L’exploitation des mineurs dans les médias sociaux : faut-il s’alerter ?
Facebook, Twitter, Instagram ou YouTube, sont des noms familiers pour les nouvelles générations. Les médias sociaux sont devenus incontournables dans la société actuelle. À tel point que certaines personnes y ont vu un moyen de gagner leur vie. Il en est notamment ainsi de parents ou de tuteurs légaux qui exposent leurs enfants dans ces médias sociaux, afin d’en tirer profit. Se posent à partir de là, pour ces mineurs, de nombreuses questions relatives au droit au respect de la vie privée, à la conservation des données personnelles, aux conditions de travail, etc. C’est pourquoi il convient de faire le point sur le droit actuel en ce domaine, afin d’examiner les problèmes découlant de ce phénomène et d’y proposer des solutions.
1. Tout part d’un acte anodin qui fait désormais partie du quotidien de nombreuses personnes en France et dans le monde : il s’agit de publier sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram…) des photos et des vidéos de soi, de ses enfants, de sa famille, de ses amis, etc. Pour les plus férus de ces moyens de communication, cet usage est parfois complété par la mise en ligne de vidéos dans les médias sociaux (YouTube, Snapchat…). Or cette habitude de vouloir transmettre une image de soi sur la toile est devenue, en une quinzaine d’années, un véritable business. En attestent les nombreuses multinationales telles qu’Ikea, Nestlé, Red Bull, qui se servent des médias sociaux dans une démarche marketing, pour augmenter leurs ventes1, ou encore des particuliers qui se servent des plates-formes comme YouTube pour en tirer des revenus. Pour cela, ces particuliers utilisent le système publicitaire présent sur YouTube, Google AdSense2. Quelquefois, s’ajoutent à ce système des partenariats publicitaires ou du sponsoring3 avec des marques. L’association du dépositaire de la chaîne YouTube avec une marque permet ainsi au youtubeur d’en tirer un revenu. De son côté, le youtubeur s’engage à faire une présentation des produits ou des services de la marque. Bien entendu, rares sont les personnes qui peuvent réellement vivre du métier de youtubeur, comme EnjoyPhoenix4 ou Squeezie5. Toutefois, cela reste un choix propre aux personnes voulant emprunter cette voie.
2. En revanche, cette décision existe-t-elle lorsque des parents ou tuteurs légaux exposent leurs enfants à ce même titre dans les médias sociaux, dans un but lucratif ? S’il s’agit pour des adultes d’un travail, en est-il de même pour les enfants ? La première question relève du consentement du mineur, au regard des articles L. 132-76 et L. 122-4, al. 1, du Code de la propriété intellectuelle7, mais aussi du droit au respect à la vie privée, en vertu des articles 9 du Code civil et 226-1 à 226-8 du Code pénal. La seconde question relève, quant à elle, du travail des enfants et dans ce cas particulier, du travail des enfants dans l’industrie du spectacle, au regard des articles L. 7124-1 à L. 7124-35 et R. 7124-1 à R. 7124-38 du Code du travail.
3. Dans le premier cas, la France autorise, dans une moindre mesure, les parents ou le tuteur légal à diffuser l’image de leur enfant sur internet. Quant au droit au respect de la vie privée en ce domaine, contesté par un majeur dont l’image aurait fait l’objet d’une large diffusion dans son enfance par ses représentants légaux, il s’agit d’un thème encore quasi inexistant dans les tribunaux français8. Dans le second cas, la France ne reconnaît pas le métier d’enfant youtubeur. Les enfants ne sont donc pas protégés par le Code du travail. Dès lors, il n’existe pas de régulation relative au temps de travail, à la rémunération, ni concernant les conditions requises pour travailler avec un mineur et faire travailler un mineur. Ce vide juridique n’est pas un bon signe pour le droit français, qui est, en général, précurseur dans de nombreux domaines.
4. À ce sujet, la presse pointe de plus en plus les dérives liées à ce mode de travail. On peut citer notamment le journal Le Monde avec un article publié en 2018, intitulé : « Les chaînes YouTube familiales épinglées pour travail illicite par une association »9, qui aborde certaines de ces dérives et la nécessité d’intervenir légalement dans ce domaine. Mais ce n’est pas le seul problème, l’exposition des enfants dans ces médias sociaux facilite le développement de délits10 : il en est ainsi de la pédophilie. C’est pourquoi, en 2019, YouTube a pris l’initiative de bloquer les commentaires sur les vidéos de mineurs 11, pour faire barrage aux pédophiles qui utilisaient ce biais pour s’échanger des contenus de cet ordre.
