Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (second semestre 2020)

Publié le 16/05/2022
Chronique
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La chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel est ouverte à l’ensemble des décisions susceptibles d’intéresser le droit constitutionnel dans sa dimension contentieuse considérée de la manière la plus large. C’est ainsi que le contentieux électoral est intégré dans la présente chronique, divisée en quatre parties correspondant aux thèmes principaux du droit constitutionnel contemporain, qui intègre aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes de hiérarchie des normes et la place des droits et libertés.

La chronique présentée ci-dessous couvre le second semestre de l’année 2020.

I – Les institutions constitutionnelles

A – Les pouvoirs politiques : le pouvoir exécutif

(…)

B – Les pouvoirs politiques : le Parlement et la procédure législative

1 – Les validations législatives

(…)

2 – Le contrôle de la procédure législative

Dans sa décision n° 2020-806 DC du 7 août 2020, le Conseil constitutionnel avait à connaître de la loi organique prorogeant le mandat des membres du conseil économique, social et environnemental. Cette loi visait à proroger le mandat des membres du conseil, dans l’attente de l’adoption d’une loi organique réformant plus largement cette institution et modifiant notamment sa composition. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette prorogation de quelques mois n’était pas contraire à la Constitution, car le mandat devait prendre fin au 14 novembre 2020 et était prorogé jusqu’au 1er juin 2021, au plus tard. Il a néanmoins justifié cette conformité par le fait que cette prorogation est d’« une courte durée et revêt un caractère exceptionnel et transitoire », laissant ainsi entendre qu’a contrario, une telle prorogation pourrait être inconstitutionnelle si elle devenait habituelle ou permanente. La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au conseil économique, social et environnemental est finalement entrée en vigueur le 1er avril 2021.

Dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, le Conseil constitutionnel réaffirme sa jurisprudence relative aux griefs tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact. Après avoir longtemps considéré qu’il était compétent pour contrôler si l’étude d’impact était suffisante1, le Conseil a fait évoluer sa jurisprudence dans sa décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il considère désormais que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ne peut être accueilli que si la conférence des présidents a été saisie d’une « demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues »2. Le principe du préalable parlementaire s’applique donc aux griefs tirés de la méconnaissance d’une étude d’impact : si ce grief n’a pas été présenté devant l’une des assemblées, il ne peut l’être devant le Conseil. En l’espèce, la conférence des présidents avait bien été saisie d’une demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues et avait estimé que tel n’était pas le cas, comme le relève le Conseil (§ 4). Pour la première fois, l’exigence du préalable parlementaire était bien remplie. En conséquence, ce dernier devait se prononcer sur la suffisance de l’étude d’impact. Il estime néanmoins que l’étude « traitait de l’ensemble des questions énumérées par l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ». En conséquence, il considère qu’elle est suffisante. Le contrôle exercé par le Conseil reste donc essentiellement formel. Il n’évalue pas la qualité de l’étude d’impact, se refusant à trancher la question de savoir si l’étude comprend des « inexactitudes flagrantes », si elle aurait dû recenser les options alternatives ou encore si elle manque de précision dans « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de l’utilisation » de certains produits phytopharmaceutiques pour la culture de betteraves sucrières (griefs des requérants, § 5).

Margaux BOUAZIZ

3 – La compétence et le domaine de la loi

Trois décisions « L » ont été publiées au cours de ce semestre. Le législateur a entendu assurer l’information du Parlement sur des mesures qui intéressent la gestion des finances publiques qui sont au nombre des dispositions, dont la loi organique du 1er août 2001, qui permettent l’inclusion dans une loi de finances et ont un caractère législatif (Cons. const., L, 2 juill. 2020, n° 2020-286, à propos de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020). En revanche, ont un caractère réglementaire celles de l’article L. 142-1 du Code de la construction et de l’habitation (Cons. const., L, 17 sept. 2020, n° 2020-287) et celles du Code monétaire et financier (Cons. const., L, 21 déc. 2020, n° 2020-289) car elles ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ou règles que l’article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi.

Par la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, Loi d’accélération et de simplification de l’action publique, le Conseil a jugé que le législateur n’avait pas méconnu sa compétence que lui confère l’article 7 de la Charte de l’environnement par la disposition modifiant les modalités de consultation du public sur certains projets ayant des incidences sur l’environnement alors qu’était invoquée l’imprécision de la loi donnant au préfet une latitude excessive pour déterminer si le projet en cause doit être soumis à une enquête publique ou à une simple procédure de consultation par voie électronique. L’article 7 prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions. En retenant des critères qui imposent au préfet d’apprécier l’importance des incidences du projet sur l’environnement pour déterminer les modalités de participation du public, le législateur a suffisamment défini les conditions d’exercice du droit protégé par l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Michel VERPEAUX

C – Le pouvoir juridictionnel

(…)

D – Les finances publiques de l’État

Dans la décision n° 2020-804 DC du 7 août 2020 portant sur la loi organique relative à la dette sociale et à l’autonomie, le Conseil constitutionnel rappelle l’exigence de préservation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Sous la forme d’une mise en garde, il précise que « les lois de financement de la sécurité sociale ne sauraient conduire à un transfert, au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, de recettes affectées aux régimes de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement, sans compensation de nature à éviter une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale de l’année à venir ».

C’est sous cette réserve que le Conseil a validé la constitutionnalité de l’article 1er de la loi organique qui prévoit d’accompagner tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, d’une augmentation de ses recettes afin de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale au-delà du 31 décembre 2033. C’est à la loi de financement de la sécurité sociale qu’il revient d’assurer le respect de cette obligation. Elle devra ainsi non seulement prévoir l’ensemble des ressources affectées au remboursement de la dette sociale jusqu’au terme prévu pour celui-ci, mais aussi veiller à déterminer de manière sincère les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’année à venir, au regard notamment de l’évolution des conditions économiques conformément aux exigences. Il en va ainsi de celles du premier alinéa du 2  du C du paragraphe I de l’article LO. 111-3 du Code de la sécurité sociale.

De manière traditionnelle, le contrôle des lois financières, souvent considérées comme des lois « fourre-tout », appelle à une vigilance particulière de la part du Conseil invité, soit à la demande des auteurs de la saisine, soit de sa propre initiative, à veiller à empêcher toute dénaturation de la loi. En effet, les dispositions d’une loi financière doivent présenter un lien effectif avec le contenu qui est reconnu, par principe, à de telles lois. En ce qui concerne la loi de finances, elles doivent avoir trait aux ressources, aux charges, à la trésorerie, aux emprunts, à la dette, aux garanties ou la comptabilité de l’État. Elles doivent concerner l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État. Elles doivent avoir pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières, et être relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. C’est à ces conditions qu’elles trouvent leur place dans une loi de finances.

Tel est le cas, dans la décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, Loi de finances pour 2021, de l’article 225 de la loi de finances pour 2021 qui ne constitue pas un cavalier budgétaire, contrairement à ce qui était invoqué par la saisine. Cette disposition qui pose le principe d’une réduction du tarif d’achat de l’électricité produite par certaines installations qui utilisent l’énergie radiative du soleil par voie photovoltaïque ou thermodynamique pour les contrats conclus entre 2006 et 2010 encore en cours d’exécution, a bien une incidence directe sur les charges de l’État pour l’année à venir. Le fait, d’une part, que sa mise en œuvre est subordonnée à un arrêté des ministres chargés de l’Énergie et du Budget, qui seul fixera le nouveau prix d’achat, et, d’autre part, que le montant compensé par l’État des charges liées au service public de l’énergie est fixé par la Commission de régulation de l’énergie au plus tard le 15 juillet pour l’année suivante, est sans incidence sur l’effectivité de l’affectation des dépenses budgétaires de l’année 2021 par cette mesure.

Les articles 190 et 265 relèvent également du domaine de la loi de finances, ce que contestaient les sénateurs requérants.

Le premier vise à renforcer l’information et le contrôle du Parlement sur la gestion des dotations budgétaires prévues pour l’Assemblée nationale et le Sénat au titre de la mission Pouvoirs publics en prévoyant que le bureau de chaque assemblée détermine les modalités selon lesquelles l’organe chargé de la déontologie parlementaire contrôle les dépenses engagées au titre de l’indemnité représentative de frais de mandat dans les quatre années suivant l’engagement de ces dépenses.

Le second contribue également à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques en prévoyant la remise d’un rapport au Parlement sur l’emploi associatif pour mesurer l’impact de dispositifs d’accès à l’emploi partiellement financés par le budget de l’État.

À l’inverse, le Conseil retient les griefs soulevés par les sénateurs contre les articles 176 et 263 de la loi de finances qui sont étrangers à son domaine. L’article 176 autorisait les agents du ministère de l’Environnement chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée et ceux de la direction générale des douanes et des droits indirects à échanger les renseignements utiles à l’amélioration de la transparence et de la traçabilité des chaînes d’approvisionnement agricoles des matières premières ciblées par cette stratégie. L’article 263 autorisait, quant à lui, à titre expérimental, la mise en place d’un dispositif local d’accompagnement des associations pour faciliter leurs démarches administratives.

Ces dispositions ne sont pas les seules à avoir été jugées contraires à la Constitution en tant que cavaliers budgétaires. À l’initiative du Conseil, la loi de finances pour 2021 a également été vidée de cinq autres dispositions qui n’y trouvaient pas leur place, ce qui atteste, une fois de plus, de la vigilance avec laquelle le Conseil examine les lois financières. Ainsi, la loi de finances a été épurée des articles 163, 165, 177, 243 et 269.

Ces dispositions avaient trait respectivement à la fixation par décret des conditions d’habilitation des agents des douanes chargés de rechercher et de constater les infractions en matière de tabac ; à la mise en œuvre d’une réforme complète des règles de francisation et de navigation des navires ; à l’extension du droit de visite domiciliaire des douanes aux contrôles en matière d’assistance mutuelle entre États membres de l’Union européenne ; à l’institution d’une dérogation au principe de séparation de la conception et de la réalisation des travaux pour des opérations de rénovation énergétique financées par la mission Plan de relance ; à l’extension des possibilités pour les opérateurs de compétences de collecter des contributions supplémentaires des entreprises en faveur de la formation professionnelle.

Ces dispositions ont été adoptées en méconnaissance de la règle de procédure relative au contenu des lois de finances. Elles ont été ainsi déclarées d’office inconstitutionnelles.

Laurence BAGHESTANI

E – Les collectivités décentralisées

Dans sa décision n° 2020-869 QPC du 4 décembre 2020, Monsieur Pierre-Chanel T. et autres, le Conseil constitutionnel a été saisi de plusieurs dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire lié à la crise de Covid-19 s’appliquant en Nouvelle-Calédonie.

Les requérants soutenaient qu’en ce qu’elles rendent applicables en Nouvelle-Calédonie, sous réserve de certaines adaptations, le régime d’état d’urgence sanitaire et le régime transitoire qui en organise la sortie, plusieurs dispositions méconnaîtraient la répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, compte tenu de la compétence exclusive dévolue aux institutions de ce territoire en matière de santé publique. Il en résulterait une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales et de deux principes à consacrer : un « principe de non-intervention de l’État dans les domaines de compétence transférés à la Nouvelle-Calédonie » fondé sur l’article 77 de la Constitution et sur le point 5 du préambule de l’Accord de Nouméa, et un « principe d’irréversibilité de l’organisation politique découlant de l’Accord de Nouméa » fondé sur le point 5 de cet Accord (§ 1 à 5).

Pour déclarer les dispositions conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur les normes constitutionnelles propres à la Nouvelle-Calédonie plutôt que sur le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il a en outre écarté implicitement la reconnaissance des deux principes proposés.

Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé que « si le législateur est compétent pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie des dispositions législatives, c’est à la condition que ces dispositions n’interviennent pas dans des matières relevant des compétences ayant été transférées aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, de façon définitive, par la loi organique dans le respect des orientations définies par l’Accord de Nouméa auxquelles le titre XIII de la Constitution confère valeur constitutionnelle » (§ 11).

Le Conseil rappelle ainsi sa jurisprudence relative aux normes de référence spécifiques s’agissant de la Nouvelle-Calédonie3. Il fait également application de sa jurisprudence sur les transferts de compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie4.

En se fondant sur les normes constitutionnelles propres à la Nouvelle-Calédonie plutôt que sur le principe de libre administration des collectivités territoriales, le Conseil a, pour la première fois, accepté que la méconnaissance du domaine des compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie puisse être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), reconnaissant ainsi à la protection du domaine de compétences dévolues à la Nouvelle-Calédonie le caractère d’un droit ou d’une liberté que la Constitution garantit au sens de l’article 61-1 de la Constitution, et non plus seulement dans le cadre du contrôle a priori exercé sur le fondement de l’article 61 de la Constitution5.

Examinant au fond les dispositions contestées, le Conseil a relevé que celles-ci ont pour objet de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, sous réserve de certaines adaptations, le régime de l’état d’urgence sanitaire et le régime transitoire qui en organise la sortie (§ 13).

Il a alors relevé que si les dispositions de l’article 22, 4°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie, prise en application de l’article 77 de la Constitution, sont dévolues à la Nouvelle-Calédonie, la réglementation en matière de « protection sociale, hygiène publique et santé, contrôle sanitaire aux frontières », et les dispositions combinées du point 3.3 de l’Accord de Nouméa et du 1° du paragraphe I de l’article 21 de la loi organique de 1999 prévoient la compétence de l’État en matière de « garanties des libertés publiques » (§ 14).

Cela signifie que, dans le domaine de la santé, la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas d’une plénitude de compétence. Le juge administratif a statué, de son côté, en ce sens6.

C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions contestées permettent au Premier ministre, au ministre chargé de la Santé et, sur habilitation, au haut-commissaire, de prendre ou adapter, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, diverses mesures afin de faire face à une crise sanitaire grave. Ces autorités nationales peuvent, à ce titre, décider, aux seules fins de garantir la santé publique, de mesures limitant les libertés (par exemple la réglementation ou l’interdiction de circulation des personnes et des véhicules, le contrôle temporaire des prix). Ces autorités nationales peuvent en outre prendre ou adapter sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie diverses mesures dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 (par exemple la réglementation des rassemblements de personnes, des réunions et des activités se déroulant sur la voie publique, le fait d’imposer la réalisation d’un examen biologique de dépistage pour l’usage des transports publics aériens).

