La grâce de la jeune vietnamienne
D’Évariste Jonchère, ce Torse de femme en pierre recomposée a été adjugé, avec les frais, 154 700 €
Lynda Trouvé
Selon Jean-Pierre Delarge, l’œuvre d’Évariste Jonchère (1892-1956) indique qu’il est sculpteur dans l’âme , « Sa sculpture, réaliste, lissée, capte les attitudes familières des classes populaires, coloniales, marquée de l’Art déco », explique-t-il.
L’une de ces sculptures, « Jeune femme vietnamienne » ou « Torse de femme annamite » a été adjugée 119 000 €, soit 154 700 € avec les frais, à Drouot, le 22 septembre 2023 par la maison Lynda Trouvé. Cette sculpture originale, en pierre reconstituée, fut réalisée, selon les souvenirs de la femme de l’artiste, lors du second séjour du sculpteur en Indochine, en 1944. Cette période fut pour lui exaltante, fructueuse et intense. Pour la petite histoire, la jeune vietnamienne qui posa était l’amie du premier « boy » des Jonchère. Pour la convaincre de poser, le sculpteur dut lui constituer une dot et lui verser un salaire. Ce qui était tout de même la moindre des choses ! Évariste Jonchère, qui avait été Premier Grand Prix de Rome de sculpture en 1925 et Prix d’Indochine en 1932, est considéré comme « le grand maître du « retour à l’ordre » du mouvement classique de cette période. « Il réalisa avec ce torse une libre adaptation du modèle antique, explique l’expert de la vente. L’attitude qu’il choisit, le modelé qui est le sien, dans la tradition de Rodin, et le soin accordé à la ciselure de la pierre révèlent toute la sensualité du modèle, célébré comme un idéal féminin. » Nommé en 1938 directeur de l’École des beaux-arts d’Indochine, il s’efforça de développer les arts populaires d’Indochine, notamment à Hanoï, l’art de la laque. Le catalogue proposait plusieurs pièces en laque dont cinq panneaux en bois laqué polychrome et or signé en bas à droite intitulés : Reflets ou Rive du fleuve Rouge, daté 54, par Ran PhucDyen (1923-1993), issus de l’École des beaux-arts de l’Indochine, promotion 1945-1946, puis École des beaux-arts de Paris (1955-1959). Ces panneaux ont été vendus 60 000 €.
Tout au long de ses séjours en Indochine, Évariste Jonchère ouvrit des écoles régionales d’art appliqué au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge. Il mit également en place une coopérative afin d’y développer les arts populaires. Selon les historiens, son action au sein de l’École des beaux-arts « créa une symbiose entre l’art occidental et ses techniques et celui de l’Extrême-Orient. »
La terre cuite originale de ce torse fut présentée au Salon d’Hanoï. En 1947, la version en pierre reconstituée fut exposée à la société des Artistes français. C’est à partir de lui que seront réalisés les bronzes posthumes à la Fonderie Godard. Une épreuve sortant de cet atelier, portant son cachet, justifiée 1/4, avait été vendue 10 000 €, à Drouot, le 25 mai 2012 par la maison Pescheteau-Badin.
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Lynda Trouvé, 9 Cité de Trévise, 75009 Paris
Référence : AJU010r7