La fille « bien » mal gardée

Publié le 22/03/2024
La fille « bien » mal gardée
Benoîte Fanton/OnP

Pour célébrer le printemps, rendez-vous au « pays de l’éternel printemps » à l’Opéra Garnier qui présente actuellement La Fille mal gardée, ballet en deux actes de Frederick Ashton.

C’est une bouffée d’air pur que ce ballet et on ne peut que vous recommander de prendre rapidement des places, il en reste, pour découvrir ou redécouvrir ce ballet, ou encore initier les jeunes ou les moins jeunes à cet art qu’est la danse. Ce spectacle ravira en effet petits et grands, loin des drames et des représentations oniriques que peuvent parfois produire certains ballets.

Ici nous sommes dans une campagne verdoyante, luxuriante où le blé n’attend qu’à être coupé.

La scène d’ouverture commence par une variation haute en couleurs où un coq et quatre poules virevoltent dans la cour de la ferme. On apprécie l’amusante chorégraphie qui donne le ton du ballet, ici rien n’est sérieux, tout est amusement empreint de technicité… Les danseurs s’amusent et le public applaudit !

Cette histoire de « fille mal gardée » est une histoire qui a traversé les temps. Le ballet-pantomime fut créé par Jean Dauberval, le 1er juillet 1789 au Grand-Théâtre de Bordeaux sous le titre : Le ballet de la paille, ou Il n’est qu’un pas du mal au bien. Il est entré à l’Académie royale de Musique de Paris le 17 novembre 1828 dans une version de Jean-Pierre Aumer. Mais c’est en 1960 que Frederick Ashton le reprend à Covent Garden à Londres, dans une nouvelle version. Celle-ci rentre au répertoire de l’Opéra national de Paris le 22 juin 2007.

Sir Frederick Ashton est considéré comme le poète du ballet anglais, danseur, chorégraphe, il a monté plus 80 ballets majeurs, mais travaille également pour le cinéma, le music-hall ou les comédies musicales. Il a un vrai goût pour le divertissement, ce qui fera dire à certains, que « comme Shakespeare, Ashton peut passer dans une même œuvre du doux lyrisme à la comédie la plus débridée ou la plus acerbe ». Son travail influencera profondément de nombreux chorégraphes après lui et ses chorégraphies bien qu’apparemment légères et simples s’avèrent dans l’exercice bien plus difficiles… et ce n’est pas Léonore Baulac et Guillaume Diop qui diront le contraire.

Le couple est merveilleux dans ce ballet. Élégants mais dotés d’une force tranquille, ils virevoltent d’un pas de deux à un manège, jouent avec les tambours et surtout les rubans… quelle grâce et quelle beauté, ce duo fonctionne à merveille, la puissance dans les sauts et la force de Guillaume Diop accompagne le charme et l’effronterie de Léonore Baulac qui dans ce rôle joue les ingénues avec délectation.
Il faut dire que ce ballet est aussi un pantomime réjouissant où les visages autant que les jambes doivent s’exprimer… et l’on peut dire que Simon Valestro en mère Simone, au maquillage outrancier et à la coiffure improbable donne tout son talent dans une danse des sabots improbable…

Enfin, Antoine Kirscher, en Alain, prétendant timide et bouffon, nous fait rire de ses pirouettes maladroites et joue avec son parapluie en toutes circonstances…

Le corps de ballet est à l’unisson dans une explosion de joie et de couleurs, autant de danseurs sur scène qui peuvent exprimer tout leur art dans une joie communicative, cela fait un bien fou !

Quant à la direction musicale, c’est une merveille. Dirigé d’une main de maître par Philipp Ellis, l’orchestre de l’Opéra national de Paris joue à l’unisson avec les sons aussi variés que ceux d’une basse-cour, mais également avec un patchwork musical, car les partitions musicales ont traversé le temps en mélangeant des airs populaires. Cette partition de Louis-Joseph-Ferdinand Herold, arrangée pour ce ballet par John Lanchbery mêle les musiques provenant du ballet initial créé par Dauberval puis par Hérold, avec quelques pages neuves de Lanchbery lui-même, le tout accompagné de citations à des opéras italiens. Cette nouvelle partition rend ainsi un vibrant hommage à la tradition multiséculaire de composition pour le ballet dans lequel la partition de l’orchestre comme le geste du danseur passent de mains en mains, symbolisé dans cette chorégraphie par une scène où tout le corps de ballet se passe la flûte afin qu’elle échappe à Alain…

Après un début de saison en demi-teinte, cette soirée à l’Opéra réveille le public et peut-être l’institution grâce à une œuvre plus légère. Ce ballet, qui demeure le premier en date des ballets préromantiques, annonce dans l’histoire de la danse l’arrivée d’œuvres plus mystérieuses peuplées de Willis et de Sylphides, dont Giselle sera l’apothéose. Cette Fille mal gardée est donc bien la « mère » d’une certaine Giselle, et cela tombe bien, elle sera dans quelques semaines à l’affiche de l’Opéra national de Paris, de quoi se demander si finalement, dans cette programmation, il n’y a pas une filiation qui se tisse.

Infos pratiques

Opéra national de Paris

Palais Garnier

Place de l’Opéra

75009 Paris

La fille mal gardée

Jusqu’au 1er avril 2024

https://www.operadeparis.fr/saison-23-24/ballet/la-fille-mal-gardee

 

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