Le Conseil a alors jugé que « si elles poursuivent un objectif de protection de la santé publique, ces mesures exceptionnelles, temporaires et limitées à la mesure strictement nécessaire pour répondre à une catastrophe sanitaire et à ses conséquences, se rattachent à la garantie des libertés publiques et ne relèvent donc pas de la compétence de la Nouvelle-Calédonie » (§ 15 à 17).

Il a également considéré que, s’agissant des dispositions étendant à la Nouvelle-Calédonie les dispositions permettant au ministre chargé de la Santé ou au haut-commissaire de prescrire ou d’adapter sous certaines conditions, dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, le législateur n’a visé que les mesures qui, parce qu’elles concernent l’ordre public ou les garanties des libertés publiques, relèvent de la compétence de l’État. Cette extension est donc sans incidence sur les compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de santé (§ 18).

Le Conseil a déduit de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de libre administration des collectivités territoriales ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

En outre, dans cette décision n° 2020-869 QPC, le Conseil se prononce sur une QPC relative aux dispositions issues d’une ordonnance adoptée sur le fondement de l’article 38 de la Constitution et n’ayant pas fait l’objet d’une ratification, faisant ainsi une nouvelle fois application de ses décisions nos 2020-843 QPC du 28 mai 2020, Force 57 (§ 11) et 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, Monsieur Sofiane A. et autres (§ 11)8.

Christine RIMBAULT

F – Droits électoraux, contentieux des élections et des référendums

Les sénateurs français sont élus au suffrage universel indirect par un corps de « grands électeurs », comme l’était, en 1958, le président de la République. C’est parfois ce mode de scrutin qui lui vaut, pour certains, l’image de l’assemblée mal aimée de la République. En période de crise sanitaire, les reports d’élections n’ont pas épargné la chambre haute.

La décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 concernait la loi organique qui porte report de l’élection de six sénateurs ainsi que le report d’élections partielles pour les députés et sénateurs représentant les Français hors de France.

Comme tous les sénateurs, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus au suffrage universel indirect. Ainsi, un collège électoral composé des députés élus par les Français établis hors de France, des sénateurs représentant ces mêmes Français, des élus dans 15 circonscriptions à l’étranger et des délégués consulaires, élit ces sénateurs. Les élus consulaires complètent utilement le corps électoral à raison d’un délégué consulaire pour 10 000 inscrits au registre des Français de l’étranger, en sus de 10 000 conseillers des Français de l’étranger élus dans 15 circonscriptions à l’étranger et des délégués consulaires, ce qui n’est pas sans poser un problème lorsqu’une pandémie mondiale se déclare.

La loi organique de prorogation venait prolonger le mandat des sénateurs de la série 2, qui court jusqu’à l’autonome 2021. En effet, si les termes rassurants des comités d’experts ont permis de laisser se tenir les élections municipales (le second tour) à partir du 15 mars 2020, leur appréciation est restée différente – au vu de la situation mondiale – pour l’élection des délégués consulaires, élus à l’étranger.

Par conséquent, la loi organique a proposé que le mandat en cours des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires, élus pour six ans en mai 2014, soit prorogé jusqu’au mois de mai 2021 et qu’en conséquence, « les six sénateurs représentant les Français établis hors de France élus en septembre 2021 entrent en fonction le 1er octobre 2021. Leur mandat expire à l’ouverture de la session ordinaire de 2026 » (second alinéa de l’article 1er).

Il en résulte que si les sénateurs des Français de l’étranger élus en septembre 2014 voient leur mandat prolongé d’un an, en revanche le mandat des sénateurs qui seront élus en septembre 2021 sera, quant à lui, limité à une durée de cinq ans, pour assurer en 2026 une complète synchronisation du renouvellement de cette série.

Cette réduction de la durée du mandat des sénateurs apparaît inédite, bien que des arrangements aient certes dû être trouvés pour parvenir à mettre en œuvre la réforme de 2003 concernant le mandat des sénateurs.

Prenant pour appui le nouveau corpus constitutionnel créé à l’occasion de la décision relative au report des élections municipales (Cons. const., QPC, 17 juin 2020, n° 2020-849), le Conseil a contrôlé la loi au regard d’un motif impérieux d’intérêt général et de la garantie de la périodicité raisonnable des scrutins afin qu’« il n’en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l’égalité devant le suffrage ». Les deux conditions apparaissaient remplies selon le Conseil en raison du motif principal de la loi organique qui était de tenir compte de l’évolution mondiale du virus entraînant un report des mandats qui soit limité dans le temps.

Mais la décision a surtout été l’occasion pour le Conseil de créer un considérant de principe relatif à l’élection des sénateurs représentant les Français de l’étranger en créant la continuité constitutionnelle entre l’élection indirecte des sénateurs et leur mission de représentants des Français de l’étranger.

S’appuyant sur l’article 3 de la Constitution, sur le quatrième alinéa de l’article 24 de la Constitution, qui prévoit le caractère indirect du suffrage pour l’élection des sénateurs, et sur le cinquième alinéa du même article 24, qui pose le principe de cette représentation, le Conseil en a déduit que les sénateurs représentant les Français établis hors de France devaient être élus par un corps électoral lui-même élu par ces Français (§ 6). Les sénateurs représentent bien, par cette extension d’interprétation constitutionnelle, les collectivités territoriales et les Français hors de France.

La même déclaration de conformité a été prononcée par le Conseil dans la décision n° 2020-811 DC du 21 décembre 2020. Le législateur organique avait également entendu déroger à la périodicité habituelle du scrutin, concernant cette fois-ci les élections partielles. L’article 25 de la Constitution donnant compétence au législateur organique, ce dernier, sous la condition du respect de l’article 3 de la Constitution, a pu décider de déroger à la règle de l’organisation des élections partielles dans les trois mois pour les vacances constatées (devant être organisées au plus tard en juin 2021) en raison de la propagation de l’épidémie de Covid-19. Rappelant son contrôle limité sur les objectifs du législateur, le Conseil a considéré que l’objectif de protection de la santé publique justifiait cette dérogation ; il a enfin vérifié que la durée de ce potentiel report était limitée à neuf mois, ce qui confirme qu’en matière de report d’élection, un critère de durée entre dans l’appréciation de conformité du juge constitutionnel. Enfin, le Conseil constitutionnel a ajouté une appréciation dont on peine à savoir à quel impératif constitutionnel elle est reliée : « Au regard du faible nombre tant des vacances actuelles que de celles susceptibles d’intervenir dans le délai précité compte tenu des règles de remplacement des membres du Parlement, le dispositif retenu par le législateur organique n’est pas de nature à compromettre le fonctionnement normal de l’Assemblée nationale et du Sénat ». L’atteinte au fonctionnement normal de l’Assemblée nationale et du Sénat aurait donc pu conduire à une censure. Serait-ce l’embryon d’une nouvelle norme de référence ? L’avenir le dira.

Anne-Charlène BEZZINA

II – Le procès constitutionnel

A – Les acteurs et les actes devant le Conseil constitutionnel

Les interventions extérieures suivent toujours le même régime (strict). Ainsi, le Conseil constitutionnel a jugé que l’intervention de Christian M. qui contestait « non la possibilité accordée au gouvernement d’allonger les délais de détention provisoire, mais celle d’augmenter les délais impartis à la chambre de l’instruction pour statuer sur une demande de mise en liberté » (§ 6) se situait hors du champ de la disposition contestée qu’il a lui-même restreint (Cons. const., QPC, 3 juill. 2020, n° 2020-851/852). Depuis la première année de pratique de la QPC, le Conseil constitutionnel restreint l’objet du litige et juge, à ce prisme, la validité des interventions extérieures qui peuvent ainsi se trouver privées de réponse alors qu’elles portent bien sur la disposition contestée. On retrouve là la volonté d’éviter un nouveau procès objectif fait à la disposition de loi. Il convient de noter, dans cette QPC, la recevabilité des interventions du Conseil national des barreaux, de la conférence des bâtonniers et du syndicat des avocats de France, qui, en tant qu’organes collectifs de représentation des intérêts d’une profession, n’ont pas toujours les faveurs des juges9.

Lorsque le Conseil constitutionnel juge que l’intervention est recevable, il convient que l’intervenant rejoigne les griefs du requérant et l’objet de la disposition contestée (pour un exemple où les deux parties se rejoignent complètement : Cons. const., DC, 3 déc. 2020, n° 2020-807) ; seule la partie requérante pouvant ajouter des griefs différents (v. Cons. const., DC, 21 déc. 2020, n° 2020-810).

En contentieux a priori, les contributions extérieures, jumelles des interventions en QPC, font également florès et peuvent aussi émaner de personnalités isolées – contrairement à ce que les premières pratiques laissaient entrevoir (lobbys, groupes parlementaires) comme le démontre, dans la décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020, l’intervention de Martine Schoeppner, vice-présidente de l’assemblée des Français de l’étranger (AFE) et également conseillère consulaire pour la circonscription de Munich, qui a été présentée afin de développer des griefs contre la loi organique dont elle avait, en sa qualité, une connaissance pointue. Encore un pas reste à franchir pour que ces portes étroites apparaissent désormais comme de véritables pièces de procédure.

Au sujet des actes susceptibles de contrôle, le Conseil constitutionnel juge que n’est pas irrecevable une QPC qui porterait, en réalité (d’après l’argumentation de la partie adverse) non pas sur la disposition législative mais sur son application réglementaire. Le commentaire de la décision par le Conseil l’éclaire en précisant qu’au stade de la recevabilité, l’argumentation de la requête – qui porte sur l’objet de la disposition prétendument inconstitutionnelle – ne peut entrer en compte (Cons. const., QPC, 13 nov. 2020, n° 2020-864).

La décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, dite Force 5, a été amplement commentée pour le changement profond dans l’état du droit qu’elle a induit, mais un revirement ne serait rien sans ses premières applications contentieuses, offertes par les décisions nos 2020-851/852 QPC et 2020-866 QPC.

La décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020 était inédite puisqu’il s’agissait de la « première fois » où le Conseil constitutionnel était amené à contrôler a posteriori les dispositions d’une loi d’habilitation. Ce moment contentieux apparaissait inévitable dans un contexte d’accroissement du nombre d’ordonnances et dans le contexte particulier de l’état d’urgence sanitaire ; le litige s’était en l’espèce noué à l’encontre d’une des nombreuses dispositions de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 qui habilitaient le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures destinées à faire face à l’épidémie de Covid-1910.

Pour comprendre cette décision, le Conseil a rappelé dans son commentaire le cadre de son contrôle a priori des lois ordinaires dont il est fait application dans le considérant de principe du contrôle de QPC.

Tout d’abord, le Conseil reprend les dispositions de l’article 38 et rappelle que seul le gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre des ordonnances et que l’article 38 peut être utilisé en toute matière qui relève du domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel s’attache, dans un troisième temps, à vérifier les termes des dispositions d’habilitation, notamment en s’enrichissant des travaux parlementaires et précise qu’il est fait « obligation au gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention ».

Ce contrôle à propos de l’imprécision des mesures conduit à de rares censures, comme le démontre la décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré pour la première fois, pour un défaut de précision des finalités de l’habilitation, une disposition de la loi (v. également Cons. const., DC, 4 sept. 2018, n° 2018-769).

Là n’est pas l’essentiel du contrôle des lois d’habilitation : le Conseil examine principalement que lesdites lois sont conformes aux exigences constitutionnelles « de fond » ; malgré leur nature particulière elles peuvent en effet heurter, suivant leur niveau de précision, des exigences constitutionnelles matérielles11. Là encore, les censures sont rares et d’application récente (v. Cons. const., DC, 8 janv. 2009, n° 2008-573).

Ce contrôle matériel a priori a inspiré les futurs développements du contrôle des ordonnances dans le cadre du contrôle a posteriori.

Au cours des premières années d’application de la QPC, le Conseil d’État avait tranché (sans vocation définitive) le sort des lois d’habilitation dans le sens d’une exclusion ; en raison de leur nature, ces lois n’avaient pas vocation à être confrontées aux droits et libertés que la Constitution garantit puisqu’elles « se bornent à délimiter le champ de l’habilitation donnée au gouvernement » (CE, 10e-9e ss-sect. réunies, 23 janv. 2015, n° 380339). Cette jurisprudence réductrice méconnaissait pourtant les précédents développements du contrôle a priori des lois d’habilitation et le principe de leur confrontation aux exigences constitutionnelles matérielles, qui, s’il conduit à de rares examens et d’encore plus rares censures, conserve pour autant le mérite d’exister.

Aussi, par la décision commentée, le Conseil a accepté d’examiner les dispositions d’une loi d’habilitation dans le cadre de son contrôle a posteriori de QPC qui consistera à ne conserver que le quatrième temps du contrôle qu’il exerce a priori, étant donné que les étapes précédentes sont procédurales et formelles. Le Conseil se limitera donc à vérifier en QPC que les dispositions litigieuses n’atteignent pas les droits et libertés que la Constitution garantit. Comme en contrôle a priori, ce contrôle sera d’application « rare » selon le commentaire du Conseil, mais mettra fin aux jurisprudences des cours suprêmes qui se refusent parfois à contrôler les dispositions d’une ordonnance au prisme de la Constitution du fait de l’existence de la loi de transmission qui fait écran, supprimant ainsi un « angle mort » de contrôle de constitutionnalité qui ne peut être que bienvenu12. Précisément, dans ses arrêts du 26 mai 2020, rendus sur le même article 16 de l’ordonnance contestée au cas présent, la Cour de cassation avait jugé irrecevable le grief pris de la violation de l’article 66 de la Constitution en raison de la théorie de la « loi-écran », alors que la loi d’habilitation était clairement à la source de l’inconstitutionnalité.

Restait, pour le Conseil, à déterminer le contrôle qu’il allait exercer cette fois-ci, non pas sur la loi d’habilitation, mais sur les dispositions de l’ordonnance elle-même afin de déterminer l’articulation des contrôles sur l’ordonnance durant toute sa procédure d’adoption. Rappelons que l’espèce se prêtait à ce rappel pédagogique des contrôles sur la loi, étant donné que n’était pas contesté le seul article 11 de la loi d’habilitation du 23 mars 2020 mais également l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars prise sur son fondement.

