La place de l’enfant dans la médiation familiale

Publié le 27/10/2020

Les bienfaits de la médiation dans le cadre d’un conflit familial sont aujourd’hui bien reconnus. Mais il est encore possible d’améliorer le système en s’interrogeant sur la place que peut y occuper la parole de l’enfant.

La loi de 2016 portant modernisation de la justice au XXIe siècle a reconnu un rôle accru aux modes alternatifs de règlement des conflits. Assurément, ces derniers sont une formule plus souple que le jugement, parce qu’ils contraignent les parties uniquement par l’accord qu’elles ont conclu entre elles. L’adhésion des parties à la solution trouvée est, en effet, la meilleure garantie de pacification. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’une « mauvaise transaction vaut mieux qu’un bon procès1 » ? L’accord, lorsqu’il n’émane pas directement des parties, peut être aidé par un conciliateur ou un médiateur. En matière familiale, le procès ne permet pas toujours de sortir du conflit et peut, bien au contraire, le figer, voire l’amplifier2. Parce que le couple qui se sépare doit aménager sa situation, doit diriger la procédure de divorce plus que la subir, il peut être nécessaire de les accompagner dans les moments de crise. En pacifiant au maximum la séparation, il deviendra alors possible de réinstaurer le dialogue pour déconstruire paisiblement le lien conjugal. C’est là tout l’intérêt de la médiation3. Elle « permet de ne pas étendre le conflit aux environnements familial et amical immédiats, pris très souvent dans la spirale du tiraillement entre les époux qui se séparent4 ». La médiation, naturellement, semble dépasser le seul cadre litigieux du conflit pour la résolution duquel on offre une solution juridique. Mais elle permet, plus largement, de reconstruire le lien social qui existe entre plusieurs individus. Alors que le procès entretient l’adversité entre les parties, les MARC favorisent l’altérité en se fondant sur le principe du consensualisme.

Au cours d’un entretien dirigé par un médiateur, les membres du couple abordent ensemble les heurts qui les unissent. Les torts reconnus, les explications données, les souffrances exprimées vont leur permettre d’obtenir les réponses aux questions qui les tourmentent, de libérer ce qu’ils ressentent. Par cette rencontre volontaire, les divorçants vont pouvoir faire l’expérience du mal d’autrui. Le recours à la parole au sein de cette rencontre dépasse le cadre du droit et aspire à la pacification des relations5. Sur l’échelle du temps, deux dimensions peuvent être conférées au conflit ; la première porte sur le temps objectif (la durée de l’acte), tandis que l’autre, bien plus longue, s’étend au temps subjectif (le souvenir de l’acte). Celle-là seule, pleinement ressentie par les justiciables, peut éteindre un différend.

Il semble nécessaire d’envisager la médiation comme le lieu de reconnaissance des fautes commises, non pas dans le cadre d’un combat entre les membres d’un couple, mais dans une attitude d’ouverture et de reconstruction. La médiation doit être cathartique… Ce lieu de dialogue des divorçants vise à remplacer les disputes qui éclatent, les spirales remplies d’enquêtes par détectives privés, d’attestations vraies comme fausses, etc. La médiation vise à ne pas étendre le conflit dans la sphère familiale, amicale, professionnelle. La médiation purge le passé en travaillant sur la souffrance et en posant les bases des lendemains plus sereins, pour le couple, comme pour leurs enfants.

Conflits familiaux

Mais qu’en est-il de ces derniers au cours du processus ? Si l’enfant est au cœur de la préoccupation des parents, il peut aussi devenir l’instrument de conflit entre eux. L’objectif de la médiation est de libérer la parole pour évoquer le conflit, l’explorer, le comprendre et, enfin, l’éteindre. Quelle peut donc être la place de la parole de l’enfant au sein de la médiation ?

