Élection présidentielle : parrainer est-ce soutenir ?

Publié le 28/02/2022

Les prétendants à l’élection présidentielle ont jusqu’au 4 mars à 18 heures pour rassembler les 500 signatures leur permettant de se porter candidat. Le constitutionnaliste Dominique Rousseau rappelle qu’en 2012 la commission Jospin, consciente des travers du système, avait proposé la mise en place d’un parrainage citoyen. Explications. 

Élection présidentielle : parrainer est-ce soutenir ?
HJBC / AdobeStock

« Parrainer n’est pas soutenir » dit le président du Sénat, Gérard Larcher, présenté souvent comme …le parrain de la droite ! Et pourtant, dans la sphère familiale, le parrain ou la marraine est celui ou celle qui a pour mission de soutenir les parents en cas de défaillances, de les aider et de transmettre les valeurs de la famille. Et dans le milieu, filmé par Coppola, le parrain est encore cette figure qui protège son clan et décide d’accorder son soutien à tel de ses fils plutôt qu’à tel autre. Et souvent aussi l’adhésion à une association est soumise à la présentation de deux ou trois parrains. Et toujours, le nom du parrain est évidemment connu. Dans le langage ordinaire, parrainer c’est soutenir, d’où la difficulté quand ce mot passe dans le langage politique et laisse à penser que parrainer un candidat c’est le soutenir.

Un système illogique

Ce parrainage présidentiel a une histoire. En 1958, le général de Gaulle souhaite enlever au Parlement l’élection du chef de l’Etat. Il imagine alors un collège électoral de 80 000 élus comprenant parlementaires, conseillers généraux et conseillers municipaux et la loi prévoit que, pour être candidat, il faut obtenir la signature de cinquante membres du collège électoral. Logique : ceux qui élisent le président sont aussi ceux qui ont choisi les candidats.

En 1962, changement du mode désignation du président désormais élu par le peuple. Mais le mode de désignation des candidats ne change pas ; il est seulement élargi à cent élus répartis dans au moins dix départements et en 1976 le nombre de parrains est porté à cinq cents répartis dans au moins trente départements, soit environ 43 000 élus habilités à présenter un candidat à l’élection présidentielle.

Illogique : le président est élu par le peuple mais les candidats sont désignés par des élus !

Incohérent également au regard de la conception gaullienne de la fonction présidentielle. Le général a, en effet, toujours clairement affirmé sa volonté de soustraire le chef de l’Etat à l’influence des partis et des élus pour en faire une autorité politique indépendante, au-dessus des contingences politiciennes et tenant sa force de sa relation directe avec la Nation. Or, en maintenant la désignation des candidats entre les mains des élus, la maîtrise de l’élection présidentielle reste entre les mains des partis. Sans doute, en 1958, le général a-t-il souhaité ménagé la susceptibilité des élus auxquels il enlevait la désignation du président. Mais, aujourd’hui et au vu de l’expérience, il convient de raccorder mode de désignation du président et mode de désignation des candidats en transférant la responsabilité de les choisir aux citoyens.

Et si on optait pour la solution Jospin ?

Bien sûr, il n’existe pas de mécanisme idéal de sélection des candidats. Le parrainage par des élus garantit l’ancrage territorial du candidat mais bloque les nouveaux courants politiques. La publicité des parrainages peut dissuader certains élus soucieux des réactions possibles de leur électorat mais l’anonymat peut faciliter des tractations sonnantes et trébuchantes. Et le spectacle des « prêts » de signatures n’est pas de nature à (re)faire coïncider engagement et conviction politique.

C’est pourquoi, la commission Jospin à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, avait proposé, en 2012, le parrainage citoyen : pour être candidat, il faudrait recueillir 150 000 signatures de citoyens (soit 0, 35% des inscrits) répartis dans cinquante départements sans qu’un département ne puisse fournir plus de 7500 signatures. Si ces chiffres peuvent bien sûr être discutés, le principe d’un alignement du mode de désignation des candidats sur celui du président reste pertinent.

 

 

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