D’après le texte faussement clair de l’article 38, le processus d’ordonnance distingue trois temps où la norme change deux fois de nature : un temps d’habilitation législative avec un contrôle possible du Conseil constitutionnel, un temps de prise de décision durant le délai d’habilitation réglementaire sous le contrôle du juge administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir, et un temps de ratification où les dispositions reprennent une forme législative sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Ce partage résulte du texte et de la jurisprudence (v. Cons. const., DC, 16 déc. 1999, n° 99-421).

Le texte de l’article 38 précise qu’au-delà du délai de ratification, les dispositions matériellement législatives ne peuvent plus être modifiées que par la loi, ce qui conduit le Conseil, a contrario, à refuser de contrôler des dispositions qui « ne revêtent pas le caractère de dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution » (Cons. const., QPC, 10 févr. 2012, n° 2011-219) à l’issue du délai de ratification. Le Conseil avait petit à petit affaibli ce non-contrôle systématique en précisant que, saisi de dispositions législatives partiellement modifiées par une ordonnance non ratifiée, lorsque « ces modifications ne sont pas séparables des autres dispositions » de la loi, il lui revenait « de se prononcer sur celles de ces dispositions qui revêtent une nature législative au sens de l’article 61-1 de la Constitution » (Cons. const., QPC, 5 juill. 2013, n° 2013-331).

C’est alors qu’intervint le revirement de la décision n° 2020-843 QPC, Force 5, par laquelle le Conseil constitutionnel trancha définitivement le sort des ordonnances non ratifiées en QPC en précisant qu’à l’expiration du délai d’habilitation, ces dispositions « doivent être regardées comme des dispositions législatives ». La condition d’expiration du délai se double de la nature « matériellement » législative de la disposition de loi contestée.

Le revirement est longuement expliqué par le commentaire au motif de la recherche de cohérence. Cohérence, tout d’abord, avec le dispositif de l’article 38 qui veut que les ordonnances soient prises « dans le domaine de la loi » et qu’elles échappent ainsi, passé le délai de l’habilitation, à leur nature d’actes réglementaires. Cohérence, ensuite, dans l’office du Conseil constitutionnel. On est moins convaincu par l’idée que le Conseil pourrait, sans contrôler les ordonnances non ratifiées, affaiblir son contrôle des garanties législatives d’exigences constitutionnelles, comme en matière environnementale où une loi doit exister pour garantir la participation citoyenne (Charte de l’environnement, art. 7), étant donné la rareté du contrôle et la possibilité pour le Conseil de reconnaître l’existence de ces garanties sans avoir à consacrer un nouveau contrôle. Mais l’argument le plus original est tiré de l’office nouveau du Conseil en QPC. Le commentaire déduit du « contrôle a posteriori, par définition moins centré sur l’élaboration de la loi et susceptible de porter sur des textes très anciens, notamment antérieurs à la Constitution de 1958 », l’affaiblissement du critère organique de la « disposition législative » dans l’esprit de la réforme de la procédure de QPC. Cette interprétation est pour le moins constructive, tant il semblait que le terme de « dispositions législatives » renvoyait plutôt à un critère fonctionnel : évoquer un article, un alinéa, une virgule de la loi plutôt que la loi dans son entier. On apprend donc ici un nouveau critère de la « disposition de loi ». Cohérence, enfin, « qu’un seul et même juge se prononce sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, au sens de l’article 61-1 de la Constitution, de toutes les dispositions intervenant dans les domaines relevant de la loi et soustraites à la compétence du pouvoir exécutif » ; il n’est pourtant pas certain que les ordonnances non ratifiées soient nécessairement soustraites au pouvoir exécutif, puisque cela revient à priver de tout intérêt la ratification, le caractère réglementaire pouvant être vu comme « une sanction » du non-respect du délai d’habilitation.

Par la décision commentée, le Conseil constitutionnel a précisé le champ du revirement. Il a d’abord rappelé le texte de l’article 61-1 et le terme même de « dispositions législatives » pour y limiter sa compétence. Puis, il a rappelé intégralement les dispositions de l’article 38 de la Constitution, entendant ainsi revaloriser la ratification, mais l’ayant, en réalité, encore affaiblie dans sa valeur puisqu’il ne fait que rappeler que les ordonnances demeurent en vigueur y compris si le Parlement ne s’est pas prononcé.

Le Conseil a toutefois entendu rappeler que les dispositions d’une ordonnance « acquièrent valeur législative à compter de sa signature (seulement) lorsqu’elles ont été ratifiées par le législateur » (§ 11) mettant en valeur la différence à laquelle conduit la ratification, sans néanmoins en tirer de conséquences contentieuses.

Il a enfin confirmé le revirement de la décision n° 2020-843 QPC, en rappelant que les dispositions d’une ordonnance « doivent être regardées, dès l’expiration du délai de l’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution » (§ 11). Ce qui, « au sens de l’article 61-1 de la Constitution », permet de rappeler les limites du contrôle de QPC et le sens élargi du terme de « disposition de loi ».

Les droits et libertés que la Constitution garantit sont ainsi préservés au détriment de la clarté du partage des compétences et des différentes natures de l’ordonnance qui n’en a peut-être pas terminé de nous surprendre comme le démontre le Conseil d’État lorsqu’il déclare quelques mois plus tard que, malgré ces évolutions jurisprudentielles, il reste compétent pour examiner la légalité – et la constitutionnalité au regard d’autres dispositions que les droits et libertés – du texte d’une ordonnance non ratifiée (CE, ass., 16 déc. 2020, n° 440258).

Faisant fi des turbulences de l’autre côté du Palais royal, le Conseil constitutionnel a appliqué sa jurisprudence nouvelle relative au contrôle des ordonnances issue des décisions Force 5 et n° 2020-851/852 QPC, quelques mois plus tard (Cons. const., QPC, 19 nov. 2020, n° 2020-86613). Il a affiné encore le considérant de principe en ne conservant plus l’idée d’un contrôle des ordonnances non ratifiées « uniquement » par le contrôle de QPC, se réservant ainsi la possibilité d’un contrôle dit « calédonien » (Cons. const., DC, 25 janv. 1985, n° 85-187, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, cons. 10) de lois déjà entrées en vigueur dans le cadre du contrôle a priori (§ 8).

Le Conseil a rappelé dans cette décision que deux conditions doivent être réunies pour que ce contrôle ait lieu : le délai d’habilitation doit avoir expiré et la disposition doit avoir un caractère matériellement constitutionnel, ce qui a ouvert la voie au contrôle des dispositions contestées dans la présente espèce.

B – La procédure devant le Conseil constitutionnel

Dans le cadre de la procédure de QPC, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser la nature du « deuxième jeu de conclusions » prévu par le règlement de procédure. Une comparaison rapide de la procédure constitutionnelle de QPC avec la procédure administrative, civile et pénale, en révèle toutes les carences et les originalités. Ce « deuxième jeu de conclusions » fait sûrement partie des plus notables particularités de la procédure de QPC puisqu’il ne s’agit pas de « répliquer » à son adversaire – y en a-t-il en procédure constitutionnelle ? – ni d’ailleurs de compléter son propos, mais simplement de proposer un « deuxième » jeu qui n’est de l’ordre ni de la réplique, ni de la duplique, ni encore du mémoire complémentaire. Le Conseil constitutionnel, par la décision n° 2020-856 QPC du 18 septembre 2020, a confirmé la nature originale de ce jeu d’observations. Dans leurs observations produites devant la Cour de cassation, les requérants critiquaient les dispositions en ce qu’elles subordonnaient le bénéfice des allocations instituées en faveur des mineurs et de leurs enfants à plusieurs conditions qui seraient discriminantes. Néanmoins, les requérants n’avaient pas avancé cet argument dans leur premier jeu d’observations devant le Conseil constitutionnel et ont dénoncé la différence de traitement seulement dans le second jeu d’observations.

Prenant appui sur le quatrième alinéa de l’article 1 du règlement intérieur du 4 février 2010, le Conseil a confirmé que les secondes observations « ne peuvent avoir pour autre objet que de répondre aux premières » et qu’elles ne peuvent ainsi pas comporter de griefs nouveaux.

C – Les techniques contentieuses

(…)

D – L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel

La censure par le Conseil constitutionnel des discriminations en violation du principe d’égalité devant la loi le conduit à prononcer des abrogations avec effet immédiat, comme ce fut le cas dans la décision n° 2020-854 QPC du 31 juillet 2020, bien que la disposition ne fût plus en vigueur, dans laquelle il a prononcé également une limitation des effets de l’abrogation. Pareille limitation des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, mais sans abrogation étant donné que la disposition de loi n’était plus en vigueur, a été mise en œuvre par le Conseil dans la décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020. C’est la même censure d’une inégalité sans motif d’intérêt général qui a conduit au même effet immédiat de l’abrogation dans les décisions nos 2020-860 QPC du 15 octobre 2020 et 2020-868 QPC du 27 novembre 2020. Mais l’effet immédiat n’est pas réservé aux censures pour discriminations inconstitutionnelles, puisque c’était une atteinte au droit au recours qui était ici en cause (Cons. const., QPC, 9 sept. 2020, n° 2020-855).

La plus intéressante décision rendue par le Conseil constitutionnel à propos de l’autorité de chose jugée de ses décisions est sans conteste la décision n° 2020-870 QPC du 4 décembre 2020 par laquelle le Conseil constitutionnel a précisé un « angle mort » de l’ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 qui ne prévoit pas la marche à suivre lorsque le Conseil a déjà déclaré inconstitutionnelle une disposition de la loi dans les motifs et le dispositif d’une précédente décision. Le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé en creux dans une décision particulière consistant à remettre en cause l’autorité accordée à une décision « néo-calédonienne », c’est-à-dire remettant en cause, dans le cadre du contrôle a priori, une disposition de loi déjà en vigueur par le prisme d’une nouvelle disposition de loi qui la modifie, la complète ou en affecte le champ d’application (Cons. const., DC, 13 juin 2013, n° 2013-672). Le commentaire de la décision par le Conseil était toutefois éclairant en précisant que « la question est (déjà) jugée et, si le requérant ne peut en bénéficier en raison du report dans le temps, il ne s’agit que de l’aménagement des modalités d’application de la décision du Conseil constitutionnel. Le Conseil ne peut donc que refuser de rejuger une question qu’il a déjà tranchée ».

La fermeté de la chose déjà jugée avait été rappelée également dans le cadre de la décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 où le Conseil avait entendu préciser que le changement dans les griefs d’inconstitutionnalité avancés ne constituait pas un changement de circonstances susceptible d’appeler un nouveau contrôle de la disposition de loi « dans cette rédaction » ; précision qui n’était pas sans subtilité. En effet, le Conseil a récemment jugé que le changement dans la version du texte déjà déclaré non conforme était susceptible de constituer un changement de circonstances pouvant conduire à un nouvel examen (Cons. const., QPC, 30 avr. 2020, n° 2020-836, § 6 et 7). Le commentaire de la décision indique que le Conseil « a limité les cas de non-lieu à statuer à la portion congrue : il s’agira d’affaires identiques (…) dans lesquelles l’abrogation de la disposition déclarée contraire à la Constitution aura été reportée. Au contraire, toute nouvelle version des dispositions en cause, même formulée en termes strictement identiques, pourrait lui être à nouveau soumise. Il en irait de même de toute rédaction antérieure des mêmes dispositions ».

En l’espèce, le Conseil constitutionnel, rappelant les termes de cette jurisprudence, a considéré qu’en présence d’une même version d’une disposition déclarée contraire à la Constitution et en l’absence d’un changement de circonstances – alors qu’une loi avait fait évoluer la disposition, mais pas la rédaction des termes litigieux (§ 8) – et alors même que la requérante invoquait un grief différent –, ces circonstances ne changeaient rien à la précédente déclaration de constitutionnalité ; un non-lieu à statuer a donc été prononcé.

Anne-Charlène BEZZINA

III – Les normes de référence

A – Les sources matérielles

1 – Les textes constitutionnels

Les contours d’un droit constitutionnel de l’environnement se précisent au fil des décisions. À propos de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Cons. const., DC, 3 déc. 2020, n° 2020-807) étaient invoqués les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement, ainsi que le principe de non-régression du droit de l’environnement que le Conseil constitutionnel se devait de reconnaître et qui se déduirait, notamment, de l’article 2 de la Charte de l’environnement, selon lequel « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Sans répondre à cette injonction, le Conseil a rappelé qu’il incombe au législateur et aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions et que, en tout état de cause, les dispositions contestées n’entraînaient pas de régression de la protection de l’environnement. La même demande a été formulée à propos de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, car ce principe interdirait au législateur de diminuer, sans justification suffisante, le niveau de protection légale dont bénéficie l’environnement. Le Conseil a préféré répondre que, si le législateur peut toujours modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement, ce qui n’est pas le cas de cette loi (Cons. const., DC, 10 déc. 2020, n° 2020-809).

Michel VERPEAUX

2 – Les rapports de systèmes

La décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 avait précisé les limites du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition des directives. Seules les violations manifestes des règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle française peuvent être censurées alors que les dispositions se bornant à tirer les conséquences nécessaires de dispositions précises et inconditionnelles de la directive ne pouvaient pas faire l’objet d’un contrôle.

Dans le cas de la décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020, le Premier ministre soutenait précisément que les dispositions contestées appliquaient les dispositions inconditionnelles et précises de la directive du 11 décembre 2007 et que, dès lors qu’aucun principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France n’était en cause, il n’appartenait pas au Conseil constitutionnel de se prononcer.

Ce point de vue ne laissait néanmoins pas de place à l’évolution ultérieure de la jurisprudence du Conseil qui a estimé pouvoir exercer un contrôle de constitutionnalité plein et entier sur les dispositions d’une loi de transposition d’une directive, même précise, dès lors que cette directive laisse une « marge d’appréciation nationale » de transposition dont il appartient au législateur national de faire ou non usage (v. Cons. const., DC, 26 juill. 2018, n° 2018-768).

Ce faisant, il s’est pour la première fois expressément reconnu compétent pour contrôler, au regard de l’ensemble des exigences constitutionnelles, les dispositions de la loi de transposition intervenant dans le champ de la marge de manœuvre expressément reconnue au législateur national par le droit dérivé de l’Union européenne.

Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a relevé que la directive n° 2007/66/CE du 11 décembre 2007 se bornait à imposer aux États membres d’instituer une procédure de recours conduisant à ce qu’un contrat soit déclaré dépourvu d’effets dans certains cas qu’elle définissait ; cas qui ont été repris à l’identique par l’article 16 de l’ordonnance du 7 mai 2009 dont on peut raisonnablement affirmer qu’elle tirait les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de la directive (§ 6).

