Quelle était l’armure de Jeanne d’Arc ?

Publié le 03/09/2021

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur : « altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication, en feuilleton de l’été consacré au faux en tout genre.

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« Quelle était l’armure de Jeanne d’Arc ? Les peintres n’hésitent pas, les sculpteurs encore moins. Tous la représentent armée de pied en cap et montant hardiment un destrier caparaçonné d’acier. Qu’en savent-ils ? On lit sous la date 1499, dans l’Inventaire du château d’Amboise « et des anciennes armures, que de tout temps ont été gardées par les Rois défunts, jusqu’à présent » : « Harnoys de la Pucelle, garnis de garde braz, d’une paire de mytons et d’un abillement de teste où il y a un gorgerez de maille, le bord doré, le dedans garny de satin cramoisy, doublé de mesme ». Peut-on se fier à cette description qui date de 68 ans après le supplice de Jeanne, ou baser des certitudes sur des estampes d’un siècle après, gravées par des artistes qui ne l’avaient jamais vue ?

Quant aux historiens, ils restent d’une imprécision certaine. Quicherat, Vallet de Viriville, Ch. Lemire, Desnoyers, ne sont pas d’accord. Ils citent des documents qui se contredisent les uns et les autres.

Poser la question ce n’est donc pas la résoudre. Sans doute parce qu’elle ne peut pas être résolue et qu’elle s’enveloppe de troublantes hypothèses, après un examen approfondi. Il est certain que la bergère de Domrémy quitta la robe à Vaucouleurs, fit couper ses cheveux en « sébile », revêtit des vêtements d’homme pour coucher « à la paillade » afin de défendre plus aisément sa chasteté, si elle était faite prisonnière. Cela est acquis et nous n’allons pas contre.

Les vieilles chroniques racontent que Jeanne d’Arc portait un gippon (pourpoint) qui lui tombait jusqu’aux genoux et se rattachait à des chausses en housseaux de cuir par de fortes aiguillettes. C’était presque une de ces combinaisons tout d’une pièce, adoptées récemment par les Américaines. Quand la Vierge inspirée rejoignit le roi à Chinon, elle n’avait pas dix-neuf ans. Ses formes féminines n’atteignaient pas encore tout leur épanouissement. Pouvait-on songer à la revêtir d’un équipement de luxe ? Il aurait fallu plus d’une année pour le lui préparer. Puis, il eût été si lourd qu’en tombant de cheval, elle n’aurait pas pu se relever. Il est plus probable que, pour protéger sa poitrine contre les traits des arbalétriers, le roi lui fit donner quelques pièces de l’armure d’un jeune cadet. Aussi la somme de cent livres tournois versée, d’après les comptes, à un maître armurier, sur laquelle s’appuient certains historiens, pourrait bien ne s’appliquer qu’à des ajustements faits à la hâte à la taille de la Pucelle ». (À suivre)

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