996, Thèse Bordeaux IV. Camerlynck G.-H., Droit du travail, t. 1, Le contrat de travail, 1982, 2e éd., Dalloz, p. 273, n° 238. Favennec-Hery F. et Verkindt P.-Y., Droit du travail, 2016, 5e éd., LGDJ, p. 443, n° 600. Auzero G. et Dockès E., Droit du travail, 30e éd., 2016, Dalloz, nos 338 et s., p. 378 et s. Gaudu F. et Vatinet R., Traité des contrats, Les contrats du travail, 2001, LGDJ, nos 343 et s., p. 303 et s.
  • 36.
    Cass. soc., 5 mars 1987, n° 84-42895 : Bull. civ. V, n° 109.
  • 37.
    C. trav., art. L. 1226-9 – CA Paris, 6-8, 8 déc. 2016, n° 13/10631.
  • 38.
    C. trav., art. L. 1226-13.
  • 39.
    CA Bordeaux, ch. soc., sect. B, 28 juin 2012, n° 11/02418.
  • 40.
    C. trav., art. L. 1226-8.
  • 41.
    Cass. soc., 24 mars 2010, n° 09-40339 : JCP S 2010, 1287, note Everaert-Dumont D.
  • 42.
    Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-12245 : JCP S 2015, 1311, note Dumont F.
  • 43.
    Teissier A., La loyauté dans les relations individuelles de travail, 1997, Thèse Paris II ; Corrignan-Carsin D., Loyauté et droit du travail in Mélanges en l’honneur de H. Blaise, 1995, Economica, p. 125 ; Teissier A., « Loyauté et contrat de travail : contre quelques idées reçues », JCP S 2005, n° 1217, p. 5.
  • 44.
    Corrignan-Carsin D., Loyauté et droit du travail in Mélanges en l’honneur de H. Blaise, 1995, Economica, p. 125. Gautier P.-Y., Les interactions du droit civil et du droit du travail : Les sources du droit du travail, Teyssié B. (dir.), 1998, PUF, coll. « Droit, éthique, société », p. 129. Teissier A., La loyauté dans les relations individuelles de travail, 1997, Thèse Paris II. Vasseur-Lambry F., « La bonne foi dans les relations individuelles de travail », LPA 17 mars 2000, p. 4. Vigneau C., « L’impératif de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail », Dr. soc. 2004, p. 706.
  • 45.
    Ghestin J., Billiau M. et Jamin C., Traité de droit civil, Les effets du contrat, 2001, 3e éd., LGDJ, p. 464, n° 407.
  • 46.
    C. trav., art. L. 1243-6.
  • 47.
    Cass. soc., 15 juin 1999, n° 96-44772 : JurisData n° 1999-002496.
  • 48.
    Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41343, D : JurisData n° 2003-018591 – Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-16167 : JurisData n° 2005-027829.
  • 49.
    Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41343, D : JurisData n° 2003-018591 – Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-16167 : JurisData n° 2005-027829 – La maladie suspend le contrat de travail mais pas l’obligation de loyauté, note sous Cass. soc., 28 janv. 2015, n° 13-18354, C. trav., art. L. 1222-1.
  • 50.
    CA Agen, ch. soc., 4 mai 2010, n° 09/00793, Aubert c/SELAFA Légi-Conseils du Sud-Ouest Numéro : JurisData : 2010-014347, a contrario.
  • 51.
    C. civ., art. 1135 devenu C. civ., art. 1104, note sous Cass. soc., 28 janv. 2015, n° 13-18354, C. trav., art. L. 1222-1.
  • 52.
    Cass. soc., 15 juin 1999, n° 96-44772.
  • 53.
    Cass. soc., 16 juin 1998, n° 96-41558 – Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40894.
  • 54.
    Cass. soc., 12 oct. 2011, n° 10-16649.
  • 55.
    Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40894 – Cass. soc., 11 juin 2003, n° 02-42818.
  • 56.
    Cass. soc., 28 nov. 2006, n° 05-41845.
  • 57.
    Cass. soc., 26 janv. 1994, n° 92-40090.
  • 58.
    Cass. soc., 2 juill. 1996, n° 93-43529.
  • 59.
    Cass. soc., 28 janv. 2015, n° 13-18354.
  • 60.
    C. trav., art. L.1121-1, art. 8 CEDH
  • 61.