Toutefois, aucune disposition de la directive n’empêchait les États membres de prévoir que d’autres manquements puissent également conduire à l’annulation du contrat, ce qui laissait une marge de manœuvre au législateur qu’en l’espèce les requérants lui faisaient grief de n’avoir pas utilisée. Le Conseil constitutionnel a donc jugé qu’il y avait bien lieu de « statuer sur la méconnaissance, par les dispositions contestées, des droits et libertés que la Constitution garantit en ce que ces dispositions ne prévoient pas d’autres cas d’annulation du contrat que ceux imposés par la directive du 11 décembre 2007 » (§ 17).

Les nouvelles portes du contrôle de la constitutionnalité des lois de transposition de directives sont donc définitivement ouvertes.

Anne-Charlène BEZZINA

B – Les droits et libertés

Dossier spécial : état d’urgence sanitaire « Déconfinement et reconfinement »

« Comment sortir de l’état d’urgence sanitaire ? » : Commentaire de la décision, Cons. const., DC, 9 juill. 2020, n° 2020-803, Loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Par la décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, le Conseil constitutionnel14 a examiné la loi relative au premier déconfinement, resté partiel, et le Conseil a jugé conformes les dispositions critiquées. Étaient contestées, par la saisine sénatoriale, les dispositions attribuant au chef du gouvernement différentes prérogatives aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19. Il pouvait ainsi réglementer ou, dans certaines parties du territoire, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage, réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation.

À propos du champ territorial d’application de la loi, l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques15, n’a pas été méconnu16. Le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence entre le 11 juillet et le 30 octobre n’a pas vocation à s’appliquer sur les territoires sur lesquels l’état d’urgence est déclaré, soit Mayotte et la Guyane. La loi ne comprenait alors aucune contradiction dans son contenu.

La décision du 9 juillet 2020 a poursuivi la recherche de l’équilibre entre l’objectif de protection de la santé et la protection des libertés fondamentales comme les autres décisions relatives à l’état d’urgence sanitaire (Cons. const., DC, 26 mars 2020, n° 2020-799 et Cons. const., DC, 11 mai 2020, n° 2020-800) à propos de deux libertés particulièrement emblématiques, la liberté d’aller et venir et les libertés de manifestation et de réunion (I), et à propos des sanctions encourues en cas de non-respect des mesures autorisées par la loi du 9 juillet 2020 (II).

I. Les libertés et la protection de la santé

Les mesures de restriction ou d’interdiction heurtent, naturellement, l’exercice de libertés constitutionnellement garanties, comme la liberté d’aller et venir. Elles étaient susceptibles d’interdire toute circulation alors que les conditions de l’état d’urgence sanitaire ne sont plus réunies, puisque la loi était, en principe, destinée à organiser la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Le Conseil opère une conciliation entre la liberté d’aller et venir, reconnue de manière constante comme une « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 » (§ 11) et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé tiré de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». La liberté personnelle, qui n’a pas de fondement expressément répertorié dans les normes de référence, a pu être rattachée, soit à aucun texte, soit à l’article 2 seul, soit à l’article 4 seul, soit encore à ces deux dernières dispositions prises ensemble.

Quatre raisons justifient, dans la décision n° 2020-803 DC, le caractère équilibré de la conciliation entre ces normes constitutionnelles. Tout d’abord, le constat de fait selon lequel il existe un lien entre la circulation des personnes et des véhicules et la propagation du virus. Ensuite, les pouvoirs exceptionnels attribués au Premier ministre sont limités dans le temps, du 11 juillet au 30 octobre 2020, période au cours de laquelle un risque important de propagation de l’épidémie existait. Le Conseil a rappelé qu’il ne lui appartient pas « de remettre en cause l’appréciation par le législateur de ce risque, dès lors que cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente » (§ 13) car il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Ensuite, il existe dans la loi une stricte proportion entre les mesures prescrites et les risques sanitaires encourus, dans le seul intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 (§ 14). L’éventuelle disproportion pouvait être appréciée, au cas par cas, par le juge administratif lors de procédures de référé-suspension ou de référé-liberté. Enfin, la conciliation n’est pas déséquilibrée car les mesures d’interdiction ou de restriction sont limitées aux « territoires où une circulation active du virus a été constatée ». Ces mesures ne devaient pas, en outre, s’appliquer aux déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé.

La fermeture possible de diverses catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion portait atteinte, quant à elle, aux libertés de manifestation et de réunion, selon les sénateurs. Le Conseil se fonde alors sur le seul article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) pour établir un lien entre, d’une part, la liberté d’expression et de communication, garantie explicitement dans cet article, et, d’autre part, « l’expression collective des idées et des opinions » dont il en fait une conséquence, faute de trouver un autre fondement dans la Constitution, à cette liberté essentielle dans une démocratie. Cette liberté constitue, en effet, l’une des garanties du respect des autres droits et libertés mais elle est également confrontée avec l’objectif de protection de la santé et les atteintes doivent être, pour être admises, « nécessaires, adaptées et proportionnées », selon la logique du triple test désormais établi pour examiner la constitutionnalité des atteintes à certains droits particulièrement garantis, ce qui est le cas selon le Conseil dans cette loi.

II. Le principe de légalité des sanctions

Les critiques adressées par les sénateurs à l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique issu de la loi du 11 mai 2020 ne sont alors pas différentes de celles formulées dans la décision n° 2020-846/847/848 QPC du 26 juin 2020, M. Oussman G. et autres, à propos des violations répétées des mesures de confinement17. Cela n’a pas empêché les requérants de reprendre les mêmes critiques adressées aux mêmes dispositions, mais cette fois dans le cadre d’un contrôle a priori, à savoir le grief tiré de l’atteinte au principe de légalité des délits et des peines parce que la définition du délit n’aurait pas été assez précise et aurait laissé une marge d’intervention trop grande au pouvoir réglementaire.

Le Conseil n’a pu faire alors autrement que de reprendre son raisonnement fondé sur l’article 8 de la DDHC et sur l’article 34 de la Constitution. Si le premier fonde le principe de légalité, le second dispose que « la loi fixe les règles concernant (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Il en découle, pour le Conseil, une obligation pour le législateur de « fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ». Le principe de légalité des délits et des peines est ainsi défini depuis la décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 (Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, cons. 7). Cette jurisprudence est constante depuis cette date et elle s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

Dans la décision n° 2020-803 DC, le Conseil ne se contente pas de ce rappel mais confronte les paragraphes I et II de l’article 1er de la loi au respect du principe de légalité. Il reprend les différentes attributions qui peuvent être exercées par le Premier ministre ou, éventuellement, les représentants de l’État dans les départements habilités par le Premier ministre pour prendre les mesures limitées au territoire d’un département, afin de considérer que les mesures sont définies de manière suffisamment précise par la loi pour que l’infraction prévue en cas de non-respect de celles-ci soit conforme aux exigences du principe de légalité. Le paragraphe III de l’article 1er exigeant que ces mesures soient « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu », le principe de proportionnalité des peines est ainsi indirectement respecté pour l’application des sanctions, la loi ne pouvant établir, selon l’article 8 de la DDHC que « des peines strictement et évidemment nécessaires ». Enfin, et comme il l’a déjà affirmé dans la décision n° 2020-846/847/848 QPC précitée, la violation de ces réglementations ou interdictions ne constitue un délit que lorsqu’elle est commise alors que, dans les 30 jours précédents, trois autres violations de la même obligation ou interdiction ont déjà été verbalisées.

« L’état d’urgence sanitaire : le retour » : Commentaire de la décision : Cons. const., DC, 13 nov. 2020, n° 2020-808, loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

La deuxième vague de l’épidémie a rendu nécessaire une nouvelle proclamation de l’état d’urgence sanitaire par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020, pris sur le fondement de l’article L. 3131-13 du Code de la santé publique (CSP) créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, et l’état d’urgence a été prolongé par la loi du 14 novembre 2020. D’une manière qui s’inscrit dans la suite des décisions précédentes relatives à l’état d’urgence sanitaire, le Conseil a opéré la conciliation entre les libertés et la protection de la santé (I) et a eu à se prononcer sur la protection du droit à la vie privée des données personnelles (II).

I. La conciliation entre des exigences contradictoires

Le grief selon lequel la prorogation du délai au 16 février 2021 portait une atteinte disproportionnée à plusieurs libertés, notamment la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée, la liberté d’entreprendre et la liberté d’expression et de communication, a été rejeté par le Conseil constitutionnel sans surprise, compte tenu des jurisprudences précédentes sur le même sujet.

Le Conseil constitutionnel a opposé à ces libertés le onzième alinéa du préambule de 1946 dont découle l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé. Il a rappelé que la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence sanitaire18. Néanmoins, si la Constitution ne l’exclut pas, elle ne le prévoit pas non plus, et le Conseil constitutionnel n’avait sans doute pas d’autre choix que d’admettre cette forme d’évidence, comme dans ses décisions précédentes.

En revanche, et de manière nouvelle, le Conseil se livre à une analyse plus concrète de « l’état d’urgence sanitaire » et, plus directement, de la seconde période de confinement, qualifiée de crise grave et même de « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Ces éléments sont constitués par la dynamique de la pandémie, les capacités de prise en charge des malades et l’avis du comité des scientifiques prévu par la loi du 23 mars 2020. Si le contrôle s’appuie sur ces quelques constats présentés comme objectifs, il reste celui d’une erreur manifeste, car le Conseil ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas, dès lors, de remettre en cause l’appréciation par le législateur de l’existence d’une catastrophe sanitaire et de sa persistance prévisible dans les quatre prochains mois, à partir du moment où, comme c’est le cas en l’espèce, cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente sur l’ensemble du territoire français19.

En outre, des limites prévues par la loi attestent du caractère manifestement non disproportionné de l’atteinte aux libertés : d’une part, les mesures prises ont un objet limité, et elles ne peuvent l’être qu’aux seules fins de garantir la santé publique, d’autre part, le retour à la « normale » ou la levée de l’état d’urgence sanitaire, est toujours possible au titre de l’article L. 3131-14 du CSP qui prévoit qu’« il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé par la loi le prorogeant » (§ 7).

II. Le droit au respect de la vie privée et la collecte de données personnelles

Le système d’information mis en place par l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 traite et partage les données relatives à la santé des personnes atteintes par le virus responsable de la Covid-19 et des personnes en contact avec elles, le cas échéant sans leur consentement. Ces deux outils informatiques avaient été autorisés pour faciliter le suivi des malades et le traçage des contacts jusqu’au 10 janvier 2021 (SI-DEP et Contact Covid).

Le système ayant été validé par la décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 précitée relative à cette loi, c’est sa prolongation jusqu’au 1er avril 2021 qui était critiquée dans le cadre de la loi du 14 novembre 2020. Les requérants critiquaient aussi le champ des personnes y ayant accès. La continuité des jurisprudences est encore illustrée, dans ce cas, par la mention, à la fin des visas, de la décision n° 2020-800 DC. Le législateur de novembre 2020 a voulu prévoir que le dispositif de traçage pouvait être appliqué au plus tard au 1er avril 2021, afin de correspondre à la date fixée, en l’état, pour une éventuelle sortie de crise, au nom du « risque important de propagation de l’épidémie ».

Les critiques adressées à ce système d’information, tant à l’encontre de la loi du 11 mai que de celle du 14 novembre 2020, étaient fondées sur la méconnaissance du droit au respect de la vie privée. Le Conseil a repris la définition et le fondement de ce droit, en réaffirmant que « la liberté proclamée par l’article 2 de la [DDHC] de 1789 implique le droit au respect de la vie privée » (§ 18). Le Conseil déduit de ce droit au respect de la vie privée que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités »20. Le Conseil avait formulé, dans cette dernière décision, deux réserves d’interprétation, qui sont également valides pour la loi du 14 novembre 2020 : les données à caractère personnel qui font l’objet du système de traitement et de partage sont les seules données strictement nécessaires à la poursuite des finalités propres à ce système permettant de renforcer les moyens de lutte contre l’épidémie de Covid-19 par l’identification des chaînes de contamination. De même, étaient seuls concernés les professionnels de santé habilités à la réalisation des examens de dépistage virologique ou sérologique.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a voulu procéder à un nouvel examen de cet article 11 de la loi du 11 mai 2020, en ce qu’il a été modifié en novembre 2020. Le paragraphe III de l’article 11 modifié ouvre l’accès aux données médicales à de nouvelles catégories de personnes que sont les organismes assurant l’accompagnement social des personnes infectées. Mais cette communication est soumise au recueil préalable du consentement des intéressés et ne peut porter que sur les données strictement nécessaires. Dans la décision n° 2020-800 DC, le Conseil avait censuré, pour méconnaissance du droit au respect de la vie privée, une disposition très proche qui incluait dans le champ du partage des données « les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés ». Il avait jugé que, s’agissant d’un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l’épidémie, « rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés » (Cons. const., DC, 11 mai 2020, n° 2020-800, § 70). La loi du 14 novembre 2020 a réintroduit la référence à ces organismes mais avec l’exigence nouvelle du « recueil préalable du consentement des intéressés ». Cette condition étant celle qui, pour le Conseil, manquait dans la rédaction de la loi de mai 2020, il se devait de conclure que son ajout dans la nouvelle version était de nature à rendre l’extension du partage des données à ces organismes conforme à la Constitution (§ 22 implicitement).

« Prolongation des détentions provisoires et rôle du juge judiciaire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » : Commentaire de la décision Cons. const., QPC, 3 juill. 2020, n° 2020-851/852, M. Sofiane et a.

L’espèce à l’origine de la décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, M. Sofiane A et autres, n’est pas née des sanctions prévues par la loi d’urgence sanitaire mais d’une conséquence, indirecte, de cet état d’urgence. L’article 11 de la loi d’urgence du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre de nombreuses ordonnances afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, économiques, financières et sociales, de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation. Ces mesures sont énumérées sous 13 items dans la loi et c’est l’ensemble de ces dernières qui était contesté au motif qu’elles méconnaissaient les exigences découlant de l’article 66 de la Constitution consacrant la liberté individuelle et le rôle spécifique de l’autorité judiciaire en qualité de gardien de celle-là et les droits de la défense.

