Sécurité juridique, autorité de la chose jugée et droits fondamentaux

Publié le 24/05/2017

Dans cet arrêt, la Cour de cassation retient, d’une part, que l’inégalité successorale consacrée par un jugement définitif rendu sous l’empire de la loi ancienne ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de l’enfant « adultérin ». D’autre part, elle retient que la survenance d’une jurisprudence européenne consacrant l’égalité successorale entre les enfants d’une même personne ne constitue pas un évènement nouveau de nature à mettre en échec l’autorité de la chose jugée.

Cass. 1re civ., 22 mars 2017, no 16-13946

Constatant que le droit est toujours en perpétuelle évolution pour mieux s’adapter aux réalités nouvelles, un auteur avait élégamment fait remarquer que « la norme juridique n’est jamais placée sous le sceau de l’éternel »1. Pourtant, toute évolution normative nécessite du juriste l’organisation d’une transition entre droit ancien et nouveau ; à plus forte raison lorsque certaines situations nouées sous l’empire de la norme ancienne continuent à produire leurs effets, au-delà de l’entrée en vigueur de la norme nouvelle.

On touche là, à des problèmes classiques d’application des normes dans le temps2 dont le traitement relève du droit transitoire3.

Pour ce qui est du droit transitoire, soulignons que l’objectif du législateur, en cette matière, reste la préservation de la sécurité juridique et plus précisément, le respect des situations acquises sous l’empire du droit ancien. Ainsi, lorsque le législateur vient à organiser, en matière familiale, les modalités d’application des lois dans le temps, il se montre souvent respectueux de l’impératif de sécurité juridique et évite de troubler les situations établies de longue date4.

Cependant, en raison de la place prépondérante qu’occupent les droits fondamentaux dans notre système juridique5, une nouvelle stratégie judiciaire a fait florès ; elle consiste à opposer l’impératif de respect des droits fondamentaux à l’impératif de sécurité juridique – poursuivi par le droit transitoire – pour obtenir, in fine, la remise en cause des situations acquises sous l’empire du droit ancien. En pratique, le procédé consiste à présenter la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps comme constituant une rupture de l’égalité ou une discrimination.

Dès lors, pour que la prévalence accordée à l’impératif de sécurité juridique ne soit pas remise en cause par la Cour européenne des droits de l’Homme, le juge interne se doit de justifier, dans chaque situation d’espèce, l’absence d’une atteinte excessive portée aux droits garantis par la Convention6. C’est à une telle justification que s’est livrée la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 mars dernier.

Le litige ayant donné lieu à l’arrêt ici rapporté opposait des enfants appelés à la succession de leur mère. En l’espèce, Madame Renée A, décédée le 11 avril 1985, avait laissé pour lui succéder ses trois filles : d’un côté, Danielle et Françoise, toutes deux issues du mariage de Madame Renée A avec Monsieur Julian B, et de l’autre, Gisèle, issue d’un adultère.

Dès l’ouverture de la succession, Françoise céda à sa sœur Danielle l’ensemble de ses droits successoraux. Puis, Danielle, souhaitant obtenir le partage et la liquidation de la succession, assigna sa demi-sœur Gisèle devant le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône. Par un jugement du 13 avril 1993 devenu irrévocable, ledit tribunal a ordonné le partage et fixé les droits successoraux comme suit ; cinq sixièmes de l’actif et du passif successoral sont attribués à Danielle et un sixième attribué à Gisèle eu égard à sa qualité d’enfant « adultérin »7.

Vingt ans plus tard, l’enfant « adultérin », par acte du 10 janvier 2013, assigna à comparaître devant le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, Emmanuel venant aux droits de sa mère Danielle décédée. D’une part, il était demandé audit tribunal de reconnaître à la demanderesse, en application des articles 733 et suivants du Code civil, des droits successoraux à concurrence de la moitié de l’actif successoral. D’autre part, il était demandé audit tribunal d’ordonner la licitation des biens immobiliers dépendant de l’indivision successorale maintenue depuis le jugement de 1993.

Par un jugement du 22 avril 2014, le tribunal de grande instance débouta l’enfant « adultérin » de ses demandes tendant à remettre en cause la dévolution successorale arrêtée par le jugement de 1993 devenu irrévocable. L’enfant interjeta appel puis se pourvut en cassation, suite à la confirmation du jugement de première instance par la cour d’appel de Dijon.

De l’arrêt d’appel, on retient principalement que pour les juges du fond, la loi du 3 décembre 20018 instaurant l’égalité successorale entre les enfants ne pouvait s’appliquer en l’espèce, puisque ses dispositions transitoires figurant à l’article 25 II 2° prévoyaient une application immédiate aux successions déjà ouvertes, à condition qu’une telle application ne remette pas en cause les décisions judiciaires irrévocables. Complétant leur motivation, les juges du fond soulignèrent que la réserve tenant au respect des décisions judiciaires irrévocables poursuivait un but légitime de sécurité juridique, et qu’aucune atteinte excessive n’avait été portée aux droits de la défenderesse garantis par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et l’article 1er de son protocole n° 1.

