Voyage en Grèce

Cités en Argolide (XI)

Publié le 26/08/2016

Quoi qu’on en dise, la Grèce est notre mère. Les lieux, les pierres et les monuments sont comme un rappel de notre civilisation. René Puaux (1878-1937) publia un Nouveau guide de la Grèce en 1937 à la Société française d’éditions littéraires et techniques. « L’intérêt de ce livre m’est apparu, un soir d’été, au cours d’une promenade sur l’esplanade du Phalère », disait-il. Il n’avait trouvé dans aucun guide les récits des traditions légendaires du Phalère et son histoire. Il résolut de « rédiger un guide de tout autre ordre, celui du Touriste-Poète », qui ne manque pas d’ironie. Nous sommes toujours en Argolide.  Cette région correspond à une péninsule, bordée au nord par le golfe Saronique et au sud par le golfe Argolique, elle-même située dans la péninsule du Péloponnèse. BGF

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« Oreste n’aurait pas été un membre authentique de la famille s’il n’avait séduit sa demi-sœur, Érigone, fille de Clytemnestre et d’Égisthe, assassinés par lui. Il en eut un fils, Penthile qui, faute de descendants mâles par Hermione, monta sur le trône de Mycènes. De son fils Demosius, nous ne savons rien et, de son petit-fils Agorius, la tradition nous a seulement transmis qu’Oxylus, le chef dorien qui ramena les descendants d’Hercule en Argolide, l’associa à son gouvernement, afin de rallier sans doute la majorité légitimiste, suivant les meilleurs principes des cabinets de concentration. Ayant ce résumé historique sous les yeux, votre promenade à Mycènes est susceptible de s’enrichir de quelques évocations.

On vous montre le tombeau d’Agamemnon et, cinq cents mètres plus loin, celui de Clytemnestre. Cet éloignement dans la mort est dépourvu de l’hypocrisie coutumière des sépultures où, sous la même pierre, dorment des époux qui se sont copieusement trompés durant leur vie. Il est vrai que cela ne va pas généralement jusqu’à l’assassinat. Le tombeau d’Égisthe est voisin de celui de Clytemnestre et cela n’est que normal. Si Cassandre mourut et fut inhumée à Thalamæ (Kontiphari) en Laconie, où donc est le tombeau de Pylade, ce modèle des amis, cousin germain d’Oreste, étant le fils d’Anaxibie, sœur d’Agamemnon ? N’offrirent-ils pas tous deux leur vie pour faire rendre la liberté à leur frère d’armes, lors de la tentative de vol de la statue d’Artémis en Tauride ?  Grâce au plan du palais, tel que l’École anglaise d’archéologie l’a établi, il vous est en tout cas loisible d’imaginer Oreste, au crépuscule de sa vie, interrogé par son petit-fils Demosius : « Grand-père, racontez-moi l’histoire de la famille ? — C’est un peu compliqué, mon enfant ». Il ne s’en souvenait peut-être pas lui-même avec précision.

Épidaure attire beaucoup de touristes par son célèbre théâtre au majestueux hémicycle en bon état de conservation. Les médecins — qui sont de grands voyageurs — font un pèlerinage obligatoire à l’Hiéron d’Esculape où les malades affluaient de toute la Grèce. Ce pèlerinage devrait commencer par une promenade sur les flancs du mont Velonidia (l’ancien Titthion) ; c’est là que Coronis (aussi nommée Arsinoé), fille du roi d’Orchomène, Phlegyas, exposa l’enfant qu’elle devait à Apollon. Le berger Aristhène, cherchant une de ses chèvres, écartée du troupeau, la découvrit allaitant un enfant qui s’auréola de lumière à son approche. C’était le futur dieu de la médecine. Il y a sur la naissance d’Esculape, diverses traditions dignes de mention. Coronis, sa mère, à l’insu du roi Phlegyas, avait un amant nommé Ischys, fils d’Élatus, petit-fils d’Arcas (fondateur de l’Arcadie) et d’Érato (la nymphe qui interprétait les oracles de Pan). Apollon, jaloux, fit périr Ischys et Coronis et tira Esculape du flanc de sa mère agonisante. Nous sommes peut-être en présence d’un drame passionnel très humain se terminant par un double suicide et une opération césarienne ».

(À suivre)

 

LPA 26 Août. 2016, n° 118z1, p.15

Référence : LPA 26 Août. 2016, n° 118z1, p.15

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