Il est évident que ces griefs s’adressaient tout autant aux ordonnances adoptées sur le fondement de cette habilitation qu’à la loi elle-même. La prolongation automatique de tous les titres autorisant la détention provisoire venant à expiration durant la période d’état d’urgence sanitaire sans l’intervention d’un juge était plus spécialement en cause.

Il ressort de l’article 66 et de la fonction de l’autorité judiciaire que « la liberté individuelle ne peut être sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (§ 12). Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi n’avait pas exclu toute intervention d’un juge lors de la prolongation d’un titre de détention provisoire. L’argument tiré de « l’état de nécessité » pour limiter la propagation de l’épidémie, déjà présent dans les décisions relatives aux deux lois d’urgence sanitaire21, a été repris. Les modalités de la prolongation des délais n’étaient non plus excessives : l’allongement de la durée des délais au cours de l’instruction et en matière d’audiencement devait être « proportionné à celle de droit commun », et ne pas dépasser, en tout état de cause, trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle, ce que prévoyait la loi.

Michel VERPEAUX

1 – Les libertés

« Le Conseil constitutionnel affaiblit les libertés universitaires » : Commentaire de la décision Cons. const., DC, 21 déc. 2020, n° 2020-810, Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur

Le monde de la recherche, et plus spécifiquement celui des juristes, a retenu son souffle. Durant le mois de décembre 2020, le Conseil constitutionnel a examiné la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (LPR). Parce que les incertitudes concernant la constitutionnalité de cette loi étaient nombreuses, une décision de censure massive n’était pas à exclure. Encore aurait-il fallu que les députés et les sénateurs, dans le cadre de leur saisine, soulèvent de nombreux griefs d’inconstitutionnalité. Ce qu’ils n’ont pas fait, jugeant sans doute préférable de laisser ouverte la contestation de certaines dispositions de la loi dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité. Le 21 décembre 2020, à l’exception de censures ciblées et de quelques réserves d’interprétation, le Conseil constitutionnel a déclaré la LPR conforme au texte fondamental. Parmi les dispositions contestées par les parlementaires, il convient de mentionner l’article 18, qui soumet les jeunes docteurs à une exigence de prestation de serment, et l’article 38 établissant un délit d’entrave réprimant les intrusions dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur. Sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, le Conseil n’a pas censuré la prestation de serment. Il a, en revanche, déclaré contraire à la Constitution le délit d’entrave. Au-delà de ces dispositions, deux articles suscitaient l’hostilité d’une partie significative du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’accueil que leur a réservé le Conseil constitutionnel mérite, à ce titre, d’être examiné plus en détail. Il s’agit, d’une part, de l’introduction d’une procédure de recrutement des professeurs des universités par la voie contractuelle, jugée conforme à la Constitution au moyen d’une réserve d’interprétation (I), d’autre part, de la limitation des compétences du Conseil national des universités (CNU), à laquelle le Conseil a donné son aval (II).

I. La constitutionnalité sous réserve du mécanisme de pré-titularisation conditionnelle

L’article 4 de la LPR soumise au Conseil constitutionnel figurait parmi les dispositions les plus contestées par les parlementaires, se faisant en partie l’écho des arguments développés dans plusieurs contributions extérieures adressées aux sages de la rue de Montpensier. Aux termes de cette disposition, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur a la faculté d’autoriser un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur à recruter par contrat une personne « en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs de l’enseignement supérieur ». Certes, ce recrutement est subordonné à des conditions. D’abord, il ne peut porter sur plus de 15 % des recrutements nationalement autorisés dans le corps des professeurs ou sur plus de 25 % de ceux-ci lorsque leur nombre est inférieur à cinq. Ensuite, au sein de l’établissement lui-même, il ne peut porter sur plus de la moitié des recrutements dans ce corps. Il n’en demeure pas moins que cette nouvelle voie de recrutement, qui n’est pas sans évoquer les « tenure tracks » de certaines universités étrangères, apparaissait susceptible de porter atteinte à des règles et principes de valeur constitutionnelle. Selon les députés et sénateurs, ce mécanisme de pré-titularisation conditionnelle méconnaissait le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) d’indépendance des enseignants-chercheurs, initialement reconnu dans la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 et dont la portée a ensuite été précisée. Ils estimaient, en outre, qu’en ne prévoyant pas d’évaluation de la qualité des candidats par une instance nationale (le CNU), le législateur avait privé de garanties légales le principe d’égal accès aux emplois publics prévu à l’article 6 de la DDHC de 1789. Le Conseil constitutionnel n’a pas accueilli les moyens soulevés. S’il a limité la marge de manœuvre du chef d’établissement au stade de la titularisation d’un professeur contractuel au moyen d’une réserve d’interprétation, il a considéré que le PFRLR d’indépendance des enseignants-chercheurs et le principe d’égale admissibilité aux emplois publics ne faisaient pas obstacle à une appréciation de la qualité des candidats sans passer par une instance nationale (§ 5 à 11). La position du Conseil s’inscrit, en l’espèce, dans le prolongement de sa décision n° 2010-20/21 QPC du 6 août 2010, dans laquelle la portée du PFRLR d’indépendance a été réduite à une portion congrue.

II. La constitutionnalité sans réserve de la suppression de la qualification nationale

Dans le cadre de leur saisine, les sénateurs contestaient également l’article 5 de la LPR. Cette disposition, également très critiquée lors de son examen au Parlement, supprime l’exigence de qualification nationale pour le recrutement des professeurs des universités et des enseignants des écoles d’architecture. En outre, elle insère une disposition autorisant, à titre expérimental, les établissements publics d’enseignement supérieur à déroger à cette exigence pour le recrutement des maîtres de conférences (hormis les disciplines de santé et de celles permettant l’accès au corps des professeurs des universités par un concours national de l’agrégation). Les sénateurs estimaient, en particulier, que cette disposition aurait pour effet de renforcer le risque de « localisme » dans le recrutement des professeurs et des maîtres de conférences. En altérant l’indépendance et la liberté scientifique de cette catégorie d’enseignants-chercheurs, placés dans une relation de dépendance vis-à-vis des pairs à l’origine de leur recrutement, le législateur aurait méconnu le PFRLR d’indépendance et le principe d’égal accès aux emplois publics. Là encore, le Conseil constitutionnel n’a pas accueilli ce moyen. Il a considéré que si le législateur avait supprimé l’exigence de qualification nationale préalable, il avait maintenu le principe de l’appréciation des mérites de chaque candidat par les pairs. S’agissant du recrutement des professeurs, il a relevé, en particulier, que les comités de sélection étaient composés « pour moitié au moins d’enseignants-chercheurs extérieurs à l’université, d’un rang au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir » (§ 21). Concernant le recrutement des maîtres de conférences, il a notamment constaté que « les titres et travaux des personnes qui ne disposent pas d’une qualification nationale [étaient] examinés par le comité de sélection ou l’instance équivalente prévue par les statuts de l’établissement, préalablement à l’examen de l’ensemble des candidatures » (§ 22). Se fondant sur ces différentes garanties, le Conseil a écarté les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs et du principe d’égal accès aux emplois publics. La décision révèle qu’il n’accorde, en définitive, qu’un rôle accessoire à l’intervention en amont du CNU. Incontestablement, la LPR marque une rupture dans l’organisation de l’enseignement et de la recherche française. Quant à savoir si le Conseil constitutionnel s’est montré à la hauteur des enjeux, l’histoire jugera.

Bertrand-Léo COMBRADE

a – Sécurité et libertés

Depuis la promulgation de la première loi antiterroriste en 1986, le législateur adopte à un rythme déconcertant des textes systématiquement destinés à faire face à de nouvelles menaces. Dans sa décision n° 2020-805 DC du 7 août 202022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Le texte, issu d’une proposition de loi présentée par des députés de la majorité et soutenue par le gouvernement, entendait prévenir la récidive d’individus condamnés pour terrorisme et présentant une particulière dangerosité. Comme il le fait d’ordinaire, le Conseil a apprécié la conciliation opérée par le législateur entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et l’exercice des droits et libertés reconnus par la Constitution. À ce titre, il a estimé que la disposition méconnaissait le principe de liberté personnelle garanti par les articles 2, 4 et 9 de la DDHC de 1789. S’adressant implicitement au législateur qui serait soucieux d’adopter un nouveau dispositif, il a énuméré avec pédagogie les éléments qui avaient fondé sa décision, comme le caractère potentiellement cumulatif des obligations ou interdictions (§ 15) ou la durée des mesures de sûreté (§ 16).

Bertrand-Léo COMBRADE

b – Liberté individuelle, respect de la vie privée, principe de responsabilité

(…)

c – Liberté d’expression, liberté de conscience

(…)

d – Liberté d’entreprendre, liberté contractuelle

Durant la période considérée, le Conseil constitutionnel n’a rendu qu’une décision intéressant la liberté d’entreprendre. Suivant une jurisprudence constante, il fonde la protection de cette liberté sur l’article 4 de la DDHC de 1789. Dans la décision n° 2020-861 QPC du 15 octobre 202023, était en cause le paragraphe X bis de l’article 199 novovicies du Code général des impôts prévoyant, notamment, un plafonnement des frais de commercialisation versés aux intermédiaires dans le cadre de l’acquisition d’un logement. Selon les requérants et les intervenants, ce plafonnement méconnaissait la liberté d’entreprendre. En effet, il mettrait en péril la viabilité économique des intermédiaires, mais aussi des promoteurs eux-mêmes car ils ne seraient pas en mesure d’assumer ces frais de commercialisation. Le Conseil a accueilli le moyen en considérant que le plafond introduit par le législateur, parce qu’il limitait la liberté de fixation des tarifs de leurs prestations par les intermédiaires, méconnaissait la liberté d’entreprendre (§ 10).

Bertrand-Léo COMBRADE

2 – Le droit de propriété

Le Conseil fait usage de la règle désormais établie selon laquelle en l’absence de privation du droit de propriété, au sens de l’article 17 de la DDHC de 1789, le contrôle de constitutionnalité porte, aux termes de l’article 2 de cette même déclaration, sur les limitations aux conditions d’exercice de ce droit. Faute d’être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi, elles encourent la censure.

La décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020, M. Antonio O., donne au Conseil l’occasion de préciser le champ d’application de l’article 17 de la DDHC de 1789 résultant de l’application de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme. Cette disposition autorise les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d’urbanisme de demander au tribunal qu’il ordonne la démolition ou la mise en conformité des ouvrages installés sans permis de construire ou d’aménager, ou sans déclaration préalable, en méconnaissance de ce permis ou en violation des règles de fond dont le respect s’impose sur le fondement de l’article L. 421-8 du même code.

Selon le Conseil, cette action en démolition qui concerne un bien irrégulièrement bâti, « ne constitue qu’une conséquence des restrictions apportées aux conditions d’exercice du droit de propriété par les règles d’urbanisme ». Elle ne s’apparente pas, en tant que telle, à une privation du droit de propriété au sens de l’article 17 de la DDHC de 1789. Elle vise principalement à rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l’édification irrégulière de la construction et elle est, à ce titre, justifiée par l’intérêt général qui s’attache au respect des règles d’urbanisme.

Toutefois, le Conseil nuance, par une interprétation sous réserve des dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, le recours immédiat à l’action en démolition. Elle ne peut être autorisée par le juge judiciaire que dans l’hypothèse où ce dernier n’aura pu ordonner à sa place une mise en conformité de l’ouvrage bâti irrégulièrement et acceptée par le propriétaire. Cette réserve vise essentiellement à éviter toute atteinte excessive au droit de propriété.

Laurence BAGHESTANI

3 – Le principe d’égalité

a – Le principe d’égalité devant la loi

La jurisprudence en matière d’égalité devant la loi est classiquement fondée sur l’article 6 de la DDHC qui reconnaît que « la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Il en découle que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». En l’absence d’un tel rapport direct, la loi se heurte à la censure du Conseil constitutionnel.

Tel est le cas, dans la décision n° 2020-856 QPC du 18 septembre 2020, Mme Suzanne A. et autres, des dispositions qui soumettent, à l’application de conditions, le versement des allocations créées au profit des mineurs ayant participé aux grèves de 1948 et 1952 et ayant été de manière discriminatoire et abusive licenciés pour ce fait. Ces allocations visent à rétablir les atteintes portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices causés par leur licenciement. Toutefois, pour pouvoir y prétendre, une demande de prestations de chauffage et de logement, formée par le mineur ou son conjoint survivant, doit avoir été préalablement instruite par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. D’autre part, les allocations forfaitaires et spécifiques doivent avoir été demandées au plus tard le 1er juin 2017.

Le Conseil relève, à ce titre, une double différence de traitement sans lien direct avec l’objet de la loi. D’une part, une différence de traitement est faite entre les personnes admises à venir en représentation du mineur ou de son conjoint survivant selon que ces derniers ont pu solliciter ou non, de leur vivant, le bénéfice des prestations de chauffage et de logement. D’autre part, une différence de traitement est instituée pour le bénéfice de l’allocation spécifique réservée aux enfants des mineurs, selon que ces mineurs ou leurs conjoints survivants ont sollicité ou non pour eux-mêmes le bénéfice des prestations de chauffage et de logement. Le principe d’égalité en est donc rompu.

Il en va également ainsi, dans la décision n° 2020-860 QPC du 15 octobre 2020, Syndicat des agrégés de l’enseignement supérieur et autres, en ce qui concerne le dixième alinéa du paragraphe I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, autorise le fonctionnaire à ne pouvoir se faire assister que par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix. Cette limitation qui exclut de fait de cette possibilité d’assistance les organisations syndicales non représentatives, crée une rupture d’égalité de traitement. Le caractère représentatif d’un syndicat ne préjuge en rien d’une meilleure garantie d’assistance du fonctionnaire, ce qui était pourtant le but recherché par le législateur en adoptant cette disposition qui est manifestement contraire au principe d’égalité.

Le Conseil rappelle dans la décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020, Société Bâtiment mayennais, à propos des procédures de recours applicables aux contrats administratifs et aux contrats privés de la commande publique que le principe d’égalité autorise à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Ces deux catégories de contrats répondent à des finalités et à des régimes juridiques différents, ce qui explique la différence de traitement entre les candidats selon qu’ils sont évincés d’un contrat administratif ou d’un contrat privé de la commande publique. Si les candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique peuvent, après la signature du contrat, former un recours en contestation de la validité de ce contrat devant le juge administratif, les candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique ne bénéficient pas devant le juge judiciaire d’un recours identique. Placés dans une situation différente, ils reçoivent un traitement différent conformément au principe d’égalité devant la loi.