5. Au cours de ce bref exposé, il conviendra de focaliser notre attention de prime abord sur l’exposition des mineurs dans les médias sociaux, au regard de l’exercice de l’autorité parentale (I). En effet, l’autorité parentale devant être exercée dans l’intérêt de l’enfant, elle doit pouvoir garantir le droit au respect de la vie privée. En second lieu, nous aborderons le thème du travail des enfants dans les médias sociaux. Ceci nous permettra de mettre en lumière la carence actuelle du droit en ce domaine et de dégager de possibles solutions, afin d’y remédier (II).
I – L’exposition des mineurs dans les médias sociaux au regard de l’exercice de l’autorité parentale
6. Les parents ou le tuteur légal ont le droit de diffuser l’image de leur enfant sur internet et dans les médias sociaux. Toutefois, cette pratique est-elle en accord avec les conditions générales d’utilisation des médias sociaux ? Cette question est d’autant plus pertinente lorsque les enfants concernés sont âgés de moins de 13 ans (A). Dans tous les cas, si un tel contournement des conditions est possible, cela ne contrevient-il pas à la sécurité du mineur, qui relève de l’autorité parentale(B) ? Les prochains développements ont pour objectif de répondre à ces questions.
A – Le contournement des conditions générales d’utilisation des médias sociaux : une brèche permettant l’exposition des mineurs de moins de 13 ans
7. De nos jours, les enfants sont des adeptes des réseaux sociaux. Selon le sondage « Le Baromètre du numérique », effectué par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) en 201812, 78 % des 12-17 ans utilisaient des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, MySpace, etc. Mais quel est l’âge minimal requis pour ouvrir un compte sur un réseau social ? Le règlement général pour la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, applicable depuis le 25 mai 2018 et intégré au sein de la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles13, fixe la majorité numérique à 15 ans, en vertu des articles 2014 et 2315 de ladite loi.
8. Mais est-il réellement impossible d’ouvrir un compte sur un réseau social avant cet âge ? Il faut ici distinguer deux situations : celle du mineur de moins de 15 ans qui utilise des réseaux sociaux avec son consentement et l’accord de ses parents ou de son représentant légal, et celle du mineur de plus de 15 ans qui est en droit d’être en possession de tels comptes. Dans le premier cas, propre à notre étude, les conditions générales d’utilisation des médias sociaux tels que Facebook et Instagram demandent d’avoir au minimum 13 ans pour pouvoir créer un compte. Dans tous les cas, de 13 ans à 15 ans, l’ouverture d’un compte sur un réseau social au nom du mineur nécessite à la fois le consentement du mineur et celui de ses parents ou de son tuteur légal. En ce qui concerne le cas particulier des chaînes YouTube, il faut au préalable créer un compte Google. L’âge minimum requis pour la création d’un tel compte en France est de 15 ans. En outre, si l’on veut monétiser ses vidéos sur YouTube, il faut créer un compte Google AdSense qui demande, lui, d’avoir au minimum 18 ans.
9. En conséquence, un mineur de moins de 15 ans ne peut pas disposer d’une chaîne YouTube, et devra attendre d’être majeur pour monétiser ses vidéos. Toutefois, cela n’est pas toujours le cas, comme le montrent les chaînes familiales YouTube, à l’image de la chaîne française Swan The Voice – Néo & Swan16 qui comptabilise 3,7 millions d’abonnés et diffuse des vidéos (tous les mercredis et les week-ends) telles qu’« On mange que de la nourriture orange pendant 24 heures » ou « 24 heures dans un carton ». En effet, cette chaîne qui porte le nom des deux enfants y figurant, âgés respectivement de 7 et 14 ans, ne respecte ni l’âge requis pour la création d’une chaîne YouTube ni l’âge requis pour la monétisation des vidéos. Pourtant, YouTube ne supprime pas cette chaîne, car elle a été créée par leurs parents, tous deux détenteurs de l’autorité parentale17. En ce sens, ce sont les seules personnes à être autorisées à diffuser l’image de leur enfant. C’est sur ce raisonnement qu’il est possible de contourner les conditions générales d’utilisation de YouTube, Facebook, Twitter, etc., et ce, même si ces médias sociaux portent le nom des enfants exposés, qu’ils diffusent des images et des vidéos d’eux et que les parents peuvent en tirer profit. De la sorte, cela revient pratiquement à accorder le droit à un mineur de posséder un compte sur un réseau social, à ceci près qu’il n’a pas le contrôle de son image ni le droit au respect de sa vie privée18 et que son consentement n’est pas toujours donné (il en est ainsi notamment des très jeunes enfants, au regard de l’article 16 de la convention internationale des droits de l’enfant)19. À partir de là, étudions le fondement juridique permettant ce contournement des conditions générales d’utilisation des médias sociaux, à savoir l’autorité parentale.
