2e commission : Solidarités

L’habilitation familiale, entre tradition et modernité

Publié le 08/09/2017

Distincte de la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle et du mandat de protection future, l’habilitation familiale est la cinquième mesure de protection juridique applicable depuis le 1er janvier 2016. Par ses conditions, sa procédure et ses effets, elle se caractérise, malgré des similitudes avec les quatre autres mesures, par une grande originalité. Conçue pour restaurer le principe de préférence familiale et faciliter les solidarités familiales, cette jeune institution demeure une source d’interrogations tant on peut douter que la technique juridique soit à la hauteur des difficultés patrimoniales et humaines que réserve aux familles la prise en charge de la personne et des biens d’un être hors d’état de manifester sa volonté. Une analyse comparée de l’habilitation familiale avec les quatre autres mesures de protection juridique offre des propositions pour améliorer les dispositifs existants et pérenniser l’adhésion de la famille qui a présidé à l’ouverture de l’habilitation familiale.

1. La solidarité familiale, une vertu polymorphe disciplinée par des techniques juridiques. Hautement porté par notre devise républicaine, l’idéal de fraternité se réalise jour après jour par des phénomènes de solidarité, dont sont acteurs l’État et les collectivités territoriales, les associations caritatives et les familles. La loi encourage les solidarités familiales et les dote d’une force normative pour organiser leur mise en œuvre dans le respect de la subsidiarité des aides sociales et des politiques publiques1. Selon la plus belle doctrine, la solidarité familiale se définit comme un « impératif d’entraide qui, dans l’épreuve, soumet réciproquement les plus proches parents et alliés à des devoirs élémentaires de secours et d’assistance (l’obligation alimentaire et les charges tutélaires), et se prolonge après la mort par une vocation successorale réservataire »2. La solidarité familiale n’est donc pas seulement une vertu morale ou « privée »3 ; elle est aussi le fondement commun à l’obligation alimentaire, l’attribution de la charge de protection juridique et la réserve héréditaire. Chacune de ces institutions se croise et se superpose en partie si l’on considère l’intensité de leurs effets et l’étendue de leur domaine. La famille n’est pas définie par le Code civil qui en livre trois conceptions distinctes selon que la famille est alimentaire4, tutélaire5 ou successorale6. Néanmoins, chacune de ces conceptions familiales partage un socle commun, fondateur, composé du mariage et de la filiation. Au-delà, les autres formes de vie de couple (concubinage ou pacte civil de solidarité), la parenté en ligne directe ou collatérale, et l’alliance entrent dans le cercle familial ou restent à l’extérieur, selon que la famille est alimentaire, tutélaire ou successorale. En dehors du logement qui matérialise l’unité, la famille serait devenue une entité à géométrie variable, incertaine et fuyante7. En témoigne la singularité des familles – alimentaire, tutélaire ou successorale – au regard de l’alliance et des autres formes de la vie de couple. Alors que ces liens familiaux sont ignorés du droit des successions8 et, sauf exceptions, du droit des aliments9, ils légitiment la saisine du juge des tutelles et l’attribution de la mesure de protection juridique à un allié, le concubin ou le partenaire pacsé. L’élargissement de la famille tutélaire est un remède à l’isolement social de la personne vulnérable. L’enjeu est tout autre en matière successorale où la transmission des biens doit avoir du sens10. Le resserrement de la famille successorale tente de préserver l’efficacité économique de la transmission en limitant les hypothèses de démantèlement des entreprises et de démembrement de la propriété. Ce dirigisme est tempéré par la liberté laissée au de cujus de consentir des libéralités à des parents préférés, des amis ou des alliés.

Les disparités juridiques se font jour au sein du droit civil à mesure que l’on compare le droit des majeurs protégés, le droit des successions et le droit des aliments. Est-il encore concevable que les frères et sœurs échappent à toute obligation alimentaire, alors qu’ils sont héritiers présomptifs du second ordre et dignes de prendre en charge l’administration des biens d’une personne vulnérable ? Réciproquement, ne serait-il pas temps de réviser l’article 206 du Code civil qui oblige les père et mère du conjoint à devoir des aliments à leur gendre ou belle-fille dès lors qu’ils ne sont pas leurs héritiers présomptifs ? Enfin, ne serait-il pas juste que le juge aux affaires familiales prenne en considération le temps et les efforts déployés par un enfant qui a accepté les missions de curateur, de tuteur ou de personne habilitée lorsqu’il est saisi d’un recours en contribution d’un obligé alimentaire ?

Dépassant les cloisonnements consécutifs à la fragmentation du livre premier du Code civil par institutions, la solidarité familiale est le souffle qui permettrait de penser le droit commun de la famille. Des mécanismes mémoriels, tels que le rapport ou la récompense, pourraient être établis pour lier le droit des aliments, l’exercice dans la durée de la charge de protection juridique et la réserve héréditaire afin que ce principe moral de solidarité puisse accompagner les mutations sociologiques de la famille du XXIe siècle.

2. Les vicissitudes du principe de préférence familiale. En attendant, la solidarité familiale n’est pas un impératif inconditionnel. À cet égard, le droit des majeurs protégés illustre déjà en son sein des tendances contraires : le respect de la préférence familiale cède parfois devant le besoin de protéger la personne vulnérable contre les membres de sa famille.

D’un côté, en effet, la prise en charge de la personne et des biens est devenue formellement « un devoir des familles et des collectivités publiques »11. L’ordre dans lequel la loi du 5 mars 2007 a désigné les débiteurs de l’attribution de la charge de protection juridique est le premier indice du principe de préférence familiale12 qui se prolonge dans trois modalités concrètes. D’abord, les membres de la famille bénéficient d’une préséance pour saisir le juge des tutelles d’une requête tendant à solliciter l’ouverture d’une mesure de protection juridique. L’interdiction faite au juge des tutelles de se saisir d’office exigeait une extension corrélative des membres de la famille13 ayant qualité à le saisir. Quant aux élus, professions médicales ou assistantes sociales de secteur, leur signalement permet au procureur de la République de saisir le juge des tutelles14. Le principe de préférence familiale oblige ensuite le juge à rechercher parmi les membres de la famille, la personne qui est disponible et la plus indiquée pour exercer la charge de protection juridique15. Le juge doit motiver le refus de confier la charge tutélaire à la famille lorsqu’il désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs16. Enfin, l’exercice à titre gratuit des missions de protection juridique à la personne ou aux biens17, est fondé sur la solidarité familiale. Seuls les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont rémunérés pour exercer une mesure judiciaire de protection.

De l’autre côté, ces trois manifestations du principe de préférence familiale n’ont pas réussi à endiguer un mouvement de déclin qui s’explique d’abord par l’essor de l’autonomie de la volonté. Le mandat de protection future18, d’une part, et la faculté de désigner de manière anticipée son futur curateur ou tuteur19, d’autre part, sont des actes juridiques par lesquels une personne peut anticiper sur son inaptitude future et choisir d’être protégée dans son être et ses biens par l’ami20 ou le professionnel de son choix plutôt que par ses parents ou la personne qui partage une vie commune. Le déclin de la préférence familiale s’explique ensuite et surtout, en pratique, par l’augmentation des formalités demandées aux tuteurs et curateurs familiaux. Dépourvus des connaissances juridiques nécessaires pour rendre compte de la gestion des biens pour autrui21, et de l’accompagnement de la personne dans les actes de sa vie personnelle22, les mandataires familiaux commettent – souvent en toute bonne foi – des manquements, si bien que les juges des tutelles sont conduits, tout naturellement, à rechercher la sécurité dans l’exercice des mandats judiciaires de protection des majeurs en recourant au service d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs23, ce qui n’est pas sans conséquences sur le budget de l’État et sur celui des majeurs protégés sur lequel pèse la participation financière au coût de leur propre mesure (CASF, art. L. 471-5).

3. L’habilitation familiale : objectif et contenu. L’habilitation familiale est, comme son nom l’indique, réservée aux familles des personnes à protéger. Cette jeune institution entrée en vigueur le 1er janvier 2016 est une réponse des pouvoirs publics pour atteindre autrement l’objectif fixé par la loi du 5 mars 2007. En dépit de la consécration du mandat de protection future introduit pour offrir une voie de délestage aux mesures judiciaires de protection, d’une part, et de la procédure de renouvellement des mesures, pensée pour favoriser l’allégement des mesures voire leur mainlevée, d’autre part, le nombre des mesures de protection juridique continue de croître ; leur traitement judiciaire éprouve les personnels des cabinets des juges des tutelles qui ne disposent pas de moyens suffisants pour exercer leurs missions dans de bonnes conditions24. L’habilitation familiale est, au fond, l’instrument par lequel les juges vont pouvoir moduler l’étendue de leur travail de cabinet. Elle ne doit pas concerner les mesures qui exigent un contrôle soutenu ; elle est faite en revanche pour les familles dont l’exercice de la mesure n’appelle qu’un contrôle marginal, dans le cas seulement où surviendrait une difficulté. Officiellement, la recherche d’une économie budgétaire a été masquée par un dessein plus noble : la loi de simplification du droit et de la procédure25 présente l’habilitation familiale comme le moyen permettant « aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire. Il s’agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l’un de ses membres »26.

Ainsi destinée à déployer ses effets dans un climat consensuel et bienveillant, l’habilitation familiale paraissait constituer une mesure autonome et simplifiée, régie par douze articles de loi27. Le dispositif pouvait sembler d’autant plus autonome qu’il répondait à une procédure particulière28. L’habilitation familiale aurait pu l’être complètement si, ainsi que le préconise le défenseur des droits29, le juge pouvait moduler l’habilitation entre un pouvoir d’assistance ou de représentation, conformément au principe de proportionnalité. Mais, en l’état des textes applicables, l’habilitation familiale n’est qu’une énième modalité de représentation judiciaire30. Dès lors que les pouvoirs de la personne habilitée sont étendus à tous les actes patrimoniaux, l’habilitation familiale dite générale est une forme adoucie de la tutelle familiale31, bien que s’en distingue l’habilitation familiale dite spéciale lorsque le pouvoir de représentation de la personne habilitée est limité à des actes énoncés par le jugement. La doctrine a souligné le caractère « perfectible »32 de l’ordonnance du 15 octobre 2015 et a obtenu sa réécriture partielle par la loi de ratification du 18 novembre 201633.

