Géricault et ses modèles
Ce tableau retrouvé, le Portrait de Théodore Lebrun par Géricault, est estimé entre 100 000 € et 150 000 €
Osenat
Le Radeau de la Méduse (4,91 m x 7,16 m), le chef-d’œuvre peint par Théodore Géricault entre 1818 et 1819, a remporté un tel succès qu’il a aussi été exposé à Londres dès 1820. La chronique du temps avait déjà fait un large écho au naufrage de la frégate La Méduse, le 2 juillet 1816, au large de l’actuelle Mauritanie. Le talent et la force du jeune peintre (1791-1824) ont séduit la population britannique, notamment Adam Elmore (1784-1849) et son épouse Zoé, une Française née Séguin. Le fait qu’Adam Elmore soit marchand de chevaux n’est sans doute pas étranger aux liens qui se sont tissés entre le peintre Géricault et ce collectionneur. Logé chez eux, à proximité des purs-sangs, Géricault put parfaire rapidement son art de la représentation des équidés. De leur côté, les Elmore acquirent 6 œuvres de Géricault. Ces tableaux restés et conservés par leurs descendants pendant 200 ans seront mis en vente le 23 mars 2023 à Paris par Sotheby’s.
Parmi eux figurent Le portrait de Zoé assise sur une méridienne, estimé entre 800 000 € et 1,2 millions d’euros ; Zoé à cheval en amazone, dont on attend entre 400 000 € et 600 000 €, et le Portrait d’Adam Elmore sur une grève, qui pourrait atteindre également entre 400 000 € et 600 000 €. On compte encore deux aquarelles : Deux chevaux à l’écurie (400 000 € et 600 000 €) et Adam et Zoé Elmore à cheval (entre 200 000 € et 300 000 €). Passionné de chevaux, Géricault a pu approfondir sa connaissance des équidés et profiter des connaissances de son mécène. C’est d’ailleurs pour lui que Géricault peindra son célèbre Derby d’Epsom en 1821, aujourd’hui conservé au musée du Louvre.
Hasard ou non, Le Radeau de la Méduse revient au même moment sur le marché de l’art, grâce à un Portrait de Théodore Lebrun (61 x 50 cm), l’un des modèles de ce tableau. Il sera mis en vente le 18 mars 2023 à Fontainebleau par la maison Osenat, avec une estimation entre 100 000 € et 150 000 €. Ce personnage, qui était le fils de Tondu-Lebrun, ministre des Affaires étrangères après le 10 août 1792, président du Conseil exécutif, est celui qui signa l’ordre d’exécution de Louis XVI. Il fut lui-même décapité le 28 décembre 1793 pour avoir été trop proche des Girondins. Théodore Lebrun (1791-1824) a laissé une lettre adressée à Léon Batissier (premier biographe du peintre), dans laquelle il décrit l’élaboration du tableau. Lebrun était un intime de Géricault et posa plusieurs fois en naufragé dans la Méduse. On le reconnaît notamment dans la figure du père tenant son fils mort.
Les critiques ont tenté d’expliquer que le personnage de Lebrun faisait partie des fous croqués par Géricault et disparus. En réalité, et c’est ce que démontre l’historien d’art Bruno Chenique, Lebrun, sain d’esprit lorsqu’il avait posé, avait été récemment malade de la jaunisse, ce qui lui donne cet aspect particulier. « Il s’ajoute, dit-il, à cette série de portraits puissants que Géricault entreprit en parallèle à ses recherches, comme le naufragé que conserve le musée de Besançon ».
Sotheby’s, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris
Osenat, 9 rue Royale, 77300 Fontainebleau
Référence : AJU008b4