Par un moyen unique articulé en deux branches, la demanderesse au pourvoi entendait voir réformer l’arrêt d’appel au motif que la sécurité juridique ne pouvait constituer une justification objective et raisonnable de nature à empêcher le réexamen de la répartition des droits successoraux arrêtée sous l’empire d’une loi ancienne jugée, depuis lors, contraire à la Convention.

Pour synthétiser, la première branche du moyen entendait critiquer la conventionalité de la réserve prévue à l’article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001, au motif qu’elle participait au maintien d’une discrimination successorale prohibée entre enfants naturels et adultérins. Quant à la seconde branche du moyen, elle visait à critiquer l’obstacle tenant à l’autorité de la chose jugée au motif que la survenance d’une jurisprudence nouvelle de la Cour européenne des droits de l’Homme constituait un fait nouveau s’opposant au maintien de la dévolution successorale arrêtée par le jugement du 13 avril 1993.

Analysant la première branche du moyen, la Cour de cassation rejeta le grief d’inconventionnalité des dispositions du droit transitoire. Pour ce faire, elle constata, d’une part, que l’objectif de sécurité juridique poursuivi par la réserve prévue à l’article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001 était légitime, et, d’autre part, que la prévalence de la sécurité juridique n’emportait pas, en l’espèce, une atteinte excessive aux droits fondamentaux. Analysant la seconde branche du moyen, la Cour de cassation rejeta la critique adressée au principe de l’autorité de la chose jugée en retenant que la survenance d’une jurisprudence nouvelle ne pouvait constituer un évènement nouveau permettant de contester une décision de justice antérieure devenue définitive.

Reprenant dans l’ordre ces points de droit faisant difficulté à juger, il est proposé dans la présente analyse de revenir, tout d’abord, sur la confrontation entre le principe de sécurité juridique et les droits fondamentaux (I), puis d’analyser les conséquences qu’une évolution du droit est susceptible de produire sur l’autorité de la chose jugée (II).

I – Droits fondamentaux et sécurité juridique

Pour rejeter dans le présent arrêt le grief d’inconventionnalité des dispositions du droit transitoire, la Cour de cassation retient, d’une part, que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps reposait sur un but légitime (A), et, d’autre part, qu’au terme d’un contrôle de proportionnalité des intérêts en présence, une telle différence, ainsi maintenue, ne portait pas une atteinte excessive aux droits fondamentaux de la défenderesse au pourvoi (B).

A – La légitimité de l’atteinte aux droits fondamentaux

Même en prenant des dispositions transitoires en droit de la famille, le législateur se doit de respecter les droits fondamentaux. Comme le souligne à juste titre un auteur, « il est facile de comprendre que si ces dispositions transitoires n’étaient pas soumises aux droits fondamentaux intéressant le droit de la famille, lesdits droits fondamentaux ne seraient qu’imparfaitement protégés, et, pour tout dire, ils ne pourraient plus être considérés comme des droits fondamentaux puisqu’une loi ordinaire pourrait les éluder (…) »9. Ainsi, le législateur ne pouvait, par le truchement de l’article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001 relative aux dispositions transitoires, déroger aux droits fondamentaux consacrés aux articles 1 du protocole n° 1, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à moins qu’une telle atteinte ne repose sur un but légitime. D’ailleurs, comme le rappelle la Cour de cassation en l’espèce, l’impossibilité de remettre en cause, par application de la loi nouvelle, la répartition des droits successoraux établie par un jugement irrévocable poursuivait un but légitime qui n’est autre que la sécurité juridique10 (il s’agit d’un principe général tendant à garantir l’effectivité des droits des justiciables et qui postule au respect des prévisions légitimes déjà bâties par eux11). En tout état de cause, la légitimité du but poursuivi par le principe de sécurité juridique n’est plus aujourd’hui sujette à discussion12. La Cour européenne des droits de l’Homme a, à de nombreuses reprises13, reconnu que le « principe de sécurité juridique nécessairement inhérent au droit de la Convention comme au droit communautaire »14 constituait un but légitime pouvant dispenser un État de remettre en cause des actes ou situations juridiques irrévocables, sauf si un réexamen de la cause est rendu nécessaire par l’existence de motifs substantiels et impérieux.

En d’autres termes, la sécurité juridique des droits résultant d’un jugement irrévocable, en raison de la légitimité d’un tel but, est de nature à justifier une ingérence dans les droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Cependant, si l’existence d’un but légitime rend dans l’absolu l’atteinte aux droits fondamentaux, et plus précisément la différence de traitement résultant de la succession de deux régimes juridiques dans le temps, compatible avec la Convention, encore fallait-il qu’en pratique, cette prévalence accordée au principe de sécurité juridique ne porte pas une atteinte disproportionnée auxdits droits fondamentaux.