18 mois après son entrée en vigueur, la jurisprudence des juges des tutelles marque une confiance certaine dans le nouveau dispositif même si les conditions de son ouverture et de son fonctionnement les obligent à identifier des familles unies, « sans histoires »34, pour protéger la personne ou les biens d’un être lourdement handicapé ou vieillissant dans un cadre affectueux et serein. L’utilisation prudente du nouveau dispositif n’est cependant pas un gage suffisant de la qualité intrinsèque de son régime juridique. C’est dans cette perspective qu’une double analyse des articles 494-1 à 494-12 du Code civil est entreprise : une analyse interne justifie des propositions de réécriture pour améliorer la cohérence et l’efficacité des textes sans contrarier l’originalité de la mesure (I). S’y ajoute une analyse externe des mêmes textes dans le but d’identifier les règles ou les mécanismes du droit des majeurs protégés qui peuvent s’appliquer à l’habilitation familiale pour combler des lacunes persistantes ou, au contraire, tirer profit des audaces de l’ordonnance du 15 octobre 2015 pour rénover la loi du 5 mars 2007, 10 ans après sa promulgation (II).

I – Analyse interne de l’habilitation familiale : une mesure originale

4. Les affres de la simplification. Portée par une loi de simplification du droit et de la procédure, l’habilitation familiale est une institution doublement originale. L’originalité est d’abord le résultat de la nature polymorphe des habilitations familiales conçues à partir d’une pluralité de modèles : l’habilitation familiale générale a été pensée à partir de la tutelle et du mandat de protection future, tandis que l’habilitation familiale spéciale est une transposition du mandat spécial dans la sauvegarde de justice. Ces jeunes institutions sont des figures hybrides qui s’inscrivent dans la tradition tutélaire. Toutes les habilitations familiales sont des mesures de protection juridique ouvertes par un juge des tutelles, saisi par une requête accompagnée d’un certificat médical circonstancié. Le jugement ouvrant l’habilitation familiale générale est publié en marge de l’acte de naissance du sujet protégé ; cette publicité entraîne une incapacité d’exercice dont l’efficacité est assurée par la nullité relative. Ces jeunes institutions s’inscrivent aussi dans la tradition par la définition resserrée de la famille qu’en a donnée la loi du 16 février 2015. Pour autant, les habilitations familiales répondent aux défis de l’époque contemporaine : la fin de l’État providence et l’épuisement des services publics qui justifient la diminution du contrôle judiciaire. La modernité du nouveau dispositif sous-tend des compléments contractuels à l’habilitation familiale : contrat pour déléguer la gestion d’instruments financiers ou d’un parc immobilier, contrat d’assurance pour prendre en charge les risques consécutifs à une mauvaise gestion personnelle du patrimoine de la personne protégée. Entre tradition et modernité, l’habilitation familiale affirme sa singularité, qu’elle se caractérise par un renforcement des conditions d’ouverture (A) ou une redéfinition des pouvoirs de la personne habilitée (B).

A – Le renforcement des conditions d’ouverture

5. La constatation médicale d’être « hors d’état de manifester sa volonté ». L’habilitation familiale ne concerne pas tous les majeurs protégés. L’habilitation familiale est subordonnée à des conditions restrictives, dès lors qu’elle ne peut profiter qu’à une personne « hors d’état de manifester sa volonté »35. En droit des régimes matrimoniaux auquel est empruntée cette terminologie36, ces mots sont largement entendus : « la représentation judiciaire est susceptible de jouer si l’époux, bien que capable d’exprimer sa volonté, ne peut la manifester en connaissance de cause »37. L’impossibilité de manifester sa volonté n’est donc pas limitée à l’empêchement physique d’être présent à la signature d’un contrat ; elle comprend aussi l’impossibilité de répondre à l’exigence d’être sain d’esprit pour conclure valablement un acte juridique. Justifiée par la cohérence qui doit régner entre le droit des obligations et le droit patrimonial de la famille, cette interprétation mérite d’être appliquée au droit des majeurs protégés, dès lors que le titre XI du livre Ier du Code civil combine le statut personnel des adultes vulnérables et la sécurité juridique des contrats, comme en témoigne l’émargement de l’acte de naissance du sujet protégé aux fins de publicité.

Les rédacteurs de l’article 494-1 du Code civil ont tenté de définir cette condition d’ouverture. Selon ce texte, l’habilitation familiale est réservée à la personne « hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425 », c’est-à-dire placée « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de la volonté ». Mais force est de reconnaître que le renvoi n’est pas suffisamment éclairant38. En revanche, une interprétation libérale se défend à la lumière de l’article 494-4 du Code civil qui précise que le juge des tutelles est dispensé de procéder à l’audition de la personne à protéger si elle est « hors d’état de s’exprimer »39. C’est dire qu’une personne peut être hors d’état de manifester sa volonté (au sens de l’article 494-1) sans être hors d’état de s’exprimer (au sens de l’article 494-4). Si la différence de degré entre ces deux états psychologiques peut apparaître subtile, la distinction est devenue classique. Au fond, il faut ici distinguer le consentement civil sur lequel repose la validité d’un contrat40, d’une part, et le consentement médical requis pour respecter la dignité humaine des personnes extrêmement affaiblies41, d’autre part.

En somme, le juge des tutelles est toujours tributaire des constatations médicales. Dans le certificat médical circonstancié, le médecin inscrit sur la liste du procureur de la République doit conclure que la personne est hors d’état de manifester sa volonté. Dans le cas contraire, si le médecin inscrit ne le précise pas, alors le juge des tutelles ne devrait pas ouvrir valablement l’habilitation familiale, car la mesure s’avérerait disproportionnée au besoin de protection de la personne vulnérable. Dans tous les cas, l’absence de certificat médical circonstancié rend irrecevable la requête42. De surcroît, si le médecin inscrit n’a pas rédigé d’avis de non-audition, c’est que la personne à protéger était en état de s’exprimer au jour où il l’a examinée, même si son état de santé est susceptible d’évoluer d’ici au jour où le juge examinera la requête… Pour corréler la demande spéciale d’ouverture d’une habilitation familiale avec une demande générale d’ouverture d’une mesure de protection juridique, il serait souhaitable de définir la condition d’ouverture de l’habilitation familiale. En la forme, la définition de la condition d’être hors d’état de manifester sa volonté aurait sa place à l’article 494-2 du Code civil, en écho au principe de nécessité. Toute personne dont le consentement serait donné sous l’empire d’un trouble mental a besoin d’être représentée d’une manière continue ou pour la conclusion de contrats nécessaires à la préservation de ses intérêts. Ce critère est commun à l’habilitation familiale et à la tutelle. C’est dire que l’habilitation familiale ne doit pas convenir à une personne qui serait suffisamment protégée par un régime de curatelle dès lors que, « sans être hors d’état d’agir elle-même, elle a besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425, d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile »43.

Proposition n° 1. Il conviendrait d’ajouter à l’article 494-2 le texte suivant :

« La personne est hors d’état de manifester sa volonté lorsqu’elle n’est pas saine d’esprit au sens de l’article 414-1 ou 1129 ».

6. La restriction de la famille et la recherche de leur adhésion. L’ouverture de l’habilitation familiale est également restreinte par la définition de la famille qu’en retient l’article 494-1 du Code civil. La composition resserrée de la famille intervient à deux niveaux : elle désigne les personnes qui ont qualité pour saisir le juge des tutelles d’une demande en habilitation familiale et celles qui sont susceptibles de recevoir un pouvoir judiciaire de représentation. Un tel parallélisme donne à penser que le requérant est celui qui, dans la famille de la personne à protéger, prend les choses en mains : il sollicite l’ouverture de la mesure en même temps qu’il déclare sa candidature aux fonctions de personne habilitée. Plusieurs règles de procédure civile accréditent cette analyse44. Il n’est cependant pas formellement interdit qu’un membre de la famille saisisse le juge des tutelles et que celui-ci désigne un autre membre de la famille pour exercer la charge d’habilitation familiale45, compte tenu de ce qui se sera dit lors des auditions devant le juge.

Dans sa dernière mouture, issue de la loi de ratification, l’article 494-1 du Code civil réduit la famille de la personne à protéger à ses ascendants, descendants, frères ou sœurs. Elle y ajoute son conjoint, concubin ou partenaire uni par un pacte civil de solidarité, à la condition que la communauté de vie n’ait pas cessé46. Cette définition restrictive de la famille s’explique-t-elle autrement que par les travaux préparatoires de la loi d’habilitation qui ont réécrit le projet de loi pour corriger une formule passablement médiocre47 ? On pourrait le soutenir à la lumière d’un argument téléologique. Dès lors que le juge des tutelles doit rechercher « l’adhésion »48 de la famille à l’ouverture de la mesure et à la désignation de la personne habilitée, il est sans doute plus prudent de ne pas retenir une définition élargie de la famille49. Mais dans le cas où la personne à protéger est célibataire, vit seule, sans avoir ni enfants ni ascendants, pourquoi ne pas lui permettre d’être protégée par une mesure d’habilitation familiale qui serait confiée à un neveu, une nièce ou à l’un de ses alliés, beau-frère ou belle-sœur ? Dans le silence de l’article 494-1 du Code civil, les membres de sa famille qui ne sont pas désignés par ce texte seront contraints de saisir le juge des tutelles d’une demande d’ouverture d’une mesure de protection juridique de type curatelle ou tutelle, ce qui est regrettable. Tout aussi critiquable est l’article 494-1 du Code civil qui désigne les membres de cette famille restreinte sans aucun égard à l’esprit de hiérarchie qui caractérise en principe les familles tutélaire50, alimentaire51 ou successorale52. Aussi est-ce pour renouer avec les règles traditionnelles du droit de la famille que nous proposons de réécrire l’alinéa 1er de l’article 494-1 et l’alinéa 2 de l’article 494-4 du Code civil.

