1re Commission : Famille

Les impossibilités en matière d’adoption de l’enfant non commun

Publié le 08/09/2017

 

Au sein d’un couple, il peut être souhaité que soient aménagés juridiquement les rapports entre l’un des membres du couple et l’enfant de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin.

Déjà, quelques outils existent indépendamment de l’établissement d’un lien de filiation1. En droit positif, une délégation-partage de l’autorité parentale est possible2. En droit prospectif, un mandat d’éducation quotidienne a parfois été envisagé3.

Quelquefois, c’est l’établissement d’un lien de filiation à l’endroit de l’enfant de l’autre qui est envisagé. À cet égard, la reconnaissance de complaisance, lorsque l’enfant n’a pas déjà une filiation paternelle établie, doit être fermement prohibée parce que le lien créé – contraire à la réalité – pourra devenir incontestable : une fin de non-recevoir s’oppose à l’action en contestation de paternité lorsque la possession d’état est conforme au titre pendant 5 ans. L’enfant ne peut alors agir à sa majorité ; seul le ministère public le peut4. Au demeurant, elle est une fraude à l’adoption5, qui est ici seule envisageable.

Or s’agissant précisément de l’adoption de l’enfant de l’autre, il convient de veiller au fait qu’elle n’est pas toujours possible. Aussi est-il dressé un état, à l’usage des praticiens, des impossibilités en la matière. Certaines sont la conséquence du mode de conjugalité choisi ; elles peuvent par suite être levées par le mariage entre l’adoptant et le parent de l’enfant et sont – en ce sens – relatives (I). D’autres sont indépendantes du type d’union et ne peuvent alors en principe être contournées (II).

I – Les impossibilités résultant du lien de conjugalité entre l’adoptant et le parent de l’enfant

Depuis la loi sur le mariage pour tous6, les couples de même sexe comme de sexe différent peuvent se marier et ce faisant, bénéficier des dispositions propres à l’adoption de l’enfant du conjoint, lesquelles sont dérogatoires au droit commun de l’adoption. Ces règles sont en revanche inapplicables au concubin ou au partenaire. Aussi, l’adoption simple (A) comme plénière (B) par celui-ci est-elle exclue en raison de ses effets7.

A – L’impossible adoption simple de l’enfant mineur du concubin ou du partenaire

L’adoption simple de l’enfant du concubin ou du partenaire produit des effets inadaptés. Le lien de filiation n’est pas rompu entre l’adopté et sa famille d’origine. Pour autant, l’article 365 du Code civil prévoit que : « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale (…) ». Et à cette règle, il n’est dérogé que lorsque l’adoptant est le conjoint du père ou de la mère de l’adopté : en ce cas, en effet, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint8, qui en conserve seul l’exercice9. La Cour de cassation précise à cet égard que « le partage de l’autorité parentale n’est prévu que dans le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint, ce qui suppose une union par les liens du mariage »10.

Parce que l’adoption simple de l’enfant du concubin ou du partenaire prive le parent par le sang de l’autorité parentale, la Cour de cassation la refuse11. La question s’est posée alors que des couples de même sexe tentaient, avant la loi sur le mariage pour tous, d’établir un lien de filiation à l’égard de l’enfant de l’autre par ce biais ; ce fut sans succès12, y compris en cas d’adoption simple suivie d’une délégation de l’autorité parentale au parent (en sens inverse)13. Précisons encore que, si telle est la solution en droit interne, une loi étrangère qui retiendrait une solution différente ne serait pas contraire à l’ordre public international français14.