B – L’autorité parentale comme premier fondement juridique permettant le contournement des conditions générales d’utilisation des médias sociaux
10. L’autorité parentale20 donne le droit aux parents ou au tuteur légal de diffuser l’image de leur enfant. Or comme le fait remarquer la professeure Anne Debet à propos de l’obligation pour les parents de surveiller leur enfant dans son utilisation d’internet, il s’agit d’un devoir qui « fait pleinement partie des attributs de l’autorité parentale »21 et « si les parents ne l’exercent pas, ils peuvent faire l’objet de sanctions civiles ou pénales »22. C’est également ce que vient confirmer la docteure en droit Marie-Sophie Filippi, au sujet des décisions rendues par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 2 septembre 201423 et de la cour d’appel d’Agen, le 16 mai 201324, ces décisions concernant la suppression d’un compte Facebook ouvert au nom de l’enfant mineur. Elle rappelle en effet qu’en vertu « de l’article 371-1 du Code civil, les pères et mères titulaires de l’autorité parentale sont tenus de protéger l’enfant “dans sa sécurité, sa santé et sa moralité” »25, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une mère ouvre un compte Facebook pour sa fille de 7 ans26. Il en résulte « une mise en danger »27 de l’enfant. Dès lors, lorsque l’on voit des parents exposer leur enfant sur des chaînes familiales YouTube pour en tirer profit, on est en droit de se demander si l’exigence de protection des parents envers leur enfant et concernant internet existe vraiment.
Pour les enfants de moins de 13 ans, il faudrait intervenir pour supprimer la distinction opérée par les juges entre les comptes créés par les parents, où figurent leur enfant et les comptes créés par les parents au nom de l’enfant, dès que cela nuit à la protection du mineur28. Dans cet ordre d’idées, il est inconcevable que la représentation des parents aille à l’encontre de l’intérêt de leur enfant, notamment s’agissant de la recherche d’un consentement libre et éclairé de la part du mineur, mais aussi vis-à-vis du droit au respect de sa vie privée. En effet, comment mesurer la réalité du consentement chez un enfant âgé d’à peine 1 semaine ? Celui-ci ne peut manifester un quelconque consentement et c’est pourquoi l’autorité parentale permet de remédier à ce type d’incapacité, en transférant ce pouvoir à son détenteur. Ce raisonnement vaut également pour le droit au respect de la vie privée. La surexposition des enfants de moins de 13 ans dans les médias sociaux ne doit-elle pas être perçue comme un danger pour ces mineurs ? Il est certain qu’au regard du droit actuel, les enfants de moins de 13 ans disposent de moins de protection que les enfants plus âgés. En conclusion, il est nécessaire d’intervenir en ce point pour garantir une protection minimale à ces mineurs. Le « droit à l’oubli numérique dans les médias sociaux »29 doit s’appliquer également aux mineurs de moins de 13 ans.
II – L’exploitation des mineurs dans le cadre des chaînes familiales YouTube : s’agit-il d’un travail ?
11. Le travail des enfants dans l’industrie du spectacle est réglementé par le droit français. Cela concerne les mineurs acteurs, chanteurs, mannequins, etc. Mais ce statut d’enfant artiste englobe-t-il les mineurs exploités dans les médias sociaux à des fins lucratives ? Les prochains développements auront vocation à répondre à cette question (A) et nous permettront de savoir s’il est possible de renforcer le système légal existant (B).