Proposition n° 2. Il conviendrait de remplacer l’alinéa 1er de l’article 494-1 par le texte suivant :

« Lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom, afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts. La personne habilitée est soumise aux conditions et modalités prévues à la présente section et à celles du titre XIII du livre III qui ne lui sont pas contraires. La personne habilitée doit être choisie parmi le conjoint, le partenaire avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité ou le concubin, ou, lorsque la vie commune a cessé entre eux, ses parents ou alliés, en ligne directe ou collatérale ».

Proposition n° 3. Il conviendrait de remplacer l’alinéa 2nd de l’article 494-4 par le texte suivant :

« Lorsque le juge ne désigne pas le conjoint ou le partenaire uni par un pacte civil de solidarité, il s’assure de l’adhésion ou, à défaut, de l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée, des proches mentionnés à l’article 494-1 et dont il connaît l’existence au jour où il statue. Dans tous les cas, le juge vérifie que la personne habilitée et les personnes consultées entretiennent des liens étroits et stables avec la personne protégée ou manifestent de l’intérêt à son égard ».

L’originalité de l’habilitation familiale ne se caractérise pas seulement par de nouvelles conditions d’ouverture mais aussi par les nouveaux pouvoirs de la personne habilitée qui sont définis avec plus de simplicité et dans le respect du principe de nécessité.

B – Une redéfinition des pouvoirs de la personne habilitée

7. La simplification réalisée par la diminution des pouvoirs de la personne habilitée. L’habilitation familiale est simple ou générale, selon que les pouvoirs de la personne habilitée sont limités à des actes énoncés dans le jugement d’ouverture ou à tous les actes que pourrait passer seul un tuteur, avec ou sans autorisation du juge des tutelles. Qu’elle soit simple ou générale, l’habitation familiale est soumise à la même procédure : une requête présentée par un membre de la famille restreinte, accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat médical circonstancié. Dans tous les cas, la personne protégée est frappée d’une incapacité d’exercice dont le domaine est identique au pouvoir de représentation de la personne habilitée53. Tout acte conclu par la personne protégée à la place de la personne habilitée est exposé à la nullité relative pour incapacité d’exercice54 ; réciproquement, l’acte conclu par la personne habilitée sans pouvoir de représentation est nul pour dépassement de pouvoir55. En revanche, le jugement ouvrant l’habilitation familiale simple ne fait pas l’objet d’un émargement sur l’acte de naissance de l’intéressé56 ; cette mesure simplifiée n’est pas non plus soumise au délai de 10 ans57, parce qu’elle cesse de produire ses effets le jour où les actes pour lesquels la personne habilitée a reçu un pouvoir de représentation les a accomplis58. L’habilitation familiale dite spéciale, ressemble au mandat spécial que le juge peut attribuer lorsqu’il ouvre une sauvegarde de justice59, à ceci près qu’elle n’est pas enfermée dans le délai d’un an, renouvelable une fois60. La pratique des habilitations familiales dites spéciales nous conduit à faire une proposition pour les limiter dans le temps.

En pratique, les habilitations familiales simples s’adossent à des procurations bancaires61. Dès lors qu’un membre de la famille bénéficie d’un pouvoir conventionnel de représentation, il n’a guère besoin d’une habilitation familiale générale, à moins d’être contraint de devoir passer un acte de disposition en dehors du domaine de la procuration. Raisonnons à partir du cas d’une personne âgée souffrant de la maladie d’Alzheimer qui fut contrainte de résider dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Sa fille unique à qui elle avait confié – à l’époque où elle était saine d’esprit – la gestion de son compte bancaire par un contrat de mandat, a saisi un juge des tutelles aux fins d’être habilitée à représenter sa mère pour vendre son immeuble d’habitation dans lequel elle ne vivait plus et financer ainsi le coût de l’hébergement spécialisé. Par jugement, le juge des tutelles a constaté que la personne âgée était hors d’état de manifester sa volonté et avait besoin d’être protégée pour la sauvegarde de ses intérêts. Puis, par habilitation familiale spéciale, il lui a attribué un pouvoir de représentation limité à la conclusion de la vente de l’immeuble et à l’encaissement du prix de vente sur le compte de dépôt à vue. La mission a pu être limitée par le juge à ces actes juridiques, tous deux à exécution instantanée, car la fille bénéficiait d’une procuration sur le compte bancaire de sa mère ; elle était donc en mesure de payer les sommes dues, chaque mois, à l’EHPAD62.

Mais, dans le cas contraire, l’habilitation familiale spéciale aurait-elle pu ajouter un pouvoir de représentation pour régler la seule dépense d’hébergement ? Le cas échéant, l’habilitation familiale spéciale aurait eu pour objet une mission à exécution successive, susceptible de se répéter tant que la personne protégée est en vie et sans devoir être renouvelée au bout de 10 ans, conformément à l’article 494-6 du Code civil qui dispense le juge d’avoir à fixer un terme à la mission spéciale de la personne habilitée63. Le caractère illimité de la durée de l’habilitation familiale spéciale nous paraît déraisonnable et contraire à la loi n° 2015-131 du 16 février 2015. Au cours des travaux parlementaires, le législateur a montré son attachement à « l’encadrement de la durée maximale des mesures de protection »64, comme en témoigne la disposition transitoire qui concerne les mesures viagères ou excessivement longues que les juges des tutelles ont prises65 entre 2009 et 2015 pour éviter un second renouvellement66. C’est pourquoi le juge des tutelles qui serait conduit à accorder une habilitation familiale spéciale doit s’en tenir à des actes à exécution instantanée. Toute habilitation familiale qui porte sur un acte à exécution successive devrait être donnée dans le cadre d’une habilitation familiale générale. Aussi suggérons-nous de limiter l’habilitation familiale spéciale dans le temps à la durée maximale de 10 ans, ce qui n’empêcherait pas la personne habilitée de solliciter, en cas de besoin, son renouvellement avant qu’elle ne devienne caduque.

Proposition n° 4. Il conviendrait de remplacer la première phrase de l’alinéa 7 de l’article 494-6 du Code civil par le texte suivant :

« En cas d’habilitation familiale générale ou spéciale, le juge fixe une durée au dispositif sans que celle-ci ne puisse excéder 10 ans ».

Dans l’idéal, il aurait été judicieux de limiter toutes les habilitations familiales à 5 ans et de subordonner l’ouverture de la seule habilitation familiale générale à une durée de 10 ans, sur avis conforme du médecin inscrit constatant que l’altération des facultés personnelles de l’intéressé décrit à l’article 425 n’apparaît pas manifestement susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science67.

8. La simplification réalisée par la diminution des actes soumis à l’autorisation du juge. L’ordonnance du 15 octobre 2015 réalise l’esprit de simplification qui a soufflé sur le droit de la famille avec la loi du 16 février 2015. La chancellerie a proposé au gouvernement de définir les pouvoirs de la personne habilitée comme ceux de l’administrateur légal des biens du mineur, sans recourir à des catégories juridiques abstraites, telles que les actes conservatoires, d’administration et de disposition. Pour rendre le Code civil plus intelligible, l’ordonnance du 15 octobre 2015 précise les actes juridiques concrets pour la passation desquels la personne habilitée doit solliciter une autorisation judiciaire68. Dans le silence de ces textes, la personne habilitée bénéficie, au même titre que l’administrateur légal des biens du mineur69, de plus grands pouvoirs de gestion. La ligne de partage entre l’acte soumis à autorisation et celui qui ne l’est pas est ainsi déplacée ; elle ne correspond plus à la distinction des actes d’administration et des actes de disposition70. On peut le regretter compte tenu des efforts déployés par la loi du 5 mars 2007 et le décret d’application du 22 décembre 2008 pour définir et illustrer ces catégories juridiques. Ce travail de classification n’est pas vain ; il intéresse maintenant, pour l’essentiel, les notaires et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

L’effort de simplification de la lettre du Code civil n’est pas dépourvu de risques, au fond, dans le surcroît de confiance qui est accordé aux familles qui gèrent les biens d’une personne vulnérable. Quittons le fond du droit qui a déjà fait l’objet de savantes critiques71, et contentons-nous d’interroger la terminologie retenue pour définir les pouvoirs de gestion de la personne habilitée. « L’habilitation [familiale] peut porter sur (…) un ou plusieurs actes que le tuteur a le pouvoir d’accomplir, seul ou avec une autorisation, sur les biens de l’intéressé »72. Le juriste qui est accoutumé au droit des majeurs protégés reconnaît immédiatement une tournure qui lui est familière. Ainsi, malgré l’effort déployé par les rédacteurs de l’ordonnance du 15 octobre 2015 pour créer de nouvelles mesures de protection juridique, la tutelle reste le modèle de référence. Elle l’est depuis la loi du 14 décembre 1964 ayant créé le juge des tutelles. Elle l’était aussi dans la loi du 3 janvier 1968 qui a défini les pouvoirs du curateur par rapport au tuteur73. La tutelle était encore la référence dans la définition des pouvoirs du mandataire ayant conclu un mandat notarié de protection future74. Elle l’est toujours dans l’ordonnance du 15 octobre 2015 dans les textes relatifs à l’habilitation familiale. Or, n’est-il pas temps d’abandonner la technique du renvoi substantiel et de définir clairement les pouvoirs de la personne habilitée à gérer les biens d’autrui non pas par rapport au tuteur mais directement en tenant compte de la nature ou de la gravité des actes juridiques qu’elle peut accomplir ?

Proposition n° 5. Aussi conviendrait-il de remplacer l’alinéa 2 de l’article 494-6 par le texte suivant :

« L’habilitation peut porter sur :

  • un ou plusieurs actes d’administration ou de disposition ; elle permet toujours implicitement l’accomplissement des actes conservatoires ».

Les limites apportées aux pouvoirs de gestion de la personne habilitée nous emmèneraient trop loin. L’ordonnance du 15 octobre 2015 n’a pas fait preuve d’originalité lorsqu’elle a circonscrit les actes juridiques concrets que la personne habilitée devait passer après avoir obtenu une autorisation du juge des tutelles. Bien au contraire, elle est restée inspirée par le mandat de protection future conclu en la forme notariée, reproduisant les textes sans combler leurs insuffisances75, ce qui renforce l’intérêt d’une analyse comparée de l’habilitation familiale avec les autres mesures de protection juridique.