Seule l’adoption simple de l’enfant mineur du conjoint est donc possible ; elle l’est, quel que soit l’âge de l’adopté15 et alors même que la filiation est établie à l’égard de ses deux parents. Si l’enfant est mineur16 (non s’il est majeur)17, le consentement du parent non conjoint de l’adoptant sera toutefois nécessaire parce qu’il perd alors l’autorité parentale. Ici, par exception18, il n’y a ni condition d’âge minimum pour les adoptants ni de durée du mariage19. Quant à la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté, elle doit être de 10 ans20. Toutefois, une seule adoption simple de l’enfant du conjoint par un de ses beaux-parents est admise. C’est dire qu’un enfant adopté en la forme simple par le mari de sa mère ne peut par la suite être adopté par l’épouse de son père21. « La famille doublement recomposée »22 est prohibée.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a pu estimer que « la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l’intérêt de l’enfant, une différence de traitement quant à l’établissement de la filiation adoptive à l’égard des enfants mineurs »23 ; position que semble avoir retenue également la Cour européenne des droits de l’Homme24. D’autant que cette différence de traitement – comme le rappelle le Conseil constitutionnel – n’existe qu’à l’égard de l’enfant mineur. Lorsqu’en effet l’enfant est majeur, l’adoption par le concubin ou le partenaire de son parent ne produit pas d’effets qui justifieraient de la condamner25. Encore faut-il alors en mesurer chacune des incidences civiles et fiscales. La fiscalité en ligne directe ne sera applicable que si l’adopté majeur a reçu, soit pendant sa minorité et pendant 5 ans au moins, soit pendant sa minorité et sa majorité et pendant 10 ans au moins, des secours et des soins non interrompus au titre d’une prise en charge continue et principale26 (condition inexistante en cas d’adoption de l’enfant du conjoint). Sur le plan civil, ce sont cette fois27 les règles du droit commun de l’adoption qui s’appliquent, desquelles il résulte qu’une personne seule peut adopter un enfant, si elle est âgée de 28 ans au moins28 et si la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté est de 15 ans29.

B – L’impossible adoption plénière de l’enfant du concubin ou du partenaire

L’adoption plénière de l’enfant du concubin ou du partenaire est pareillement exclue parce que les règles du droit commun de l’adoption lui sont applicables30 : l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par le sang31 et la filiation adoptive se substitue à celle d’origine32. Elle a pourtant parfois été prononcée, rompant alors tout lien avec le parent de l’enfant, une annulation devant s’en suivre33. Une exception à cet effet radical de l’adoption est prévue lorsqu’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint. L’article 356 du Code civil prévoit en ce sens que « (…) l’adoption de l’enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille (…) ».

Telles sont les circonstances dans lesquelles la question a pu être posée de savoir si la différence de traitement entre les couples mariés ou non est conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme : un concubin avait adopté la fille majeure et handicapée de sa compagne et le lien entre la mère et l’enfant s’était par suite rompu. La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la Suisse pour violation du droit au respect de la vie familiale sur le fondement de l’article 8 de la Convention34 et a considéré qu’« il convient d’aller vers une adoption par le concubin du parent de l’enfant qui ne fasse perdre à ce dernier ses droits à l’égard de son enfant ». La Suisse n’admettant pas l’adoption simple, mais la seule adoption plénière, d’aucuns considèrent que la législation française, qui accorde une place à l’adoption simple, ne serait pas inconventionnelle35.

L’adoption plénière de l’enfant du conjoint a fait l’objet de réformes successives. Avant la loi du 22 décembre 1976, tout lien de filiation entre l’enfant et son parent (conjoint de l’adoptant) était anéanti. On se trouvait alors dans une situation semblable à celle existant aujourd’hui en cas d’adoption de l’enfant du concubin ou du partenaire. Aussi, la loi de 1976 a-t-elle expressément prévu que l’adoption de l’enfant du conjoint laisse subsister la filiation à l’égard du conjoint de l’adoptant et de sa famille. Pour autant, elle continuait de rompre le lien de filiation à l’égard du parent non conjoint de l’adoptant et de sa famille pour lesquels les conséquences pouvaient être dramatiques. En cela, l’adoption plénière n’était pas suffisamment encadrée. Aussi, pour y remédier, la loi du 8 janvier 1993 a prévu que : « L’adoption plénière de l’enfant du conjoint n’est permise que lorsque cet enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint »36. C’était verser d’un excès dans l’autre : l’adoption de l’enfant du conjoint devenait trop limitée. C’est pourquoi le texte a été de nouveau modifié en 199637, afin d’étendre les cas où l’adoption de l’enfant du conjoint est possible et la loi du 17 mai 2013 l’a à son tour retouché38.