    Cass. soc., 10 mai 2001, n° 99-40584 : Bull. civ. V, n° 159 – Cass. soc., 25 févr. 2003, n° 00-42031 : Dr. sociétés 2003, p. 275 – Cass. soc., 3 avr. 2007, n° 05-45123.
  • 62.
    Cass. soc., 21 mars 1996, n° 93-40885.
  • 63.
    Cass. soc., 15 juin 2010, n° 09-41550 : JurisData n° 2010-009551 – Cass. soc., 6 juill. 2005, n° 04-46085 : JurisData n° 2005-029562 – CA Paris, 18e ch., sect. C, 14 déc. 2006, n° 06/10507 : JurisData n° 2006-323756.
  • 64.
    C. trav., art. L. 1222-1.
  • 65.
    Zajac A., L’obligation de fidélité du salarié, Thèse Amiens 1994.
  • 66.
    C. trav., art. L. 1222-1.
  • 67.
    C. civ., art. 1104 et C. civ., art. 1194, Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
  • 68.
    C. civ., art. 1194.
  • 69.
    C. civ., art. 1094.
  • 70.
    Cass. soc., 20 mars 2007, n° 05-42635.
  • 71.
    Cass. soc., 14 déc. 2005, n° 03-47970.
  • 72.
    Cass. soc., 15 janv. 2015, n° 12-35072.
  • 73.
    Cass. soc., 31 oct. 2012, n° 11-17695.
  • 74.
    C. trav., art. L. 1222-1.
  • 75.
    Carbonnier J., Droit civil, t. 2, Les biens, les obligations, 2e éd., 2017, PUF, collection Quadrige.
  • 76.
    Richevaux M., « Quelques principes relatifs à l’interprétation de la norme de droit », Dr. ouvr. 1991.
  • 77.
    C. civ., art. 1104, Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016.
  • 78.
    Picod Y., Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, 1989, LGDJ, p. 18.
  • 79.
    Chirez F., « La loyauté dans l’obligation de reclassement du salarié inapte », obs. sous Cass. soc., déc. 2012, M. C. c/ Sté Stade brestois – Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-21849, M. C. c/ Sté Stade brestois : CSBP janv. 2013, n° CSBP2013-248-A9, p. 14.
  • 80.
    Jurisprudence constante exemples : Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 08-42212 : JurisData n° 2009-049459 : JCP S 2009, 1523, note Verkindt P.-Y – Cass. soc., 20 sept. 2006, n° 05-40526 : JurisData n° 2006-035018 ; JCP S 2006, 1861, note Verkindt P.-Y. – Cass. soc., 3 mai 2006, n° 04-40721 : JurisData n° 2006-033332 ; JCP S 2006, 1473, note Verkindt P.-Y – Cass. soc., 7 juill. 2004, nos 02-47686 et 03-43906 : JurisData n° 2004-024599 – Cass. soc., 7 juill. 2004, n° 02-45350 : JurisData n° 2004-024601 – Cass. soc., 7 juill. 2004, n° 02-42891 : JurisData n° 2004-024603 – Cass. soc., 7 juill. 2004, n° 02-47458 : JurisData n° 2004-024604 : Dr. soc. 2005, p. 35, obs. Savatier J. – Cass. soc., 26 nov. 2002, n° 00-41633 : JurisData n° 2002-016586 ; Bull. civ. V, n° 354 ; RJS 2003, n° 178.
  • 81.
    Cass. soc., 1er déc. 2016, n° 15-50035, D : JurisData : 2016-025400.
  • 82.
    Cass. soc., 14 sept. 2016, n° 15-16764 – Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-21849.
  • 83.
    Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-21849.
  • 84.
    Héas F., Le reclassement du salarié en droit du travail, 2000, LGDJ, Bibliothèque de droit social, 452 p, Supiot A.
  • 85.
    Jacotot D., « Le droit du travail à l’épreuve de la loi relative aux sportifs professionnels et de hauts niveaux », JCP S 2016, 1032, n° 4.
  • 86.
    C. sport, art. L. 222-2-9.
  • 87.
    C. sport, art. L. 222-2-10.
  • 88.
    C. civ., art. 1104.
  • 89.
    Cass. soc., 13 déc. 2017, n° 16-12397.
  • 90.
    Ord. n° 2016-131, 10 fév 2016, portant réforme du droit des obligations et de la preuve.
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