II – Analyse externe de l’habilitation familiale : un régime paradoxal

9. Comparaison n’est ni raison, ni déraison. L’originalité de l’habilitation familiale conduit à souligner un paradoxe. La simplification du droit présente des avantages et des inconvénients. D’un côté, le régime juridique de l’habilitation familiale présente des atouts qui mériteraient d’être transposés à d’autres mesures de protection juridique (A). De l’autre, le régime juridique comporte des lacunes qui seraient facilement comblées par l’application du droit commun des mesures de protection juridique (B).

A – Les apports au droit des majeurs protégés

10. Le maintien de la capacité juridique. La personne protégée par une mesure d’habilitation familiale « conserve l’exercice de ses droits »76. La règle énoncée nous rappelle des textes présents dans la sauvegarde de justice77 et la mesure d’accompagnement judiciaire78. Le maintien de la capacité d’exercice est toujours « à nuancer »79 dès lors que la protection juridique s’exprime essentiellement par l’immixtion d’un tiers dans le processus de la formation du contrat : l’autorisation, l’assistance ou la représentation d’un tiers sont les techniques juridiques par lesquelles celui-ci vérifie si la personne protégée est apte à délivrer un consentement lucide et personnel ou si le contrat projeté est conforme à son intérêt. Au fond, il paraît donc superflu de rappeler le maintien de la pleine capacité juridique des personnes physiques dès lors qu’en droit civil celle-ci est présumée, contrairement à l’incapacité de contracter qui doit être posée par la loi. La réforme du droit commun des contrats a maintenu ces exigences80 à propos desquelles le doyen Jean Carbonnier enseignait qu’elles portent « un principe philosophique qui les dépasse : la capacité est la règle, l’incapacité l’exception. Le texte est empreint d’un accent de liberté et d’égalité civile. Il emporte cette conséquence qu’il ne peut exister d’incapacité qu’en vertu d’une loi »81. C’est pourquoi l’article 494-8 du Code civil ajoute que la personne conserve l’exercice de ses droits « autres que ceux dont l’exercice a été confié à la personne habilitée ». Mais dans la mesure où la personne protégée est hors d’état de manifester sa volonté, n’est-il pas illusoire de sauvegarder, en droit, une liberté qui ne peut plus être exercée en fait ?

Cela dit, les griefs adressés à l’État français par le comité de suivi de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH)82, nous portent à rappeler que les mesures de protection juridique résultent d’un droit d’exceptions mises en œuvre par une décision de justice sur la constatation médicale d’une altération des facultés personnelles. La reconnaissance d’une capacité naturelle83 est le cœur de la protection de la personne et du respect de la volonté du sujet de la mesure84, si bien que le reproche ne devrait pas être porté contre la loi française mais contre des pratiques tutélaires jugées défaillantes en raison de la défectuosité des contrôles. Sous cette réserve, il est excessif d’analyser la tutelle et la curatelle renforcée françaises comme des mesures substitutives dont l’application aboutit nécessairement à la mort sociale des personnes protégées. Nombreux sont d’ailleurs les auteurs85 qui ont pris leur plume pour défendre le bien-fondé de la loi du 5 mars 200786.

L’habilitation familiale nous enseigne cependant à juste titre que le recours à la représentation judiciaire doit être limité aux hypothèses où la personne est hors d’état de manifester sa volonté. Il conviendrait donc d’éviter de recourir à la tutelle à chaque fois que la personne souffre d’une altération de ses facultés mentales qui ne l’empêche pas de vouloir contracter, dès lors qu’elle y a été préparée en amont. À tout le moins, le juge des tutelles devrait recourir plus souvent à l’application de l’article 473 du Code civil qui lui permet d’énumérer les actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance de son tuteur. Le respect du principe de nécessité conduirait à mieux définir la hiérarchie des mesures de protection juridique et à privilégier l’assistance sur la représentation. En tout état de cause, les incapacités spéciales de jouissance sont à éviter87.

Proposition n° 6. Aussi conviendrait-il de faire précéder l’article 440 du Code civil par le texte suivant :

« Les personnes placées en curatelle et en tutelle conservent l’exercice de leurs droits autres que ceux dont l’exercice est confié au curateur ou au tuteur en application de la présente section ».

Il ne suffit pas d’améliorer la forme des textes, ni de circonscrire dans le détail le domaine de l’assistance ou de la représentation pour préserver l’autonomie de la personne protégée. En témoigne notre difficulté à justifier le bien-fondé de la curatelle renforcée qui permet au curateur de représenter le curatélaire pour la perception de ses revenus et le paiement de ses dépenses même lorsqu’ils sont des actes d’administration, alors que l’assistance devient nécessaire pour la passation des autres actes de disposition ? Comment expliquer que le curateur puisse aussi facilement ignorer la volonté du curatélaire dans les actes de sa vie courante ? Qui peut le plus ne peut-il pas toujours le moins ? Ne faudrait-il pas admettre franchement que le recours de masse88 à la curatelle renforcée est ici utilisé pour prévenir le surendettement des particuliers, en dépit de la suppression de la curatelle ou tutelle pour prodigalité89 ! Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne sont pas dupes de cette réalité sociale, ni de l’ambivalence du discours juridique.

11. La subsidiarité des autorisations judiciaires. La loi du 5 mars 2007 a introduit des dispositions générales qui s’appliquent à toutes les mesures de protection juridique. La doctrine a analysé les articles 426 et 427 du Code civil comme « le régime primaire »90 des mesures de protection juridique. Il aurait fallu y ajouter le régime des oppositions d’intérêts91 et l’obligation d’apporter des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée92, si chacun de ces deux textes n’était pas, du fait de sa place dans le Code civil, limité à la curatelle et à la tutelle, voire à la seule tutelle. Or, dans cette opération de généralisation, le législateur a pu manquer d’esprit de nuance. Ainsi le principe d’immutabilité des comptes bancaires a été consacré par la loi du 5 mars 2007 pour éradiquer définitivement la pratique des comptes-pivots qui étaient en cours chez les gérants de tutelles et les associations tutélaires93. L’article 427 du Code civil en conserve le souvenir puisqu’il n’a pas pour objet de définir les incapacités bancaires mais de poser des limites aux pouvoirs d’assistance ou de représentation de la personne en charge de la mesure de protection. Aujourd’hui, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs se sont soumis à la multibancarité, même si certains d’entre eux obtiennent encore un peu trop facilement l’ouverture de compte de fonctionnement dans la banque de leur choix. La Cour de cassation veille donc à ce que le juge des tutelles motive l’ouverture d’un nouveau compte bancaire par l’intérêt que peut en retirer la personne protégée94.

Pour autant, il serait juste de limiter le domaine d’application de l’article 427 du Code civil aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs et de faire bénéficier les familles de la confiance que leur a accordée l’ordonnance du 15 octobre 2015. Selon l’article 494-7 du Code civil, « la personne habilitée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation aux actes mentionnés au premier alinéa de l’article 427 ». Le texte manifeste clairement un relâchement possible du contrôle du juge des tutelles sur les décisions prises par la personne habilitée. Cette règle pourrait facilement être étendue au curateur ou au tuteur familial, ainsi qu’au mandataire spécial dans la sauvegarde de justice, à chaque fois que la juridiction tutélaire ne juge pas nécessaire de le saisir pour autorisation. On pourrait limiter la saisine du juge aux hypothèses où la représentation est nécessaire et, dans les autres cas, permettre aux personnes en curatelle d’ouvrir un compte bancaire ou de le clore avec la seule assistance du curateur95.

Proposition n° 7. Aussi conviendrait-il de remplacer l’alinéa 1er de l’article 427 par le texte suivant :

« Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent procéder ni à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée, ni à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un établissement habilité à recevoir des fonds du public. Ces actes peuvent être accomplis par toute autre personne chargée de la mesure de protection sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’autorisation du juge, à moins qu’il ne l’ait jugé nécessaire dans le jugement ouvrant la mesure ».

Les rédacteurs de l’ordonnance du 15 octobre 2015 ont bien fait de moduler le contrôle du juge des tutelles en lui laissant la possibilité de le renforcer dans le jugement d’ouverture. Le mécanisme contraire pourrait être introduit dans la loi. Le juge des tutelles pourrait, en effet, décider d’alléger le contrôle du curateur ou du tuteur si les conditions de certaines décisions sont déjà réunies lors de l’ouverture de la mesure. Une réflexion pourrait être menée à propos de l’article 426 du Code civil, dès lors que les autres membres de la famille pourraient signaler au juge des tutelles une situation d’opposition d’intérêts.

En attendant, l’interprétation créatrice des juges des tutelles montre combien il est possible d’organiser des contre-pouvoirs pour prévenir la saisine du juge des tutelles d’avoir à statuer sur une contestation. Un juge des tutelles a pu ainsi, d’une part, habiliter l’un des trois enfants de la personne âgée hors d’état de manifester sa volonté, d’un pouvoir général de représentation pour conclure seul tous les actes d’administration et, d’autre part, habiliter tous les enfants de la même personne protégée à passer ensemble tous les actes de disposition, sauf à requérir son autorisation pour conclure un acte à titre gratuit, un acte de disposition du logement ou un acte pour lequel il existe une opposition d’intérêts96. Sur le modèle de la cocuratelle ou cotutelle97, ce juge a décidé de désigner plusieurs personnes habilitées pour la conclusion des actes de disposition. Bien qu’elle soit ignorée par l’article 494-6 du Code civil, la distinction est prudente ; elle est susceptible de désamorcer les tensions et de prévenir les abus tout en respectant la philosophie de déjudiciarisation de l’exercice de la mesure. L’ordonnance du 15 octobre 2015 est ainsi source de solutions pour faire évoluer les pratiques tutélaires et repenser certains textes dont le cadre est trop strict. Cela dit, le régime de l’habilitation familiale n’est pas parfait ; il mériterait à l’inverse d’être étoffé par des dispositions encadrant les autres mesures de protection juridique.