L’article 345-1 du Code civil prévoit désormais que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise dans trois cas limitativement énumérés et sous certaines conditions39 ; l’adopté doit notamment avoir moins de 15 ans.

Le premier cas est celui où l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard du conjoint de l’adoptant40 ; à quoi la loi de 2013 a ajouté l’hypothèse où l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard. Si une personne a adopté un enfant alors qu’elle n’était pas encore mariée, ou si elle l’a adopté seule tout en étant mariée, son conjoint (peu importe qu’il soit de même sexe ou de sexe différent) peut par la suite adopter l’enfant41.

Le deuxième cas est celui où l’autre parent que le conjoint de l’adoptant est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré, ou si ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant42. La condition est ici cumulative. L’on en comprend bien la raison : l’adoption de l’enfant du conjoint va rompre tout lien avec les ascendants du parent prédécédé (non conjoint de l’adoptant). Encore, la condition ainsi posée est-elle parfois débattue en ce qu’elle fait fi des autres ascendants, et par exemple des ascendants au deuxième degré ou des collatéraux. Alors même que ces derniers s’occupent de l’enfant, l’adoption sera possible et va rompre tout lien entre eux et l’enfant. Certes, le tribunal pourra refuser cette adoption plénière si elle ne lui paraît pas conforme à l’intérêt de l’enfant43, mais en tant que conseil intervenant en amont, le notaire pourrait déconseiller une telle adoption dans cette hypothèse.

Le troisième et dernier cas44 est celui où l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale. Cette hypothèse est critiquable ; elle l’est d’autant plus lorsqu’on la compare à la précédente45. Aucune dérogation n’est prévue : il importe peu que ce parent laisse des ascendants au premier degré. Ceux-ci subissent par ricochet les effets de la privation de l’autorité parentale46. Et le retrait de l’autorité parentale n’est pas définitif, alors que l’adoption l’est47. L’abrogation de ces deux derniers cas est parfois proposée, le recours à l’adoption simple restant possible48.

II – Les impossibilités indépendantes du lien de conjugalité entre l’adoptant et le parent de l’enfant

Il est d’autres hypothèses où l’adoption de l’enfant de l’autre était traditionnellement exclue, et ce, quel que soit le lien de conjugalité entre l’adoptant et le parent de l’enfant. L’impossibilité s’expliquait alors par l’interdiction législative de la gestation pour autrui (GPA) ; la jurisprudence n’en a pas moins admis récemment l’adoption de l’enfant né de GPA (A). Parfois, l’impossibilité découle d’une incohérence législative, comme en droit des personnes protégées, et une clarification est alors souhaitable (B).

A – D’une interdiction législative de la GPA à une admission jurisprudentielle de l’adoption de l’enfant né de GPA

L’adoption de l’enfant né d’une GPA était traditionnellement impossible, car cette technique de procréation est interdite en France.

L’analyse différait en cas de procréation médicalement assistée (PMA). La PMA est, en effet, interdite en France seulement au sein des couples de même sexe ou pour une personne seule. Si donc un couple de femmes se rend à l’étranger (par exemple en Belgique)49 pour que l’une d’elles bénéficie d’une procréation médicalement assistée, la filiation est établie à l’égard de la mère par la seule indication de son nom dans l’acte de naissance dressé en France. Mater semper certa est : la mère est toujours certaine, c’est celle qui accouche de l’enfant. L’épouse de la mère ayant bénéficié de l’assistance médicale à la procréation peut alors adopter l’enfant. La solution est acquise en jurisprudence depuis deux avis de la Cour de cassation du 22 septembre 201450. La question était celle de savoir si « le recours à la procréation médicalement assistée, sous forme d’un recours à une insémination artificielle avec donneur inconnu à l’étranger par un couple de femmes (…) » est une « fraude à la loi empêchant que soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère ». La Cour de cassation considère que l’adoption est possible « si les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ». À la suite de cet avis, nombreuses sont les décisions des juges du fond qui ont fait droit à une telle demande51.

