Intra muros

Publié le 10/10/2017

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Alexis Michalik doit déjà être en train d’écrire une nouvelle pièce, un nouveau scénario, répéter un nouveau rôle, préparer une nouvelle mise en scène, et ce qui dérange chez cet hyperactif ubiquiste c’est que, dans un espace-temps réduit, toutes ses créations, ou presque sont des succès ! Sans doute a-t-il touché à tout très jeune, refusant sa place d’entrée au Conservatoire pour fonder une troupe, jouer, écrire et mettre en scène. La trentaine à peine touchée, le voici qui enchaîne, sans reprendre son souffle, quatre pièces écrites et mises en scène par lui et couronnées par les Molières : Le porteur d’histoire, Le cercle des illusionnistes, Edmond et, en 2017, Intra Muros représenté dans les trois espaces auxquels il est fidèle : d’abord le théâtre 13 jardin, ensuite le festival d’Avignon et désormais le théâtre de la Pépinière.

Les places doivent être retenues à l’avance car une flatteuse réputation précède ce spectacle depuis sa création au printemps. Inspirée par une courte visite qu’il avait faite dans une centrale pénitentiaire pour débattre avec les détenus qui avaient décerné un prix à l’un de ses courts métrages, la pièce nous entraîne à l’intérieur d’une prison où un metteur en scène sur le retour, accompagné de son ex-épouse comédienne et d’une jeune assistante inexpérimentée est venu dispenser un atelier théâtre aux prisonniers. Mais deux seulement ont répondu à l’appel, l’un plutôt réticent, il songe à partir puis trouve une solution en leur demandant leur participation plus que leur soumission, acteurs plus que spectateurs qui raconteront leur vie tout en improvisant.

On est alors emporté dans un univers pirandellien de théâtre dans le théâtre et porté ici à la puissance 3, on doit s’accrocher pour retrouver ses marques dans un enchevêtrement opiniâtre de vérité et de fiction, de passé et de présent sans autre logique que l’hommage rendu au rêve. La logique de ce fatras poétique ne sera révélée que dans les dernières minutes de la pièce, sans perdre de son ambigüité hors du réel. Plus que dans ses autres pièces, l’émotion se faufile toujours sur la pointe des pieds : pas question de pathos, ni de lourdeur. C’est remarquablement construit et mis en scène, avec cet art bien à lui de mêler le désordre volontaire de l’argument et la rigueur dans l’évolution du récit et la mise en scène.

Les cinq acteurs, compagnons fidèles de l’auteur qui endossent allègrement différents rôles, sont remarquables qu’il s’agisse de Jeanne Arènes, déjà molièrisée en 2004 et d’Alice de Lenquesaing pour les femmes, de Bernard Blacan, Fayçal Safi et Paul Jeanson pour les hommes. Tous incarnent avec subtilité et générosité ces personnages ordinaires et sublimés

Avec humilité, Alexis Michalik déclare chercher à rendre ses pièces les moins ennuyeuses possible et tenter de « faire oublier pendant deux heures le monde du dehors ». Défi gagné !

 

LPA 10 Oct. 2017, n° 130e5, p.15

Référence : LPA 10 Oct. 2017, n° 130e5, p.15

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