B – La proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux

Après avoir établi que le principe de sécurité juridique pouvait justifier, dans l’absolu, qu’une atteinte soit portée au droit au respect des biens, à la vie privée et familiale, et à l’égalité successorale de l’enfant « adultérin », il appartenait ensuite à la Cour de cassation de vérifier, dans la situation d’espèce, si une atteinte excessive n’avait pas été portée aux droits fondamentaux en cause. Ce n’est qu’à l’issue d’un tel contrôle de proportionnalité15 que la prévalence accordée au principe de sécurité juridique sera jugée compatible à la Convention. Concrètement, il est question pour la Cour de cassation de contrôler la mise en balance des intérêts réalisée par les juges du fond. Et dans l’arrêt ici analysé, les juges du droit procèdent à un contrôle « léger »16 de cette mise en balance des intérêts, puisqu’ils se contentent de renvoyer à une masse d’éléments de faits souverainement appréciés par la cour d’appel pour convenir que celle-ci « a pu en déduire » qu’une atteinte excessive n’avait pas été portée aux droits de l’enfant « adultérin ».

Les raisons d’une telle solution sont aisément discernables. Elles tiennent principalement, comme l’avaient rappelé les juges du fond, au fait que « la remise en cause sans limitation dans le temps d’une répartition des biens de l’actif successoral définitivement arrêté en justice entre les héritiers constituerait un moyen disproportionné d’assurer l’effectivité du principe d’égalité »17. Cependant, il était aussi possible d’analyser le problème par un prisme plus favorable à l’effectivité du principe d’égalité en se demandant, dix-sept ans après l’arrêt Mazurek c/ France18, si la sécurité juridique ne postulait pas plutôt à une égalité successorale réelle entre enfants d’une même personne, à plus forte raison, lorsque la succession n’a pas fait l’objet d’un partage au sens strict du terme19. Une telle analyse proposée par la demanderesse a été vigoureusement écartée par les juges du fond, approuvés en cela par la Cour de cassation. Pour les juges du fond et les juges du droit, la non-exécution du jugement de 1993, par le biais d’un partage effectif des biens issus de la succession, n’était pas de nature à remettre en cause « la connaissance que les parties avaient définitivement acquise, depuis 1993, de la répartition entre elles de l’actif de la succession ». En d’autres termes, il n’y avait en l’espèce aucun élément de nature à justifier la remise en cause de la prévalence de la sécurité juridique consacrée à l’article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001.

Même si l’arrêt ici analysé est un arrêt de rejet qui n’éclaire pas plus quant aux circonstances dans lesquelles il serait possible de remettre en cause la prévalence du principe de sécurité juridique à l’issue d’une pesée concrète des intérêts en présence, il convient de rappeler qu’à l’heure actuelle, la Cour européenne des droits de l’Homme semble considérer que la protection des droits acquis ne saurait justifier une atteinte aux droits fondamentaux que si le caractère définitif des droits protégés est bien affirmé. Ainsi, dans l’arrêt Fabris c/ France, elle a pu condamner la France pour discrimination successorale en dépit de la réserve de l’article 25 II 2° invoquée par le gouvernement, parce que les droits successoraux des enfants « légitimes » étaient toujours contestés en justice et qu’aucun jugement définitif n’avait fixé leur étendue au moment de la publication de la loi nouvelle20. Tel n’était pas le cas dans l’arrêt analysé ; en ne relevant pas appel du jugement de 1993, l’enfant « adultérin » avait en quelque sorte acquiescé audit jugement et doit logiquement se soumettre à la fixation des droits successoraux qui en découle. Pour la Cour de cassation, l’absence de doute quant au caractère définitif de la fixation des droits successoraux de chaque héritier, doit aboutir au constat d’une absence de disproportion dans l’atteinte aux droits fondamentaux garantis par la Convention21.

Si les droits au respect de ses biens, à la non-discrimination en matière successorale, au respect de sa vie privée ne pouvaient permettre au juge de connaître à nouveau d’un litige portant sur la fixation des droits successoraux de chaque héritier, la demanderesse espérait malgré tout arriver au même résultat en démontrant qu’un nouvel épisode judiciaire portant sur la même question pouvant encore se jouer. Il n’est plus question d’invoquer directement les droits fondamentaux pour demander au juge de procéder à une répartition égalitaire des droits successoraux. Il est alors question d’invoquer le changement normatif rendu nécessaire par le respect des droits fondamentaux pour s’opposer au principe de l’autorité de la chose jugée et, in fine, obtenir un réexamen du jugement de 1993.

II – Évolution du droit et autorité de la chose jugée

Une fois les voies de recours contre les jugements épuisées, l’autorité de la chose jugée empêche définitivement22 tout renouvellement du litige, sauf à exciper d’un changement de partie, d’objet ou de cause (C. civ., art. 1355). Dans la situation d’espèce, la demanderesse au pourvoi entendait faire de la survenance de l’arrêt Mazurek ayant condamné la France pour discrimination successorale23, une circonstance nouvelle privant le jugement de 1993 de l’autorité de la chose jugée. Même si la Cour de cassation rejette l’argument, il faut toutefois préciser, à l’aune de sa jurisprudence, l’étendue de sa solution.