À l’inverse, jusqu’à peu, l’adoption de l’enfant du conjoint né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger était interdite52 : le conjoint (de même sexe ou non) du père ne pouvait adopter l’enfant lorsque la filiation paternelle est inscrite sur les registres de l’état civil en France53. Encore faut-il préciser que deux positions avaient été défendues à la suite des avis précités de la Cour de cassation54. Selon la première, si l’on transposait à la GPA la solution de la Cour de cassation sur la PMA, une telle adoption était possible indépendamment de la fraude à la loi55. Selon la seconde, il y avait lieu à l’inverse de limiter strictement la portée des avis de la Cour de cassation56. La PMA est admise en France sous certaines conditions alors que la GPA est prohibée ; la solution de l’une ne pouvait donc être étendue à l’autre. Et en 1991, l’Assemblée plénière avait refusé une telle adoption57. Le Conseil constitutionnel avait au demeurant considéré, dans sa décision relative au mariage pour tous, que « l’éventualité d’un détournement de la loi lors de son application n’entache pas celle-ci d’inconstitutionnalité ; qu’il appartient aux juridictions compétentes d’empêcher, de priver d’effet et, le cas échéant, de réprimer de telles pratiques », ce qui pouvait laisser penser que selon le Conseil, le détournement de la loi (notamment en cas de GPA à l’étranger et d’adoption subséquente en France) devait être réprimé58. Plus récemment, une réponse ministérielle59 s’était attachée à rappeler la distinction de la situation des enfants nés de GPA et de PMA et la cour d’appel de Dijon avait refusé l’adoption simple par le mari du père de l’enfant né de GPA60. La Cour de cassation n’a pas retenu cette seconde position : elle a admis aux termes de quatre arrêts en date du 5 juillet 201761 qu’en présence d’une GPA pratiquée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres d’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais non en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché de l’enfant. Pour autant, la GPA ne fait pas obstacle à l’adoption de l’enfant par l’épouse de son père ou selon le cas par l’époux du père, si les conditions légales sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

B – D’une incohérence législative en droit des personnes protégées vers une clarification ?

C’est enfin le droit des personnes protégées qui peut poser difficulté au notaire qui recueille un consentement à l’adoption. Précisons que la question n’est alors pas propre à l’adoption de l’enfant de l’autre, mais se pose pour toute adoption. C’est que le droit de l’adoption et le droit des personnes protégées ne s’accordent en effet qu’imparfaitement. Les textes ne sont pas rédigés de façon harmonieuse et les solutions, quand elles sont acquises (car parfois aucune solution ne peut être dégagée de la contradiction des textes), sont dérangeantes en ce qu’elles excluent certaines adoptions (qui pourraient paraître opportunes). Une clarification serait souhaitable. Trois hypothèses méritent à cet égard que l’on s’y arrête.

En premier lieu, il semblerait que l’adoption simple d’un majeur vulnérable soit dans certains cas impossible. L’article 458 du Code civil prévoit que certains actes qui impliquent un consentement strictement personnel ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Il en est ainsi du consentement donné à sa propre adoption. L’on comprend l’objectif du législateur : conférer au majeur protégé une indépendance pour les décisions intimes le concernant. Pourtant, du fait de ce texte, certains actes ne pourront jamais être accomplis par le majeur protégé alors même qu’ils pourraient être dans son intérêt62. En effet, les actes strictement personnels peuvent être accomplis par la personne protégée seule si et seulement si elle est en mesure d’y consentir. À défaut, elle est frappée d’une incapacité de jouissance63.