B – Le renfort du droit des majeurs protégés

12. En amont, la requête à option pour saisir le juge des tutelles. Le décret du 23 février 2016 n’a pas envisagé de passerelles entre l’habilitation familiale et les autres mesures de protection juridique98. Ce cloisonnement s’explique en raison des conditions particulières auxquelles sont subordonnés l’ouverture et le renouvellement de l’habilitation familiale. Le juge des tutelles doit constater l’adhésion de la famille restreinte de la personne protégée ou du moins l’absence d’opposition de la part de ses membres99. En outre, nul autre que la personne habilitée ne peut solliciter le renouvellement de l’habilitation familiale. Si elle ne souhaite pas être maintenue dans ses fonctions, elle peut attendre la caducité de la mesure100 et, pour l’éviter, le juge des tutelles peut être amené à ouvrir une mesure de curatelle ou de tutelle qui lui succédera en désignant un parent plus éloigné ou un mandataire judiciaire à la protection des majeurs101. En tout état de cause, le requérant est contraint, en l’absence de passerelle, à reprendre l’ensemble de la procédure.

Il serait cependant possible de concevoir que la requête initiale ou la demande en renouvellement soit couplée avec une demande en ouverture de mesure de protection juridique de type sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle. En pratique, lorsque le juge des tutelles est prêt à rendre une décision de non-lieu parce que les conditions d’ouverture de l’habilitation familiale ne sont pas réunies ou qu’il est réticent à l’ouvrir compte tenu de son régime trop simplifié, le juge des tutelles demande à l’un des membres de la famille de le saisir, lors de l’audition, d’une demande tendant à ouvrir une autre mesure de protection juridique, parce qu’il a déjà en sa possession le certificat médical circonstancié102 et l’exposé de la situation familiale, financière et patrimoniale103. Le juge ne serait pas obligé de revenir vers le requérant si celui-ci pouvait établir une demande à option en ordonnant ses choix : demander l’ouverture d’une habilitation familiale ou, à défaut, une autre mesure de protection juridique (de type curatelle ou tutelle familiale). Cette combinaison hiérarchisée serait aussi possible en cas de demande de renouvellement : ainsi les tuteurs familiaux pourraient obtenir la transformation de la tutelle en habilitation familiale sans risquer la caducité de la mesure en cas de jugement de débouté. Pour parfaire le système, il faudrait repenser le contenu du certificat médical circonstancié104 et former les médecins inscrits afin qu’ils puissent saisir les enjeux de chaque demande et les difficultés procédurales.

13. En aval, la possibilité d’obliger la personne habilitée à dresser inventaire et à rendre compte de sa gestion. L’originalité de l’habilitation familiale se manifeste aussi par les silences laissés par l’ordonnance du 15 octobre 2015. Contrairement au tuteur qui est soumis à l’obligation de dresser un inventaire dans les trois premiers mois de la mesure105 et de rendre compte, chaque année, de sa gestion patrimoniale106 et des diligences accomplies dans le cadre de la protection de la personne107, la personne habilitée est dispensée de toutes ces formalités. Ce non-dit crée, nous semble-t-il, une erreur de perspective que l’on corrigerait aisément en analysant les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile de la personne habilitée. Un jeu de renvois successifs au mandat de protection future108 d’abord, au contrat de mandat109 ensuite, montre que la personne en charge d’une habilitation familiale est soumise aux conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile d’un mandataire de droit commun qui exerce sa mission à titre gratuit. Elle ne répond donc que de ses fautes lourdes ou équipollentes au dol. L’indulgence est doublement justifiée par le fait qu’elle exerce bénévolement ses fonctions et pendant une longue période de 10 à 20 ans. En revanche, la personne habilitée doit être civilement responsable, sans préjudice d’éventuelles sanctions pénales, des détournements de fonds qu’elle aurait accomplis ou de toutes les suites préjudiciables d’un comportement délibérément malhonnête. Et comme « il ne faut pas que la malice prenne le masque facile de la bêtise »110, il est juste que les fautes manifestement grossières soient également sanctionnées. Mais les poussières de faute ne devraient pas être recherchées dans la gestion de la personne habilitée. C’est dire que la personne raisonnable et normalement attentive ne contracte pas de risque excessif à prendre en charge la personne et les biens d’un membre de sa famille, en demandant ou en acceptant une habilitation familiale. La mise en œuvre de sa responsabilité extracontractuelle devrait être rarissime.

Pour autant, la dispense légale d’établir des comptes de gestion et de les remettre chaque année au greffier en chef du tribunal d’instance ne concerne que l’autorité judiciaire111. Il serait judicieux que la personne habilitée tienne des comptes et les mette à la disposition des héritiers présomptifs de la personne protégée. La personne habilitée ne doit pas perdre de vue qu’elle exerce son pouvoir de représentation « selon les modalités prévues à la présente section et à celles du titre XIII du livre III qui ne lui sont pas contraires »112. Concrètement, la personne habilitée est soumise aux dispositions du droit commun du mandat, telles que l’obligation de rendre compte qui s’impose au mandataire : « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant »113. En clair, les héritiers présomptifs de la personne protégée sous habilitation familiale continueront la personne du défunt et pourront demander à la personne habilitée des comptes comme si elle avait été leur propre mandataire. L’absence de tenue de compte par la personne habilitée risque d’être analysée comme une négligence fautive dont les conséquences dépendront de l’état de fortune de la personne protégée et de celle de ses héritiers. Le droit de la responsabilité civile joue ici son effet prophylactique : il prévient la survenance des risques et des fautes en conduisant la personne habilitée à adopter le comportement le plus diligent. C’est un point qui devrait être traité, en amont, dans le cabinet du juge des tutelles lorsque celui-ci recherche l’adhésion de la famille à la mesure et à la désignation de la personne habilitée. Il serait sage que la personne habilitée prenne ses fonctions en pleine connaissance de cause et ne soit pas exposée à un contentieux à retardement.