En effet, si l’évolution jurisprudentielle, en elle-même, ne peut constituer un fait nouveau susceptible de faire échec à l’autorité de la chose jugée (A), l’évolution législative en revanche, peut remplir un tel office, même si elle procède d’une évolution jurisprudentielle (B). Il faut donc se garder d’une analyse hâtive qui conduirait à affirmer dans le présent arrêt que la Cour de cassation refuse de considérer qu’un changement du droit puisse constituer un fait nouveau susceptible de mettre en échec l’autorité de la chose jugée.

A – L’évolution jurisprudentielle, un événement insuffisant

D’après un auteur, l’interprétation prétorienne nouvelle doit s’analyser comme la rectification d’une erreur de perception ou d’application de la règle de droit24. Il est alors humain qu’une partie, dont les prétentions ont été rejetées en raison d’une mauvaise application de la règle, ressente le besoin, une fois cette erreur révélée, de poursuivre, à son échelle, sa rectification. Sur un plan purement juridique en revanche, une évolution jurisprudentielle ne peut constituer une exception à l’autorité de la chose jugée que si elle vient remettre en cause la situation antérieurement reconnue en justice. Or une interprétation prétorienne, en soi, ne vient offrir aux parties qu’un nouveau moyen de droit sans pour autant que les faits ou l’objet de la demande aient changé. Par conséquent, dans la logique actuelle de la concentration des moyens25, la survenance d’une interprétation prétorienne nouvelle ne saurait suffire à remettre en cause l’autorité de la chose jugée.

En d’autres termes, l’interprétation prétorienne nouvelle ne pourrait avoir d’effets sur les litiges déjà éteints26. Elle peut servir à éteindre des litiges en cours, mais ne peut revivifier les causes finies. La sécurité juridique empêche donc qu’il soit fait de la survenance d’une interprétation prétorienne nouvelle, une exception au principe de l’autorité de la chose jugée.

D’ailleurs, la Cour de cassation, par le passé, a eu à statuer dans ce sens. Elle a ainsi pu retenir, certes dans un litige ne relevant pas du droit de la famille27, que la survenance d’une jurisprudence nouvelle de la Cour européenne des droits de l’Homme n’ouvrait aucun droit au réexamen du jugement définitif, même s’il a été prononcé en violation du droit européen28.

Elle a aussi retenu que la survenance d’une jurisprudence nouvelle émanant d’une juridiction interne ne saurait non plus constituer une exception à l’autorité de la chose jugée29. Comme le souligne à juste titre un auteur, « admettre le contraire serait offrir à certains la possibilité de remettre en cause la valeur de nombreuses décisions rendues ayant autorité de chose jugée. Ouvrir une telle brèche serait attentatoire tant à la crédibilité de la décision judiciaire qu’à la sécurité juridique du justiciable… »30. L’arrêt ici analysé s’inscrit donc dans le droit fil de cette jurisprudence et rappelle que l’autorité de la chose jugée, gage de la sécurité juridique, commande le maintien de la dévolution successorale décidée par le jugement de 1993.

Cependant, la chose jugée dont l’autorité est rappelée face à une jurisprudence nouvelle n’est pas un principe absolu. D’ailleurs, la Cour de cassation rappelle de manière constante que « l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement soumise au juge »31. À ce propos, il convient de souligner que l’évolution législative, contrairement à l’évolution jurisprudentielle, est susceptible de constituer un fait nouveau faisant exception à l’autorité de la chose jugée.

B – L’évolution législative, un événement envisageable

En matière civile, la Cour de cassation reconnaît que la survenance de certains événements, postérieurement à une décision définitive, est susceptible de mettre en échec le principe de l’autorité de la chose jugée32 à condition, d’une part, que l’événement ne procède pas de la seule partie qui souhaite un réexamen de l’affaire, et, d’autre part, que l’événement induit un changement de cause. Parmi ces événements, figure la survenance d’une loi nouvelle ouvrant de nouveaux droits ou de nouvelles possibilités d’action.

D’ailleurs, il est curieux d’affirmer que l’irruption d’une loi nouvelle dans le paysage juridique puisse permettre, dans une affaire déjà jugée, d’obtenir une solution différente. En effet, il a été rappelé en introduction à cette étude, qu’en matière de succession des normes dans le temps, le législateur prend tout de même le soin d’assurer le respect des causes finies. En sus, quand il décide de faire profiter les justiciables des largesses de la loi nouvelle, il intègre bien dans sa démarche le besoin de sécurité juridique, en ouvrant par exemple, une fenêtre d’action limitée dans le temps33.