C’est cette solution critiquable qui résulte d’un arrêt de la Cour de cassation rendu avant la loi du 5 mars 200764 portant réforme de la protection juridique des majeurs, mais dont la solution demeure applicable. L’épouse en seconde noce du père d’une fille autiste placée sous tutelle souhaitait l’adopter afin de garantir son avenir. La jeune femme avait perdu sa mère et avait tissé des liens intimes avec sa belle-mère. La Cour de cassation juge que « le consentement d’un majeur protégé à sa propre adoption qui est un acte strictement personnel ne peut être donné en ses lieu et place par son tuteur » et la personne protégée n’était pas en mesure d’exprimer une volonté65. La solution est dérangeante. Et d’aucuns considèrent que la France pourrait être condamnée pour violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’adoption étant ici dans l’intérêt du majeur66.

En second lieu, un majeur vulnérable peut-il présenter une requête en adoption ? La réponse à cette question pourrait être trouvée dans deux textes. Or elle diffère selon que l’on retient l’un ou l’autre67. Elle peut d’abord être trouvée dans l’article 458 du Code civil, précité68. C’est considérer que la requête en adoption est un acte strictement personnel qui ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation. Auquel cas, si la personne protégée est en mesure de donner un consentement et uniquement dans cette hypothèse, elle pourra la présenter seule. Si l’article 458 du Code civil, qui énumère certains actes qualifiés de « strictement personnels », ne fait référence qu’au « consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant », il pourrait être étendu à la requête en adoption, la liste n’étant pas limitative69. C’est en ce sens que pourrait être interprété un arrêt rendu par la Cour de cassation en 200770.

La réponse peut ensuite être trouvée dans l’article 475, alinéa 2 du Code civil71. C’est considérer que la requête en adoption est une action en justice relative à un droit extrapatrimonial de la personne protégée72. Auquel cas, le tuteur peut formuler une telle demande avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille. La solution n’est donc pas certaine dans cette hypothèse ni d’ailleurs dans la suivante.