A – L’enfant youtubeur : exclu de la réglementation relative aux enfants-artistes
12. L’exploitation des mineurs dans le cadre des chaînes familiales YouTube est aujourd’hui un phénomène qui fait beaucoup d’adeptes. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Le principe est simple : les parents ou le tuteur légal créent une chaîne familiale YouTube, afin d’y publier des vidéos de leur enfant. Généralement, les parents ou le tuteur légal intègrent à cette chaîne, pour une meilleure visibilité, des liens (portant le même nom que leur chaîne) permettant d’accéder aux autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, etc.), puis y décrivent une présentation de la chaîne sur une page d’accueil. Les vidéos y figurant sont en grande partie monétisées, ce qui permet aux parents ou au tuteur légal d’en tirer un profit. Le contenu des vidéos est très varié, il peut s’agir de vidéos mettant en scène des enfants déballant des cadeaux (unboxing), découvrant une vidéo, testant des jouets ou encore dans diverses scènes de « leur quotidien ». Dans ce dernier cas, le quotidien doit davantage s’apparenter à de la téléréalité, c’est-à-dire, un scénario appris par cœur par le mineur avec une mise en scène dont le but est d’imiter la réalité. La durée des vidéos est variable, elles peuvent être courtes (3 minutes) ou très longues (30 minutes). La fréquence de publication varie d’une chaîne à l’autre. Par exemple, certaines chaînes publient des vidéos tous les jours, d’autres trois fois par semaine.
13. Pour faire fonctionner une chaîne familiale YouTube, cela demande en général un certain investissement : de temps, pour la préparation et la réalisation des vidéos, mais aussi d’argent, pour l’achat de matériel, de caméras, d’appareils photo, etc. Un investissement qui augmente à mesure que la chaîne gagne en audience (nombre de vues par vidéo, de likes, de commentaires, d’abonnés, etc.). Au vu de ces éléments, il est certain que les enfants intervenant dans ce type de média exercent un travail. Pourtant, le Code du travail n’attribue pas le statut d’enfants-artistes aux enfants youtubeurs. Ce statut permettrait de leur garantir un minimum de protection. Voyons, à ce propos, ce que disent les textes sur le travail des enfants dans l’industrie du spectacle.
14. Le droit français réglemente le métier d’enfant-artiste aux articles L. 7124-1 à L. 7124-35 ainsi qu’aux articles R. 7124-1 à R. 7124-38 du Code du travail. Ces textes abordent, premièrement, les conditions requises pour qu’un mineur puisse exercer en tant qu’enfant-artiste. En vertu des articles L. 7124-1 à L. 7124-3 et R. 7124-1 à R. 7124-7 du Code du travail, les parents doivent présenter une demande d’autorisation individuelle pour l’enfant auprès du préfet du siège de l’entreprise30. Ensuite, une fois la demande dûment complétée31 et qui doit également être assortie d’un avis positif d’un médecin32, elle sera examinée par une commission33. Celle-ci devra juger si le contrat de travail du mineur est, ou non, dans son intérêt34. Enfin, si la commission valide le dossier, l’enfant pourra travailler. Dans le cas contraire, l’enfant n’en aura pas le droit. Chaque refus de la commission doit être motivé35. En second lieu, ces textes traitent de la rémunération des enfants-artistes. Ainsi, en vertu de l’article L. 7124-9 du Code du travail, les parents ou le tuteur légal ont le droit de percevoir une partie des revenus de leur enfant. La justification juridique de ce droit repose, une fois de plus, sur la notion d’« intérêt de l’enfant »36. Toutefois, le Code du travail pose une limite et dispose que le « surplus » doit être versé sur un compte de dépôt ouvert à la Caisse des dépôts et consignations37. Le montant du surplus est déterminé par la commission chargée de valider l’autorisation de travail38. En troisième et dernier lieu, ces textes réglementent les heures de travail des enfants-artistes39. En France, un enfant de moins de 3 mois ne peut travailler dans l’industrie du spectacle et le nombre d’heures de travail augmente en fonction de l’âge de l’enfant. Par exemple, il est interdit à un enfant âgé de 3 à 5 ans de travailler plus d’1 heure et demie par jour.
15. À présent, si l’on fait un parallèle avec le cas des enfants exploités dans les médias sociaux, l’on constate que les représentants légaux n’ont pas besoin de faire de demande préalable au préfet pour exposer leur enfant, ni d’ouvrir de compte de dépôt au nom du mineur et enfin, qu’aucune limite horaire n’est fixée. Ainsi, dans l’absolu, un enfant de 5 ans peut travailler, hors périodes scolaires jusqu’à 6 heures par jour. Cette absence de réglementation entraîne donc des dérives et contrevient à l’intérêt du mineur. En conclusion, il est primordial d’accorder le statut d’enfant-artiste aux mineurs qui sont exposés dans les médias sociaux dans un but lucratif. Mais comment procéder ? L’octroi du statut d’enfant-artiste aux mineurs exposés dans les médias sociaux, pour être validé, doit être accompagné de la création d’un site de gestion des médias sociaux, distribué gratuitement. Sans cela, trop de failles subsisteraient.