Cependant, la pratique montre que la Cour de cassation, en adoptant une conception restrictive de la cause, arrive à faire de la survenance d’une loi nouvelle, un événement nouveau susceptible de remettre en cause l’autorité de la chose jugée. L’idée est donc de cantonner l’autorité de la chose jugée aux seules demandes tranchées expressément dans le dispositif de la décision34. Si ce dispositif tranche uniquement la question de la recevabilité de l’action, l’autorité de la chose jugée s’y trouve circonscrite de sorte que le fond pourra toujours être discuté dans le futur, une fois cette difficulté surmontée. Dès lors, la chose jugée sous l’empire de la loi ancienne peut être remise en cause, uniquement si le jugement initial déboutant la partie qui a pris l’initiative de l’instance nouvelle ne s’est pas prononcé au fond, en raison de l’existence d’une fin de non-recevoir35. Par exemple, en matière de filiation, la Cour de cassation a pu admettre, dans un arrêt du 21 septembre 2005, la possibilité pour une partie d’intenter une nouvelle action en recherche de paternité, prétexte pris de la libéralisation du régime de l’action par une loi nouvelle, alors qu’une précédente action dirigée contre la même personne avait été définitivement rejetée sous l’empire de la loi ancienne36. Dans des circonstances analogues, la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 mai 200937, avait retenu que la loi nouvelle ayant supprimé la fin de non-recevoir à l’action en recherche de paternité à laquelle la mère s’était heurtée des années plus tôt, aucune autorité de la chose jugée ne pouvait être opposée à l’action nouvelle exercée par l’enfant38. In fine, on aboutit à la consécration d’un droit à discuter du fond de la demande toutes les fois que le législateur par le biais de la loi nouvelle vient supprimer l’obstacle de la recevabilité.

En revanche, lorsque la décision initiale s’est prononcée sur le bien-fondé de la demande, c’est-à-dire a réalisé un examen sur le fond du droit allégué, la survenance de la loi nouvelle ne peut constituer une exception à l’autorité de la chose jugée. Tel était le cas dans la situation d’espèce. En effet, le jugement de 1993, dont on essaie d’obtenir le réexamen à la faveur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ayant elle-même entraîné une modification législative, s’était prononcé sur la répartition des droits successoraux. Par conséquent, la survenance de la loi nouvelle ne pourrait constituer un fait nouveau susceptible de faire obstacle à l’autorité de la chose jugée.

Si, dans l’arrêt commenté, la chose jugée a vu son autorité rappelée, il ne faut pas oublier que le contournement de l’autorité de la chose jugée reste possible par le biais d’une distinction entre la recevabilité et le bien-fondé de l’action39 ; cette distinction poussée à l’extrême risque de réduire à néant l’impératif de sécurité juridique40. Le droit peut et doit évoluer pour s’adapter aux réalités nouvelles ; en ce sens, nul ne peut prétendre à son immutabilité. Mais lorsque cette évolution, aussi douce soit-elle, remonte fictivement le temps et ressuscite les causes finies, on ne peut que marquer notre circonspection, car il ne faut pas oublier que la douceur de la loi pour les uns se révèle d’un goût amer pour d’autres.

Qu’il nous soit permis, en guise de conclusion à notre analyse, de faire un pronostic sur les suites de cette affaire. On a l’habitude de dire que l’obstination est le chemin de la réussite. Sachant que l’une des constantes de notre époque est la tendance du justiciable à aller au bout, il reste néanmoins peu probable, en l’espèce, que la ténacité de la demanderesse au pourvoi paye devant la Cour européenne des droits de l’Homme, ne serait-ce qu’en raison du principe de subsidiarité. Cependant, même si le constat par la Cour européenne des droits de l’Homme d’une non-violation des droits fondamentaux est plus que probable, il n’est pas impossible de voir la France condamnée dans cette affaire pour discrimination successorale. Une telle condamnation trouverait son fondement dans la non-exécution du jugement de 1993. En effet, l’absence de partage due au défaut d’accord entre les parties pourra être interprétée par les juges de Strasbourg comme une contestation portant sur les droits successoraux. Partant, les enfants « légitimes », faute d’exécution du jugement de 1993 – et surtout faute d’en avoir demandé l’exécution forcée –, ne pouvaient prétendre à un droit acquis au partage inégalitaire…