En troisième lieu, le majeur protégé peut-il donner un consentement à l’adoption de son enfant ? Les textes paraissent ici contradictoires. L’article 458 du Code civil précise que le consentement à l’adoption de l’enfant de la personne protégée est un acte strictement personnel pour lequel le majeur ne peut être ni représenté ni assisté. Il en résulte que, si le majeur protégé n’est pas en mesure de manifester une volonté, l’adoption de son enfant devrait être impossible. L’article 348 du Code civil prévoit néanmoins que : « Lorsque la filiation d’un enfant est établie à l’égard de son père et de sa mère, ceux-ci doivent consentir l’un et l’autre à l’adoption. Si l’un des deux est mort ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, s’il a perdu ses droits d’autorité parentale, le consentement de l’autre suffit »73. Comment concilier ces textes ? Cela paraît très difficile et la doctrine d’ailleurs y renonce74.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. sur ces questions Perrin S., Parenté et parentalité : le rôle du tiers dans la vie de l’enfant. Étude de droit comparé européen, Thèse, 2009, Strasbourg.
  • 2.
    C. civ., art. 377-1.
  • 3.
    V. par. ex. rapport « Filiation, origines, parentalité : Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », Théry I. et Leroyer A.-M., avr. 2014 ; art. 10, proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, adoptée en 1re lecture par l’AN le 27 juin 2014.
  • 4.
    C. civ., art. 333, al. 2 ; la Cour de cassation semble toutefois prôner un contrôle de proportionnalité lors de l’application de ce texte : Cass. 1re civ., 10 juin 2015, n° 14-20790 ; RTD civ. 2015, p. 596, obs. Hauser J. ; D. 2015, p. 2365, obs. Fulchiron H. – v. pour le contrôle de proportionnalité du délai d’action en présence d’une action en recherche de paternité : Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068 : Bull. civ. à paraître.
  • 5.
    Bonnet V., Droit de la famille, 5e éd., 2016, Larcier, n° 123 ; v. plus nuancé sur cette qualification : Fulchiron H., « Vérité contre stabilité des filiations », D. 2013, p. 2958.
  • 6.
    L. n° 2013-404, 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
  • 7.
    L’article 346 du Code civil prévoit que : « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux ». Deux concubins ou partenaires ne peuvent adopter ensemble ; toutefois l’adoption de l’enfant du concubin ou du partenaire est le fait d’une personne seule et est par suite théoriquement possible bien que ses effets soient souvent inadaptés.
  • 8.
    Le parent (non conjoint de l’adoptant) perd donc l’autorité parentale sur le mineur et c’est pourquoi son consentement à l’adoption est nécessaire si l’enfant est mineur ; v. infra.
  • 9.
    C. civ., art. 365 ; sauf déclaration conjointe au tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité.
  • 10.
    Cass. 1re civ., 19 déc. 2007, n° 06-21369 : Bull. civ. I, n° 392 – Cass. 1re civ., 9 mars 2011, n° 10-10385 : Bull. civ. I, n° 52.
  • 11.
    Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-15676 : Bull. civ. I, n° 70 – Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 06-15647 : Bull. civ. I, n° 71.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 19 déc. 2007, préc. – Cass. 1re civ., 9 mars 2011, préc.
  • 13.
    Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-15676, préc. – Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 06-15647, préc.
  • 14.
    Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, n° 08-21740 : Bull. civ. I, n° 162.
  • 15.
    C. civ., art. 360.
  • 16.
    C. civ., art. 348 par renvoi de l’article 361 du même code.
  • 17.
    Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 12-16401 : Bull. civ. I, n° 49 – Cass. 1re civ., 6 mars 2013, n° 12-17183 : Bull. civ. I, n° 35.
  • 18.
    V. infra en cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou du concubin.
  • 19.
    C. civ., art. 343-2 par renvoi de l’article 361 du même code.
  • 20.
    C. civ., art. 344 par renvoi de l’article 361 du même code ; sauf justes motifs (C. civ., art. 344, al. 2).
  • 21.
    Cass. 1re civ., 12 janv. 2011, n° 09-16527 : Bull. civ. n° 9 ; v. proposant que l’adoption simple soit possible par le compagnon de chacun des parents : rapport « Filiation, origines, parentalité », préc., p. 143.
