L’armure de Jeanne d’Arc n’était pas la sienne

Publié le 11/07/2022

Statue équestre de Jeanne d’Arc (place des Pyramides) par Emmanuel Frémiet

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« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur : « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

Dans son chapitre consacré aux « Armes et armures », Paul Eudel n’était pas convaincu par la lame glorieuse, autrement dit l’épée de Jeanne d’Arc, brandie par l’amazone Litini dans une pantomime célèbre à son époque, mais oubliée depuis. Il poursuit son propos en examinant le sort de l’armure de Jeanne :

« Sous Louis-Philippe, on put supposer que l’armure de la Pucelle était revenue dans sa bonne ville de Paris, car le Musée d’Artillerie la mentionnait dans son catalogue officiel. Je n’invente rien et je précise. Place Saint-Thomas d’Aquin, à l’ancien couvent des Dominicains qui, jusqu’en 1871, abrita les collections d’armes jadis enfermées à la Bastille, on pouvait voir, sous le numéro 14, l’armure que la jeune guerrière avait déposée à Saint-Denis et que les Anglais, dans leur fuite précipitée, avaient abandonnée à Paris. Elle figure encore aujourd’hui sous le numéro G. 178. C’est une superbe pièce de fabrication milanaise, complètement fermée pour servir au combat en champ clos. La saignée des bras est couverte de lames articulées. Les cuissards, articulés par devant jusqu’à mi-cuisse, sont par derrière faits de lames sur toute leur longueur. Le siège mobile recouvre le garde-reins et les cuissards. L’armet est percé d’un grand nombre de petits trous pour la vue. C’est une armure d’homme. Une large brayette, qui faisait tant rire Madame d’Abrantès, ne permet pas d’en douter. Son style la classe, comme époque de fabrication, dans la première moitié du XVIe siècle. Voilà l’armure de Jeanne d’Arc, suppliciée en 1431 ! Bien entendu, on a, depuis longtemps, fait disparaître l’étiquette. Mais jadis, pour les vieux gardiens, conservateurs jaloux de la tradition, elle resta toujours la relique de la libératrice de la France. Une consigne sévère leur défend heureusement de continuer à perpétuer la légende dans le public. Ah ! l’on n’était pas difficile à l’époque romantique sur les attributions d’armures.

La Panoplie de Carré et le catalogue de 1831 rivalisent de conjectures plus invraisemblables les unes que les autres. Brochant par là-dessus, Caroline Naudet grava en 1837, dans Recueil d’Objets d’Art & de Curiosités Dessinés d’après nature par T. de Jolimont & J. Gagniet, gravé a l’eau forte et publié par Caroline Naudet 1837, les plus belles pièces du musée en leur conservant leurs illustres provenances ». (À suivre)

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