Dans le cadre des règles applicables à la commande publique, le respect des principes d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics qui découlent des articles 6, 14 et 15 de la DDHC de 1789 s’impose à la loi. Cette exigence, rappelée dans la décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, relative à la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, est, en l’espèce, remplie par les dispositions de l’article 142 de la loi. Son paragraphe I autorise temporairement les acheteurs à conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables, dès lors que la valeur estimée du besoin auquel répond ce marché est inférieure à un seuil de 100 000 € hors taxes. Ce seuil de dispense, temporairement accordé jusqu’au 31 décembre 2022, vise principalement à faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux en allégeant le formalisme des procédures. Il s’agit, comme le souligne le Conseil, de permettre une « reprise de l’activité dans le secteur des chantiers publics touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19. Il réfute ainsi le grief fait à la loi de créer par cette mesure une rupture d’égalité devant la commande publique là où les auteurs de la saisine y voyaient un risque de favoriser de manière excessive les grandes entreprises – au détriment des petites et moyennes entreprises – seules en mesure de pouvoir conclure directement avec les acheteurs de tels marchés en l’absence de publicité ou de mise en concurrence.

La différence de traitement entre les prestations de commercialisation des logements ouvrant droit à une réduction d’impôt selon qu’elles sont effectuées par les intermédiaires, qui sont soumis au plafonnement, ou par les promoteurs eux-mêmes, qui n’y sont pas soumis, ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant la loi. Le Conseil en décide ainsi dans la décision n° 2020-861 QPC du 15 octobre 2020, Fédération nationale de l’immobilier et autres, à propos du paragraphe X bis de l’article 199 novovicies du Code général des impôts. La différence de traitement instituée répond à un objectif précis : lutter contre certaines tarifications abusives en matière de commercialisation qui conduisent au détournement de l’avantage fiscal accordé au contribuable au titre de l’investissement locatif en application de l’article 199 novovicies. Dès lors que certains frais de commercialisation abusifs pratiqués par des intermédiaires ont pu être constatés, le législateur a légitimement choisi de les placer dans une situation différente des promoteurs qui procèdent eux-mêmes à la commercialisation de logements éligibles à la réduction d’impôt.

Par ailleurs, la non-application du plafonnement des frais de commercialisation aux logements que l’acquéreur fait construire ainsi qu’aux logements déjà existants mentionnés au B du paragraphe I de l’article 199 novovicies s’explique par le fait que ces logements, lorsqu’ils sont éligibles à la réduction d’impôt, sont moins sujets à des frais de commercialisation abusifs que les logements neufs et en l’état futur d’achèvement. Il s’agit d’une différence de traitement justifiée par une différence de situation en rapport effectif avec l’objet de la loi.

C’est à cette même conclusion qu’aboutit le Conseil dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, Loi de finances pour 2021, en ce qui concerne l’article 225 de la loi qui institue une différence de traitement entre les installations utilisant l’énergie radiative du soleil par des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques d’une puissance supérieure à 250 kilowatts, auxquelles s’applique une réduction tarifaire d’achat de l’électricité, et celles dont la puissance est inférieure ou égale à ce seuil qui n’y sont pas soumises. L’objectif poursuivi par la loi est de mettre un terme aux effets d’aubaine excessifs qui ont pu résulter de l’application des tarifs prévus par les arrêtés adoptés entre 2006 et 2010. En effet, les producteurs dont les installations ont une puissance supérieure à ce seuil ont bénéficié d’une rentabilité significativement supérieure à celle des autres producteurs grâce aux économies d’échelle qu’ils ont pu réaliser et aux prix d’acquisition des matériels qu’ils ont pu négocier. En conséquence, ces producteurs se trouvent dans une situation différente des autres producteurs, laquelle justifie une différence de traitement en conformité avec le principe d’égalité devant la loi.

Laurence BAGHESTANI

b – Le principe d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques – Droits et libertés en matière fiscale

Le caractère indispensable de la contribution commune est reconnu par l’article 13 de la DDHC de 1789 duquel le principe d’égalité devant les charges publiques tire notamment sa substance. Cette contribution doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. Il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. Pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se fixe sans que cette appréciation n’entraîne toutefois de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

En l’occurrence, cette exigence n’a pas été respectée par le législateur lorsqu’il a institué un taux réduit d’imposition des plus-values de cession de locaux professionnels en vue de leur transformation en locaux à usage d’habitation. Tel en a décidé le Conseil dans sa décision n° 2020-854 QPC du 31 juillet 2020, Société Beraha.

Si cette mesure était dictée par une volonté de favoriser la création de logements, elle fait cependant dépendre du régime fiscal du cessionnaire le bénéfice, par le cédant, de ce taux réduit d’imposition. Or c’est ainsi toute une série de personnes morales qui se trouvent exclues de l’application de ce taux réduit, alors même qu’il n’y a pas de lien entre le régime fiscal du cessionnaire et sa capacité à respecter son engagement de transformer en logements les locaux cédés. Le fait de réserver, comme le souligne le Conseil, l’application de l’avantage fiscal aux plus-values de cessions réalisées au profit d’une personne morale « soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun », en excluant ainsi d’autres personnes morales tout autant susceptibles de transformer les locaux cédés en locaux à usage d’habitation, notamment les sociétés civiles de construction-vente, porte atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Le législateur n’a pas fondé son appréciation sur un critère objectif et rationnel en lien avec le but qu’il poursuivait.

Cette appréciation du législateur est également remise en cause dans la décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020, Communauté de communes Chinon, Vienne et Loire, à propos de l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Cette disposition maintenait de manière pérenne, pour les seuls établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui y étaient assujettis en 2018, le prélèvement acquitté cette année-là au titre de la contribution au redressement des finances publiques. Or le montant à acquitter ne rend pas compte de l’évolution des caractéristiques démographiques ou financières des établissements publics en cause. La seule évolution prise en compte par le législateur est relative au changement de périmètre des établissements publics de coopération intercommunale qui impose, alors, un nouveau calcul du montant du prélèvement à acquitter. L’absence de possibilité d’ajustement crée une différence de traitement entre les établissements publics de coopération intercommunale qui porte manifestement atteinte à l’égalité devant les charges publiques.

Cette rupture d’égalité est également retenue dans la décision n° 2020-868 QPC du 27 novembre 2020, M. Louis-Christophe L., en ce qui concerne l’exclusion du champ de la taxe forfaitaire des cessions à titre onéreux d’objets précieux réalisées en dehors de l’Union européenne.

Le Conseil rappelle que les articles 6 et 13 de la DDHC de 1789, desquels le principe d’égalité devant les charges publiques tire sa substance, autorisent la loi à déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. Il faut toutefois que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit et qu’elle repose sur des critères objectifs et rationnels afin d’éviter toute rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Était en cause l’article 150, VI, du Code général des impôts qui soumet à une taxe forfaitaire le produit de la cession à titre onéreux de certains objets précieux, lorsque cette cession obéit à certaines conditions. Selon cette disposition, la taxe forfaitaire ne peut s’appliquer qu’aux cessions à titre onéreux d’objets précieux, réalisées en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne. Seuls les contribuables qui cèdent leur bien dans l’un de ces États peuvent donc choisir d’être imposés selon le régime de la taxation forfaitaire ou selon le régime général d’imposition des plus-values. Il en résulte une différence de traitement avec les contribuables dont les biens sont cédés dans d’autres États étrangers, qui sont nécessairement assujettis à ce seul second régime d’imposition. Dès lors qu’il n’existe pas de différence de situation entre les contribuables imposés en France selon que la cession est réalisée au sein de l’Union européenne ou en dehors, et que cette différence de traitement n’est pas non plus justifiée par un motif d’intérêt général, le principe d’égalité devant les charges publiques est méconnu.

Toutefois, le Conseil souligne la conformité au principe d’égalité devant les charges publiques de l’assujettissement à la taxe forfaitaire des exportations définitives hors de France, quel que soit l’objet de ces exportations. Cet assujettissement vise à prévenir le risque que le bien soit soustrait, par l’exportation, à l’imposition forfaitaire en cas de cession ultérieure.

Dans la décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 202024, le Conseil ne relève aucune rupture d’égalité devant les charges publiques par certaines dispositions de la loi de finances pour 2021 mises en cause à ce titre par la saisine.

Ainsi, en va-t-il du a) du 9° du paragraphe I de l’article 55 de la loi de finances qui instaure un plafonnement de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone par les véhicules de tourisme en fonction du prix d’acquisition du véhicule. Ce critère, qui est de nature à rendre compte de la capacité contributive de chaque acheteur, est fondé sur des considérations objectives et rationnelles.

L’article 147 de la loi de finances qui modifie l’article 220 undecies du Code général des impôts afin d’instituer une réduction d’impôt pour souscription au capital de sociétés de presse ne porte pas non plus atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Il s’agit d’un avantage fiscal réservé aux sociétés qui souscrivent directement au capital des entreprises éditrices mentionnées à l’article 2 de la loi du 1er août 1986. En sont exclues celles qui souscrivent indirectement, par le biais d’autres sociétés, au capital de ces dernières. Pour autant, il n’y a pas de rupture caractérisée d’égalité devant les charges publiques dès lors que l’objectif recherché est d’inciter les investissements directs afin de garantir l’affectation intégrale aux activités de publications ou de services de presses en ligne des capitaux apportés.

Les dispositions de l’article 171 de la loi de finances qui instaurent une taxe sur la masse en ordre de marche des véhicules de tourisme dont le régime est déterminé à l’article 1012 ter A du Code général des impôts sont également conformes au principe d’égalité devant les charges publiques. Comme le rappelle le Conseil, ce principe ne serait pas respecté si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. Il n’en est rien en l’espèce, étant entendu, d’une manière générale, qu’une taxe qui ne porte que sur l’achat de certains véhicules de tourisme par un particulier ne peut être considérée comme présentant un caractère confiscatoire.

Il s’agit par cette mesure de protéger l’environnement des nuisances que causent à ce titre les véhicules de tourisme les plus lourds autant par l’importance des consommations de matériaux et d’énergie que leur construction et leur usage nécessitent que par l’espace qu’ils occupent dans le trafic routier. L’objectif est de clairement décourager l’acquisition de tels véhicules en renchérissant leur prix.

Toutefois, ne sont assujettis à cette taxe que les véhicules de tourisme dont le poids est supérieur à 1 800 kilogrammes, quel qu’en soit le constructeur. Y échappent cependant, sans qu’aucune rupture d’égalité ne soit reconnue, certains véhicules hybrides électriques et les véhicules électriques ou à hydrogène quel que soit leur poids. Il s’agit ici d’éviter que cette taxe décourage l’achat de véhicules dont l’empreinte environnementale est considérée comme globalement plus faible et dont il convient, de ce fait, d’encourager l’acquisition.

Laurence BAGHESTANI

4 – Les droits sociaux

(…)

5 – Les principes du droit répressif

a – Principes de légalité, nécessité et individualisation des délits et des peines

Selon le principe de légalité des délits et des peines (DDHC, art. 8), le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire doit fixer les sanctions ayant le caractère d’une punition en des termes suffisamment clairs et précis (Cons. const., QPC, 15 oct. 2020, n° 2020-861, Fédération nationale de l’immobilier et a.). Les termes employés par le Code général des impôts, « prix de revient » ou « frais et commissions directs et indirects », rapportés à l’activité d’intermédiation commerciale, ne présentent pas de caractère imprécis ou équivoque. De plus, le législateur a défini les éléments essentiels de l’obligation dont la méconnaissance est sanctionnée et il n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans la détermination de la sanction applicable au vendeur dès lors qu’il a prévu que l’amende ne peut dépasser un montant qu’il a fixé à dix fois les frais excédant le plafond des frais de commercialisation.

Dans la décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020, le Conseil a censuré de manière prévisible la loi du 7 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Les mesures de sûreté consistaient en 12 obligations ou interdictions, énumérées à l’article 706-25-15 et comprenant notamment l’établissement d’une résidence dans un lieu déterminé, l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie dans la limite de trois fois par semaine, l’abstention de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés, ou l’obligation d’exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle. Le Conseil a censuré trois des quatre articles de la loi, l’article 1er qui constituait l’essentiel de la loi et « par voie de conséquence » deux autres articles. La décision n’a permis de ne sauver que l’article 3 modifiant l’article 421-8 du Code pénal qui permet un suivi socio-judiciaire des personnes concernées par la proposition de loi, une fois leur peine de prison exécutée. Les mesures de sûreté se présentent comme des mesures judiciaires assorties d’un certain nombre de garanties mais elles sont destinées à prévenir la commission de nouvelles infractions. Comme l’écrivent les sénateurs dans leur saisine, ces mesures ont une vocation préventive mais leur transformation en mesures répressives pourrait résulter de leur application cumulée. Bien que non répressives, leur mise en œuvre et leur durée doivent être adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi, ce qui n’est pas le cas selon le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-805 DC. Le caractère préventif de ces mesures, même décidées à l’encontre de personnes condamnées pénalement, s’inscrit dans le cadre de la prévention des atteintes à l’ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Au sein de cet objectif, la lutte contre le terrorisme occupe une place évidente, d’autant que, pour le Conseil et selon des termes encore inédits au moment de la décision n° 2020-805 DC, « le terrorisme trouble gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » (§ 11). Ce caractère préventif n’empêche pas que le législateur doive respecter des normes constitutionnelles : « Toutefois, bien que dépourvue de caractère punitif, (la mesure de sûreté) doit respecter le principe, résultant des articles 2, 4 et 9 de la [DDHC] de 1789, selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. Il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public, et, d’autre part, l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ceux-ci figurent la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle, le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de la [DDHC] de 1789 et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Les atteintes portées à l’exercice de ces droits et libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif de prévention poursuivi ». La censure de la loi par le Conseil constitutionnel a provoqué des réactions diverses, dont celle du député Éric Ciotti qui a appelé à une révision de la Constitution afin de combattre la décision du Conseil constitutionnel pour « mettre notamment en place de véritables dispositifs de protection de la société contre le terrorisme », reprochant au Conseil de « considérer les libertés individuelles des terroristes islamistes comme supérieures à la sécurité collective » (entretien au Journal du dimanche du 9 août 2020). Le communiqué de presse publié par le Conseil renvoie, quant à lui et plus prudemment, au législateur le soin « d’adopter un nouveau dispositif répondant à ces exigences constitutionnelles dès que possible ». Manière courtoise mais ferme d’encourager le législateur dans la voie choisie tout en respectant la Constitution25.

b – Droits de la défense – Sanctions ayant le caractère de punition

Il résulte des articles 8 et 9 de la DDHC que nul n’est punissable que de son propre fait. Ce principe s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le Code des transports permet de punir par une amende administrative prononcée par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires des personnes pour les manquements imputables à l’usage d’un aéronef même lorsqu’elles ne disposent pas de la maîtrise effective de cet aéronef, qui relève des seuls commandants de bord ou de l’équipage de l’appareil. Ces dispositions n’ont, ni par elles-mêmes ni en raison de la portée effective que leur confèrerait une interprétation jurisprudentielle constante, pour objet ou pour effet de rendre une personne responsable d’un manquement qui ne lui serait pas imputable et le grief manque en fait (Cons. const., QPC, 27 nov. 2020, n° 2020-867, M. Matthias E.).