  • 22.
    Gouttenoire A. et Bosse-Platière H., « Adoption sur adoption ne vaut… même dans la famille recomposée », note ss Cass. 1re civ., 12 janv. 2011, n° 09-16527 : JCP G 2011, 415, spéc. n° 15.
  • 23.
    Cons. const., 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC.
  • 24.
    CEDH, 15 mars 2012, n° 2595/07, Gas et Dubois c/ France : JCP G 2012, 589.
  • 25.
    Bosse-Platière H. et Schulz M., « Filiation adoptive – L’adoption coparentale – L’adoption de l’enfant du conjoint », JCl. Civil, art. 343 à 370-2, fasc. n° 23, n° 33 et 53.
  • 26.
    CGI, art. 786.
  • 27.
    V. supra contra en cas d’adoption de l’enfant du conjoint.
  • 28.
    C. civ., art. 343-1.
  • 29.
    Lorsque l’enfant a plus de 13 ans, son consentement à l’adoption et celui de ses représentants légaux sont requis.
  • 30.
    V., par ex.,  Bénabent M., Droit de la famille, 3e éd., 2014, LGDJ, n° 1032.
  • 31.
    C. civ., art. 356. L’adoption est de surcroît irrévocable : C. civ., art. 359.
  • 32.
    Bonnet V., op. cit., n° 202.
  • 33.
    Salvage-Gerest P., « Adoption : un concubin n’est pas un conjoint », AJ fam. 2016, p. 454.
  • 34.
    CEDH, 13 déc. 2007, n° 39051/103, Emonet c/ Suisse ; A. Gouttenoire : Dr. famille 2008, n° 5, étude 14 ; JCP G 2008, 110, Sudre F.
  • 35.
    Chénedé F., note ss CEDH, 13 déc. 2007 : AJ fam. 2008, p. 76 ; v. sur la question de la portée incertaine de l’arrêt : Marguénaud J.-P., « L’adoption de l’enfant de la concubine », note ss CEDH, 13 déc. 2007, Emonet et a. c/ Suisse : RTD civ. 2008, p. 255.
  • 36.
    C. civ., art. 345-1 ancien.
  • 37.
    L. n° 96-604, 5 juill. 1996, relative à l’adoption, art. 4.
  • 38.
    V., sur cette évolution, Bonnet V., op. cit., n° 189.
  • 39.
    Comme pour l’adoption simple, la condition d’âge, à savoir 28 ans pour l’adoptant, n’est ici pas exigée (C. civ., art. 343-2) (v., par ex., Beignier B. et Binet J.-R., Droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2015, LGDJ, cours, n° 1256) ; pas davantage la durée de 2 ans du mariage qui concerne l’adoption par deux époux non par un seul (en ce sens, Salvage-Gerest P., « Adoptions intrafamiliales », in Droit de la famille, 7e éd., 2017, Dalloz Action, n° 223.31). Quant à la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté, elle doit être de 10 ans (et non de 15), sauf justes motifs (C. civ., art. 344, al. 2). Il est proposé de supprimer ces différences entre l’adoption de droit commun et celle l’enfant du conjoint (v. rapport « Filiations, origines, parentalité », préc., p. 140).
  • 40.
    C. civ., art. 345-1, 1°.
  • 41.
    En ce sens, Salvage-Gerest P., « Adoptions intrafamiliales », préc., n° 223-53.
  • 42.
    C. civ., art. 345-1, 3°.
  • 43.
    C. civ., art. 353 ; v. Bosse-Platière H. et Schulz M., art. préc., n° 12.
  • 44.
    C. civ., art. 345-1, 2°.
  • 45.
    V., par ex., Cornu M., Droit civil, La famille, 9e éd., 2006, Montchrestien, n° 279 ; Bosse-Platière H. et Schulz M., art. préc., n° 63.
  • 46.
    Cornu G., op. cit., n° 279.
  • 47.
    Ibid. ; v., Salvage-Gerest P., « Adoptions intrafamiliales », in Droit de la famille, 7e éd., 2017, Dalloz Action, n° 223-33.
  • 48.
    V. rapport « Filiations, origines, parentalité », préc., p. 141.
  • 49.
    Bonnet V., op. cit., n° 143.
  • 50.
    Cass., avis, 22 sept. 2014, nos 14-70006 et 14-70005 : Bull. civ. avis, n° 6 et 7.
  • 51.
    Et les associations qui entendaient intervenir pour que ne soit pas prononcée une adoption « n’invoquaient aucun autre intérêt que la défense des intérêts collectifs dont elles se prévalaient » et par conséquent ne justifiaient pas d’un intérêt légitime à intervenir dans une procédure d’adoption : Cass. 1re civ., 16 mars 2016, nos 15-10576 et 15-10733 : D. 2017, p. 729, obs. Granet-Lambrechts F.
  • 52.
    Entre le 10 février et le 28 avril 2015, une vingtaine d’arrêts selon Neirinck C., « L’adoption plénière par l’épouse de la mère : la marée noire de l’appel », Dr. famille 2015, n° 7-8, étude 12 ; v. aussi Rép. min. n° 71799 : JOAN Q, 3 mai 2016, p. 3843.
  • 53.
    V., sur cette question, Salvage-Gerest P., « Adoptions intrafamiliales », préc., n° 223.33.
  • 54.
