La nullité du mariage par consentement mutuel toujours taboue ?

Publié le 02/03/2021

Il y a quinze ans l’affaire dite « de la nullité de mariage pour mensonge sur la virginité » avait déclenché les passions, en particulier sur Internet.  Xavier Labbée, professeur à l’Université de Lille et avocat  rappelle qu’à l’époque, les deux parties s’étaient finalement accordées sur le principe de l’annulation de leur mariage devant le juge qui avait naturellement prononcé la nullité. Le parquet fit appel et la cour réforma la décision contraignant les époux qui ne pouvaient plus vivre ensemble, à divorcer par consentement mutuel. Ce fut beaucoup de temps perdu. Pourquoi ne pas instaurer une procédure de nullité par consentement mutuel, s’interroge Xavier Labbée ?  Explications.

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Photo : @AdobeStock/Richard Villalon

 

Le droit du couple est aujourd’hui contractuel : c’est maintenant un lieu commun que de le rappeler. La contractualisation a atteint un tel degré qu’il n’est même plus nécessaire d’aller voir le juge pour divorcer par consentement mutuel. Et le mariage est devenu un contrat comme les autres : après tout, il n’est pas nécessaire d’aller au conseil des prudhommes pour mettre fin à un contrat de travail dès lors que l’employeur et le salarié s’accordent sur les modalités de la rupture. On négocie un licenciement en dehors du tribunal comme on négocie un divorce dans un cabinet d’avocat. Et le juge n’a rien à faire là-dedans.

En mariage, trompe qui peut…

Dans un tel paysage, on peut se demander pourquoi le contentieux de la nullité échappe  encore à la contractualisation. Certes, ce contentieux révèle souvent une fraude à la loi : c’est le cas de la nullité absolue qui oppose la plupart du temps le parquet demandeur, à l’époux (ou aux époux) qui ont cru pouvoir instrumentaliser le mariage pour obtenir par exemple un permis de séjour ou un avantage fiscal. Il est difficile d’imaginer dans une telle hypothèse un accord des parties. Mais qu’en est-il du contentieux de la nullité relative ouvert à la confirmation, et plus précisément du contentieux de l’erreur, du dol et même parfois de la violence ?

Un époux s’est trompé sur une qualité qu’il jugeait chez l’autre essentielle et que l’autre avoue ne pas avoir. Ou encore un époux s’est trompé ou l’un a été trompé par l’autre qui a surpris son consentement quelquefois par amour : « je lui ai menti parce que je l’aime et je n’ai pas voulu lui dire la vérité pour ne pas le perdre ». En mariage, trompe qui peut… Quelquefois c’est la crainte révérencielle envers les parents qui affecte le consentement. «  Nous nous sommes mariés, mais nous ne nous aimons pas. Cependant notre mariage fait tellement plaisir à nos parents, qui l’ont tant souhaité, que nous n’avons pas osé leur dire la vérité… ». Les mariages forcés sont à ce que l’on dit, de plus en plus fréquents. Mais il ne faut pas imaginer que la contrainte parentale soit nécessairement physique et qu’elle soit synonyme de mauvaises intentions : elle est la plupart du temps exercée en toute bonne foi par des parents qui pensent bien faire, vis-à-vis d’enfants qui n’osent pas dire non et qui obéissent… « Épouse ton cousin. C’est quelqu’un de bien. Tu me remercieras plus tard…. ».

Peut-on bâtir une union sur un mensonge révélé ou sur une contrainte subie ? Et peut-on contraindre deux personnes à vivre ensemble dans de telles conditions ? Certainement pas.

La nullité permet d’oublier, pas le divorce

Pourquoi, dès lors que les époux reconnaissent l’un et l’autre que leur consentement était vicié ab initio, ne pourrait-on imaginer une procédure de nullité par consentement mutuel ? Pourquoi la demande de nullité ne peut-elle s’inscrire que dans le cadre d’une démarche contentieuse comme c’est le cas aujourd’hui ? Pourquoi vouloir à tout prix faire intervenir le parquet  dans le contentieux de la violence, comme le prescrit depuis le 4  avril 2006 l’article 180 C.Civ, dans une affaire qui demeure essentiellement privée ? Et pourquoi n’offrir aux époux comme solution pour en sortir, qu’un divorce éclair par consentement mutuel et par acte d’avocat, alors que le mariage n’a le plus souvent même pas produit d’effet ? Le divorce sanctionne le manquement aux obligations issues du mariage. La nullité sanctionne les conditions de formation du mariage. Ce n’est pas la même chose.  Il y a des hypothèses dans lesquelles les deux époux reconnaissent le vice qui affecte leur union et veulent s’en dégager le plus rapidement possible sans pour autant entrer en contentieux. La demande de nullité par requête conjointe n’est-elle pas idéale ?

La nullité, avec son effet rétroactif souvent réparateur, semble pouvoir constituer une solution mieux adaptée que le divorce. Elle permet d’oublier le passé : on fait comme si l’union n’avait jamais eu lieu. Le divorce n’emporte pas une telle conséquence qui peut être psychologiquement importante pour de jeunes personnes.

Le droit commun des contrats permet d’obtenir par consentement mutuel (mutuus discensus), la résolution (avec effet rétroactif) ou la résiliation (simplement pour l’avenir) d’une convention. Pourquoi le droit du mariage n’autorise –t-il, par la voie du divorce par consentement mutuel, que la seule résiliation ? Pourquoi ne permet-il pas, à l’heure de la contractualisation des rapports juridiques dans le couple, la résolution rétroactive du mariage d’un commun accord ? Et pourquoi, au point où nous en sommes, ne pas convenir d’une annulation par acte d’avocat contresigné, déposé chez un notaire ? L’époque du mariage institution synonyme d’indissolubilité,est bien révolue.

 

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