14. En conclusion, les techniques juridiques d’administration des biens d’autrui ne doivent pas être réservées au mandat de protection future ; elles intéressent également l’habilitation et la tutelle familiales. Autrement dit, le bon exercice de la mesure ne dépend pas seulement de bons sentiments et de qualités humaines (la capacité d’écoute, l’empathie, l’esprit de diligence, l’abnégation) ; il exige aussi de la rigueur et de la compétence, dans la protection de la personne et des biens, ce qui devrait inciter les personnes habilitées à s’entourer de professionnels aguerris. C’est sous cette réserve que « le grand retour »114 de la famille protectrice peut être envisagé de manière raisonnable. Les notaires apprendront à reconnaître les hypothèses où l’habilitation familiale est à conseiller (tel est le cas de la personne très âgée ayant un enfant unique) et celles où elle est à déconseiller, avec courage et honnêteté. Sous réserve des propositions de réécriture ici formulées pour remédier aux défauts du texte en vigueur, le temps et l’expérience sont les seuls atouts dont a besoin cette jeune institution pour répondre au besoin social qui se fait jour dans notre société vieillissante.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Sur cette articulation, v. Hauser J., « Une famille récupérée », in Mélanges Pierre Catala, 2001, Litec, p. 327 à 340.
  • 2.
    Cornu G. (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 1re éd., 2000, Paris, PUF, Quadrige, v° « Solidarité », sens 1 a/ (Solidarité familiale), où l’auteur cite des textes : C. civ., art. 205 et s. (obligations alimentaires), anc. art. 427 et 432 (charges tutélaires) et C. civ., art. 913 et s. (réserve successorale). Adde, Cornu G., Droit civil, La famille, 9e éd., 2006, Paris, Montchrestien, Domat droit privé, n° 3 ; Fulchiron H. (dir.), « Les solidarités entre générations », Dr. famille 2011, dossier 10 à 16, p. 11 à 34.
  • 3.
    Portalis J.-E.-M., « Discours préliminaire sur le projet de Code civil (1er pluviôse an XI) », in Discours et rapports sur le Code civil, 1989, Caen, Centre de philosophie politique et juridique, p. 1 à 62, spéc. p. 37 : « Les vertus privées peuvent seules garantir les vertus publiques ; c’est par la petite patrie qu’est la famille, que l’on s’attache à la grande ; ce sont les bons pères, les bons maris, les bons fils, qui font les bons citoyens ».
  • 4.
    C. civ., art. 203 à 211.
  • 5.
    C. civ., art. 430, al. 1er.
  • 6.
    C. civ., art. 732 et C. civ., art. 734.
  • 7.
    En ce sens, Terré F., « Héritage aux biens. Succession des personnes », Dr. famille 2011, dossier 14, p. 24-25, spéc. n° 1 : « La famille ? Mais de quelle famille s’agit-il ? Les interrogations abondent, tant au sujet des fonctions que des cercles, des liens, des biens, des règles elles-mêmes : en termes de capitalisation, de distribution, de consommation de richesses, mais aussi de secours face aux difficultés de la vie, du logement, du chômage ».
  • 8.
    Sous réserve du droit annuel au logement bien que la règle soit supplétive dans le pacte civil de solidarité : C. civ., art. 515-6, al. 3.
  • 9.
    Il existe une obligation alimentaire entre les alliés dits privilégiés (C. civ., art. 206 qui désigne les gendres et belles-filles dans leur relation avec les père et mère de leur conjoint) ainsi qu’entre les partenaires pacsés (C. civ., art. 515-4, al. 1er qui vise une « aide matérielle et réciproque »).
  • 10.
    Sur la fonction familiale de l’héritage, v. Grimaldi M., Droit civil, Successions, 6e éd., 2001, Litec, n° 28 (« Les biens comme moyens d’entraide des générations ». Adde, sur la philosophie de l’héritage : Terré F., Lequette Y. et Gaudemet S., Droit civil, Les successions, Les libéralités, 4e éd., 2014, Dalloz, Précis, nos 18 et s., p. 20 à 25).
  • 11.
    C. civ., art. 415, al. 4. Le législateur de 2007 qui a introduit cette obligation morale n’a-t-il pas voulu tirer une leçon du constat d’isolement des personnes âgées réalisé par les pouvoirs publics à la suite de la canicule de l’été 2003 qui a causé un surcroît de mortalité ?
  • 12.
    Sur lequel, v. Batteur A., « La famille, alliée ou ennemie du majeur protégé », in Archives de philosophie du droit, 2014, Dalloz, p. 199 à 214. Adde, Péterka N., « La famille dans la réforme de la protection juridique des majeurs », JCP G 2010, 33 ; Raoul-Cormeil G., « La famille du majeur protégé, un environnement protecteur, destructeur ou victime », in Larralde J.-M. (dir.), Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux, vol. 11 : Le droit de la famille en (r)évolution, 2013, P.U. Caen, p. 63 à 75 ; Hérin Gillier C., La charge tutélaire, Thèse Caen, 2017, nos 57 et s., p. 50 à 57.
  • 13.
    C. civ., art. 430.
  • 14.
    Sur cette pratique, v. déjà : De Richemont H., Rapport fait au nom de la Commission des lois…, Sénat, 7 févr. 2007, n° 212, p. 127 : « En pratique, la moitié des dossiers sont ouverts par le juge des tutelles à la suite d’une requête de l’intéressé ou de sa famille. Dans les autres cas, les services sociaux (des communes, des offices d’habitations à loyer modéré, des départements) ou hospitaliers, les médecins, plus rarement les banques et les notaires ont pris l’habitude d’envoyer au juge des signalements ».
  • 15.
    C. civ., art. 449.
  • 16.
    C. civ., art. 450. Adde, Raoul-Cormeil G., « L’exclusion de la famille dans la protection d’une personne majeure », LPA 10 mars 2010, p. 6 à 14 ; Batteur A. (dir.), Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2016, Lextenso, nos 839 et s. ; Maria I., « Motifs de mise à l’écart du principe de préférence familiale », Dr. famille 2016, comm. 60, p. 63 ; Hérin Gillier C., La charge tutélaire, Thèse préc., nos 92 et s., p. 78 à 99.
  • 17.
    C. civ., art. 419.
  • 18.
    C. civ., art. 478. Sur lequel, v. Batteur A., « Contrat et mesures de protection », JCP N 2008, étude 1275.
  • 19.
    C. civ., art. 448, al. 1er. La désignation anticipée du curateur ou tuteur est intéressante en cas d’impossibilité de mettre en œuvre le mandat de protection future. En ce sens, v. Combret J., « Anticiper son état de vulnérabilité. Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine », in « Vieillir protégé : quelles stratégies face au risque de dépendance ? », Act. prat. strat. patrimoniale, dossier 3, p. 12 à 19, spéc. n° 15.
  • 20.
    V. par ex. : Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, n° 15-28669 : D. 2017, Jur., p. 191, note Noguero D. ; Defrénois 28 févr. 2017, n° 125u1, p. 245, note Batteur A. ; Dr. famille 2017, comm. 49, note Maria I. ; JCP G 2017, 200, note Péterka N. ; AJ fam. 2017, p. 144, note Raoul-Cormeil G. ; RTD civ. 2017, p. 100, obs. Hauser J.
  • 21.
    Sur le compte annuel de gestion, v. C. civ., art. 510 (tutelle) et C. civ., art. 472 (curatelle renforcée).
  • 22.
    Sur le rapport de diligence, v. C. civ., art. 463.
  • 23.
    Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes, La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, oct. 2016, p. 40 : la part de la gestion familiale était de 48 % en 2009 ; elle n’est plus que de 46 % en 2015.
  • 24.
    La courbe du nombre des mesures marque une nouvelle hausse continue depuis qu’elle a accusé une forte chute après l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 (731 671 mesures en 2009 contre 629 524 mesures en 2010). En effet, au 31 décembre 2014, le ministère de la Justice dénombrait 679 600 mesures en cours, dont 313 400 curatelles, 364 500 tutelles et 1 800 sauvegardes de justice (v. l’étude approfondie de Cruzet T. et Lebaudy M., « 680 000 majeurs sous protection judiciaire fin 2014 », Infostat Justice, juill. 2016, n° 143). Au 31 décembre 2015, la Cour des comptes cite le nombre de 694 700 mesures en cours (Rapp. de la Cour des comptes établi à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, oct. 2016, p. 15 et p. 46). Le palier de 700 000 mesures a été franchi en 2016 et le nombre a dépassé en 2017 celui qu’il était en 2009.
  • 25.
    L. n° 2015-177, 16 févr. 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures : JO, 17 févr. 2015, p. 2961. V. Peterka N., « Clarifications et recul du droit des personnes et de la famille », JCP G 2015, 243 ; Maria I., « Loi de modernisation et de simplification du droit : mesures pour les personnes protégées », Dr. famille 2015, comm. 81, p. 78 ; Raoul-Cormeil G., « Le droit des majeurs protégés, en partie rénové par la loi du 16 février 2015 », Gaz. Pal. 12 mars 2015, n° 215u1, p. 6 à 10.
  • 26.
    Rapport au président de la République… : JO, 16 oct. 2015, p. 19301.
  • 27.
    Instituée par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille : JO, 16 oct. 2015, p. 19304 ; l’habilitation familiale est régie par les articles 494-1 à 494-12 du Code civil, rassemblés dans la nouvelle section VI (« De l’habilitation familiale ») du chapitre II (« Des mesures de protection juridique des majeurs ») du titre XI (« De la majorité et des majeurs protégés par la loi ») du livre Ier du Code civil. Sur laquelle, v. not. Péterka N., « Déjudiciarisation de l’administration légale et renforcement du rôle de la famille dans la protection des majeurs », JCP G 2015, 1160 ; Mauclair S., « La modernisation du droit de la famille par l’instauration d’un dispositif d’habilitation familiale » ; RJPF 2016/01, p. 5.
  • 28.
    Introduits par le décret n° 2016-185, 23 févr. 2016, pris pour l’application de l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille : JO, 25 févr. 2016, les articles 1260-1 à 1260-12 du Code de procédure civile sont rassemblés dans une nouvelles section II bis (« Dispositions relatives à l’habilitation familiale »), après la section II (« Dispositions relatives au mandat de protection future ») du chapitre X (« La protection juridique des mineurs et des majeurs ») du titre Ier (« Les personnes ») de son livre III (« Dispositions particulières à certaines matières »). Sur ces textes, v. Montourcy V., « Habilitation familiale : de l’ordonnance du 15 octobre 2015 au décret du 23 février 2016, ou de Charybde en Scylla », AJ fam. 2016, p. 236 ; Mauger-Vielpeau L., « L’habilitation familiale : la saisine du juge des tutelles », Dr. famille 2016, dossier 41, p. 18 à 21.
  • 29.
    Rapport du Défenseur des droits sur la protection juridique des majeurs vulnérables, sept. 2016, p. 20 : « Il pourrait être envisagé d’étendre la mesure, à une simple assistance d’un majeur capable d’exprimer sa volonté mais trop âgé ou malade pour exercer seul ses droits, notamment pour restructurer son patrimoine, simplifier sa gestion quotidienne, ou préparer son installation en maison de retraite. Ainsi une habilitation familiale prévoyant l’assistance temporaire de la personne permettrait d’adapter cette mesure aux exigences de la Convention internationale des droits des personnes handicapées ».
