Paris (75)

Jardins d’Asie

Publié le 14/09/2021

Brique à décor.

MNAAG

« Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut », écrivait Cicéron.

Le jardin est une idéalisation de la nature jouxtant la demeure, c’est un lieu d’évasion. Des jardins de l’Inde moghole à ceux du Japon et de la Chine, ces pays ont apporté leurs créations et spécificités d’agencement. Mais une particularité les unit : créer une harmonie originale pour la détente, la promenade ou la méditation. Jardins princiers ou impériaux, jardins des temples bouddhiques, jardins des lettrés confucéens, jardins de thé, jardins rêvés par les poètes, de Lahore à Kyoto, ils sont des lieux intemporels, des œuvres à part entière.

L’exposition du musée Guimet souligne les impératifs climatiques, les singularités culturelles et les évolutions propres à chaque peuple au cours des siècles. Le jardin en Asie est un discours entre le végétal et le minéral, associant l’eau et l’architecture, à travers pavillons, fontaines, rochers, montagnes, arbres et plantes. Le jardin montre de vastes perspectives ou des cheminements dissimulés. Il abrite une vie en mutation où se construisent des expériences sensorielles, artistiques ou spirituelles. Le jardin reflète aussi le statut social du propriétaire.

L’objectif du jardin en Asie est de permettre, pour un moment, de quitter le quotidien avec ses activités ordinaires et ses jeux de pouvoir politiques ou familiaux. Dans un jardin nous trouvons, effectivement, d’autres inspirations, l’harmonie, le repos et la vitalité. Qu’il se trouve en pays musulman, taoïste ou bouddhique, le but est le même.

Le jardin en Asie est célébré sur les miniatures mogholes, les rouleaux peints de la Chine, miniaturé sur des plateaux au Japon ou évoqué sur des objets divers (plats, vases, textiles, céramiques). C’est à travers ces créations artistiques que le jardin a été exporté hors d’Asie, et son influence est présente, de nos jours, dans des espaces contemporains.

Toutefois, les jardins en Asie se distinguent de leurs homologues occidentaux par le choix des végétaux et de la manière de les associer entre eux, mais aussi par l’installation de petites architectures (pont, lanterne, temple) qui sont pérennes ou éphémères. Leurs arrangements ont très souvent des caractéristiques symboliques. Le jardin est un univers à la fois vivant et individualisé ; il convoque les sens et la mémoire. Diverses expériences nous sont proposées, évoluant suivant les saisons ou de la créativité des jardiniers qui l’entretiennent ou le modifient. Et ceux qui y viennent se projettent dans la rêverie du lieu.

À travers les végétaux et les minéraux qui composent les jardins en Asie, nous trouvons de nombreuses références religieuses et littéraires, mystiques et poétiques. Dans ces jardins, même s’ils sont clos, on ne s’y enferme pas, on n’y est pas enfermé. Chaque jardin s’ouvre sur un monde secret, qui est à découvrir. Il représente synthétiquement le monde. C’est aussi un lieu de vérités et de mirages. De vérités parce qu’une contemplation dans un jardin apporte des intuitions, des mirages parce que nos sens peuvent nous tromper, oscillant entre Narcisse et Asmodée.

Le jardin en Asie, comme lieu clos, peut être considéré comme une sorte de labyrinthe. Le cheminement y est incertain, quant au but, quant au sens de la promenade. Promenade intime où nous pouvons rencontrer la dimension intérieure de l’être. Dans le Tao-tö King, nous lisons : « Sans franchir sa porte/on connaît l’univers/Sans regarder par sa fenêtre/on aperçoit la voie du ciel ». Le jardin taoïste propose donc de connaître l’univers et d’apercevoir la voie du ciel dans un espace qui les concentre.