B – La création d’un site de gestion des médias sociaux comme moyen de lutte contre l’exposition des mineurs sur internet
16. Les prochains développements seront consacrés à l’étude d’un postulat : celui de la création d’un site de gestion des médias sociaux comme moyen de lutte contre l’exposition des mineurs sur internet. Notre proposition est en quelque sorte le moyen permettant de concrétiser l’idée mise en avant par le député Éric Ciotti40 depuis 2016 (sur la problématique du terrorisme), à savoir, imposer une pièce d’identité à la création de comptes sur les réseaux sociaux41.
17. La base du postulat est simple : pour bénéficier des médias sociaux, il faudrait au préalable s’inscrire sur un site spécifiquement dédié à la gestion des médias sociaux. Il s’agirait d’un site répertoriant l’ensemble des médias sociaux existants. Dans une démarche pédagogique, nous donnerions à ce site le nom de « Centre de gestion des médias sociaux (CGMS) ». Pour s’inscrire, il faudrait fournir : nom.s, prénom.s, adresse postale, adresse mail, numéro de téléphone, photocopie de la carte d’identité, lettre-type d’accord parental pour les mineurs, lettre-type de consentement des mineurs de 13 ans et plus, numéro Siren pour les entreprises. Une fois les pièces fournies, elles seraient analysées par le CGMS qui validerait ou non l’inscription. Dans le premier cas, si l’inscription est validée, la personne physique recevrait un identifiant ainsi qu’un mot de passe par mail (modifiable ensuite par l’utilisateur). Dans le second cas, si l’inscription n’est pas validée (par exemple, dans le cas où la demande est faite par un enfant de 10 ans), aucun identifiant ni mot de passe ne seraient donnés. Le but visé par la nécessité d’obtenir un identifiant et un mot de passe auprès du CGMS serait que, sans cela, il serait impossible de se connecter à des médias sociaux, comme il est impossible sans identifiant Apple d’acheter des musiques, des films, ou encore des livres sur iTunes Store. Il s’agirait en quelque sorte d’un filtrage d’accès aux médias sociaux. Prenons l’exemple d’un enfant de 13 ans qui fournirait l’ensemble des pièces requises au CGMS et qui verrait son compte validé, en recevant son identifiant et son mot de passe. À présent, imaginons que cet enfant désire s’inscrire sur Facebook, et qu’il aille sur le site officiel de Facebook. Il verrait apparaître avant la page d’accueil, une fenêtre où on lui demanderait de fournir son identifiant et son mot de passe. Et comme dans le cas présent, les conditions seraient respectées, ce mineur y aurait accès. En revanche, si cet enfant désirait créer une chaîne YouTube, toujours selon le même principe, il se verrait refuser l’accès, car les conditions minimales d’âge requises ne seraient pas respectées. Ainsi, cela permettrait réellement de vérifier l’âge minimal d’accès aux médias sociaux. Cette solution aurait également pour mérite de limiter la prolifération des faux comptes42.
18. Mais qu’en est-il des enfants de moins de 13 ans qui sont exposés par leurs parents ou leur tuteur légal au moyen des chaînes familiales YouTube ? Comme nous l’avons soutenu précédemment, seule la reconnaissance du statut d’enfant-artiste aux mineurs travaillant via les médias sociaux pourrait les protéger. En fait, en supposant pour notre postulat qu’une telle réglementation existe, elle se révélerait insuffisante au regard de la complexité d’internet en ce domaine. C’est sur ce point que la création d’un CGMS viendrait résorber cette lacune. En effet, le CGMS serait également chargé de vérifier, dès lors qu’il y a un bénéfice tiré du travail d’un mineur dans les médias sociaux, si les représentants légaux sont bien en conformité avec la législation du Code du travail. En cas d’infraction, le CGMS se réserverait le droit d’interdire l’accès au média social visé. Une telle régulation, si elle venait à être mise en place, devrait provenir d’une initiative gouvernementale, en raison de la réglementation relative à la divulgation des données personnelles. Dans tous les cas, il semble que cette idée puisse être concrétisée, car un député des Alpes-Maritimes avait déjà, en 2016, émis l’idée d’obliger à fournir une pièce d’identité, pour pouvoir s’inscrire sur un réseau social comme Facebook. Mais le problème de cette proposition est qu’il revient aux réseaux sociaux eux-mêmes de mettre en place cette politique, ce qui rend la chose impossible en raison des piratages d’information dont font parfois l’objet ces réseaux43. C’est pourquoi, notre postulat est plus fiable, car il fournit un véritable moyen de mise en œuvre de ce procédé. En conclusion, il est nécessaire que le droit accentue son travail en ce domaine, dans l’intérêt de tous les enfants.
