Deux pièces de boulevard
Voici deux spectacles qui n’ont rien en commun, sauf à s’inscrire parmi les comédies légères et pimentées nombreuses à Paris en ce moment. Le premier s’adresse aux adultes, le second aux enfants… et aussi aux adultes.
La putain du dessus
Le Grec Antonis Tsipiantis est l’auteur de romans et pièces de théâtre, dont la plus connue, La putain du dessus, se produit depuis six ans sur l’une des grandes scènes d’Athènes.
L’héroïne est une femme ordinaire, Erato, qui revient des funérailles de son mari et va se livrer dans le huis clos de son modeste logement à un exorcisme violent, un jeu de massacre pour se libérer de son passé.
La cible principale est le défunt, un policier macho que son père l’a forcée à épouser alors qu’elle se rêvait étudiante. La brute épaisse l’humilie, la brutalise, la cloître. Elle ne connaît rien du monde extérieur sauf à être intriguée par les allées et venues d’une vingtaine de migrants, auxquels son ripou de mari loue des chambres, et à oser leur monter des repas. Et elle en vient à envier la putain du dessus, qu’elle imagine libre et indépendante.
Le monologue est cruel et ce grand cri animal d’une femme bafouée rejoint celui des femmes harcelées et humiliées qui, en cet automne 2017, vient d’éclater avec une force propre à racheter le silence d’antan.
Le règlement de compte, ici implacable, est celui d’une femme du peuple, à l’ironie mordante, à l’humour ravageur qui remplace avantageusement l’émotion.
Dieu merci le ton est à la comédie qui est aussi le mode élégant de s’exprimer sur des sujets graves..
La mise en scène de Chrisophe Bourseiller est sobre, destinée à mettre en valeur l’héroïne jouée par Émilie Chevrillon avec un panache de mousquetaire au féminin et une sensibilité à fleur de peau.
Chut… Mes lunettes ont un secret
Roxane, une petite fille de 10 ans, est conduite dans un hôpital pour y subir une opération des yeux qui la débarrassera de ses grosses lunettes. Elle a envie de fuir d’autant que Mme Belhamou, l’infirmière, est particulièrement revêche. Mais il y a un coffre à jouets dans la chambre, et dès qu’elle met ses lunettes, qui ont un pouvoir magique, ils quittent le coffre et se mettent à danser. Et il y a aussi un tableau qui représente un jeune garçon, Petit Pierre, sorte de Tintin candide, qui sort de son cadre et lui propose un merveilleux voyage autour du monde.
Ils vont parcourir la planète, rencontrer des personnages attachants, danseuse du ventre, marabout, cow boy…et lorsqu’elle reviendra dans sa chambre, ainsi ouverte aux autres et à l’ailleurs, Roxane acceptera bien volontiers l’opération après avoir, grâce aux pouvoirs magiques, rendu Mme Belhamou benveillante.
Les spectacles pour enfants, longtemps restés trop rares, sont en train de revenir sur les scènes parisiennes, débarrassés de toute mièvrerie bétifiante.
Il s’agit ici d’une comédie musicale, signée Vanessa Varon et Pierre Grad pour la musique, d’une mise en scène soignée d’Éric Theobald, menée au pas de charge par quatre jeune comédiens-danseurs très à l’aise dans une grande diversité de personnages, un divertissement en musique qui enchante petits et grands.