Cités en Argolide (VIII)
Quoi qu’on en dise, la Grèce est notre mère. Les lieux, les pierres et les monuments sont comme un rappel de notre civilisation. René Puaux (1878-1937) publia un Nouveau guide de la Grèce en 1937 à la Société française d’éditions littéraires et techniques. « L’intérêt de ce livre m’est apparu, un soir d’été, au cours d’une promenade sur l’esplanade du Phalère », disait-il. Il n’avait trouvé dans aucun guide les récits des traditions légendaires du Phalère et son histoire. Il résolut de « rédiger un guide de tout autre ordre, celui du Touriste-Poète », qui ne manque pas d’ironie. Nous sommes toujours en Argolide. Cette région correspond à une péninsule, bordée au nord par le golfe Saronique et au sud par le golfe Argolique, elle-même située dans la péninsule du Péloponnèse. BGF
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« C’est à Tyrinthe (et non à Thèbes, comme le veulent Molière, Plaute et même les grandes Fées) qu’eut lieu la célèbre visite nocturne du roi des Dieux dans la chambre nuptiale d’Alcmène, inépuisable sujet de comédie, visite pour laquelle la nuit fut prolongée et le jour suivant raccourci, en souvenir de quoi la fille d’Electryon se fit ciseler un diadème orné de trois lunes. C’est à Tyrinthe, enfin, qu’Héraclès est né. C’est dans l’une de ces pièces du palais qu’il étrangla les serpents rampant dans son berceau ; tandis que son jumeau Iphicles poussait des cris perçants. On comprend qu’il ait fallu des murs solides pour les jeux d’un bébé de cette force.
[À Mycènes], vous êtes hypnotisés par la « porte des lionnes » et vous avez replacé, dans les tombeaux de l’Agora, les masques d’or et les bijoux du musée national d’Athènes. Les noms d’Atrée, d’Électre, d’Agamemnon, de Clytemnestre ont réveillé vos souvenirs scolaires ou postscolaires. La visite de Mycènes vous a laissé une impression profonde, mais de contour imprécis. Puis-je vous aider à accuser son relief ?
Mycènes fut fondé par Persée, le fils de Zeus et de Danaé, cette charmante fille d’Acrisios, roi d’Argos, séduite par le roi des Dieux métamorphosé en pluie d’or, symbole que, de notre temps, on n’interpréterait pas de façon sentimentale. Il est vrai que certains prétendent que le prétendu Dieu n’était autre que Protéos, oncle de la jeune fille, résidant à Tyrinthe. Prévenu par un oracle que son petit-fils lui ravirait la couronne et la vie, Acrisios livra aux flots, dans une méchante barque, Danaé et Persée, qui, naturellement, afin que l’oracle put s’accomplir, abordèrent sains et saufs, dans une île qui se trouva être Séripho, où le roi Polydecte adopta Persée. Le jeune homme devait être le héros de sensationnelles aventures, dont les plus notoires sont le rapt de la dent et de l’œil unique des Graeæ, sœurs des Gorgones, la décapitation de Méduse, la pétrification du géant Atlas, le vol des pommes d’or du jardin des Hespérides et la délivrance d’Andromède (qui a inspiré à M. Ingres l’un de ses plus célèbres tableaux). Ce dernier exploit n’assura pas à Persée, comme dans les romans anglais, la paisible possession de celle qu’il avait sauvée. L’oncle de la princesse, Phinée (encore un oncle amoureux de sa nièce), chercha à troubler le banquet de fiançailles, en y faisant irruption avec des affidés, les armes à la main. Mais Persée gardait, dans la corbeille magique de Pluton, encombrant bagage, surtout en pareille circonstance, l’affreuse tête de Méduse. Il la brandit à bout de bras. Phinée et ses complices furent cloués d’horreur sur place. Et Persée put épouser Andromède.
Il revint à Argos, chassa du trône et tua Protéos, bien qu’il fût le véritable auteur de ses jours, prit possession de Tyrinthe et rétablit son grand-père Acrisios sur le trône d’Argos. Hélas, au cours de jeux célébrés à Larissa, à l’occasion des funérailles de Polydecte, roi de Séripho, son père adoptif, il frappa d’un disque la tempe de son grand-père. Ce lamentable accident lui fit céder la royauté d’Argos et Tyrinthe à son cousin Mégapente, pour fonder Mycènes ».
(À suivre)