Congés payés et arrêts maladie : au tour du Conseil constitutionnel d’être saisi

Publié le 12/12/2023
Congés payés et arrêts maladie : au tour du Conseil constitutionnel d’être saisi
Tatyana/AdobeSTock

Le débat sur la possibilité pour les salariés malades d’acquérir, pendant les arrêts de travail, des droits à congés payés est relancé. La Cour de cassation a décidé le 15 novembre de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions portant sur la constitutionnalité des articles du Code du travail qui associent l’acquisition des congés payés à la réalisation d’un travail effectif.

Cass. soc., 15 nov. 2023, no 23-14806

Cet arrêt de transmission, que la quasi-totalité des observateurs pensait inutile, est strictement conforme à notre principe constitutionnel qui veut que la loi soit l’œuvre du législateur sous le contrôle du seul Conseil constitutionnel.

Il appartient donc au Conseil de décider que le lien entre l’activité effective du salarié et l’acquisition des congés payés est :

• conforme au principe d’égalité devant la loi ; ce lien tombe sous le sens et il est en cohérence avec la jurisprudence constitutionnelle ;

• conforme au principe de protection de la santé des salariés dès lors qu’il est établi que la réglementation française offre un très haut niveau de protection sociale notamment à raison de la durée et du montant de l’indemnisation du salarié malade ou invalide financé par les entreprises et les salariés en activité. La protection sociale dont bénéficient les salariés en France – sans commune mesure avec ce qui se pratique dans les autres États de l’Union européenne – offre une protection de la santé des salariés malades infiniment plus solide que l’acquisition de jours de congés. Ajouter à cette protection exceptionnelle le bénéfice de l’acquisition de tels congés ne peut qu’inciter à augmenter le risque d’une utilisation abusive de la protection aux dépens des intérêts économiques et professionnels des salariés. Le coût de cet ajout (plus de deux milliards d’euros par an) porte de ce fait une atteinte irrémédiable au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, protégés par la Constitution.

Le Conseil constitutionnel devra donc décider si, le principe constitutionnel d’égalité étant strictement protégé par la réglementation en cause, les dispositifs français de protection sociale respectent ou non l’identité constitutionnelle de la France du droit à la protection de la santé des salariés qui doit prendre en compte ses implications au regard des droits fondamentaux de propriété et d’entreprendre. Si tel est le cas, le Conseil pourra décider que la réglementation française conforme à cette identité constitutionnelle s’impose aux normes internationales et à la jurisprudence récente de la Cour de cassation.

La modification du Code du travail ne serait pas justifiée.

Réponse dans trois mois.

En toute hypothèse, aucune décision ne saurait être prise dans l’urgence par les entreprises et les salariés.

Voir également

Cass. soc., 13 sept. 2023, no 22-17340 22-17341 22-17342

Cass. soc., 13 sept. 2023, no 22-17638

Cass. soc., 13 sept. 2023, no 22-10529 22-11106

À lire également

Droit au cumul de congés payés pendant un arrêt maladie : l’alignement avec la jurisprudence européenne qui pourrait coûter cher aux employeurs français, par Diane Buisson, avocate au barreau de Paris

Les congés payés acquis pendant les arrêts maladie : une révolution, vraiment ?, par Michèle Bauer

Plan