Michel VERPEAUX

c – Les droits processuels

« Le procès sans audience conforme aux exigences constitutionnelles : une nouvelle justice de l’urgence » : Commentaire de la décision Cons. const., QPC, 19 nov. 2020, n° 2020-866.

Le Conseil constitutionnel, dans le cadre de sa décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 était saisi, sur renvoi de la Cour de cassation, de la question de la constitutionnalité du dispositif du « procès civil sans audience » qui a été ouvert par la législation relative à la lutte contre la crise sanitaire.

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, en son alinéa 1, prévoit que « lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Elle en informe les parties par tout moyen. À l’exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d’un délai de 15 jours pour s’opposer à la procédure sans audience. À défaut d’opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge ». Le principe à la base de cette procédure civile sans audience est dicté par la crise sanitaire et par le confinement généralisé.

L’ordonnance s’est appliquée pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. Cet état d’urgence, après prorogation, a cessé le 10 juillet 2020. L’ordonnance s’est donc appliquée entre le 12 mars et le 10 août 2020. Chaque fois que la procédure sans audience est mise en œuvre, la procédure est exclusivement écrite et la communication entre les parties est faite par des notifications entre avocats. Les parties peuvent alors échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen, ce qui assouplit l’échange, traditionnellement par lettre recommandée avec accusé de réception, qui doit avoir lieu, en temps normal, entre les parties.

Dans l’espèce, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité de ce dispositif au motif qu’« est sérieuse la question de savoir si l’article 8 précité, qui instaure une procédure sans audience, sans qu’aucune possibilité ne soit prévue pour les parties, dans les litiges spécifiques répondant à une condition d’urgence et qui donnent lieu, dans la plupart des cas, à des décisions exécutoires de plein droit, de s’opposer à la décision du juge, au surplus dispensée de motivation spécifique, d’organiser une telle procédure, est conforme aux droits garantis par l’article 16 de la [DDHC] de 1789 au regard des considérations précitées ».

Les requérants, rejoints par l’ordre des avocats au barreau de Paris, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature, soutenaient que l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 méconnaissait le droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la DDHC, les droits de la défense, le droit à un recours effectif, le principe du contradictoire et le principe d’égalité devant la justice. En d’autres termes, étaient remis en question le déséquilibre des parties et l’installation d’une procédure exclusivement écrite pour un motif tiré de l’urgence et de la protection de la santé publique. De manière plus originale, le syndicat des avocats de France faisait valoir que les dispositions étaient contraires à un « principe de présence » qui devrait garantir la présence physique du justiciable au sein de la Cour.

L’exposé des motifs du projet de loi précisait que ces adaptations apparaissaient nécessaires, « en particulier pour (…) limiter les contacts entre les justiciables et les personnels judiciaires, tout en assurant la continuité du service public de la justice ».

Dans sa décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a écarté l’ensemble de ces arguments en jugeant conforme à la Constitution l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 au motif de sa proportionnalité au regard de l’impératif de protection de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

I. L’apport : l’audience est une garantie légale des exigences constitutionnelles

Dans le cadre de la décision commentée, le juge constitutionnel a considéré pour la première fois la tenue d’une audience en matière civile comme une « garantie légale » des droits processuels constitutionnels dont les parties disposent (§ 14).

L’essentiel de l’argumentation de la requête consistait à critiquer l’impossibilité pour les parties de pouvoir s’opposer à cette procédure sans audience dans certains types de contentieux. Le Conseil constitutionnel a pourtant rejeté cette argumentation au motif tiré de la particularité du contexte de l’état d’urgence sanitaire, dès lors que l’on se trouve dans l’hypothèse d’une procédure en référé, d’une procédure accélérée au fond, ou d’une procédure dans laquelle le juge doit statuer dans un délai déterminé qui, par l’urgence qu’elles impliquent, appelle le plus d’adaptations eu égard aux besoins particuliers d’une justice confinée.

Ainsi, le droit à un procès équitable n’impose pas nécessairement la tenue d’une audience juridictionnelle. Le Conseil constitutionnel avait déjà eu à se prononcer sur la constitutionnalité d’une procédure sans audience ; il en a résulté une dichotomie claire de la jurisprudence suivant que le procès est un procès pénal ou non :

  • en matière pénale, le Conseil a consacré une double exigence constitutionnelle : en vertu de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la DDHC de 1789, l’audience doit avoir lieu et être publique26 ;

  • en dehors de la matière pénale, le Conseil constitutionnel a certes reconnu un principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives en vertu des seuls articles 6 et 16 de la DDHC de 178927, mais sans le lier au principe de l’audience. Au contraire, le Conseil, dans la décision de 2019, a pris soin de ne pas examiner, au regard de la publicité des débats, le principe du procès sans audience.

Dans la décision commentée, le caractère de « garantie légale » des droits processuels fait entrer le principe de l’audience comme un des éléments du modèle de procès équitable. Pour autant, le Conseil constitutionnel laisse au législateur la compétence d’en garantir l’existence – et donc de pouvoir également lui apporter des limitations.

Dans sa précédente décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil avait déjà admis qu’une dispense d’audience en matière civile était susceptible d’affecter les droits des parties protégés par l’article 16 de la DDHC de 1789. La décision commentée franchit un pas supplémentaire en mentionnant l’atteinte potentielle aux droits de la défense, lesquels incluent le principe du contradictoire, et au droit à un procès équitable.

En retenant le caractère de « garantie légale » des droits constitutionnels, le Conseil a augmenté la protection accordée à l’audience et lui a donné une place dans la procédure équitable, ce qui a également pour effet salutaire d’augmenter le champ de compétence du législateur dans le cadre de l’organisation des débats en procédure civile.

II. Le regret : une audience affaiblie, vers une hiérarchie des moments du procès ?

Le Conseil constitutionnel reconnaît l’existence de l’audience comme une garantie d’exigences constitutionnelles processuelles mais ne voit aucune violation dans la suspension de l’audience dans le cadre de certains procès. Le respect du droit à un procès équitable n’impose donc pas au législateur de garantir la tenue d’une audience, quand bien même cette absence serait imposée aux parties sans qu’elles ne puissent faire un recours contre cette décision. Le droit à ce « procès équitable » n’est pas davantage méconnu en cas d’absence de débats oraux dès lors que des échanges écrits ont pu se dérouler. Le principe d’égalité devant la justice n’apparaît pas méconnu par le principe de l’absence d’audience, étant donné que le juge ne place pas le demandeur et le défendeur en déséquilibre, le Conseil constitutionnel ne donnant pas de poids à « l’égalité des armes » dans son appréciation. Si le rejet du grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif apparaissait plus évident, étant donné que ce n’est pas de recours dont les parties sont privées mais d’une expression supplémentaire de leurs prétentions, en revanche, la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire aurait pu appeler plus de motivation de la part de la haute instance. Rappelons que le principe du contradictoire implique que chaque plaideur puisse avoir accès à tout élément du débat afin d’en prendre connaissance et d’en discuter ; ce principe de contradiction est une garantie des droits de la défense.

Le Conseil souligne que la communication entre les parties est garantie par « notification entre avocats », ce qui conduit à ce que ne soit pas violé le principe de la contradiction. Le Conseil considère ainsi l’audience comme une « modalité » du contradictoire dont le respect reste garanti par l’existence des échanges exclusivement écrits. Effectivement, le débat contradictoire est, en pratique, essentiellement assuré par l’échange préalable au « jugement », mais cet échange se poursuit par le moment de l’audience qui permet d’ajouter, par l’oralité, un moyen de défense et un moyen de « discuter » contradictoirement les prétentions.

On voit poindre une hiérarchie dans les moments du procès qui est réelle en droit processuel et que le Conseil ne fait qu’accentuer. Le respect du principe du contradictoire n’impose donc pas de tenir une audience publique, ce qui est représentatif d’une appréciation stricte du principe de contradiction dans les échanges.

Le Conseil ne fait pas état de l’absence de recours qui était pourtant déterminante quant à l’équilibre du dispositif puisque des procédures sans audience, et même avec une contradiction amoindrie, peuvent apparaître constitutionnelles ou conventionnelles à partir du moment où un recours est ouvert aux parties.

L’idée d’un procès sans audience se développe donc progressivement. L’audience est amoindrie dans le cadre de la procédure européenne des droits de l’Homme (voir le règlement intérieur de la Cour où plusieurs articles permettent qu’un échange d’observations écrites soit suffisant), devant le Conseil constitutionnel (comme le démontrent l’exemple du contrôle a priori et l’audience plutôt minimale qui existe en contentieux de la QPC). C’est également l’audience qui a été amoindrie en période de crise sanitaire dans les procédures privilégiées de ces périodes d’urgence que sont les référés-libertés devant le juge administratif28.

L’audience constitue pourtant le temps fort d’un procès, qu’il soit civil ou pénal, celui de l’apparence du « procès équitable » au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Convention EDH) que l’article 16 de la DDHC de 1789 s’efforce d’implanter dans le droit français. Pourtant, l’audience fait l’objet de nombreuses critiques eu égard à son coût et à la facilité offerte par les procédures dématérialisées, notamment dans des contentieux à répétition, des contentieux de masse où cette audience n’est pas toujours de nature à apporter un supplément utile au débat. C’est nécessairement l’audience qui a été la première sacrifiée sur l’autel de l’efficacité de la justice, laissant entendre qu’un procès peut essentiellement s’organiser par l’échange de notes écrites, renforçant le caractère technique, voire technocratique, du procès.

Anne-Charlène BEZZINA

Commentaire de la décision Cons. const., QPC, 2 oct. 2020, n° 2020-858/859, M. Geoffrey F. et a. [Conditions d’incarcération des détenus].

Dans la décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, M. Geoffrey F. et autre [Conditions d’incarcération des détenus], le Conseil constitutionnel se prononce à la fois sur l’articulation de la priorité de la QPC et de l’interprétation conforme de dispositions aux engagements internationaux, et sur le droit au recours en cas d’atteinte à la dignité en raison des conditions d’incarcération.

La Cour de cassation a, le 8 juillet 2020, transmis deux QPC au Conseil constitutionnel portant sur la conformité à la Constitution des articles 137-3, 144 et 144-1 du Code de procédure pénale. La question portait sur l’absence de voie de droit permettant de saisir le juge judiciaire pour qu’il fasse cesser des conditions d’incarcération en détention provisoire qui constituent un traitement inhumain et dégradant. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait condamné la France quelques mois auparavant : dans l’arrêt J.M.B. et autres c/ France du 30 janvier 2020, elle avait estimé que les conditions de détention constituaient un traitement inhumain et dégradant (CEDH, art. 3) et que l’absence de voie de droit permettant de faire cesser ces conditions était une atteinte au droit au recours (CEDH, art. 13)29. Elle avait notamment recommandé à la France d’établir un recours préventif effectif. Les requérants faisaient donc valoir que les dispositions législatives n’étaient pas en conformité avec la recommandation faite par la CEDH et ils se prévalaient de principes constitutionnels équivalents à ceux de la Convention EDH : dignité de la personne humaine, droit au respect de la vie privée et droit au recours effectif. La Cour de cassation avait, le même jour que la décision de transmission de la QPC, rendu un arrêt donnant une nouvelle interprétation des dispositions en cause, conforme aux exigences de la CEDH30. Elle avait estimé que « le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention ».

Le Conseil constitutionnel, pour statuer sur la conformité à la Constitution d’une disposition, se réfère à la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition31. Avant de se prononcer sur le fond, le Conseil devait donc déjà déterminer quelle interprétation jurisprudentielle il allait retenir. S’agirait-il de l’interprétation que la Cour de cassation avait donné des dispositions avant le 8 juillet 2020, ou au contraire, examinerait-il les dispositions telles qu’interprétées par la Cour de cassation, le 8 juillet, dans les arrêts qui tirent toutes les conséquences de l’arrêt de condamnation de la CEDH ? Une fois cette question tranchée, le Conseil devait déterminer si ces dispositions étaient conformes au principe de dignité et au droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil a d’abord réaffirmé le caractère prioritaire de la QPC et décidé qu’il examinerait les dispositions interprétées par la Cour indépendamment de l’interprétation conforme qu’elle avait pu en donner. Il a estimé qu’une interprétation jurisprudentielle constante, qui ne vise qu’à rendre compatibles des dispositions législatives avec des dispositions conventionnelles, ne doit pas être prise en compte dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Autrement dit, il a réaffirmé la primauté de la QPC, y compris sur l’interprétation conforme que pourrait donner le juge ordinaire d’une disposition législative (I). Ensuite, le Conseil a suivi un raisonnement similaire à celui de la CEDH. Il a consacré un nouveau principe d’après lequel le législateur doit garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin. Il a relevé que le justiciable ne bénéficiait d’aucun recours permettant qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant de la détention provisoire et qu’il en résultait une atteinte au principe de dignité et au droit au recours (II). Il a donc déclaré contraire à la Constitution l’article 144-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, mais a différé les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité au 1er mars 2021.

