Avant-propos : un paradoxe

Publié le 09/07/2018

Vaste et quelque peu hétéroclite, la réforme institutionnelle dont il va être ici question donne l’impression d’un désordre, pour ne pas dire d’une confusion, déroutant. Elle n’en recèle pas moins une certaine intelligibilité. Répondant aux idées reçues d’aujourd’hui ainsi qu’à un dessein politique cohérent, le projet révèle à cette occasion ce que l’on pourrait qualifier de « paradoxe de l’antiparlementarisme contemporain ».

Ce projet ne se borne pas à satisfaire les critiques banales visant la vétusté de l’institution parlementaire ou sa lenteur (les déplorations récurrentes de François Hollande sur l’adoption de ses projets s’y retrouvent). Il esquisse aussi une perspective insolite avec la « chambre de la société civile », dont le titre même contient la négation symbolique de la représentation de la nation par le Parlement et préfigure ce que pourraient être les États généraux du Nouveau monde.

Cohérent, l’ensemble s’inscrit dans la logique du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral qui, ramenant le Palais Bourbon sous l’ombre portée de l’Élysée, assujettit la représentation nationale au nouveau monarque (j’ai hésité devant ce terme dont la polémique abusa, mais il s’impose dès lors que le président de la République s’est explicitement référé à la nostalgie qu’inspirait la figure royale). Il paraît, nous dit-on, que telle est la modernité.

Mais c’est ici que surgit le paradoxe de l’antiparlementarisme contemporain : il concentre l’animosité publique sur les privilèges allégués et les turpitudes occasionnelles des représentants, les soumet à une suspicion organisée, les désigne enfin comme les responsables de nos insatisfactions… Et cela au moment où le Pouvoir est notoirement – explicitement dans les discours et les médias, évidemment aux yeux de tous – ailleurs.

LPA 09 Juil. 2018, n° 137h5, p.4

Référence : LPA 09 Juil. 2018, n° 137h5, p.4

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