Notes de bas de pages

  • 1.
    Chevallier J., « L’interprétation des lois », in Fauré G. et Koubi G. (dir.), Le titre préliminaire du Code civil, 2003, Economica, p. 140.
  • 2.
    V. par ex., Roubier P., Le droit transitoire, 2e éd., 1960, Dalloz ; Level P., Essai sur les conflits de lois dans le temps, 1959, LGDJ ; Bach E.-L., « Contribution à l’étude du problème de l’application des lois dans le temps », RTD civ. 1969, p. 405 et  s. ; Héron J., « Étude structurale de l’application de la loi dans le temps », RTD civ. 1985, p. 227 et s. ; Bonneau P., La Cour de cassation et l’application de la loi dans le temps, Gobert M. (préf.), 1990, PUF ; Fleury-Le Gros P., Contribution à l’analyse normative des conflits de lois dans le temps en droit privé interne, Bach L. et Mayer P. (préf.), Petit J. (postf.), 2005, Dalloz ; Bareït N., Le droit transitoire de la famille, Lemouland J.-J. (préf.), 2010, Defrénois.
  • 3.
    Cornu G., Vocabulaire juridique, 2011, PUF, V° « Transitoire ». On peut retenir que le droit transitoire est la branche du droit qui détermine les modalités d’application des lois dans le temps.
  • 4.
    Voir, Bareït N., Le droit transitoire de la famille, op. cit., p. 353 et s.
  • 5.
    Si on se réfère à la hiérarchie des normes, les droits fondamentaux garantis par les traités internationaux sont situés au-dessus des lois. D’ailleurs, la Cour EDH a pu rappeler que la Convention européenne des droits de l’Homme fait partie intégrante de l’ordre juridique interne des États ; ce qui « implique l’obligation pour le juge national d’assurer le plein effet de ses normes en les faisant au besoin passer avant toute disposition contraire qui se trouve dans la législation nationale ». CEDH, 26 avr. 2007, n° 71525/01, spéc. § -103, Dumitru Popescu c/Roumanie.
  • 6.
    Comme l’a admis le premier président de la Cour de cassation [Louvel B., « Pour une juridiction à l’écoute de son temps », D. 2014, p. 1632 ; Louvel B., « Réflexions à la Cour de cassation », D. 2015, p. 1326 ; Louvel B., « Pour exercer pleinement son office de Cour de suprême, la Cour de cassation doit adapter ses modes de contrôle », JCP G 2015, 1906] lors des réflexions portant sur l’évolution de la motivation des arrêts de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, notre souveraineté juridictionnelle ne sera à l’abri des condamnations de la Cour de Strasbourg, que si les juridictions françaises se servent pleinement de la marge d’appréciation qui leur est reconnue. En effet, parce que le contrôle de la Cour européenne des droits de l’Homme est un contrôle subsidiaire, ses juges se dispensent de procéder à l’examen complet de toutes les données de la situation lorsque le juge national y a procédé lui-même.
  • 7.
    Pour rappel, le droit antérieur à la loi du 3 décembre 2001 réduisait de moitié les droits héréditaires des enfants adultérins en concours avec les enfants légitimes à la succession d’un auteur commun (C. civ., art. 760 anc.). On trouvait également d’autres traces de cette inégalité successorale aux anciens articles 908 et 915 du Code civil. L’ancien article 908 limitait, à la moitié de leur vocation légale, la capacité des enfants adultérins à recevoir à titre gratuit. Quant à l’ancien article 915, il réduisait de moitié la réserve héréditaire de l’enfant adultérin.
  • 8.
    L. n° 2001-1135, 3 déc. 2001.
  • 9.
    Bareït N., Le droit transitoire de la famille, op. cit., p. 527.
  • 10.
    Sur la sécurité juridique, v. par ex., Piazzon T., La sécurité juridique, Leveneur L. (préf.), 2009, Defrénois ; Valembois A.-L., La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, Mathieu B.(préf.), 2004, LGDJ. Pour une vue synthétique, Valembois A.-L., « La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2005, n° 17, p. 127 et s. ; Soulas de Russel D. et Raimbault P., « Nature et racine du principe de sécurité juridique : une mise au point », RIDC 2003, p. 96-97 ; Calmes S., Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand, communautaire et français, 2001, Dalloz, p. 156, n° 64 ; Demogue R., Les notions fondamentales du droit privé, rééd. 2001, Paris, La mémoire du droit, p. 63 et s. ; Pacteau B., « La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », AJDA 1995, n° spécial, p. 151 ; Fromont M., « Le principe de sécurité juridique », AJDA 1995, n° spécial, p. 178 ; Huglo J.-G., « La Cour de cassation et le principe de sécurité juridique », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 2001, n° 11, p. 82.
  • 11.
    V. par ex. M. Piazzon (Piazzon T., La sécurité juridique, Leveneur L. (préf.), 2009, Defrénois, p. 62, n° 48) pour qui, la sécurité juridique est un « idéal de fiabilité d’un droit accessible et compréhensible, qui permet aux sujets de droit de prévoir raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou comportements, et qui respecte les prévisions légitimes déjà bâties par les sujets de droit dont il favorise la réalisation ». Rapprocher de la définition donnée par le Conseil d’État dans son rapport public de 2006 (Conseil d’État, Rapport public 2006 : Sécurité juridique et complexité du droit, 2006, La documentation française, p. 281).