I. La primauté de la priorité sur l’interprétation conforme

Le Conseil a d’abord rappelé que le législateur organique avait entendu instaurer une priorité d’examen des moyens de constitutionnalité par rapport aux moyens tirés du défaut de conformité d’une disposition législative aux engagements internationaux. En 2009, à l’occasion du contrôle de cette loi organique, le Conseil avait relevé qu’en imposant cette priorité, « le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l’ordre juridique interne »32. Le Conseil reprend cette formulation pour souligner l’importance de cette priorité et l’impossibilité d’y déroger (§ 8). Le Conseil a ensuite précisé l’articulation entre la priorité du contrôle de constitutionnalité et la référence à l’interprétation constante d’une disposition pour décider de sa conformité à la Constitution. Lorsque cette interprétation constante est également une interprétation qui vise à rendre les dispositions conformes aux engagements internationaux, le Conseil distingue deux cas. En premier lieu, cette interprétation conforme ne doit être prise en compte ni par le juge de renvoi de la QPC lorsqu’il examine le caractère sérieux de la question, ni par le Conseil pour conclure à la constitutionnalité des dispositions en cause. Le Conseil considère que l’interprétation conforme ne doit pas et ne peut pas faire obstacle au contrôle de constitutionnalité, car sinon cela remettrait en cause son caractère prioritaire (§ 9). En second lieu, la constitutionnalité de cette interprétation conforme peut être contestée devant le Conseil constitutionnel, si l’inconstitutionnalité alléguée procède bien de cette interprétation (§ 10). En conséquence, le Conseil se prononce en l’espèce sur les dispositions contestées indépendamment de l’interprétation conforme donnée par la Cour de cassation (§ 11). La présente décision est ainsi l’occasion pour le Conseil de rappeler à l’ordre les juridictions de renvoi et de souligner l’importance du respect du caractère prioritaire de la QPC : son caractère sérieux ne doit pas être écarté au prétexte que l’interprétation conforme aux engagements internationaux qu’en donne le juge ordinaire la rend conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Cette décision consacre également le droit à un recours contre les atteintes à la dignité dues aux conditions de détention.

II. Le droit à un recours contre les atteintes à la dignité dues aux conditions de détention

Pour rendre sa décision, le Conseil se fonde d’abord sur la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation, qu’il fonde sur le préambule de la Constitution de 194633 (§ 12). Il se réfère également au droit à un recours effectif devant une juridiction, fondé sur l’article 16 de la DDHC, et à l’article 9 de la DDHC. Comme il l’avait fait dans sa décision relative à la garde à vue34, il en déduit que la privation de liberté doit être « mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne » placée en détention provisoire et que les autorités et juridictions compétentes doivent prévenir et réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de cette personne et ordonner la réparation des préjudices subis. De manière inédite, et sans doute inspiré par la CEDH, il en déduit également qu’il incombe au législateur de « garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin » (§ 14). Ce principe nouveau dégagé par le Conseil trouve à s’appliquer dans la présente décision. D’une part, le Conseil relève que les recours devant le juge administratif ne garantissent pas, en toutes circonstances, qu’il soit mis fin à la détention indigne (§ 15) ; ce dernier est limité par le pouvoir d’injonction dont il dispose et ne peut, en tout état de cause, pas ordonner la libération. D’autre part, il souligne qu’aucun recours devant le juge judiciaire ne permet au justiciable d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire (§ 16). Le Conseil estime donc que la nouvelle exigence qu’il vient de formuler a été méconnue (§ 17). Cette décision illustre la volonté du Conseil d’offrir au rang constitutionnel un niveau de protection équivalent à celui garanti par la CEDH. Si le principe est formulé en se référant uniquement à la détention provisoire, il semblerait logique qu’il soit étendu à toutes les privations de liberté.

Margaux BOUAZIZ

d – Le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, l’égalité devant la justice et le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions

Le Conseil constitutionnel reconnaît, sur le fondement de l’article 16 de la DDHC, un droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif35. Ce droit peut être invoqué à l’appui d’une QPC36.

Dans la décision n° 2020-855 QPC du 9 septembre 2020, Mme Samiha B. [Condition de paiement préalable pour la contestation des forfaits de post-stationnement], le Conseil était saisi de l’article L. 2333-87-5 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015. Cet article subordonnait la recevabilité des recours contre les décisions individuelles mettant à la charge d’un justiciable un forfait de post-stationnement au paiement préalable, par l’intéressé, du montant de ce forfait et de son éventuelle majoration, sans prévoir aucune exception. La requérante faisait valoir qu’il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif (§ 2). Le Conseil, après avoir rappelé qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction (§ 3), a considéré que le législateur n’a pas prévu les garanties de nature à assurer que l’exigence de paiement préalable ne porte pas d’atteinte substantielle à ce droit (§ 9). Le Conseil a estimé que certaines limitations pouvaient être apportées au nom de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice afin de prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes (§ 6). Néanmoins, ces limitations ne doivent pas porter d’atteinte substantielle au droit au recours. En l’espèce, tel n’était pas le cas, car rien ne garantissait que la somme à payer ne soit pas d’un montant trop élevé et le législateur n’avait apporté aucune exception tenant compte de certaines circonstances ou de la situation particulière de certains redevables (§ 7 et 8). Le principe implicitement mobilisé est donc également celui de l’égalité devant la justice puisque les justiciables ne doivent pas se voir priver de la faculté d’exercer un recours en raison d’un manque de ressources.

Dans la décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020, Société Bâtiment mayennais [Référé contractuel applicable aux contrats de droit privé de la commande publique], le Conseil avait également à connaître d’une limitation du droit au recours, mais a estimé qu’en l’espèce l’atteinte était proportionnée. L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, ratifiée par l’article 113 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, limite les moyens que peuvent soulever les personnes qui ont un intérêt à conclure un contrat de droit privé de la commande publique dans le cadre d’un référé contractuel visant à demander l’annulation du contrat (§ 19). Le droit au recours comprend donc aussi bien l’accès au juge que les moyens pouvant être soulevés devant ce dernier. Comme le relève le Conseil, sauf dans le cas où l’autorité adjudicatrice a fait irrégulièrement obstacle à une saisine du juge du référé précontractuel, les dispositions contestées ne permettent pas aux requérants d’invoquer en référé contractuel les autres manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptibles de les avoir lésés, afin d’obtenir l’annulation du contrat (§ 20). Le Conseil souligne également que le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général en souhaitant éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur signature et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles (§ 19). Le droit au recours est donc mis en balance avec le principe de sécurité juridique des relations contractuelles, fondé sur les articles 4 et 16 de la DDHC, bien que le Conseil ne le précise pas explicitement37. En outre, le Conseil constitutionnel prend en considération les autres voies de recours dont dispose le concurrent évincé afin de déterminer si l’atteinte au droit au recours est proportionnée ou non. Il relève qu’il peut former un référé précontractuel (§ 22) ou exercer une action en responsabilité (§ 23). Le Conseil conclut donc que, au regard des conséquences qu’entraîne l’éviction d’un candidat à un contrat privé de la commande publique, les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif (§ 24).

Sur le fondement de l’article 16 de la DDHC, le Conseil reconnaît également les droits de la défense38. Dans sa décision n° 2020-865 QPC du 19 novembre 2020, Société Beiser environnement et autre [Requête aux fins de désignation d’un mandataire de justice par le représentant légal d’une personne morale], le Conseil devait se prononcer sur la protection des droits de la défense d’une personne morale lorsque des poursuites pénales sont engagées à la fois contre elle et contre son représentant légal pour les mêmes faits ou des faits connexes. Les requérants faisaient valoir que, dans ce cas, l’article 706-43 du Code de procédure pénale n’impose pas au représentant légal de demander la désignation d’un mandataire. En conséquence, en cas de conflit d’intérêts entre la personne morale et le représentant légal, il se pourrait que ce dernier, afin de faire prévaloir ses propres intérêts, s’abstienne de demander la désignation d’un tel mandataire, ce qui pourrait être de nature à léser ceux de la personne morale (§ 5). Le Conseil a écarté le grief après avoir relevé que « les organes d’une personne morale demeurent compétents, dans les conditions prévues par la loi ou les statuts, pour imposer à son représentant légal de solliciter la désignation d’un mandataire de justice, lui retirer son mandat de représentation en justice ou désigner un autre représentant légal » (§ 6) et que « les dispositions du deuxième alinéa de l’article 706-43 du Code de procédure pénale permettent une représentation de la personne morale par toute personne bénéficiant d’une délégation de pouvoir à cet effet » (§ 7). Il a donc considéré que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.

Margaux BOUAZIZ

e – Le principe de sécurité juridique

(…)

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cons. const., DC, 16 mai 2013, n° 2013-667, Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, cons. 4 ; Cons. const., DC, 17 mai 2013, n° 2013-669, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 4 ; Cons. const., DC, 16 janv. 2014, n° 2013-683, Loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, cons. 6 ; Cons. const., DC, 23 janv. 2014, n° 2013-687, Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, cons. 48.
  • 2.
    Cons. const., DC, 13 août 2015, n° 2015-718, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, cons. 4.
  • 3.
    Cons. const., DC, 15 mars 1999, n° 99-410, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, cons. 3 ; et, plus récemment, Cons. const., DC, 19 avr. 2018, n° 2018-764, Loi organique relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, § 3.
  • 4.
    Par ex. Cons. const., DC, 14 nov. 2013, n° 2013-678, Loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, cons. 6 et 7.
  • 5.
    Par ex. Cons. const., DC, 30 juill. 2009, n° 2009-587, Loi organique relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte ; v. aussi Cons. const., QPC, 4 déc. 2020, n° 2020-869, § 12.
  • 6.
    CE, 19 oct. 2020, n° 439372, Section française de l’Observatoire international des prisons c/ Ministère de la justice, pt 31.
  • 7.
    V. Actu-Juridique.fr 22 déc. 2021, n° AJU000x4.
  • 8.
    S’agissant de l’état d’urgence sanitaire : v. infra III, B : Les droits et libertés / Dossier spécial : état d’urgence sanitaire « Déconfinement et reconfinement ».
  • 9.
    Par ex., v. CEDH, 21 mai 2013, n° 34118/11, Ordre des avocats défenseurs et avocats près la cour d’appel de Monaco c/ Monaco.
  • 10.
    Sur cette décision, voir infra (III, B, 5) le dossier spécial : état d’urgence sanitaire « Déconfinement et reconfinement ».
  • 11.
    Cons. const., DC, 26 juin 1986, n° 86-207, il appartient au Conseil « d’une part, de vérifier que la loi d’habilitation ne comporte aucune disposition qui permettrait de méconnaître ces règles et principes, [et,] d’autre part, de n’admettre la conformité à la Constitution de la loi d’habilitation que sous l’expresse condition qu’elle soit interprétée et appliquée dans le strict respect de la Constitution ».
  • 12.
    Par ex., v. CE, 29 oct. 2004, nos 269814, 271119, 271357 et 271362, M. Sueur et a. : « Si les requérants soutiennent que l’institution de contrats globaux tels que les contrats de partenariat méconnaîtrait, par elle-même, les exigences constitutionnelles relatives à l’égalité devant la commande publique et au bon usage des deniers publics, de tels moyens ne peuvent utilement être invoqués à l’encontre de l’ordonnance attaquée, dès lors que le principe de la création de contrats ayant pour objet “la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement d’équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions” résulte des termes mêmes de l’article 6 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, sur le fondement de laquelle a été prise l’ordonnance attaquée et dont il n’appartient pas au Conseil d’État, statuant au contentieux, d’apprécier la conformité à la Constitution ».
  • 13.
    V. infra III, B, 5, c : Les droits processuels.
  • 14.
    Pour la décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020, Sté Getzner France [Procédure civile sans audience dans un contexte d’urgence sanitaire] : v. infra III, B, 5, c : Les droits processuels.
  • 15.
    Cons. const., DC, 28 déc. 2011, n° 2011-644, Loi de finances pour 2012, cons. 16.
  • 16.
    Cons. const., DC, 9 juill. 2020, n° 2020-803, § 4.
  • 17.
    V. Actu-Juridique.fr 22 déc. 2021, n° AJU000x4.
  • 18.
    Voir le paragraphe 17 de la décision n° 2020-800 DC, et, implicitement, le paragraphe 11 de la décision n° 2020-803 DC, qui, du fait de l’objet de la loi, relatif à la sortie de l’état d’urgence, n’avait pas besoin de justifier la mise en place de ce dernier.
  • 19.
    Paragraphe 6 reprenant le paragraphe 13 de la décision n° 2020-803 DC dans une rédaction identique.
  • 20.
    Paragraphe 18 reprenant la rédaction du paragraphe 61 de la décision n° 2020-800 DC.
  • 21.
    Cons. const., DC, 26 mars 2020, n° 2020-799, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, § 3 et Cons. const., DC, 11 mai 2020, n° 2020-800, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.
  • 22.
    Sur cette décision, v. infra III, B, 5, a : Les principes du droit répressif.
  • 23.
    V. également infra, III, B, 3, et III, B, 5, a.
  • 24.
    V supra I, D : Les finances publiques de l’État.
  • 25.
    V. aussi infra III, B, 1 : Les libertés.
  • 26.
    Cons. const., DC, 2 mars 2004, n° 2004-492 ; v. également Cons. const., QPC, 21 juill. 2017, n° 2017-645.
  • 27.
    Cons. const., DC, 21 mars 2019, n° 2019-778.
  • 28.
    V. B. Lasserre, « Le Conseil d’État face à la crise sanitaire du Covid-19 », https://lext.so/nlAwJM.
  • 29.
    CEDH, 30 janv. 2020, nos 9671/15 et 31 autres, J. M. B. et a. c/ France.
  • 30.
    Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81739.
  • 31.
    Cons. const., QPC, 6 oct. 2010, n° 2010-39, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié], cons. 2.
  • 32.
    Cons. const., DC, 3 déc. 2009, n° 2009-595, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, cons. 14.
  • 33.
    Par ex., v. Cons. const., QPC, 30 juill. 2010, n° 2010-14/22, M. Daniel W. et a. [Garde à vue], cons. 19.
  • 34.
    Par ex., v. Cons. const., QPC, 30 juill. 2010, n° 2010-14/22, M. Daniel W. et a. [Garde à vue], cons. 20.
  • 35.
    Cons. const., DC, 21 janv. 1994, n° 93-335 et Cons. const., DC, 9 avr. 1996, n° 96-373.
  • 36.
    Cons. const., QPC, 11 juin 2010, n° 2010-2.
  • 37.
    Cons. const., DC, 13 janv. 2003, n° 2002-465, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, cons. 4.
  • 38.
    Cons. const., DC, 30 mars 2006, n° 2006-535, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24 et 41.
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