Il faut tout d’abord comprendre la psychologie d’un enfant confronté au conflit parental. Si beaucoup d’enfants adoptent une attitude de dégagement du conflit, d’autres vont intérioriser ce conflit, le garder pour eux. Certains navigueront de l’un à l’autre parent, épousant alors successivement leur cause. C’est ce que l’on appelle le conflit de loyauté. Ce dernier apparait lorsque deux loyautés viennent à s’opposer (ici le conflit des deux parents) : l’enfant est obligé de trahir la loyauté envers une personne pour être fidèle à l’autre, puis change de position pour satisfaire l’autre parent. Et ainsi de suite. L’enfant est alors écartelé entre ses deux parents. La mésentente des parents constitue une source privilégiée de conflits de loyauté et plus encore lorsqu’elle a conduit à une séparation. Les conséquences pour l’enfant dépendront bien évidemment de l’intensité, de la fréquence, de la répétition du conflit et de l’importance qu’il prend à ses yeux6.

Le médiateur, en gérant le conflit familial, aide la communication entre les parents, mais peut également aider la communication avec l’enfant. L’alinéa 3 de l’article 371-1 du Code civil prescrit d’ailleurs que « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité ».

Dans le cadre de la médiation de ses parents, l’enfant peut parler librement de ses sentiments, de ses souhaits et de ses inquiétudes. Il peut se détacher des positions de ses parents et être rassuré. Par-là, ses besoins peuvent être mieux entendus par les parents qui se mettront, peut-être, plus facilement d’accord pour trouver une solution au conflit dont l’enfant est l’enjeu. La médiation permettrait également de retisser une relation entre l’enfant et son parent, si cette dernière avait été coupée par le conflit (par exemple : sentiment d’abandon alimenté à des degrés divers par l’autre parent)7.

Au-delà de l’apaisement du conflit des parents, la parole de l’enfant permet également, dans certains cas, d’avoir des effets bénéfiques sur lui. Car il ne faut pas oublier que cet enfant, s’il est souvent l’enjeu du conflit, y est également particulièrement exposé. Le lien de confiance que la famille crée avec le médiateur permet sans conteste de renouer les liens familiaux ou, tout au moins, de ne pas les envenimer davantage.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Aynes L. et Malaurie P., « La transaction », Defrénois juin 1992, n° 12, p. 769.
  • 2.
    Aynes L. et Malaurie P., « La transaction », Defrénois juin 1992, n° 12, p. 769.
  • 3.
    Mélin N., « La médiation : points d’actualité », Gaz. Pal. 13 août 2015, n° 236k9, p. 9 ; Ganancia D., « Enjeux et perspectives de la médiation au tribunal de grande instance de Paris », Gaz. Pal. 28 mai 2011, n° I6015, p. 14.
  • 4.
    Juston M., « La médiation familiale. Désamour et Droit », AJ fam. 2016, p. 322.
  • 5.
    Cario R., Justice restaurative : principe et promesses, 2010, Paris, L’Harmattan.
  • 6.
    Boszormenyi-Nagy I., Spark G. M. Invisibles Loyalties, Maryland, Harper and Row Hagerstown, 1973 ; Gardner R. A., The Parental Alienation Syndrom. Creative therapeutics, Cresskill, 1992 ; Hayez J.-Y. et Kinoo P., « Aliénation parentale, un concept à haut risque », Études 2009, p. 187 ; Jeammet N, La haine nécessaire, 1989, Paris, PUF ; Lemaire J.-G., Famille, amour, folie : lectures psychanalytiques des liens familiaux, 1989, Paris, Paidos ; Le Run J.-L., « Conflit de loyauté », Enfances & Psy 1998, p. 44, n° 4 ; Marcelli D., « Le pédopsychiatre dans la tourmente du couple parental », Enfances & Psy 1998, p. 22, n° 4 ; Michard P, La thérapie contextuelle de Boszormenyi-Nagy. Une nouvelle figure de l’enfant dans le champ de la thérapie familiale, 2005, Bruxelles, De Boeck ; Van Gisjeghem H. et Le Run J.-L., « Le syndrome d’aliénation parentale », Journal du droit des jeunes 2003, p. 24, n° 222 ; Le Run J.-L., « Les séparations conflictuelles : du conflit parental au conflit de loyauté », Enfances & Psy 2012, p. 57, n° 56 ; Viaux J.-L., L’enfant et le couple en crise, du conflit psychologique au contentieux juridique, Paris, Dunod.
  • 7.
    Ganancia D., « L’écoute de l’enfant dans la médiation des parents », AJ fam. 2019, p. 120.
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