  • 30.
    Mallet-Bricout B., « La nouvelle habilitation familiale ou le mille-feuille de la représentation des majeurs protégés », RTD civ. 2016, p. 190.
  • 31.
    Raoul-Cormeil G., « L’habilitation familiale : une tutelle adoucie, en la forme et au fond », D. 2015, chron., p. 2335. Arg. C. civ., art. 440, al. 3 : « La personne qui, pour l’une des causes prévues à l’article 425, doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle ».
  • 32.
    Noguéro D., « Les conditions de mise en œuvre de l’habilitation familiale », D. 2016, chron., p. 1510 et s., spéc. p. 1518. Adde, Maria I., « L’habilitation familiale, une nouvelle mesure de protection qui doit faire ses preuves », Dr. famille 2016, étude 5 ; Combret J. et Baillon-Wirtz N., « L’habilitation familiale : une innovation à parfaire », JCP N 2015, 1248 ; Péterka N., « Déjudiciarisation de l’administration légale et renforcement du rôle de la famille dans la protection des majeurs », préc.
  • 33.
    L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, sur la modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 111 : JO, 19 nov. 2016. En la forme, d’une part, deux malfaçons ont été corrigées. D’abord, l’article 494-1 du Code civil énonce désormais la liste des personnes pouvant saisir le juge des tutelles d’une requête tendant à ouvrir l’habilitation familiale plutôt que de procéder par renvoi en citant les proches de la famille au sens du 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015. Le texte est désormais lisible et compréhensible par le plus grand nombre. Ensuite, l’article 494-6 opère in fine un renvoi exact : les causes d’extinction de l’habitation familiale sont énoncées par l’article 494-11 et non pas par l’article 494-12 auquel renvoyait à tort la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 494-6 du Code civil. Au fond, d’autre part, deux oublis ont été comblés. D’abord, le conjoint est venu grossir les rangs de la famille restreinte, ainsi que le suggérait la doctrine. Ensuite, le juge des tutelles ne peut plus ouvrir une mesure d’habilitation familiale sans s’assurer préalablement que le réaménagement provisoire des pouvoirs entre époux serait insuffisant : à cet effet, l’article 494-2 du Code civil renvoie aux articles 217, 219, 1426 et 1429. Adde, Maria I., « La ratification de l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille », Dr. famille 2017, étude 8.
  • 34.
    Moisdon-Chataigner S., « L’extinction et le renouvellement de l’habilitation familiale », Dr. famille 2016, dossier 47, p. 41 à 43, spéc. n° 24.
  • 35.
    C. civ., art. 494-1, al. 1er.
  • 36.
    C. civ., art. 217 ; C. civ., art. 219 ; C. civ., art. 1426 et C. civ., art. 1429. L’emprunt explique que l’habilitation familiale ne pouvait, dans la version initiale de l’ordonnance du 15 octobre 2015, être demandée par le conjoint de la personne hors d’état de manifester sa volonté, ni que ce dernier ne puisse être habilité à la représenter, dès lors que les époux bénéficient déjà de l’habilitation judiciaire.
  • 37.
    Cabrillac R., Droit des régimes matrimoniaux, 9e éd., 2015, Montchrestien, Domat droit privé, n° 87. Adde, sur l’intensité de l’empêchement et la diversité de ses causes : Dauriac I., Droit des régimes matrimoniaux et du pacs, 4e éd., 2015, LGDJ, Manuels, n° 143 ; Cornu G., Les régimes matrimoniaux, PUF, Thémis, p. 145 (Sur l’autorisation de l’article 217) et p. 147 (Sur l’habilitation de l’article 219).
  • 38.
    Ainsi qu’en témoignent les études consacrées à cette question : Montourcy V., « Habilitation familiale. De l’ordonnance du 15 octobre 2015 au décret du 23 février 2016, ou de Charybde en Scylla », AJ fam., p. 194 ; Verheyde T., « Capacité ou non du majeur à exprimer sa volonté : des incohérences », AJ fam. 2016, p. 236 ; Péterka N., « Brève réflexion autour de la personne “hors d’état de manifester sa volonté” au sens de l’article 494-1 du Code civil », AJ fam. 2016, p. 237 ; Mauger-Vielpeau L., « L’habilitation familiale : la saisine du juge des tutelles », préc., spéc. n° 21.
  • 39.
    C. civ., art. 494-4. La règle est identique à l’article 432, al. 2 (L. n° 2007-308, 5 mars 2007).
  • 40.
    C. civ., art. 1128 et C. civ., art. 1129 (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016). Adde, C. civ., art. 414-1 (L. n° 2007-308, 5 mars 2007).
  • 41.
    C. civ., art. 16 et C. civ., art. 16-3 (L. n° 94-653, 29 juill. 1994). La désignation de la personne de confiance et les directives anticipées sont ainsi des modes d’expression anticipée du patient devenu inconscient ou « hors d’état d’exprimer sa volonté » (CSP, art. L. 1111-6, pour la désignation de la personne de confiance ; CSP, art. L. 1111-11, pour la consultation des directives anticipées. Pour aller plus loin, v. Raoul-Cormeil G., « Les personnes protégées et les dispositifs d’anticipation sur la fin de vie médicalisée », Dr. famille 2016, dossier 35, spéc. n° 3.
  • 42.
    C. civ., art. 431 auquel renvoie C. civ., art. 494-3, al. 2. À ce propos, la Cour de cassation admet, en cas de refus persistant de la personne à protéger d’être examiné par le médecin inscrit que celui-ci rédige le certificat médical circonstancié « sur pièces médicales » : Cass. 1re civ., 20 avr. 2017, n° 16-17672 : AJ fam. 2017, p. 356, obs. Montourcy V., et p. 359, obs. Raoul-Cormeil G. ; Dr. famille 2017, comm. 140, p. 39, note Maria I ; JCP G 2017, 525, note Noguéro D. ; D. 2017, Pan., p. 1495, obs. Lemouland J.-J.
  • 43.
    C. civ., art. 440, al. 1er.
  • 44.
    V. par ex. CPC, art. 1260, al. 1er : « Lorsqu’il statue sur une requête aux fins de délivrance d’une habilitation familiale (…), le juge entend la personne [susceptible de faire] l’objet de l’habilitation (…) ». Et selon l’alinéa 2 : « Le juge procède à l’audition : de la personne demandant à être habilitée ; (…) ». Adde, CPC, art. 1260-11, al. 1er : « La décision statuant sur une demande de délivrance d’une habilitation familiale est notifiée à la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée, aux personnes visées au deuxième alinéa de l’article 494-4 du Code civil et à la personne demandant à être habilitée ; avis en est donné au procureur de la République ».
  • 45.
    C’est pour cette raison que nous avions critiqué l’exclusion du conjoint du dispositif de l’habilitation familiale. L’époux d’une personne hors d’état de manifester sa volonté aurait très bien pu vouloir souhaiter que son fils, sa fille, son beau-frère ou sa belle-sœur (frère ou sœur de son conjoint), soit désignée pour le représenter dans les actes importants de sa vie civile. V. « L’habilitation familiale : une tutelle adoucie, en la forme et au fond », préc., p. 2336.
  • 46.
    Cette condition est classique ; la perte de conscience de la personne protégée ne met pas fin à la communauté de vie. C’est l’un des enseignements de l’arrêt Lambert : Cass. 1re civ., 8 déc. 2016, n° 16-20298 : D. 2016, p. 2569, Vialla F. ; AJ fam. 2017, p. 68, obs. Raoul-Cormeil G. ; Dr. famille 2017, comm. 48, note Maria I. ; LEFP janv. 2017, n° 110e3, p. 1, obs. Batteur A. ; JCP G 2017, 79, note Hauser J. ; JCP N 2017, 1139, note Péterka N. ; Raoul-Cormeil G., « Conditions et enjeux d’une tutelle ouverte au profit d’une personne en état de conscience minimale », Rev. gén. dr. méd., mars 2017, n° 62, p. 123 à 146, spéc. p. 137.
  • 47.
    Le projet de loi du 27 novembre 2013 avait visé, de manière confuse, les « membres de l’entourage familial » pour désigner le cercle des personnes habilitées à recevoir un pouvoir de représentation par une habilitation familiale (Sénat, discussion les 21 et 23 janvier 2014 et adoption, après engagement de la procédure accélérée, le 23 janvier 2014 : TA n° 69, 2013-2014, art. 1er : « Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour : 2° Aménager le droit de la protection juridique des majeurs en prévoyant un dispositif d’habilitation par justice au bénéfice des membres proches de la famille d’un majeur hors d’état de manifester sa volonté, permettant de le représenter ou de passer certains actes en son nom sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire »). En première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 1er du projet de loi a été limité aux « ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaires d’un pacte civil de solidarité ou concubin » (AN, discussion les 15 et 16 avril 2014 et adoption le 16 avril 2014 : TA n° 324).
  • 48.
    C. civ., art. 494-4, al. 2.
  • 49.
    C. civ., art. 430.
  • 50.
    Dans la famille tutélaire, la personne qui partage une vie de couple avec le majeur protégé ou à protéger prime, en principe, sur ses parents et alliés (C. civ., art. 449).
  • 51.
    Dans la famille successorale, le conjoint survivant au sens de l’article 732 du Code civil entre en concours avec les héritiers du premier ordre et une partie des héritiers du second ordre (C. civ., art. 734). En revanche, si la succession est ab intestat, il prime les frères et sœurs du de cujus et leurs descendants, ainsi que tous les ascendants et collatéraux ordinaires (C. civ., art. 757-2).
  • 52.
    Dans la famille alimentaire, le conjoint de la personne qui est dans le besoin est un débiteur d’aliments de premier rang (C. civ., art. 212). Le créancier d’aliments ou son représentant doit démontrer son impécuniosité pour obtenir de ses parents en ligne directe une pension alimentaire : Cass. 1re civ., 4 nov. 2010, n° 09-16889 : Dr. famille 2010, comm. 177, note Larribau-Terneyre V., et Dr. famille 2011, étude 7, Rebourg M.
  • 53.
    C. civ., art. 494-8, al. 1er.
  • 54.
    C. civ., art. 494-9, al. 1er.
  • 55.
    C. civ., art. 494-9, al. 4.
  • 56.
    C. civ., art. 494-6, al. 8.
  • 57.
    C. civ., art. 494-6, al. 7.
  • 58.
    C. civ., art. 494-11, 4°.
  • 59.
    C. civ., art. 437, al. 2.
  • 60.
    C. civ., art. 439.
  • 61.
    Guérin D., « L’habilitation familiale, le relais des procurations bancaires ? », Dr. famille 2017, étude 5, p. 22 à 25.
  • 62.
    TI Le Havre, 20 mai 2016, n° 16/00193.
  • 63.
    V. par ex. TI Cherbourg, 22 nov. 2016, n° 16/A/00218.
  • 64.
    Capdevielle C., Rapport fait au nom de la Commission des lois sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures : AN, 19 févr. 2014, n° 1808, spéc. p. 42.
  • 65.
    V. ainsi TI Caen, juge des tutelles, 20 mars 2013, n° 02/A/00283-1 : mesure prononcée pour une durée de 840 mois (70 ans) soit une échéance le 19 mars 2083 pour un majeur né en 1982. V. aussi le jugement (TI Cherbourg, juge des tutelles, 23 mars 2011, n° 07/A/00190-1) qui a renouvelé une mesure de tutelle concernant une personne âgée de 103 ans pour la durée de 120 mois ! Adde, Rebourg M., « Durée et renouvellement des mesures de protection juridique : le pragmatisme des juges face à la loi », in Raoul-Cormeil G. (dir.), Nouveau droit des majeurs protégés : difficultés pratiques, 2012, Dalloz, Thèmes & commentaires, p. 37 à 48, spéc. p. 47 : prendre « une mesure pour une durée excessivement longue aboutit à vider de son sens la loi du 5 mars 2007 qui a imposé une révision périodique des mesures ».