  • 12.
    D’ailleurs, il semblerait que le contrôle de la légitimité de l’ingérence ne soit qu’une simple formalité, car « sauf loi scélérate, cet arbitrage poursuit tout aussi fréquemment un but légitime ou d’ordre public ». Chénedé F., « Petite leçon de réalisme juridique : à propos de l’affaire Paradiso et Campanelli contre Italie », D. 2017, p. 663 et s., spéc. n° 4.
  • 13.
    V. par ex., CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, spéc. § -58, Marckx c/ Belgique ; GACEDH, 2011, n° 51 ; JDI 1982, p. 183, note Rolland P. – CEDH, 26 mai 2011, n° 23228/08, spéc. § -33, Legrand c/ France ; CEDH, 24 juill. 2003, n° 52854/99, spéc. § -52, Riabykh c/ Russie ; CEDH, 28 oct. 1999, n° 28342/95, spéc. § -61, Brumarescu c/ Roumanie.
  • 14.
    CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, spéc. § -58, préc., Marckx c/ Belgique.
  • 15.
    On vise ici le contrôle de proportionnalité stricto sensu. V. sur ce point, Sudre F., « Le contrôle de proportionnalité de la Cour européenne des droits de l’Homme : De quoi est-il question ? », JCP G 2017, I 289, spéc. p. 512 ; Van Drooghenbroeck S., La proportionnalité dans le droit de la convention européenne des droits de l’Homme, Tulkens F. et Ost F. (préf.), 2001, PFUSL, n° 380 et s.
  • 16.
    Sur la distinction contrôle lourd et contrôle léger, v. par ex., Betoulle J., « La distinction contrôle lourd/contrôle léger de la Cour de cassation – Mythe ou réalité ? », JCP G 2002, I 171.
  • 17.
    CA Dijon, 3e ch. civ., 19 nov. 2015, n° 14/01015.
  • 18.
    CEDH, 1er févr. 2000, Mazurek c/ France : GACEDH, n° 51, 2005, PUF ; JCP G 2000, II 10286, note Gouttenoire-Cornut A. et Sudre F. ; RTD civ. 2000, p. 311, obs. Hauser J. ; RTD civ. 2000, p. 429, obs. Marguénaud J.-P.
  • 19.
    Sur la distinction partage stricto sensu et lato sensu, v. par ex., Mazeaud H., Mazeaud L., Mazeaud J. et Chabas F., Leçons de droit civil, t. IV, Successions-Libéralités, 5e éd., Leveneur L. et Leveneur S. (dir.), 1999, Montchrestien, p. 747. Pour ces auteurs, « Le partage, lato sensu, comprend l’ensemble des opérations nécessaires à la fixation des droits privatifs des cohéritiers (…) et le partage proprement dit, qui est la répartition des biens de la masse entre les indivisaires ».
  • 20.
    CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, n° 16574/08, spéc. § -68, Fabris c/ France ; D. 2013, p. 434, obs. Gallmeister I. ; Dr. famille 2013, focus 11, obs. Lamarche M. ; D. 2013, Pan., p. 1436, obs. Granet-Lambrechts F. ; Dr. famille 2014, étude 12, spéc. n° 5, obs. Gouttenoire A.
  • 21.
    Le constat d’une absence de disproportion de l’atteinte n’était pas évident en l’espèce, puisque le jugement de 1993 n’a jamais été exécuté. Dès lors, on aurait légitimement pu rapprocher la situation d’espèce de celle de l’affaire Fabris c/ France préc.
  • 22.
    En matière civile, l’autorité de la chose jugée est acquise dès le prononcé du jugement (CPC, art. 480) et interdit aux magistrats du même degré de juridiction que ceux ayant déjà statué, de connaître à nouveau de l’affaire. V. néanmoins, Bouty C. (L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, Bergel J.-L. (préf.), 2008, PUAM, p. 459, n° 855 et s.) qui plaide pour une autorité de la chose jugée attachée à l’irrévocabilité du jugement en matière civile.
  • 23.
    CEDH, 1er févr. 2000, Mazurek c/ France, préc.
  • 24.
    Voir, Zénati F., La jurisprudence, 1991, Dalloz, p. 155.
  • 25.
    V. par ex., Bléry C., « Les tribulations de la cause et de l’objet au regard de l’autorité de la chose jugée en jurisprudence », Procédures 2011, alerte 5 ; Héron J. et Le Bars T., Droit judiciaire privé, 5e éd., 2012, Montchrestien, p. 289 ; Guinchard S. (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, 8e éd., 2014, Dalloz-Action, n° 421.112.
  • 26.
    Voir, Roubier P., Le droit transitoire, 2e éd., 1960, Dalloz, p. 25, note 1, p. 286-287.
  • 27.
    Cass. soc., 30 sept. 2005, n° 04-47130 : Bull. civ. V, n° 279 ; JCP G 2006, I 133, n° 11, obs. Amrana-Mekki S. ; JCP G 2005, II 10180, note Bonfils P.
  • 28.
    Sur cette problématique du réexamen des jugements définitifs prononcés en violation des droits fondamentaux, soulignons que la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a prévu, en matière d’état des personnes, une procédure de réexamen lorsque l’arrêt rendu par les juridictions internes a été jugé par la Cour européenne des droits de l’Homme, contraire à la Convention. V., Le Bar T., « Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle – Convention européenne des droits de l’homme et état des personnes : instauration d’une procédure de réexamen des décisions de justice en matière civile », Dr. famille 2017, dossier 12 ; Chénedé F., « Réexamen d’une décision civile après condamnation par la CEDH », AJ fam. 2016, p. 595.
  • 29.
    Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 08-10679 : D. 2009, p. 1060, note, Paul-Loubière C. ; RTD civ. 2009, p. 493, obs. Deumier P. ; D. 2010, p. 169, obs. Fricéro N.
