Lamennais aurait copié Lallemant

Publié le 17/08/2022

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Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) est qualifié, dans les dictionnaires, de bibliographe français. En 1846, il fut nommé bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. Une charge qui était justifiée. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, ouvrage paru en 1861. Ce livre se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (« la comtesse de Ranc… » [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des Lettres. Nous reprenons cet été la publication de la Lettre XI consacrée au « Cabinet de M. Turgot ». BGF

« Enfin les traducteurs, même ceux d’un talent hors de ligne, n’occupant, à ce titre, par la nature des choses, que le second rang, je n’ai plus lieu de redouter l’apparence d’un classement quelconque. En conséquence, qu’ils soient morts ou qu’ils soient vivants, je n’aurai aucun motif pour taire ici leurs noms. Lorsque j’ai compris parmi les originaux les différentes versions de la Bible, je ne sais pas pourquoi je n’y ai point ajouté L’imitation de Jésus-Christ, ce livre qui n’est pas un livre dans l’acception commune du mot, qui est un esprit, une âme, une pensée divine, qui peut bien parler plusieurs idiomes, mais qui n’appartient à aucun en particulier, qui appartient également à tous, et repousse ainsi le mot vulgaire de traduction. Du reste, tout pénétré que je sois de cette manière de sentir, évitons des formes trop ascétiques, et employons tout simplement la langue de notre métier.

Des soixante traductions si savamment déduites par M. Barbier, j’ai celle de Lemaistre de Sacy, très justement estimée, surtout des vieux partisans de Port-Royal ; j’ai celle des Cusson, si longtemps et si singulièrement attribuée au père Gonnelieu au moyen d’une équivoque de langage, parce que les pratiques et les prières qui sont, en effet, de lui avaient été annoncées avec leurs premières éditions. J’ai la traduction du père Lallemant, et je ne sais pas si c’est par le sentiment de certaine confraternité (il avait quatre-vingts ans quand il la publia), mais c’est une de celles que j’aime le mieux.

J’ai celle de l’abbé Pelletier, devenue rare par le triste motif qu’elle ne put avoir qu’une seule édition. Je trouve même un témoignage direct de la faiblesse de cette traduction jusque dans la beauté de mon exemplaire qui, bien que très vieux, est parfaitement conservé : Sacrés ils sont… J’ai la belle traduction de M. l’abbé Dassance, qui sera moins ménagée des lecteurs. J’ai – comment n’aurait-on pas ? – celle de l’abbé de Lamennais, fort belle à plusieurs égards, mais qu’on dit avoir été parfois littéralement copiée de celle du père Lallemant, ce que je n’ai pas pris le soin de vérifier, ce qui d’ailleurs, d’après les principes exposés plus haut n’aurait qu’une médiocre importance à mes yeux ». (À suivre)

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