  • 66.
    V. en dernier lieu : Cass. 1re civ., 15 juin 2017, n° 15-23066 ; D. 2017, Jur., p. 1506, note Noguéro D. Par cet arrêt, la Cour de cassation casse au visa de l’article 442, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, ensemble l’article 26 de cette loi, l’arrêt confirmatif d’une cour d’appel qui a renouvelé une mesure pour une durée de trente ans, alors qu’il ressort des textes visés « et des travaux préparatoires que le législateur a entendu appliquer la limitation dans le temps de la durée des mesures renouvelées, plus protectrice des intéressés, à l’ensemble des renouvellements décidés après l’entrée en vigueur de la loi, le 18 février 2015, que les mesures initiales aient été prises avant ou après cette date ».
  • 67.
    Rapp. C. civ., art. 441, al. 2. Sur le contrôle effectué par la Cour de cassation sur l’avis de non-évolution de l’état de santé de la personne protégée, v. Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17752, PB ; D. 2016, p. 1501, obs. Lemouland J.-J.
  • 68.
    C. civ., art. 494-6. Citons la conclusion d’actes à titre gratuit et la disposition du logement (C. civ., art. 426). Sur ces actes, v. Noguéro D., « Les pouvoirs de la personne habilitée sur les biens du majeur protégé et les sanctions applicables », LPA 25 nov. 2016, n° 119y8, p. 7 à 21.
  • 69.
    C. civ., art. 387-1.
  • 70.
    En dépit des critiques doctrinales qui permettent d’améliorer le dispositif existant. Sur lesquelles, v. Schiller S. (dir.), Péterka N., Plazy J.-M. et a., « Dossier : gestion de patrimoine et personnes vulnérables. Apports et lacunes du décret de 2008 », Dr. & patr. mensuel 2016, n° 263, p. 37 à 74.
  • 71.
    V. spéc. Batteur A. et Douville T., « Présentation critique de la réforme de l’administration légale. Ordonnance du 15 octobre 2015 », D. 2015, chron., p. 2330.
  • 72.
    C. civ., art. 494-6, al. 1er et 2. Adde, sur les pouvoirs du tuteur de la personne majeure : C. civ., art. 504, al. 1er (actes conservatoires et actes d’administration) et C. civ., art. 505, al. 1er (actes de disposition).
  • 73.
    C. civ., art. 510, al. 1er : « Le majeur en curatelle ne peut, sans l’assistance de son curateur, faire aucun acte qui, sous le régime de la tutelle des majeurs, requerrait une autorisation du conseil de famille ». Rappr. C. civ., art. 467, al. 1er (L. n° 2007-308, 5 mars 2007). Sur la critique du maintien de cette règle, v. Plazy J.-M. et Raoul-Cormeil G. (dir.), Le patrimoine de la personne protégée, 2015, LexisNexis, étude 1, p. 1 à 36, spéc. n° 26 (« Le raisonnement par analogie est-il intelligible pour tous ? »).
  • 74.
    C. civ., art. 490, al. 1er : « Par dérogation à l’article 1988, le mandat, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation ».
  • 75.
    Sur les difficultés posées par la définition des actes à titre gratuit dont la conclusion est soumise à l’autorisation du juge, v. Leprovaux J., « Le mandat de protection future, technique de gestion patrimoniale », in Plazy J.-M. et Raoul-Cormeil G. (dir.), Le patrimoine de la personne protégée, 2015, LexisNexis, étude 10, p. 135 à 150, spéc. n° 18 (« Renonciation à succession ») et nos 19 et s. (« Renonciation à agir en réduction »). Une critique analogue a été développée au regard du renvoi aux articles 457-1 à 459-2 du Code civil : Batteur A., « Habilitation familiale et protection de la personne du majeur protégé », Dr. famille 2016, dossier 45, p. 33 à 36.
  • 76.
    C. civ., art. 494-8, al. 1er.
  • 77.
    C. civ., art. 435, al. 1er.
  • 78.
    C. civ., art. 495-3.
  • 79.
    Noguéro D., « Le périmètre des pouvoirs de la personne habilitée sur les biens du majeur protégé », Dr. famille 2016, dossier 43, p. 24 à 28, spéc. n° 28, p. 26.
  • 80.
    C. civ., art. 1123 (Code civil, 21 mars 1804). Rappr. C. civ., art. 1145, al. 1er (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016). Sur ce texte, v. Raoul-Cormeil G., in Douville T. (dir.), La réforme du droit des contrats, 2016, Gualino, p. 99 ; Péterka N., « Les implications de la réforme du droit des obligations en droit des personnes protégées », AJ fam. 2016, p. 533 ; Lemouland J.-J., « Réforme du droit des contrats et majeurs protégés », D. 2016, Pan., p. 1527.
  • 81.
    Carbonnier J., Droit civil, t. 1 : Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, Quadrige manuels, n° 295, p. 551. L’éminent auteur ajoutait, à propos du caractère exceptionnel des incapacités : « mais il ne faudrait pas aller jusqu’à dire que les lois qui établissent une incapacité sont toujours d’interprétation stricte ».
  • 82.
    Adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies, signée par la France à New York le 30 mars 2007, cette convention internationale a été ratifiée par le Parlement, par la loi n° 2009-1701 du 31 décembre 2009 puis publiée au Journal Officiel par décret n° 2010-356 du 1er avril 2010. Sur laquelle, v. Bacache M., RTD civ. 2010, p. 162. L’article 12 de cette convention est relatif à la mise en œuvre de la capacité juridique des personnes handicapées et fonde, selon les partisans d’une interprétation maximaliste de l’article 12 4°, la prohibition des mesures dites substitutives.
  • 83.
    C. civ., art. 458.
  • 84.
    Fossier T., « Projet de réforme des incapacités. Un objectif à ne pas oublier : protéger sans jamais diminuer », Defrénois 15 janv. 2005, n° 38076, p. 3 ; Hauser J. « Des incapables aux personnes vulnérables », Dr. famille 2007, étude 14, p. 5 ; Fossier T., « Le législateur des pauvres en esprit », in Mélanges Jean Hauser, 2012, LexisNexis-Dalloz, p. 95 à 110.
  • 85.
    V. le rapport du Défenseur des droits, La protection juridique des majeurs vulnérables, sept. 2016, p. 14.
  • 86.
    Caron-Déglise A., Verheyde T et Pecqueur E., « Capacité juridique et protection juridique à la lumière de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 est-elle compatible avec l’article 12 de cette convention ? », D. 2016, chron., p. 958 ; Noguéro D., « Pour la protection à la française des majeurs protégés malgré la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées », RDSS 2016/5, p. 964 à 972 ; plus ouvert à la critique : Fulchiron H., « L’accompagnement des personnes majeures vulnérables entre nécessité juridique et exigence éthique », Dr. famille 2017, dossier 17, p. 15.
  • 87.
    On songe au droit de vote que le juge des tutelles peut retirer lorsqu’il ouvre une tutelle (C. élect., art. L. 5). Ce texte est inapplicable aux personnes protégées par une habilitation familiale qui sont également hors d’état de manifester leur volonté. La cohérence doit être rétablie dans le sens du maintien inconditionnel du droit de vote, ainsi que dans la suppression de l’éligibilité au conseil municipal et départemental (C. élect., art. L. 200 et C. élect., art. L. 230, qui ne vise pas encore l’habilitation familiale !). Comp. Noguéro D., « Élection, droit de vote et droits fondamentaux », Journal du droit de la santé et de l’assurance maladie 2017, n° 16, p. 128 à 140.
  • 88.
    Sur les 76 809 mesures de protection juridique ouvertes en 2015, la Chancellerie dénombre 41 975 tutelles, 33 316 curatelles et 1 518 sauvegardes de justice (Les chiffres-clés de la justice 2016). En pratique, les curatelles simples sont rares et les curatelles renforcées représentent l’essentiel des curatelles en cours.
  • 89.
    C. civ., anc. art. 488, al. 3 (L. n° 68-5, 3 janv. 1968) : « Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet gravement l’exécution de ses obligations familiales ». Sur l’abrogation de cette règle par la loi du 5 mars 2007, v. Mauger-Vielpeau L., « Le retour du prodigue », JCP N 2008, 1269.
  • 90.
    Péterka N., Caron-Déglise A. et Arbellot F., Protection de la personne vulnérable, 4e éd., 2017, Dalloz, Action, n° 21, p. 220. Rappr. Terré F. et Fenouillet D., Les personnes (Personnalité, incapacité, protection), 8e éd., 2012, Dalloz, Précis, p. 670 (« Le statut primaire patrimonial »).
  • 91.
    C. civ., art. 455.
  • 92.
    C. civ., art. 496, al. 2.
  • 93.
    Sur cette évolution, v. Couturier M., « Le compte en banque de la personne vulnérable », JCP N 2008, 1270 ; Raoul-Cormeil G. et Lasserre Capdeville J., « Le compte bancaire du majeur protégé », RD bancaire et fin. 2013, dossier 23 à 26.
  • 94.
    Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, n° 13-26363 : Dr. famille 2015, comm. 58, Maria I. ; Gaz. Pal. 4 août 2015, n° 236h4, p. 8, obs. Houin-Bressand C. ; JCP E 2015, 1268, Raoul-Cormeil G. ; RTD civ. 2015, p. 357, obs. Hauser J.
  • 95.
    Raoul-Cormeil G., « Appréciation de la classification des actes en droit bancaire », Dr. & patr. 2016, n° 263, p. 49 à 54.
  • 96.
    TI Lorient, 26 août 2016, n° 16/A/00.
  • 97.
    C. civ., art. 447, al. 2. Adde, sur la cohabilitation familiale, les préconisations de Péterka N., « Le statut de la personne habilitée », Dr. famille 2016, dossier 44, p. 29 à 32, spéc. n° 10, p. 31.
  • 98.
    Mauger-Vielpeau L., « L’habilitation familiale : la saisine du juge des tutelles », préc., n° 24 ; Noguéro D., « Les conditions de mise en œuvre de l’habilitation familiale », préc., n° 11, p. 1515 ; Moisdon-Châtaigner S., « L’extinction et le renouvellement de l’habilitation familiale », préc., n° 10, p. 42.
  • 99.
    C. civ., art. 494-4.
  • 100.
    C. civ., art. 494-11, 3°.
  • 101.
    C. civ., art. 494-11, 1°.
  • 102.
    CPC, art. 1218, 1°. Rappr. CPC, art. 1260-3.
  • 103.
    CPC, art. 1218-1, al. 1er. Rappr. CPC, art. 1260-3.
  • 104.
    C. civ., art. 431 et CPC, art. 1219.
  • 105.
    C. civ., art. 503 et CPC, art. 1253 et s.
  • 106.
    C. civ., art. 510.
  • 107.
    C. civ., art. 463.
  • 108.
    C. civ., art. 424, al. 2.
  • 109.
    C. civ., art. 494-1, al. 1er.
  • 110.
    Mazeaud L., « L’assimilation de la faute lourde au dol », DH 1933, chron. p. 53.
  • 111.
    Verheyde T., « Le rôle du juge dans la mesure d’habilitation familiale : un juge présent, absent puis potentiellement présent », AJ fam. 2016, p. 188 ; « Le rôle du juge des tutelles dans l’habilitation familiale : de la lumière à l’éclipse ! », Dr. famille 2016, dossier 42, p. 22.
  • 112.
    C. civ., art. 494-1, al. 1er.
  • 113.
    C. civ., art. 1993.
  • 114.
    Hauser J., « L’habilitation familiale : rapport de synthèse », Dr. famille 2016, étude 48, p. 44 à 46.
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