Notes de bas de pages
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1.
À noter sur ce point que « le mineur est désormais une cible privilégiée du marketing et de la publicité sur Internet », in Debet A., « Internet et vie privée : la protection et la liberté du mineur internaute », Comm. com. électr. 2005, étude 40, § 8.
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2.
Pour des informations complémentaires, v. le site Google AdSense : https://www.google.com/intl/fr_fr/adsense/start/#/ ?modal_active=none.
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3.
V. « Cours : Présentation des partenariats avec des marques », https://creatoracademy.youtube.com/.
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4.
V. sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/user/EnjoyPhoenix.
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5.
V. sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/user/aMOODIEsqueezie.
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6.
CPI, art. L. 132-7, al. 1 et 2 : « Le consentement personnel et donné par écrit de l’auteur est obligatoire. Sans préjudice des dispositions qui régissent les contrats passés par les mineurs et les majeurs en curatelle, le consentement est même exigé lorsqu’il s’agit d’un auteur légalement incapable, sauf si celui-ci est dans l’impossibilité physique de donner son consentement ».
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7.
CPI, art. L. 122-4, al. 1 : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ».
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8.
Avant même que l’enfant soit majeur, se pose la question de la diffusion d’images, lorsque l’autorité parentale est partagée. V. C. civ., art. 372 et; CA Paris, 9 févr. 2017, n° 15/13956 : qui ordonne « de cesser de publier sur son profil Facebook et le site Facebook de la société Le Cinquième atelier, tout document, commentaire, photographie concernant les enfants ».
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9.
Croquet P. et Signoret P., « Les chaînes YouTube familiales épinglées pour travail illicite par une association », 23 mai 2018, Le Monde, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/05/23/les-chaines-youtube-familiales-epinglees-pour-travail-illicite-par-une-association_5303447_4408996.html.
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10.
Sur le traitement des données, v. Boizard M., « Réseaux sociaux. Facebook forever : les réseaux peuvent-il être contraints de nous oublier ? », Comm. com. électr. 2015, étude 7.
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11.
« Pédophilie : YouTube bloque les commentaires sous la plupart des vidéos de mineurs », 1er mars 2019, Le Parisien avec AFP, http://www.leparisien.fr/faits-divers/pedophilie-youtube-bloque-les-commentaires-sous-la-plupart-des-videos-de-mineurs-01-03-2019-8022570.php; Louis J.-P., « YouTube désactive les commentaires sous les vidéos impliquant des mineurs », 2 mars 2019, Les Échos, https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/youtube-desactive-les-commentaires-sous-les-videos-impliquant-des-mineurs-995303.
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12.
Une version du rapport dit « Baromètre du Numérique 2018 » est accessible via ce lien : https://www.credoc.fr/publications/barometre-du-numerique-2018.
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13.
L. n° 2018-493, 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles : JO n° 0141, 21 juin 2018.
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14.
L. n° 2018-493, 20 juin 2018, art. 20 : « Art. 7-1. – En application du 1 de l’article 8 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, un mineur peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information à compter de l’âge de 15 ans. Lorsque le mineur est âgé de moins de 15 ans, le traitement n’est licite que si le consentement est donné conjointement par le mineur concerné et le ou les titulaires de l’autorité parentale à l’égard de ce mineur. Le responsable de traitement rédige en des termes clairs et simples, aisément compréhensibles par le mineur, les informations et communications relatives au traitement qui le concerne ».
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15.
L. n° 2018-493, 20 juin 2018, art. 23 : « Lorsque les données à caractère personnel sont collectées auprès d’un mineur de moins de 15 ans, le responsable de traitement transmet au mineur les informations mentionnées au I du présent article dans un langage clair et facilement accessible ».