  • 30.
    Paul-Loubière C., note ss Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 08-10679 : D. 2009, p. 1060.
  • 31.
    Cass. 2e civ., 17 mars 1986, n° 84-12635 : Bull. civ. II, n° 41, p. 27 – Cass. soc., 18 févr. 2003, n° 01-40978 : Bull. civ. V, n° 59, p. 56 – Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 16-12650.
  • 32.
    Dans son rapport annuel de 2014 (Cour de cassation, Rapport annuel 2014 : Le temps, 2015, La documentation française, p. 401 à 403), la Cour de cassation recense quatre situations pouvant justifier la mise en échec de l’autorité de la chose jugée :
  • 33.
    - la modification d’une situation de fait ;
  • 34.
    - l’intervention d’une décision juridictionnelle modifiant notamment le réseau des droits et obligations entre personnes ou bien encore la consistance de leur patrimoine ;
  • 35.
    - l’accomplissement d’un acte juridique par l’une des parties à l’instar d’une régulation d’un acte déclaré nul ;
  • 36.
    - la modification de la norme applicable, ouvrant de nouveaux droits ou de nouvelles possibilités d’action.
  • 37.
    Se rappeler par exemple de l’article 23 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille qui permettait aux parents d’enfants âgés de moins de 13 ans, de permettre à ceux-ci de porter un double nom.
  • 38.
    Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16033 : RDI 2009, p. 429, obs. Malinvaud P. ; RTD civ. 2009, p. 366, obs. Perrot R. ; JCP G 2009, II 10077, note Sérinet Y.-M.
  • 39.
    On peut définir la fin de non-recevoir comme étant un « moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond » (CPC, art. 122). Il ne s’agit pas de contester le droit allégué, mais de faire reconnaître par le juge l’absence de droit d’agir en justice du demandeur. Le juge alors ne se prononce que sur la recevabilité de la demande, c’est-à-dire la possibilité d’agir en justice ; on s’intéresse à l’action dépouillée de son fondement juridique qui est le droit substantiel revendiqué.
  • 40.
    Cass. 1re civ., 21 sept. 2005, n° 02-15586 : Bull. civ. I, n° 340 ; D. 2006, p. 207 note Lamarche M. ; RTD civ. 2005, p. 769, obs. Hauser J. ; Dr. famille 2005, comm. 239, note Murat P.
  • 41.
    Cass. 1re civ., 6 mai 2009, n° 07-21264 : D. 2010, p. 1442-1449, obs. Granet-Lambrechts F., RTD civ. 2009, p. 518, note Hauser J.
  • 42.
    Dans le même ordre d’idée v., Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 12-11799 : RJPF, 2013, n° 6, p. 29. Rappr., Cass. 1re civ., 9 juin 1976, n° 74-12922 : D. 1976, Jur., p. 593, note Raynaud P. ; RTD civ. 1976, p. 340, note Nerson R. ; JCP G 1976, II 18494, note Cornu G.
  • 43.
    Il s’agit d’un subterfuge ; au travers d’une analyse rigoureuse, on retient forcément que l’irrecevabilité de l’action met définitivement fin au procès, car il constate que le droit ne pourra être juridiquement réalisé. Reprendre le procès sous prétexte que l’obstacle qui empêchait de discuter du fond est levé est un argument fallacieux qui revient à nier le rôle du temps dans la résolution des conflits. Pour une analyse critique, v. aussi, Lamarche M., « Les lois passent… l’autorité de la chose jugée trépasserait ? », note ss Cass. 1re civ., 21 sept. 2005, n° 02-15586 : D. 2006, p. 207 et s. ; Hauser J., « La chose jugée sur une action en recherche de paternité naturelle : de l’équité rétroactive et de ses risques », RTD civ. 2009, p. 518 et s. L’auteur se demandait à raison, à quel titre nous pouvions prétendre avec nos certitudes actuelles refaire l’histoire : « Mais enfin, va-t-on refaire l’histoire juridique en rouvrant toutes sortes d’actions parce qu’à l’époque où elles avaient été jugées le droit n’était pas satisfaisant en appliquant rétroactivement nos certitudes de 2009 (…). L’engrenage de la remise en cause de l’autorité de la chose jugée, ou son interprétation restrictive, est un reflet de l’anachronisme ambiant de notre société (sa prétention ?), laquelle passe son temps à juger d’actions passées et à refaire l’histoire. L’équité rétroactive est un puits sans fond dans lequel se perdra la jurisprudence. Quant à dire que tout cela renforce le respect de la loi (et l’art. 2 C. civ. ?) et de l’autorité des décisions judiciaires, on ne s’y risquera pas ».
  • 44.
    Finasserie pour finasserie, on pourrait considérer que la prochaine étape consistera à prétendre que l’autorité de la chose jugée au fond se limite à la vérité de la vérification juridictionnelle. Ainsi, les jugements anciens en matière de filiation qui ne correspondraient pas à la vérité biologique pourraient être remis en cause parce que l’expertise biologique est de droit. Comme le relève un auteur, « échapper à une action en recherche de paternité ne serait plus qu’un privilège des défunts mis à l’abri de l’expertise biologique par la loi bioéthique du 6 août 2004 ». Lamarche M., « Les lois passent… l’autorité de la chose jugée trépasserait ? », préc.
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