    V., pour des arrêts récents admettant la transcription à l’état civil français de la filiation du père et de la mère d’intention : CA Rennes, 6 mars 2017, n° 16/00393 : AJ fam. 2017, p. 247, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; CA Rennes, 12 déc. 2016, n° 15/08549 : AJ fam. 2017, p. 68, obs. Viganotti E.
  • 55.
    V., sur cette dualité d’approche possible, Batteur A., Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2016, LGDJ, p. 212.
  • 56.
    V., pour un arrêt avec référence à la fraude à la loi. Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 13-50005 : Bull. civ. I, n° 45.
  • 57.
    Batteur A., op. cit., p. 212.
  • 58.
    Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20105 : Bull. civ. ass. plén., n° 4.
  • 59.
    Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669.
  • 60.
    Rép. min. n° 71799 : JOAN Q, 3 mai 2016, p. 384.
  • 61.
    CA Dijon, 24 mars 2016, n° 15/00057 : D. 2016, p. 783, note Gallmeister I.
  • 62.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 15-28597, 16-16901, 16-50025, 16-16455 et 16-16495.
  • 63.
    Pour la critique v. Salvage-Gerest P., « Les actes dont la nature implique le consentement strictement personnel du majeur en tutelle » (C. civ., art. 458 ; L. n° 2007-308, 5 mars 2007) : une catégorie à revoir d’urgence », Dr. famille 2009, chron. 17.
  • 64.
    Terré F. et Fenouillet D., Droit civil, Les personnes, 8e éd., 2012, Dalloz, n° 645.
  • 65.
    L. n° 2007-308, 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs.
  • 66.
    Cass. 1re civ., 8 oct. 2008, n° 07-16094 : Bull. civ. I, n° 223. Elle précise que « le juge des tutelles, sur avis du médecin traitant, peut autoriser le majeur protégé, seul ou avec l’assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu, à consentir à sa propre adoption ». Cette proposition de la Cour de cassation n’est plus valable après la loi de 2007 puisque pour cet acte aucune assistance n’est possible.
  • 67.
    Krief-Semitko C., « L’adoption simple des majeurs protégés à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’Homme », JCP G 2012, 1353 ; v. pour une proposition de réforme, Rapport « Filiation, origines, parentalité », préc.
  • 68.
    V., sur cette question, Mallet E., « Personnes vulnérables – Actes à consentement strictement personnel et majeur protégé », Dr. famille 2014, n° 4.
  • 69.
    V., contra, Salvage-Gerest P., « Adoption plénière », préc., n° 221.28.
  • 70.
    Massip J., « Tutelle des mineurs et protection juridique des majeurs », Defrénois 2009, n° 423.
  • 71.
    L’arrêt a été rendu avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 et, par conséquent, seule la qualification de l’acte comme un acte strictement personnel est transposable après l’entrée en vigueur de la loi ; Cass. 1re civ., 4 juin 2007, n° 05-20243 : Bull. civ. 2007, I, n° 218 : « La présentation d’une requête en adoption est une action dont la nature implique un consentement strictement personnel et qui ne peut donner lieu à représentation de l’adoptant placé sous tutelle ; que cependant le juge des tutelles, sur l’avis du médecin traitant, peut autoriser le majeur protégé à présenter, seul ou avec l’assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu, une requête en adoption ».
  • 72.
    V., retenant cette solution : Salvage-Gerest P., « Les actes dont la nature implique le consentement strictement personnel du majeur en tutelle (C. civ., art. 458 ; L. n° 2007-308, 5 mars 2007) : une catégorie à revoir d’urgence », préc.
  • 73.
    C. civ., art. 475, al. 2 : Le tuteur « ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extrapatrimoniaux de la personne protégée qu’après autorisation ou sur injonction du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué (…) ».
  • 74.
    L’article 348-2 du Code civil prévoit que : « Lorsque les père et mère de l’enfant sont décédés, dans l’impossibilité de manifester leur volonté ou s’ils ont perdu leurs droits d’autorité parentale, le consentement est donné par le conseil de famille, après avis de la personne qui, en fait, prend soin de l’enfant ».
  • 75.
    V., considérant que les textes sont inconciliables, Salvage-Gerest P., « Adoption plénière », préc., n° 221-65 ; « Les actes dont la nature implique le consentement strictement personnel du majeur en tutelle (C. civ., art. 458 ; L. n° 2007-308, 5 mars 2007) : une catégorie à revoir d’urgence », préc.