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16.
La chaîne YouTube Swan The Voice – Néo & Swan est accessible via ce lien : https://www.youtube.com/channel/UCzYC9ss2P77Ry2LzIDL5Xsw.
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17.
C. civ., art. 372.
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18.
C. civ., art. 9.
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19.
Il en est ainsi, par ex., dans cette vidéo YouTube, intitulée « Morning Routine bébé Lylou – bébé de 1 semaine », où est exposé un enfant d’une semaine : https://www.youtube.com/watch?v=ibZRszJiJEc.
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20.
C. civ., art. 372.
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21.
Debet A., « Internet et vie privée : la protection et la liberté du mineur internaute », Communication Comm. com. électr. 2005, étude 40.
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22.
Debet A., « Internet et vie privée : la protection et la liberté du mineur internaute », Communication Comm. com. électr. 2005, étude 40.
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23.
CA Aix-en-Provence, 2 sept. 2014, n° 13/19371.
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24.
CA Agen, 16 mai 2013, n° 11/01886.
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25.
Filippi M.-S., « Autorité parentale. Suppression du compte Facebook ouvert au nom de l’enfant mineur », JCP G, 20 oct. 2014, n° 43.
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26.
V. CA Aix-en-Provence, 2 sept. 2014, n° 13/19371.
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27.
Filippi M.-S., « Autorité parentale. Suppression du compte Facebook ouvert au nom de l’enfant mineur », JCP G 2014, n° 43.
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28.
Sur cette distinction, se reporter à Filippi M.-S., « Autorité parentale. Suppression du compte Facebook ouvert au nom de l’enfant mineur », JCP G 2014, n° 43.
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29.
Dénomination utilisée par Boizard M. in « Réseaux sociaux. Facebook forever : les réseaux peuvent-il être contraints de nous oublier ? », Comm. com. électr. 2015, étude 7.
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30.
C. trav., art. R. 7124-1.
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31.
C. trav., art. R. 7124-2.
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32.
C. trav., art. R. 7124-5, 3°.
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33.
C. trav., art. R. 7124-19.
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34.
C. trav., art. R. 7124-5.
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35.
C. trav., art. R. 7124-10.
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36.
Favier Y., « La nécessaire protection des revenus du travail de l’enfant », AJ fam. 2006, p. 147.
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37.
C. trav., art. L. 7124-9.
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38.
C. trav., art. R. 7124-31.
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39.
C. trav., art. L. 7124-6 à C. trav., art. L. 7124-8 et C. trav., art. R. 7124-27 à C. trav., art. R. 7124-30-2.
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40.
Chahuneau L., « Carte d’identité et réseaux sociaux : le coup de com d’Éric Ciotti », 5 août 2016, Le Point, https://www.lepoint.fr/politique/carte-d-identite-et-reseaux-sociaux-le-coup-de-com-d-eric-ciotti-05-08-2016-2059265_20.php.
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41.
Guilloux M., « Des députés LREM veulent imposer une pièce d’identité à la création de comptes sur les réseaux sociaux : Une tentative de lever l’anonymat en ligne ? », 2 févr. 2019, https://www.developpez.com/actu/244523/Des-deputes-LREM-veulent-imposer-une-piece-d-identite-a-la-creation-de-comptes-sur-les-reseaux-sociaux-une-tentative-de-lever-l-anonymat-en-ligne/.
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42.
En 2018, Facebook aurait comptabilisé 200 millions de faux comptes. V. Chaouite J., « Il y aurait plus de 200 millions de faux comptes sur Facebook », 6 févr. 2018, https://geeko.lesoir.be/2018/02/06/il-y-aurait-plus-de-200-millions-de-faux-comptes-sur-facebook/.
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43.
« 50 millions de comptes Facebook piratés : comment savoir si vous êtes concerné et comment réagir ? », 29 sept. 2018, Ouest-France, https://www.ouest-france.fr/societe/50-millions-de-comptes-facebook-pirates-comment-savoir-si-vous-etes-concerne-et-comment-reagir-5992929 ; Ghesquier E., « Twitter reconnaît que des données privées ont été volées en novembre », 19 déc. 2018, Presse Citron, https://www.presse-citron.net/twitter-reconnait-que-des-donnees-privees-ont-ete-volees-en-novembre/.